Mieux comprendre la naissance de l’univers avec deux instruments français: le télescope Parisien Qubic et le spectrométre Grenoblois Concerto

Mieux comprendre l’ère de la « réionisation », qui correspond à la naissance des premières générations d’étoiles avec Concerto (Concerto, spectro imager Grenoblois sur le télescope Apex au Chili) – Le Télescope parisien Qubic le premier à détecter une preuve de « l’inflation », l’expansion fulgurante de l’Univers une fraction de seconde après sa création ?

Le télescope Qubic, un œil vers le Big Bang

Par  David Larousserie

Publié aujourd’hui à 14h02, mis à jour à 20h37

FACTUEL

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/04/27/le-telescope-qubic-un-il-vers-le-big-bang_6078234_1650684.html

La technologie inédite de cet outil, qui sera installé en mai dans la cordillère des Andes, pourrait lui permettre d’être le premier à détecter une preuve de « l’inflation », l’expansion fulgurante de l’Univers une fraction de seconde après sa création.

Au laboratoire AstroParticule et Cosmologie, dans les bâtiments de l’Université de Paris, au milieu du vaste hall des ateliers, l’ambiance est au déménagement. Cartons qui encombrent la pièce. Caisses en bois. Armoires vidées. Au milieu de ce fatras, un énorme cylindre d’aluminium gris de 800 kilogrammes est accroché à une non moins impressionnante mâchoire en acier rouge. L’imposant instrument attend d’être précautionneusement emballé. Direction Alto Chorrillos, en pleine cordillère des Andes argentines, à 4 900 mètres d’altitude, à 10 kilomètres du volcan Tuzgle.

Là, dans quelques mois, Qubic, le nom de ce nouveau télescope, pointera son regard vers les tréfonds de l’Univers. Il espère voir plus loin que tout ce qui est connu aujourd’hui. Au-delà des premières étoiles, il y a 13,4 milliards d’années, au-delà même des premières lumières émises il y a 13,8 milliards d’années. La cible est à des milliardièmes de milliardième de milliardième de millionième de seconde après ce top départ qu’est le Big Bang. C’est le moment où un phénomène, pour l’instant seulement théorique, a eu lieu : l’inflation. « C’est ça qui aurait aplati l’Univers »,résume sobrement Jean-Christophe Hamilton, directeur de recherche au CNRS, porte-parole de l’expérience, couvert d’un joli masque représentant la Voie lactée. En une fraction de fraction de seconde, l’Univers est passé d’une taille atomique à celle que nous lui connaissons. Une sacrée expansion qui fait que l’espace apparaît plat.

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Mais personne n’a encore trouvé de preuve de cette inflation. Certains s’y sont même déjà brûlé les ailes. En 2014, les astronomes américains d’un télescope installé en Antarctique, Bicep2, ont annoncé prématurément avoir vu cette incroyable explosion, avant que des analyses plus fines ne révèlent que la lanterne n’était qu’une vulgaire vessie. Le signal ne venait pas du fin fond de l’espace mais seulement des poussières interstellaires de la Voie lactée, qui avaient en quelque sorte réémis de la lumière sous une forme ressemblant à celle causée par l’inflation. Ces astrophysiciens se voyaient déjà à Stockholm pour recevoir un prix Nobel. Ils sont revenus à leurs terres plus froides de l’Antarctique pour une troisième version de leur instrument.

Détecter les premiers photons

« Nous ne sommes pas en avance, mais pas hors course non plus »,constate, la tête froide, Jean-Christophe Hamilton, présent depuis le début, il y a quinze ans, sur Qubic. Bicep3, le South Pole Telescope ou bien le satellite japonais LiteBIRD, prévu pour décoller en 2029, verront peut-être avant lui cette fameuse inflation. A moins que ce ne soient les nombreux programmes internationaux basés au Chili : le télescope cosmologique d’Atacama (ACT) construit en 2007, les trois télescopes de Polarbear actuellement en cours d’installation, voire les projets futurs du Simons Observatory ou du CMB-S4.

