Déprogrammations administratives : « On est démunis », alertent les médecins spécialistes
Par Louise Claereboudt le 27-04-2021

Lors d’une conférence de presse ce mardi 27 avril, l’union Avenir Spé-Le Bloc a déploré la politique de déprogrammations administratives d’interventions dans les établissements de santé de l’ensemble du pays. Une décision venue d’en haut qui, selon ces médecins spécialistes, risque d’enclencher une “bombe à retardement sanitaire”.
Confrontés depuis le 6 avril à des “déprogrammations administratives”, “imposées de façon autoritaire et unilatérale”, les médecins spécialistes interventionnels ont été contraints de diminuer d’au moins 50% leurs activités dans les blocs opératoires, a assuré le Dr Philippe Cuq, chirurgien vasculaire et co-président du Bloc, lors d’une conférence de presse organisée ce mardi avec le syndicat Avenir Spé.
« Ça s’est passé de façon assez brutale”, à coup de courriers des ARS envoyés aux établissements de santé qui “se tournent ensuite vers leurs médecins et imposent des mesures administratives”, a-t-il affirmé. Ce dernier a alerté sur ce “grand danger”, déplorant des “injonctions” voire des “menaces de contrôle et de non paiement des actes”. “Nous n’avons pas notre mot à dire, a ajouté, amer, le Dr François Honorat, anesthésiste réanimateur et co-président du Bloc. Nous subissons les conséquences de la loi Bachelot qui oblige les établissements à obéir à l’ARS.”
Les médecins spécialistes concernés subissent également un manque de personnel et de matériel, déployés dans d’autres services, notamment des services Covid. “Les ARS essaient de transférer du personnel du secteur libéral vers le secteur hospitalier public”, a illustré par exemple le Dr Philippe Cuq. “On ne prend pas en compte l’expérience de l’année antérieure”, a pour sa part déploré le Dr Patrick Gasser, gastro-entérologue et président d’Avenir Spé, qui craint un retard au diagnostic. “Les choses sont tendues et se tendent de plus en plus.”
“Bombe à retardement”
Alors que des déprogrammations ont lieu depuis le 13 mars 2020, où tout s’est arrêté “de façon brutale”, les spécialistes craignent une “bombe à retardement sanitaire”, ayant constaté, dès l’été dernier, d’importants retards de diagnostic, de prise en charge et “l’augmentation de la morbi-mortalité”. La Ligue contre le cancer annonçait par exemple près de 100.000 retards de diagnostic de cancer depuis la crise sanitaire. De même, Renaloo, l’association de patients atteints de maladies rénales, a enregistré 1.000 greffes qui n’ont pas pu être réalisées en 2020 et 16.000 personnes en attente.
Recul historique de la #greffe de #rein en Fr en 2020 en raison du #COVID19
1 millier de greffes en moins ‼️
plus mauvais bilan en 15 ans
Pertes de chances sans précédent pour les patients
Inquiétudes +++ pour les semaines à venirhttps://t.co/ZVt77m09Zj pic.twitter.com/xROZ62zqWe— Renaloo (@Renalooo) March 10, 2021
Une étude inédite chiffre l’ampleur des déprogrammations lors de la première vague de Covid
“Souvent l’administration assimile caractère d’urgence et perte de chance avérée à court terme, a souligné le Dr Philippe Cuq, qui a estimé par ailleurs que certaines interventions pourraient être maintenues. On insiste pour dire qu’il y a des pertes de chance à moyen terme et à long terme.”
Selon l’union syndicale Avenir Spé-Le Bloc, les déprogrammations administratives actuelles concernent entre 40 et 80% des interventions « quel que soit le territoire”. Des blocs opératoires ont aussi été intégralement fermés, comme à Marseille. Les médecins spécialistes regrettent la non prise en compte des situations locales. “On préfère la déprogrammation médicale, la collégialité, en prenant en compte tous les éléments”, a insisté le Dr Cuq qui a par ailleurs noté un phénomène très important dans cette troisième vague : les “auto-déprogrammations”. Certains patients, par peur, préfèrent ne pas maintenir leur intervention.
“Des décisions sources d’erreurs”
Ces déprogrammations en série posent également des questionnements éthiques. “Quand on vous dit d’enlever 50% de votre activité, il faut malheureusement faire un tri […] et, tout cela, dans l’urgence, a indiqué le chirurgien vasculaire. On estime que ces décisions administratives sont des sources d’erreurs pour nous ; de frustration, d’incompréhension et de détresse pour les patients.”
L’union syndicale a ainsi souligné l’enjeu de la responsabilité médicale dans cette période où il n’y a “pas de jurisprudence spécifique” – ce qui risque d’accroître les plaintes de patients – et où il existe des difficultés autour de l’obligation d’information du patient. “Quand on annule une intervention, un examen, il est très difficile de donner une date précise au patient.”
Au regard de cette situation “stressante” et “pesante”, les deux syndicats tirent la sonnette d’alarme : “On est démunis, isolés dans cette responsabilité”, déclarent-ils conjointement. L’Union a ainsi écrit un courrier “modèle” destiné aux professionnels de santé concernés, que ces derniers pourront envoyer au DG ARS en cas de situation de déprogrammation administrative “échappant à la décision médicale”. “Nous n’en acceptons ni le principe ni la responsabilité”, peut-on lire dans ce courrier, dont une copie pourra être envoyée au patient et au directeur d’établissement.
“On ne veut pas assumer cette responsabilité qui nous est imposée par l’administration. On préfère le dire calmement, l’écrire calmement et vous en faire part pour que les pouvoirs publics prennent conscience de ces difficultés”, a conclu le Dr Cu
Tension très forte » en Ile-de-France : « ordre ferme » de déprogrammer 40% des activités des hôpitaux
Par S.B. le 08-03-2021

