Il y a une surmortalité quand les services de réanimation sont saturés

Covid-19 : la saturation des réanimations, une impasse dangereuse

Plusieurs travaux scientifiques récents ont mis en évidence une surmortalité liée au taux d’occupation de ces services clés. Ce que confirment des médecins-réanimateurs inquiets de la situation. 

Par Chloé Hecketsweiler et Gary DagornPublié le 01 avril 2021 à 03h36 – Mis à jour le 01 avril 2021 à 14h28 

 https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/04/01/covid-19-la-saturation-des-reanimations-une-impasse-dangereuse_6075185_3244.html

Une infirmière auprès d’un patient Covid-19 en réanimation à l’hôpital Henri-Mondor à Créteil, le 22 mars.
Une infirmière auprès d’un patient Covid-19 en réanimation à l’hôpital Henri-Mondor à Créteil, le 22 mars. JULIE BALAGUÉ POUR « LE MONDE »

Les mesures annoncées par Emmanuel Macron, mercredi 31 mars, suffiront-elles à éviter un nouvel accroissement des décès liés au Covid-19 ? En Ile-de-France, les dés sont déjà jetés, estiment certains médecins, en rappelant que les personnes qui arriveront en réanimation au cours des deux prochaines semaines ont déjà été contaminées.

Entre 2 900 et 4 000 patients pourraient être hospitalisés en soins critiques dans la région le 22 avril malgré un confinement strict appliqué dès le 1er avril, selon des modélisations dévoilées ce week-end en réunion de crise par la direction de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Ils étaient un peu moins de 2 700 au pic de la première vague, il y a un an. « C’est totalement effrayant. Il me paraît clair qu’on va dans le mur », estime, la voix blanche, l’un des participants.

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Pour faire face, les hôpitaux franciliens ouvrent à marche forcée de nouveaux lits, mais cette stratégie a ses limites, comme le soulignent plusieurs travaux scientifiques parus récemment.

Une équipe de chercheurs du département des anciens combattants aux Etats-Unis s’est spécifiquement penchée, dans une étude publiée le 19 janvier dans le Journal of the American Medical Association, sur l’évolution de la mortalité hospitalière en lien avec la saturation des services de soins critiques. Basée sur une cohorte de 8 516 patients presque exclusivement masculins (94,1 %) ayant été hospitalisés dans les 88 établissements gérés par la Veterans Health Administration entre mars et août 2020, celle-ci conclut à une nette surmortalité corrélée au niveau d’occupation de ces services.

Risque net de surmortalité

Ainsi, ces chercheurs ont observé que les patients soignés lorsque les services étaient à plus de 100 % de leur capacité initiale avaient 2,35 fois plus de probabilité de mourir que ceux soignés lorsque le taux d’occupation était faible (inférieur à 25 %).

Des conclusions que partage une équipe de scientifiques britanniques, dont l’étude de cohorte a étudié les trajectoires de 6 686 patients hospitalisés en Angleterre entre le 2 avril et le 1er décembre 2020, et prépubliée sur le site MedRxiv.org. Ces chercheurs estiment qu’un patient a 18 % de plus de risque de mourir en soins critiques lorsque le taux d’occupation est supérieur à 85 %, que lorsque ce taux est situé entre 45 % et 85 %.

« La différence en termes de risques pour un homme de 70 ans sans comorbidité admis dans un service de réanimation très occupé par rapport à un service peu occupé est équivalente à y être admis en étant âgé de dix ans de plus », explique l’équipe de Harrison Wilde, l’auteur principal. Les conclusions des chercheurs britanniques rejoignent ainsi celles d’une équipe belge qui, la première, en décembre 2020, a mis en évidence un risque net de surmortalité de 42 % dans les services de réanimation du pays lorsque ceux-ci sont saturés.

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Une étude de l’Institut Pasteur, publiée le 21 mars dans The Lancet, parvient à des conclusions similaires. Les chercheurs ont étudié une cohorte de 198 846 hospitalisations (du 13 mars au 30 novembre 2020) et ont mis en évidence une plus grande probabilité de décès parmi les patients hospitalisés pour Covid-19 lorsque les services de réanimation approchent de la saturation. « Alors que nous avons observé une large réduction des probabilités d’être admis en réanimation et de mourir pour les patients hospitalisés au cours du temps, ces progrès ont partiellement reculé lorsque le nombre de cas a recommencé à croître », concluent les auteurs. Manière de dire que l’amélioration de la prise en charge après la première vague s’explique aussi par la décrue du nombre de patients du mois de mai.