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Tous ces efforts montrent la compétition autour de cette détection-clé, d’autant plus délicate qu’au moment de l’inflation, aucune lumière, ni onde radio, ni aucun photon d’aucune sorte n’ont été émis. « Seules des ondes gravitationnelles déforment l’espace-temps et font respirer l’Univers primordial », décrit joliment Jean-Christophe Hamilton. Des expériences essaient ou essaieront de repérer ces ondes sur Terre ou par satellite. Mais ces ondes laissent aussi des traces dans le seul rayonnement visible, celui dit fossile ou fond diffus cosmologique. Il correspond à des photons émis 380 000 ans après le Big Bang. Et comme tout rayonnement, il possède deux caractéristiques principales : une intensité et une polarisation, c’est-à-dire l’orientation dans l’espace de son champ électrique. Une lumière polarisée est ainsi bloquée par des filtres qui laissent passer à nouveau la lumière si on les tourne. Or l’inflation polarise d’une certaine manière les premiers photons émis dans ce fond diffus. Et c’est cet indice que guettent les chasseurs d’Amérique du Sud ou de l’Antarctique. Ils devront en outre convaincre que cette polarisation n’est pas celle des poussières interstellaires, ni même celle causée par la présence des galaxies massives, sur le chemin entre la source et la Terre, qui tordent aussi la lumière.

A ce jeu, la collaboration franco-italo-argentine de Qubic estime avoir des atouts par rapport à ses concurrentes. Elle sera la seule à tester une technologie originale et inédite, l’interférométrie bolométrique. Le premier terme, l’interférométrie, est bien connu des astronomes ou des étudiants en physique. Au lieu de récupérer la lumière pour en faire une image, on combine deux rayons issus de la même source mais ayant parcouru des chemins différents. La corrélation entre les deux informe des perturbations entre la cible et les détecteurs. C’est comme cela que des télescopes « éliminent » les effets atmosphériques qui rendent floues les images.

« Une idée farfelue »

La seconde technique, la bolométrie, est réservée aux chasseurs de lumière fossile. Même si tout le monde peut y être confronté : une version simplifiée distribue l’eau automatiquement dans un lavabo en détectant la chaleur de la main. Un bolomètre est en effet un capteur sensible à la chaleur engendrée par un rayonnement tapant le détecteur. Les premiers bolomètres ont été accrochés à des ballons en 2000 pour observer le fond diffus cosmologique, puis le satellite Planck (2009-2013) a été le premier à en embarquer dans l’espace pour révéler des détails jamais vus du rayonnement fossile. Mais il n’était pas assez précis pour caractériser la polarisation atypique.

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« Nous voulons cumuler les bénéfices de ces deux techniques, ambitionnent donc Jean-Christophe Hamilton et ses collègues. En général, la polarisation est mal détectée par les imageurs, même si les expériences concurrentes ont développé des astuces pour y arriver le mieux possible. Nous faisons cependant le pari qu’elles risquent de tomber sur des difficultés indépassables, que nous, nous pourrions franchir. »

De premiers paris ont déjà été gagnés. « Notre idée farfelue marche ! »,insiste Jean-Christophe Hamilton en désignant, très haut sur le mur du hall, un vulgaire pied de télévision. Fin 2019, ce support tenait une source radio imitant le rayonnement fossile pour tester si les yeux de Qubic dessillent comme prévu. « Ce jour-là, des collégiens de 3e en stage étaient présents. Ils se souviennent de notre joie. C’était le couronnement de notre idée », insiste Jean-Christophe Hamilton. Ce test validait non seulement que tout marchait, mais surtout que l’interférométrie améliore les mesures à partir d’une source étalon. En Argentine, une tour de 50 mètres de haut avec le même genre d’émetteur radio permettra ainsi de calibrer le détecteur, et donc d’en éliminer les défauts.

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Puis, en janvier dernier, un autre succès a été enregistré, validant un avantage non prévu de leur technique. « En 2016, lorsqu’un de mes postdocs m’a fait part de son idée, je suis tombé de ma chaise », se souvient Jean-Christophe Hamilton, qui a repris une bouffée d’émotions quand, plus tard, une polytechnicienne en stage a confirmé la validité de l’hypothèse.