L’agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France a donné « l’ordre ferme » aux hôpitaux et cliniques franciliens de déprogrammer 40% de leurs activités médicales et chirurgicales, pour augmenter le nombre de lits de réanimation dédiés aux malades du Covid-19.
Avec 973 patients Covid actuellement en réanimation pour « environ 1.050 lits disponibles » pour ces malades, « on est dans une situation de tension très forte », a déclaré Aurélien Rousseau. Car « le flux reste fort », avec « 70 à 80 entrées par jour en réanimation » mais moins de sorties, et un solde en hausse de « 35 patients par jour en fin de semaine dernière », résultat de « la très forte hausse de l’incidence il y a 15 jours », a-t-il expliqué.
A ce rythme, le palier de 1.127 lits disponibles précédemment fixé – et pas atteint à ce jour – devrait être dépassé cette semaine. Il fallait donc « réagir très vite », affirme Aurélien Rousseau, qui a donné « l’ordre ferme et immédiat » aux établissements publics et privés de la région de déprogrammer 40% de leurs activités, avec un nouveau palier fixé à 1.577 lits.Refus de se vacciner pour les soignants : une décision « irresponsable » selon le Gouvernement
Le temps que la consigne soit répercutée sur le terrain, « on espère que cet objectif sera atteint au cours de la semaine prochaine », ajoute le directeur de l’ARS, qui se dit toutefois « prêt à réajuster la cible, si le flux devient moins intensif en réanimation ».
[Avec AFP]
93 000 cancers n’ont pas été diagnostiqués en 2020 à cause du Covid
Par M. J. le 24-02-2021

Le président de la Ligue contre le cancer alerte sur le retard de dépistage des cancers à cause de l’épidémie de Covid-19. L’an dernier, 93.000 cancers n’ont pas été diagnostiqués.
A quelques jours du début de “mars bleu”, mois de sensibilisation au dépistage des cancers colorectaux, le président de la Ligue contre le cancer, Pr Axel Kahn, tire à nouveau la sonnette d’alarme. En 2020, il estime que “près de 93.000 diagnostics” n’ont pas pu être établis à cause de la pandémie de Covid-19. Il y a donc urgence à consulter les médecins, estime l’association, qui enjoint les patients à prendre rendez-vous.
“Nous devons continuer à marteler ce message pour sauver des vies. La crise du Covid-19 ne doit pas faire oublier le cancer, un fléau qui touche près de 400.000 personnes chaque année”, rappelle le généticien. “Si nous ne nous y attelons pas dès maintenant, les conséquences de ces retards se manifesteront dans les années à venir, quand il sera trop tard”, alerte-t-il encore.