Difficile de faire du « sur-mesure »

Les explications à ces phénomènes sont multiples : soignants en nombre insuffisant ou peu habitués aux soins critiques, plus grande difficulté à faire du « sur-mesure » pour chaque patient, obligation de « prioriser » les malades.

En théorie, le nombre de soignants doit être en adéquation avec le nombre de lits ouverts : deux infirmiers pour cinq patients en réanimation, et huit patients en unité de soins continus. « Si on respecte ce ratio, on doit réussir à prendre en charge les patients correctement », estime Alexandre Demoule, chef de service de réanimation à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. A personnel constant, son service tourne aujourd’hui grâce aux heures supplémentaires et au report de congés. « Cela peut être source de fatigue est donc d’erreur », admet le médecin en soulignant que les équipes tiennent en se disant que « c’est un mauvais moment à passer ».

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Dans son service, sept lits ont été « sanctuarisés » pour des patients non Covid-19, et les quinze autres sont désormais occupés par des patients Covid-19. Une « annexe » a été ouverte avec sept lits de réanimation supplémentaires, auxquels s’ajoutent huit à douze lits de soins intensifs pour les malades non intubés.

Selon lui, le risque d’une moins bonne prise en charge existe surtout lorsque l’ouverture de nouveaux lits conduit à faire appel à des soignants peu ou pas habitués à la réanimation. « Dans ce cas, on ne peut pas exclure que la qualité des soins diminue », souligne Alexandre Demoule, en précisant que la perte de chance pour les patients est difficile à objectiver.

« Prise en charge dégradée, résultat dégradé »

« Chez nous, les infirmiers passent un mois en intégration, en binôme avec un autre infirmier, et il leur faut un an pour être à l’aise », rappelle le réanimateur. « Nous avons tiré à plusieurs reprises la sonnette d’alarme mais pas grand-chose n’a été fait jusqu’à l’automne 2020 », regrette-t-il en soulignant que les formations express mises alors en place par la direction générale de l’offre de soins (DGOS) ne sont « pas du tout suffisantes ».

« Quand la prise en charge est dégradée, le résultat est dégradé », confirme Nicolas Van Grunderbeeck, réanimateur à Arras, dans le Pas-de-Calais. « Face à une maladie grave et complexe comme le Covid, on a besoin d’être plus nombreux à réfléchir pour personnaliser la prise en charge. On ne peut pas faire de la médecine à la chaîne », insiste-t-il. « Il y a un risque que l’hôpital craque », avertit-il, en rappelant que « des ventilateurs sans personne pour s’en occuper, cela ne sert à rien ».

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Dans ce département, près de 140 patients sont déjà hospitalisés en soins critiques, contre un peu plus de 120 au pic de la première vague. Impossible dans ce contexte pour les services de réanimation de prendre en charge tous les malades graves. « Nous sommes contraints d’être plus sélectifs, et de revoir nos critères d’admission. Il y a beaucoup de non-dits là-dessus », regrette Nicolas Van Grunderbeeck, appelant à « davantage d’honnêteté et de transparence » sur ce sujet. Un an après le début de la pandémie, se retrouver à « prioriser » les patients, comme on dit dans le jargon, est « très difficile à vivre », lâche-t-il. Là aussi la perte de chance est difficile à mesurer : certains malades vont « passer le cap » malgré tout, d’autres décéderont sans qu’on sache si un passage en réanimation aurait changé quelque chose.

Les médecins rappellent aussi ce que signifie un taux d’occupation de « 100 % » des lits de réanimation – voire davantage – par des patients Covid-19 : « C’est beaucoup au prix de la déprogrammation qu’on va réussir à ouvrir le nombre de lits nécessaires, rappelle Alexandre Demoule. Mais quand on déprogramme, des patients n’ont pas leur intervention dans les temps et cela a un coût en termes de santé publique. »

Covid-19 : en réanimation, « notre grande inquiétude, pour les semaines qui viennent, ce sont les ressources humaines »

Les soignants sont toujours « sur le fil », confrontés à un flux ininterrompu de patients sans moyens supplémentaires, alors que la tension approche du pic de novembre. 