Quelle était donc cette trouvaille ? Qubic n’est pas seulement capable de « voir » une ou deux fréquences du rayonnement, mais presque une dizaine, grâce aux propriétés de l’interférométrie ! En terme plus technique, c’est en fait un spectromètre, capable de « disséquer » à la manière d’un prisme les différentes couleurs d’un paquet de photons. L’avantage est intéressant car le « spectre » permet d’éviter de prendre des vessies pour des lanternes. Il aide à distinguer une polarisation émise par des poussières, ou par des déformations dues à des grosses masses, de celle causée par l’inflation, le Graal…

Collaboration douloureuse

Perché sur son escabeau au-dessus de l’œil de Qubic, le chercheur est donc enthousiaste pour décrire les trésors que ses nombreux collègues, parmi lesquels Michel Piat, Laurent Grandsire, Steve Torchinsky, ou Stefanos Marnieros, ont imaginés. Plusieurs parois permettent d’isoler des compartiments et d’atteindre l’extrême fraîcheur de 300 millièmes de degré au-dessus du zéro absolu (– 273 degrés Celsius), condition pour que les bolomètres fonctionnent. Des fils électriques spéciaux tissés en zigzag évitent tout effet inductif et chauffage parasite. Les pièces mobiles tournent par aimantation pour éliminer les frictions, sources de chaleur. Un réseau de 400 cornets métalliques de 1,2 millimètre de large pour 62 de long captera les précieux photons fossiles…

En descendant de son échelle, Jean-Christophe Hamilton devient philosophe. « Cela reste une histoire douloureuse. Plusieurs fois on m’a suggéré d’arrêter. La collaboration a même failli exploser en 2015 »,rappelle le chercheur, contraint de « bricoler, quémander en permanence côté financement pour un budget de 4 millions d’euros ». Au départ, l’expérience devait s’installer en Antarctique, au ciel plus sec qu’un désert, près de la base franco-italienne Concordia. Mais la difficulté d’assurer un fort apport en électricité nécessaire au refroidissement de l’instrument a fait hésiter la partie française. « Heureusement, les Italiens ont maintenu leur financement malgré le déménagement vers l’Argentine », apprécie l’astrophysicien, qui salue l’engagement de ses collègues des universités de Rome et de Milan.

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A des milliers de kilomètres de là, un petit bâtiment tout neuf s’apprête donc à accueillir une version pour l’instant réduite de Qubic, en attendant un système complet dans quatre ans. Le déménagement désormais prévu pour la mi-mai a pris deux semaines de retard à cause de la pandémie. Mais que représentent quinze jours, après quinze ans de développement, pour remonter des milliards d’années en arrière ?

David Larousserie

*A l’origine, un grand rebond plutôt qu’un grand boum ?

CHRONIQUE

Louise Mussat

A la théorie du big bang, certains opposent celle du grand rebond, moment où l’Univers serait entré en expansion après une phase de contraction. Des super satellites pourraient valider cette hypothèse à l’horizon 2025. « Le Monde » y consacre un volume dans sa série de livres « Voyage dans le cosmos » pour percer les secrets de l’Univers.

Publié le 30 janvier 2017 à 15h28 – Mis à jour le 30 janvier 2017 à 15h28    Temps de Lecture 2 min. 

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2017/01/30/a-l-origine-un-grand-rebond-plutot-qu-un-grand-boum_5071704_1650684.html

Remontez le plus loin possible à l’origine du cosmos. Avant la création de la matière, avant même la phase d’inflation catastrophique que notre Univers a probablement subi quand il n’était âgé que d’un milliardième de milliardième de milliardième de milliardième de seconde. Vous tomberez sur ce que les physiciens appellent une singularité, c’est-à-dire un point de taille infinitésimale contenant toute l’énergie de l’Univers en devenir. Cette étrange singularité, c’est la première « chose » qui a existé dans notre Univers. Mais qu’y avait-il avant ? Dans le cadre de la théorie de la relativité ­générale d’Einstein, la question est sans objet : le temps et l’espace ont été créés au moment du Big Bang. Il n’y avait donc pas d’« avant ».

