Covid-19 : Emmanuel Macron annonce la fermeture des établissements scolaires à partir du 6 avril
Crèches, écoles maternelles et élémentaires garderont porte close pour trois semaines, les collèges et lycées pour quatre, a précisé le chef de l’Etat. Le calendrier des vacances scolaires est unifié.
Le gouvernement en avait fait la décision « de dernier recours ». La voilà actée : mercredi 31 mars, lors d’une allocution télévisée, Emmanuel Macron a annoncé la fermeture de tous les établissements scolaires, à compter du mardi 6 avril, lendemain du lundi de Pâques. Quelque quatre cents jours après le début du premier confinement scolaire, les écoles (maternelles et élémentaires) ainsi que les crèches garderont porte close pour trois semaines, les collèges et les lycées pour quatre.
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Face à la flambée épidémique, « nous devons prendre nos responsabilités », a martelé le président de la République, annonçant le basculement de tous les élèves dans l’enseignement à distance jusqu’à des vacances de printemps « dézonées » qui débuteront, partout en France, le vendredi 9 avril, pour deux semaines.
Invité de la matinale de RTL, jeudi 1er avril, le ministre de l’éducation, Jean-Michel Blanquer, a fait valoir qu’« avoir été en classe de septembre à mars a été une victoire (…). L’élève français sera celui qui aura eu l’année scolaire la plus complète ; une exception au monde ». Il n’empêche : en choisissant la fermeture, le président Macron acte la « grande désorganisation » rapportée par les syndicats d’enseignants, en particulier dans les zones les plus confrontées au virus, où, changement de protocole sanitaire oblige, les classes ont fermé à tour de bras ces derniers jours.
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A Paris, on décomptait, mercredi, 850 classes fermées, un chiffre qui a plus que triplé avec l’entrée en vigueur de la nouvelle règle « un cas, une fermeture ». Dans l’académie de Créteil, on est passé à 659 classes fermées contre 267 vingt-quatre heures plus tôt ; à Versailles 313, contre 82 en début de semaine. Des chiffres à rapporter au total de 528 400 classes.
« Dans certains territoires, on en était arrivés à se demander comment on pourrait tenir comme cela jusqu’aux vacances, rapporte Stéphane Crochet, du SE-UNSA. Ces mesures mettent un terme immédiat à la grande inquiétude de ces dernières semaines. »
« L’aveu d’échec » de la doctrine Blanquer
Les syndicats d’enseignants, qui n’appelaient pas à une fermeture généralisée, ont accueilli l’annonce présidentielle avec circonspection. Pour la FSU notamment, la décision d’Emmanuel Macron signe « l’aveu d’échec » de la doctrine Blanquer – le ministre n’a cessé de rappeler que les écoles ne constituaient pas un foyer de contamination plus dangereux qu’un autre. « [Il] a nié la réalité de la contamination scolaire et, aujourd’hui, nous en payons le prix, s’agace Sophie Venetitay, du SNES-FSU. Nous nous retrouvons au pied du mur, avec un sentiment de gâchis. »
Comme souvent depuis le début de cette crise, la communauté éducative regrette le manque d’anticipation des mesures annoncées, qui obligent familles et enseignants à organiser en quelques jours la « continuité pédagogique » qu’ils ont expérimentée – parfois dans la douleur – au printemps 2020. Dans un rapport rendu public en mars, la Cour des comptes en a, par ailleurs, souligné les limites.
Dans une vidéo adressée aux 880 000 enseignants de France mercredi soir, leur ministre de tutelle a pourtant insisté sur la capacité de la « maison » éducation nationale à mettre en place une « continuité pédagogique de qualité ». « Ceci n’est pas du temps scolaire perdu », a-t-il défendu, en rappelant l’étendue des ressources disponibles en ligne, et en promettant, en particulier pour les élèves défavorisés, le déploiement du dispositif « vacances apprenantes » déjà expérimenté cet été, pour des activités exclusivement de plein air.
« Pour les enfants du primaire, une semaine d’école à distance, ramenée en réalité à trois jours [avec le lundi férié] ne va pas changer grand-chose, tempère Hubert Salaün, de la PEEP (fédération des parents d’élèves de l’enseignement public). De plus, on a un calendrier fixe, ce que l’on n’avait pas pour le premier confinement. » Dans les rangs de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), on est moins optimiste. « L’éducation nationale n’est pas plus prête aujourd’hui qu’il y a un an à basculer dans l’enseignement à distance », tempête Rodrigo Arenas, son président.