Par Camille StromboniPublié le 29 mars 2021 à 04h25 – Mis à jour le 29 mars 2021 à 17h01  

https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/03/29/covid-19-en-reanimation-notre-grande-inquietude-pour-les-semaines-qui-viennent-ce-sont-les-ressources-humaines_6074797_3244.html

Une infirmière prend en charge une patiente de 42 ans malade du Covid-19 et intubée depuis quatre jours à l’hôpital Henri Mondor de Créteil (Val-de-Marne), le 22 mars 2021.
Une infirmière prend en charge une patiente de 42 ans malade du Covid-19 et intubée depuis quatre jours à l’hôpital Henri Mondor de Créteil (Val-de-Marne), le 22 mars 2021. JULIE BALAGUÉ POUR « LE MONDE »

Elle a encore la voix qui tremble quand elle évoque ce moment. « Le plus dur, c’est la culpabilité d’abandonner son équipe », confie Marina Cazalans. La soignante de 33 ans, qui travaillait en réanimation à l’AP-HM (Assistance publique-Hôpitaux de Marseille) depuis près de quinze ans, comme aide-soignante puis infirmière ces trois dernières années, a démissionné en février. La troisième vague de l’épidémie du Covid-19 a été « la goutte de trop ». C’est avec un sentiment de « délivrance » qu’elle a débuté, mercredi 24 mars, sa carrière en libéral, loin de ce qui pour elle constituait une « passion », la réanimation.

Le métier, dans ce service si particulier de l’hôpital qui accueille les patients dans un état très grave, était devenu « inhumain ». « Plus dans mes valeurs », dit la jeune femme. Et de raconter pêle-mêle le « trop » de patients, les nouvelles recrues à former en permanence en quelques jours seulement, ou encore les patients les plus gravement atteints dont il faut s’occuper quand on fait partie des « seniors », comme elle.

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C’est aussi l’absence de reconnaissance qui l’a fait franchir le pas de la démission : « Tu manipules des produits dangereux, des machines extracorporelles hypercompliquées, tu es dans un stress permanent, dans des situations de plus en plus dangereuses, et tu gagnes 1 780 euros par mois… Ma mère, vendeuse, gagne mieux sa vie », lâche-t-elle. Le Ségur de la santé, ce plan annoncé à l’été 2020 par le gouvernement pour l’hôpital, avec une augmentation de 180 euros pour les personnels paramédicaux, sans aucune mesure spécifique pour la réanimation, l’a juste « écœurée ».

Tension toujours plus forte

Combien sont-ils ces soignants de réanimation qui ont quitté l’hôpital ? Pas assez nombreux pour apparaître dans les tableaux de bord des établissements. Il n’empêche, ils racontent en creux la tension toujours plus forte sur ces services en première ligne depuis de longs mois.

Des médecins ont de nouveau tiré la sonnette d’alarme, dimanche 28 mars : dans quinze jours, « nos capacités de prise en charge seront dépassées », « nous serons contraints de faire un tri des patients » en particulier pour « l’accès aux soins critiques »ont prévenu 41 directeurs médicaux de crise et médecins de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), dans Le Journal du dimanche. Un collectif de neuf réanimateurs a alerté dans le même sens, dans une tribune au Monde : « En imposant aux soignants de décider quel patient doit vivre et quel patient doit mourir, sans l’afficher clairement, le gouvernement se déresponsabilise de façon hypocrite. »

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Un an après le début de la crise épidémique, pourquoi cela coince-t-il toujoursdans ces couloirs cruciaux de l’hôpital, dont la saturation détermine les confinements et reconfinements décidés au gré des rebonds épidémiques ? Pour cette troisième vague, les problèmes d’équipement, de respirateurs, de matériel de protection du printemps appartiennent bien au passé – hormis quelques tensions encore sur le curare, utilisé pour l’intubation : « Notre vrai souci, et notre grande inquiétude pour les semaines qui viennent, ce sont les ressources humaines », dit Pierre Pinzelli, secrétaire général de l’AP-HM.