Mais oublions un instant la relativité générale et utilisons seulement la physique quantique. Cet ensemble de théories qui décrit à merveille le monde de l’infiniment petit devrait pouvoir appréhender cette chose infinitésimale, montrer comment elle surgit, et donc ce qu’il y avait avant. Or elle échoue : devant elle, les équations n’ont plus aucun sens. « En physique quantique, la singularité est ce que l’on appelle une pathologie mathématique, explique Aurélien Barrau, astrophysicien au laboratoire de physique subatomique et de cosmologie de l’université de Grenoble. Ce qui nous fait dire non pas qu’il n’y a rien à chercher avant le Big Bang, mais qu’il y a peut-être quelque chose qui ne marche pas dans nos calculs. »

Modèles alternatifs

Les physiciens ont donc cherché des modèles alternatifs. En élaborant des théories ­dites de gravité quantique, qui permettent de décrire la force de gravité dans le monde des quantas – chose impossible avec la relativité –, ils se sont aperçus que la singularité pouvait disparaître. Et avec elle le Big Bang. « Selon la théorie des cordes par exemple, l’Univers a toujours existé, mais dans un état latent, inactif. C’est une transition de phase qui l’a fait gonfler. Dans une autre théorie, la gravité quantique à boucles, le Big Bang est remplacé par un Big Bounce, un grand ­rebond, dit Aurélien Barrau. Ce qui signifie qu’après une phase de contraction, l’Univers a rebondi pour entrer en expansion. Ce que nous prenons pour l’origine de l’Univers serait donc le moment d’inflexion entre la phase de contraction et la phase d’expansion, une sorte de goulet d’étranglement. »

Même s’il ne fait pas l’unanimité, le Grand Rebond marche plutôt bien… sur le papier. Reste à le valider par l’observation. Mais ­laquelle ? « Il se pourrait que le rebond ait laissé une empreinte sur le fond diffus cosmologique, c’est-à-dire la première lumière émise par l’Univers et dont nous voyons la trace sous la forme d’un rayonnement micro-ondes, ­explique Aurélien Barrau. Cette signature particulière pourrait être détectable sous la forme d’une certaine polarisation de la lumière. »

Trop subtile pour être captée par le satellite Planck qui scrute actuellement le fond diffus cosmologique, elle pourrait être à la portée d’un « super Planck », beaucoup plus sensible que son prédécesseur. Cela pourrait être le cas de CORE (Cosmic Origins ­Explorer), une mission qu’étudie l’Agence spatiale européenne et dont la sensibilité ­atteindrait 30 fois celle de Planck. Autre candidat : Pixie (Primordial Inflation Explorer), une mission du même type sur laquelle planche actuellement la NASA. Dans les rangs également, le japonais LiteBird, déjà présélectionné par l’agence spatiale nippone. Lancement de ces explorateurs des origines : pas avant 2025.

Louise Mussat

**L’Echo du Big Bang tombe en poussières

L’analyse commune de Bicep 2 et Planck infirme l’observation d’ondes gravitationnelles primordiales, biaisées par la présence de grains de matière dans la Voie lactée. 

Par David LarousseriePublié le 30 janvier 2015 à 16h54 – Mis à jour le 19 août 2019 à 13h36  

Temps de Lecture 4 min. 

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/02/02/l-echo-du-big-bang-tombe-en-poussieres_4568304_1650684.html

Ainsi va la science. En mars, un prix Nobel leur était promis. Dix mois plus tard, les mêmes chercheurs voient s’éloigner les fastes des palais suédois. Un article à paraître dans la revue Physical Review Letters, et rendu public sur le site Arxiv.org, confirme que l’équipe américaine du télescope Bicep 2, installé au pôle Sud, est allée un peu vite en besogne en annonçant une découverte majeure en cosmologie.

Le 17 mars 2014, à l’université de Harvard, John Kovac et Clement Pryke révèlent que leur instrument a détecté un écho du Big Bang jamais repéré jusqu’à présent. Cet écho, vieux de 13,6 milliards d’années, est une vibration de l’espace-temps qui a modifié d’une façon très particulière les propriétés de la lumière émise à cette époque. Ces lueurs subtiles auraient pour la première fois été observées par Bicep 2. Un sacré coup de tonnerre en cosmologie car l’origine de ces ondes est un phénomène à la fois quantique – propre à l’infiniment petit – et gravitationnel – propre à l’infiniment grand. Et il est aussi prévu dans les théories dites d’inflation qui décrivent les tout débuts de l’Univers, soumis à une formidable dilatation de sa taille. Un vrai big bang, donc, dans les progrès de la connaissance.

