La fédération Milli Görüs dénonce une « ingérence de l’Etat » français dans le culte musulman
Les trois fédérations, dont deux liées à la Turquie, qui ont refusé de signer la « charte des principes pour l’islam de France » ont demandé, mardi 6 avril, que ce texte soit retravaillé. Elles menacent de constituer une institution concurrente au Conseil français du culte musulman.
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Revenir dans le jeu sans se dédire. Alors que le ministère de l’intérieur engage une nouvelle ronde de discussions avec les représentants du culte musulman, département par département, les trois fédérations musulmanes qui n’ont pas ratifié en janvier la « charte des principes pour l’islam de France » ont voulu faire passer le message qu’elles n’en sont pas pour autant moins républicaines que les autres, mardi 6 avril.
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Leur non-signature a débouché sur la désintégration du Conseil français du culte musulman (CFCM), qui a rédigé ce texte en lien avec le ministère de l’intérieur, et sur une mise à l’écart de ces trois fédérations par les pouvoirs publics. Elles ont dénoncé mardi « l’ingérence de l’Etat » dans le culte musulman et « l’instrumentalisation politique » dont elles s’estiment victimes. Elles ont menacé de constituer une « autre institution » si le CFCM ne se réformait pas et se sont dites prêtes à « reprendre le travail » sur l’écriture de la charte. Proposition qui a peu de chance de trouver un écho, tant certaines fédérations ont fait de la charte une pierre de touche du républicanisme, comme la Grande Mosquée de Paris.
Symboliquement, leur conférence de presse conjointe s’est tenue dans la mosquée Eyyub Sultan de Strasbourg, destinataire d’une promesse de subvention de 2,5 millions d’euros par la municipalité de la capitale alsacienne, dénoncée par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. Son président, Eyup Sahin, membre de la Confédération islamique Milli Görüs-France (CIMG-France), a rejeté les accusations portées contre ce vaste projet d’extension, comme « la prétendue ingérence d’un Etat étranger » – en l’occurrence la Turquie, où est né le Milli Görüs – et un usage de l’islam à des fins politiques. « Nous n’avons ni projet ni agenda politique », a-t-il affirmé.
« C’était impensable »
Eyup Sahin était accompagné des représentants des trois fédérations non signataires de la charte, la CIMG, le Comité de coordination des musulmans turcs de France et Foi et pratique, lié au mouvement ultraconservateur du Tabligh. Ils sont revenus sur les étapes de la rédaction de la charte, marquées, selon eux, par un changement d’objet du texte dû à l’intervention du gouvernement. A l’origine, ont-ils rappelé, elle devait servir de charte de déontologie pour le Conseil national des imams que le CFCM avait décidé de mettre sur pied. Puis, en cours de route, elle est devenue une charte des principes pour l’islam de France, opposable à toutes les institutions musulmanes.
« Que s’est-il passé ? Je ne me l’explique pas, a tempêté Hamadi Hammami, secrétaire général de Foi et pratique. En janvier, on nous a demandé de signer un document sur lequel nous n’avions pas mis une virgule et qu’on nous a refusé catégoriquement de travailler. Que devions-nous faire ? Signer un texte que l’immense majorité des musulmans et des mosquées rejetait ? Pour nous, c’était impensable. »
Fatih Sarikir, président de la CIMG-France, a reproché au texte signé par cinq des neuf fédérations du CFCM de « donner le sentiment que les musulmans sont tenus d’exprimer plus fort que les autres leur attachement républicain » et qu’ils « ont des devoirs que les autres n’auraient pas ». Cela n’a pas empêché les trois fédérations de verser aux débats, à cette occasion, une « déclaration de principe » dont le contenu s’inscrit sensiblement dans le même registre que celui de la charte, à savoir l’adhésion aux règles de la République.
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Ce texte affirme que le « cadre constitutionnel (…) offre aux musulmans de France la possibilité de pratiquer librement leur religion dans le respect de la Constitution, des lois et des principes républicains », fait référence à la « laïcité », affirme que « chacun est libre de croire ou de ne pas croire », distingue « clairement le droit interne des religions et le droit positif », prône « une approche égalitaire, sans distinction de religion, de langue, de sexe, d’appartenance ethnique ». Il rejette aussi « toute instrumentalisation de la religion à des fins politiques ou de la politique à des fins religieuses » et refuse « tout courant politique ou idéologique qui viserait à diffuser une doctrine politique au sein de nos mosquées contraire à la Constitution ou à la loi et contestant directement ou indirectement les principes fondamentaux énoncés dans la déclaration universelle des droits de l’homme ».