Dans les hôpitaux, pourtant, depuis l’été, on n’a pas cessé de recruter. En un an, 2 102 professionnels paramédicaux ont été embauchés dans l’institution marseillaise, contre un millier sur douze mois en temps normal. Le fossé des postes vacants a ainsi pu être réduit, avec une centaine de postes vacants aujourd’hui, contre 300 personnels à l’automne. Même phénomène dans les 39 hôpitaux de l’AP-HP, où les effectifs paramédicaux ont crû en un an (67 800 « équivalents temps plein » à la veille de la troisième vague, en décembre 2020, contre 65 600 au 1er janvier), avec 250 postes encore vacants, contre 450 en octobre.

« On n’en voit pas le bout »

Mais cela est loin de suffire face à l’afflux de patients atteints du Covid-19 ayant besoin d’un lit de réanimation – 4 872 personnes en soins critiques au 28 mars, soit presque le niveau atteint au pic de la deuxième vague, en novembre 2020. Un minimum de deux infirmières s’impose pour cinq patients, dans ces services qui gèrent des malades dont les fonctions vitales sont défaillantes. Plus encore pour le Covid-19, où la prise en charge est plus lourde. « Nous devons ouvrir encore cinq lits dans les jours qui viennent et pour cela trouver une douzaine d’infirmiers, mais nous n’arrivons plus à recruter, on est au bout du bout du marché », rapporte Pierre Pinzelli.

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La solution ultime est toujours la même, et elle est déjà fortement enclenchée : la déprogrammation d’autres patients, pour libérer des personnels compétents, atteint 40 % de l’activité de l’hôpital marseillais, au risque d’aggraver les pathologies à cause des retards de prise en charge qui s’accumulent depuis un an. Le levier des heures supplémentaires proposées aux soignants – à un tarif majoré – fonctionne déjà lui aussi à plein : elles ont par exemple doublé en janvier, pour représenter 6 000 heures sur les quatre « pôles Covid » (médecine et réanimation), rapporte le responsable.

« Tout le monde est épuisé, et on n’en voit pas le bout, rapporte Sabine Valera, infirmière en réanimation à l’AP-HM. Même les heures supplémentaires sont de plus en plus dures à pourvoir… On ne demande pas à un pilote de ligne de faire six longs courriers d’affilée, c’est ce qu’on nous demande en ce moment. » Présidente de la Fédération nationale des infirmiers de réanimation, la soignante a eu connaissance, ces dernières semaines, de cinq démissions de collègues dans différents hôpitaux, ce qui est « très rare », dit-elle, sans compter les demandes de mutation et de disponibilité qui ne peuvent pas être accordées en temps de crise.

« Tout le monde fonctionne en mode crise depuis un an »

« On n’a pas eu les vagues de départs massives redoutées après les précédentes vagues, mais il faut bien rappeler que tout est gelé en termes de mutation et de disponibilité, pointe Antoine Vieillard-Baron, chef de service en médecine intensive-réanimation à l’hôpital Ambroise-Paré (AP-HP). Je crains des départs importants dès que la crise s’achèvera. J’ai des infirmiers qui viennent en traînant les pieds, repartent en pleurs. Je n’avais jamais vu ça avant. Les médecins aussi ne sont pas loin de l’épuisement, ils multiplient les gardes. Tout le monde fonctionne en mode crise depuis un an. »

Dans un service francilien depuis sept ans, à l’hôpital Saint-Antoine, Laure Murawski partira, dès qu’elle pourra obtenir une disponibilité, cet été, espère-t-elle, au plus tard en décembre. « Mon corps me dit que je suis arrivée au bout, c’est devenu nerveusement compliqué, j’ai des vertiges, je ne dors plus avant certaines gardes », rapporte l’infirmière de 34 ans, qui ne se « voit pourtant rien faire d’autre ». « On doit prendre toujours plus de malades, on n’est pas assez nombreux, la direction de l’AP-HP nous parle encore d’annuler nos vacances… On est des pions, sans aucune reconnaissance, absolument rien n’a changé depuis un an », dit-elle d’un trait. Si la jeune femme accepte encore de faire des heures supplémentaires, ce n’est plus que pour « l’argent », afin de préparer « l’après », loin de l’hôpital.