Sauf que, dans le ciel, d’autres sources de lumière émettent un rayonnement semblable. Par exemple, ces milliards de microscopiques poussières de silice ou de carbone d’un micromètre environ qui baignent l’ensemble de notre galaxie. Elles compteraient pour 1 % seulement de la masse de la matière interstellaire, mais elles brillent suffisamment pour brouiller la vue des observateurs. Les Américains, installés au pôle, pensaient s’en affranchir en visant le « bas » de la Voie lactée, réputé moins dense en poussières.

Contamination des résultats

Que nenni, leur a répondu une autre collaboration, celle de Planck, un télescope spatial de l’Agence spatiale européenne auquel participe également la NASA. Disposant en quelque sorte de plus de fenêtres que Bicep 2 pour observer les photons du ciel, ses chercheurs peuvent mieux distinguer ce qui vient de la galaxie de ce qui vient du Big Bang. « Certes, l’effet des poussières est corrélé à leur quantité. Mais la disparité est forte ; des zones de même densité rayonnent deux à trois fois plus que d’autres », indique Jean-Loup Puget, de l’Institut d’astrophysique spatiale (IAS), à l’université Paris-Sud. « En septembre, notre article montrait que, statistiquement, il y avait de forte chance que l’expérience Bicep 2 soit plus contaminée par les poussières que nos collègues américains ne le pensaient, explique François Boulanger, de l’IAS. Mais il fallait confronter nos deux résultats indépendants pour affirmer que c’était bien le cas. »

Alors, les deux groupes ont signé un accord pour collaborer. A raison d’une réunion par semaine, par téléphone, une vingtaine de chercheurs, moitié Planck, moitié Bicep 2, se sont retrouvés pour comparer les données. Le verdict, à paraître dans la revue Physical Review Letters, est clair. « Les résultats de Bicep 2, y compris incluant de nouvelles données, s’expliquent largement par l’effet des poussières », résume François Bouchet (CNRS), coresponsable scientifique de Planck à l’Institut d’astrophysique de Paris. Exit donc les ondes gravitationnelles primordiales preuves de l’inflation. Plus précisément, le résultat montre que, si elles existent, leurs effets sont inférieurs à une certaine valeur, qui se trouve être environ deux fois plus faible que la première mesure de Bicep 2 !

Interprétation erronée

« Ils s’étaient beaucoup avancés », lâche François Bouchet. En fait, la communauté scientifique n’avait pas attendu ces ultimes analyses pour faire part de son scepticisme (« Science & médecine » du 2 juillet). « Nous savions assez vite que le signal qu’ils avaient présenté pouvait être d’origine galactique et non pas cosmologique », rappelle François Boulanger. A partir du mois de mai, plusieurs analyses avaient d’ailleurs émis ces doutes. « Le signal annoncé en mars existe bien, mais c’est son interprétation qui n’est pas bonne. Nous ne disposions pas de données sur les poussières à l’époque et seulement de modèles, rappelle Clement Pryke, professeur à l’université du Minnesota. A titre personnel, nous sommes un peu déçus bien sûr, mais sur le plan scientifique la connaissance a progressé. »

La course au Nobel est toujours lancée car ces fameuses ondes primordiales ne sont pas formellement exclues. Les équipes de Bicep 2, qui travaillent aussi avec le Keck Array, une série de cinq télescopes semblables à Bicep 2, développent Bicep 3 qui devraient donner des résultats cette année. Le ballon Spider de la NASA a, lui, été lancé le 1er janvier 2015 et est resté en vol pendant 16,5 jours. Un second vol est prévu. Planck lui-même publiera ses propres analyses cette année.

Traquer le petit caillou dans la chaussure des chercheurs était en fait prévu dans le programme de Planck, qui s’apprête à révéler la première carte complète de ces microscopiques « gêneurs ». Ces poussières sont en effet précieuses. Elles sont comme des copeaux de bois flottants sur une rivière : elles indiquent le sens et la force des courants. Dans le ciel, ce « courant » est constitué des lignes de champ magnétique baignant tout l’espace et que ces poussières suivent. Ces volutes turbulentes pourraient guider la matière jusqu’à s’agréger à certains endroits, puis lentement se transformer en étoiles, voire en planètes.