La solution des « vacances prolongées »
Les collèges et les lycées devraient reprendre le 3 mai, « si besoin avec des jauges adaptées », a précisé Emmanuel Macron. Façon de dire que l’enseignement « hybride » (pour partie à distance, pour partie in site), d’ores et déjà adopté dans la majorité des lycées, devrait s’étendre au collège.
A ce stade, tous les syndicats d’enseignants, du SNUipp au SGEN-CFDT, en passant par les proviseurs du SNPDEN-UNSA, s’interrogent sur « l’après ». A les écouter, ces trois à quatre semaines de pause, plutôt bien accueillies, ne peuvent suffire. « Ce qu’on aimerait, c’est avoir une vision de la suite », plaide Audrey Chanonat, chargée du secteur collège au SNPDEN.

« Reprendre sans tests développés massivement dans les écoles et sans vaccination des enseignants garantira-t-il un retour dans des conditions sanitaires satisfaisantes ? », questionne Hervé Lalle, directeur à Paris d’une école maternelle dans laquelle deux classes ont fermé ces derniers jours. Le président de la République a de nouveau évoqué la vaccination des enseignants envisagée en avril, mais sans en dire plus. « Il y aura des priorisations en fonction des enseignants », a fait savoir son ministre de l’éducation sur RTL, citant notamment les enseignants et personnels prenant en charge des enfants en situation de handicap.
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En choisissant la solution des « vacances prolongées », le chef de l’Etat a voulu ménager les parents d’élèves et les enseignants en contournant l’annonce d’un confinement scolaire sec, tout en tenant compte des alertes de la communauté scientifique. Ce faisant, il brise en partie le dogme des écoles ouvertes, incarné par M. Blanquer.
Il rompt aussi la tradition du zonage des « petites vacances ». Une coutume relative puisqu’elle ne remonte qu’aux années 1970, période où l’engouement pour le ski a justifié d’étaler la saison touristique au maximum. Cette organisation a d’ailleurs souffert d’aménagements. « Longtemps, la France n’a connu qu’une seule zone. Sous Chevènement, en 1985, on était repassé à deux zones, rappelle l’historien Claude Lelièvre. Avec Rocard, on est revenus à trois zones en 1989-1990. »
« Désorganisation pour les familles et les enseignants »
Il n’empêche que, à une semaine des vacances de la zone A – qui comprend les académies de Poitiers, Bordeaux, Limoges, Clermont-Ferrand, Lyon, Grenoble, Dijon, Besançon –, l’alignement des dates de congés sans possibilité de se déplacer hormis durant le week-end de Pâques, a de quoi prendre de court nombre de parents.
« C’est un grand facteur de désorganisation pour les familles d’abord, pour les enseignants et nos agents municipaux également, qui avaient posé leurs congés »,assure Patrick Bloche, adjoint éducation à la mairie de Paris. Les centres de loisirs, durant la période, devraient rester fermés, assure-t-il, sauf pour les enfants de soignants et des professions prioritaires. Ceux-ci doivent aussi être accueillis à l’école, sans qu’on en connaisse encore les modalités. Interrogé ce jeudi sur l’accueil de loisirs durant ces vacances anticipées, M. Blanquer est resté prudent, rappelant qu’il s’agit-là d’une « compétence des collectivités » ; il n’en a pas moins évoqué des « centres de loisirs ouverts avec un protocole sanitaire renforcé et des activités de plein air ».
Le chef de l’Etat rompt également avec la gestion territorialisée de l’épidémie. Le confinement pour tous aboutit de facto à la fermeture d’écoles, collèges et lycées en dehors des dix-neuf départements reconfinés, et qui s’estimaient jusqu’à présent quasi préservés.
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C’est le cas de la cité scolaire de 1 200 élèves que dirige Gérard Heinz à Chazelles-sur-Lyon (Loire). « On a bien eu quelques cas de Covid, mais jamais de classes fermées. D’ailleurs, nous étions en train de reprendre les cours en présentiel au lycée », témoigne le chef d’établissement syndiqué au SNPDEN-UNSA. Il n’en accueille pas moins plutôt favorablement l’annonce présidentielle : « A Saint-Etienne, non loin de chez nous, l’épidémie flambe. On ne voyait pas trop comment y échapper. »
Reste à savoir quelles conséquences aura cette interruption scolaire sur l’organisation des examens – brevet et baccalauréat – dont les échéances se rapprocheront à grand pas lorsque les adolescents reprendront « physiquement » la classe. « Le grand oral et la philosophie, mi-juin, c’est encore loin, conclut Gérard Heinz. Mais pour nos lycéens confinés, cela va paraître de plus en plus compliqué. »