Chez les réanimateurs, on défend depuis de longs mois la reconnaissance et la revalorisation du métier d’infirmier de réanimation, l’augmentation des postes de médecins à l’internat, ou encore, dans certains syndicats, l’ouverture de 1 000 lits supplémentaires. « Mais le gouvernement n’a pas saisi la balle au bond », déplore le professeur Djillali Annane, président du syndicat des médecins réanimateurs, qui a publié une enquête à l’automne montrant que quasiment aucun lit « pérenne » de plus n’avait été ouvert en réanimation depuis la sortie de la première vague.

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A la direction générale de l’offre de soins, on défend un « plan de montée en charge spécifique » permettant d’augmenter le nombre de lits en réanimation, « adapté en permanence » pour « assurer la prise en charge des patients Covid et non Covid nécessitant des soins réanimatoires tout en évitant la saturation complète des réanimations », et « conserver des lits disponibles en cas d’urgence, en maintenant un taux d’occupation autour de 85 % ». Si le ministère de la santé n’a jamais fait part d’une volonté d’augmenter le nombre de lits de manière durable, une mission a été confiée à l’inspection générale des affaires sociales, le 25 février, afin qu’elle se penche sur la question des capacités en réanimation.

« La réponse n’a pas été à la hauteur, même si les choses prennent du temps, il aurait fallu commencer dès l’été », défend Eric Maury, professeur de médecine intensive-réanimation, et président de la Société de réanimation de langue française. A l’hôpital Saint-Antoine, il voit bien la situation s’aggraver dans son service : « Aujourd’hui, beaucoup d’infirmières chevronnées sont parties, elles sont remplacées par des infirmières fraîchement arrivées et par des intérimaires, qui, malgré toute leur bonne volonté, ont forcément du mal à être complètement opérationnelles dans ces unités nouvelles pour elles. »

« Sur le fil »

En temps normal, quelque 5 000 lits de réanimation sont officiellement ouverts en France – dont 10 % fermés faute de personnels, d’après les réanimateurs. Au 23 mars, 7 603 lits sont ouverts, selon le ministère, dont 6 806 occupés par des patients atteints du Covid-19 et d’autres atteints d’une autre pathologie, soit un taux d’occupation d’environ 90 %. On frôle déjà le pic de la deuxième vague de novembre 2020, où les hôpitaux étaient montés à 7 990 lits. 10 707 lits étaient ouverts lors du pic du 15 avril 2020.

Si ce niveau extrême est encore loin, les réanimateurs rappellent d’une même voix que l’ensemble de l’hôpital s’était à l’époque arrêté, avec des renforts massifs de personnels venant des régions les moins touchées vers les autres. « Dans mon service, nous avions pu multiplier par trois notre effectif soignant, c’est impossible aujourd’hui, témoigne Djillali Annane, patron de la réanimation à l’hôpital de Garches (Hauts-de-Seine). Depuis octobre, la situation est très différente, il n’est pas question d’arrêter de nouveau tous les soins et de sacrifier les autres patients. »

Les formations courtes de soignants à la réanimation ont bien été déployées dans de nombreux établissements, mais lui comme l’ensemble des professionnels de réanimation le répètent : deux à trois mois dans un service sont nécessaires à un infirmier pour être formé en temps normal, un an pour être véritablement autonome.

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Un « pool » supplémentaire de 25 soignants a ainsi suivi une « formation express » durant l’été à l’hôpital intercommunal de Créteil, raconte Adrien Constan, infirmier cadre de santé en réanimation : deux jours de théorie et deux jours d’immersion dans le service. « Mais il faut encore réussir à les détacher de leurs services, qui eux aussi manquent de personnels », souligne-t-il. Cette impression d’être « sur le fil », le cadre de santé la vit désormais au quotidien : « Je passe les trois quarts de mon temps à chercher des renforts, ça ajoute une charge mentale permanente, on y arrive encore mais c’est très précaire, avec une visibilité qui ne dépasse pas la semaine. »Notre sélection d’articles sur le Covid-19

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Camille Stromboni

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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