A défaut d’avoir pour l’instant attrapé l’écho violent du Big Bang, ces expériences lèvent donc un voile sur les balbutiements des galaxies.

David Larousserie

***« Concerto », innovation majeure pour sonder les premières lumières de l’Univers

Une équipe grenobloise vient d’installer un spectromètre sur le télescope APEX au Chili. L’objectif ? Mieux comprendre l’ère de la « réionisation », qui correspond à la naissance des premières générations d’étoiles. 

Par Anaïs Mariotti Publié hier à 19h15, mis à jour hier à 20h16  

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/04/26/concerto-innovation-majeure-pour-sonder-les-premieres-lumieres-de-l-univers_6078148_1650684.html

Temps de Lecture 4 min. 

Radiotélescope Atacama Pathfinder EXperiment (APEX), situé à 5100 mètres d’altitude dans le désert d’Atacama, dans le nord du Chili, le 24 août 2006.
Radiotélescope Atacama Pathfinder EXperiment (APEX), situé à 5100 mètres d’altitude dans le désert d’Atacama, dans le nord du Chili, le 24 août 2006. MARTIN BERNETTI / AFP

« Beaucoup de chercheurs auraient voulu être à notre place. C’était un privilège de travailler sur ce projet dans un cadre si spectaculaire », se réjouit Alessandro Monfardini, directeur de recherche à l’Institut Néel de Grenoble, aux côtés de Martino Calvo et Johannes Goupy, ingénieurs de recherche. Ces trois scientifiques ont effectué une installation d’envergure entre le 6 et le 15 avril sur le télescope APEX (pour Atacama Pathfinder Experiment), exploité notamment par l’Observatoire européen austral (ESO). Perché à 5 100 mètres d’altitude sur le plateau de Chajnantor dans le désert d’Atacama, au cœur de la cordillère des Andes dans le nord du Chili, ce site de référence pour les astronomes – qui abrite également le réseau de télescopes ALMA – est réputé pour être le plus haut du monde.

La pandémie de Covid-19 a ajouté des difficultés supplémentaires à cette expédition. « Au vu des contraintes sanitaires, c’est un exploit en termes de moyens humains et de logistique. Avec le port du masque en très haute altitude et un effectif réduit, c’était très compliqué », commente Alessandro Monfardini. Avec d’autres ingénieurs chiliens, ils ont monté un mastodonte d’une tonne à la base du télescope APEX : un spectromètre baptisé « Concerto », qui permet de sonder l’état de l’Univers lointain par le biais d’ondes millimétriques (à très haute fréquence).

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Le désert d’Atacama – connu pour être le plus aride de la planète – offre des conditions d’observation exceptionnelles. « L’étude d’ondes millimétriques nécessite un environnement très sec. L’absence d’humidité limite la présence de vapeur d’eau dans l’atmosphère terrestre, ce qui réduit les interférences avec la lumière millimétrique », explique Johannes Goupy.

Cartographie en 3D des premières galaxies

Concerto a été développé par l’Institut Néel, le Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie de Grenoble (LPSC) et le Laboratoire d’astrophysique de Marseille. Financé à hauteur de 90 % par le Conseil européen de la recherche (ERC), son coût s’élève à plus de 3,7 millions d’euros. Après de nombreuses années de recherche, ce spectro-imageur a été entièrement conçu et fabriqué dans la capitale des Alpes en trois ans. Il permet de dresser des cartographies en 3D des premières galaxies sur une échelle gigantesque (« intensity mapping »).

« Observer la formation de la toute première galaxie »,rêve inavoué de la communauté scientifique, selon Alessandro Monfardini (Institut Néel de Grenoble)

Dans le domaine de la spectroscopie millimétrique, « aucun appareil n’est capable de créer une cartographie aussi grande. Si nous repérons des galaxies à observer, d’autres appareils avec une plus petite échelle prendront le relais pour les étudier au plus près. En science, toutes les échelles sont importantes », souligne Alessandro Monfardini. Pour les chercheurs, c’est donc une première mondiale : « C’est un instrument complètement nouveau qui offre une très haute résolution de 4 000 pixels sur de très grandes fractions du ciel, ce qui n’avait jamais été fait avec APEX », assure Guilaine Lagache, astronome au Laboratoire d’astrophysique de Marseille et responsable scientifique du projet. Par rapport aux autres appareils de ce type, « on a ajouté la troisième dimension et le champ de vue est beaucoup plus grand »,précise-t-elle. Concerto est en effet doté de 4 300 détecteurs qui permettent de capter les rayonnements les plus minimes, afin d’étudier les portions les plus lointaines de l’Univers observable.

Les chercheurs pourront ainsi scruter des objets célestes qui se sont formés entre 600 millions et 1,2 milliard d’années après le Big Bang survenu il y a 13,8 milliards d’années. L’objectif est d’étudier la naissance des premières générations d’étoiles. Cette époque, appelée « réionisation cosmique », est encore méconnue. Elle marque la transition entre la fin de « l’âge sombre », une période très obscure de la vie de l’Univers, et l’apparition des premières lumières visibles.

Pilotage depuis la France

« Cela correspond aux tout premiers rayonnements de l’Univers. On ne connaît pas grand-chose à ce stade de l’expansion, explique Guilaine Lagache. La réionisation fait l’objet de nombreuses études théoriques mais nous n’avions pas encore les outils adéquats pour l’observer. Avec Concerto, on pourra mesurer l’émission globale des premières galaxies sur les filaments de matière noireOn cherche notamment à découvrir comment ces galaxies ont ionisé la matière intergalactique. ». Autrement dit, il s’agit de comprendre comment les premières lumières se sont propagées jusqu’à illuminer l’Univers devenu transparent. Pour ce faire, Concerto détecte notamment la présence de carbone pour mesurer le taux de formation des étoiles sur certaines périodes données. Le rêve inavoué de la communauté scientifique ? « Observer la formation de la toute première galaxie », sourit Alessandro Monfardini.

Lire aussi **** Les ancêtres invisibles des galaxies elliptiques enfin mis au jour

Ce projet n’en est encore qu’à ses débuts : des équipes vont se succéder au Chili pour effectuer les derniers réglages de Concerto. Quant aux premières observations, elles devraient débuter à la fin de l’été prochain. Généralement, les chercheurs pilotent ce type d’instrument depuis une salle de contrôle située sur la commune de San Pedro de Atacama à une cinquantaine de kilomètres du plateau de Chajnantor. Une manière d’être à proximité de l’appareil sans être contraint de travailler à 5 100 mètres d’altitude, dans une atmosphère raréfiée. Mais avec la crise du Covid-19, il est possible que Concerto soit exceptionnellement piloté depuis la France. « C’est un instrument entièrement contrôlable à distance, même depuis son salon. Nous verrons bien en fonction de l’évolution de la situation sanitaire », précise Guilaine Lagache. Les données seront ensuite analysées et interprétées par les différentes équipes de recherche.

Anaïs Mariotti

****Les ancêtres invisibles des galaxies elliptiques enfin mis au jour

En regardant au plus profond de l’Univers dans l’infrarouge, le réseau d’antennes Alma a repéré des fossiles célestes jusqu’ici cachés. 

Par Pierre BarthélémyPublié le 07 août 2019 à 19h00 – Mis à jour le 08 août 2019 à 09h05  

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/08/07/les-ancetres-invisibles-des-galaxies-elliptiques-enfin-mis-au-jour_5497484_1650684.html

Temps de Lecture 3 min. 

Antennes d’ALMA, dans les Andes chiliennes.
Antennes d’ALMA, dans les Andes chiliennes. ESO/C. MALIN.

Les paléontologues fouillent les sols pour y dénicher les restes de nos lointains prédécesseurs. Les astrophysiciens, parfois, en font autant, s’enfonçant dans les vieilles strates de l’espace afin de mettre au jour des fossiles célestes. En effet, la lumière des étoiles voyageant à une vitesse finie, regarder au plus profond de l’Univers équivaut à remonter le temps jusqu’à la jeunesse du cosmos et permet de voir les astres-dinosaures qui le peuplaient alors. C’est à l’un de ces exercices de paléontologie astronomique que s’est livrée une équipe internationale en découvrant les ancêtres des galaxies elliptiques, une trouvaille annoncée mercredi 7 août dans la revue Nature.

Comme l’explique David Elbaz, astrophysicien au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et coauteur de cette étude, « dans l’Univers proche existent deux grandes familles de galaxies : les galaxies spirales, comme notre Voie lactée, dans lesquelles se forment encore des étoiles, et les galaxies elliptiques, plus massives, qui ressemblent à un ballon de rugby et que l’on considère comme mortes car elles ne donnent plus naissance à de nouvelles étoiles depuis des milliards d’années ». 

De petites taches

En toute logique, en regardant loin dans l’Univers, les astronomes auraient dû tomber sur les précurseurs de ces énormes galaxies, à l’époque où, créant des étoiles à la chaîne, ils brillaient de mille feux. Mais les chercheurs ne voyaient rien. Y compris dans les photographies des profondeurs cosmiques prises par le télescope spatial Hubble.

De deux choses l’une : soit ces imposants ancêtres n’existaient pas et les galaxies elliptiques étaient nées par fusion de structures plus petites, soit ils existaient mais on ne parvenait pas à les détecter. La seconde hypothèse était la bonne. Ce sont les images enregistrées par un autre télescope spatial, Spitzer, lancé par la NASA en 2003, qui ont mis les chercheurs sur la piste de ces galaxies invisibles.

Contrairement à Hubble, dont les instruments observent essentiellement dans l’ultraviolet, la lumière visible et le proche infrarouge, Spitzer opère dans toute la gamme de l’infrarouge. Et là où son puissant collègue ne voyait rien, lui percevait de petites taches, comme des îlots de chaleur dans le vide cosmique. De quoi s’agissait-il ? La résolution limitée de Spitzer ne permettait pas de le découvrir.

La galaxie elliptique géante M86. CFHT.

Pour en avoir le cœur net, les auteurs de l’étude de Nature ont sondé trois petites régions de l’espace comportant des dizaines de ces mouchetures, à l’aide d’un instrument nommé Alma. Derrière ce sigle (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) se cache un réseau de 66 antennes installées à plus de 5 000 mètres d’altitude au Chili. Lorsque les signaux recueillis par ces paraboles sont rassemblés, Alma a les performances d’un radiotélescope géant et une résolution bien meilleure que celle de Spitzer.

Caméra infrarouge

Avec seulement deux minutes de temps de pose, le mystère des taches a été résolu. Trente-neuf d’entre elles étaient bien des ancêtres de galaxies elliptiques, vues à une époque où l’Univers n’était âgé que de 1 à 2 milliards d’années (contre 13,8 aujourd’hui). A ce moment-là de leur existence, ces structures produisaient énormément d’étoiles, « environ cinquante fois plus que la Voie lactée aujourd’hui », précise David Elbaz.

Pourquoi, malgré la quantité phénoménale de lumière produite dans la partie visible du spectre électromagnétique, Hubble n’a-t-il rien vu ? Parce que cette lumière était absorbée par la poussière interstellaire. « On sait que les étoiles naissent dans de la poussière mais on ne pensait pas qu’il pouvait y en avoir autant », reconnaît l’astrophysicien. De l’extérieur, les galaxies, prises dans ce nuage opaque, apparaissaient noires sur un fond noir. Invisibles, donc. En revanche, comme l’énergie véhiculée par la lumière des étoiles chauffait les poussières, celles-ci « s’allumaient » aux yeux de Spitzer et d’Alma, tout comme, dans une chambre obscure, les humains, en raison de leur chaleur corporelle, deviennent visibles à qui utilise une caméra infrarouge.

Par extrapolation, l’étude de Nature a évalué l’abondance de ces ancêtres et estimé qu’ils étaient en nombre suffisant pour expliquer la quantité actuelle de galaxies elliptiques. Tout n’est pas réglé pour autant, car cette abondance même pose un problème ! « On n’arrive pas à expliquer comment l’Univers a pu être efficace au point de créer toutes ces galaxies massives au cours de ses deux premiers milliards d’années, explique David Elbaz. Aucun modèle ne sait le faire, il y a une faille quelque part. » Pour comprendre l’évolution du cosmos dans son enfance, il faudra sans doute, à la manière des paléontologues, chercher l’ancêtre de ces dinosaures.

Pierre Barthélémy

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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