L’étiquetage nutritionnel doit être adopté par l’Europe

Il faut que l’Europe adopte « dès que possible » le logo Nutri-score, demandent 270 scientifiques

Les experts demandent à la Commission européenne d’adopter ce système d’étiquetage nutritionnel, contre lequel un petit groupe de pays, emmenés par l’Italie, bataille fermement. 

Par Mathilde GérardPublié hier à 13h21, mis à jour à 09h15  

Temps de Lecture 4 min. 

https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/03/16/l-appel-de-270-scientifiques-pour-l-adoption-du-logo-nutri-score-en-europe_6073326_3244.html

Système d’étiquetage Nutri-Score sur un emballage de plat préparé.
Système d’étiquetage Nutri-Score sur un emballage de plat préparé. PHILIPPE TURPIN / PHOTONONSTOP / PHILIPPE TURPIN / PHOTONONSTOP

Le logo d’informations nutritionnelles Nutri-score poursuit sa course d’obstacles.Depuis sa conception par une équipe d’universitaires français en 2014, le Nutri-score (un système d’étiquetage attribuant à un aliment une note de A à E et une couleur du vert au rouge en fonction de sa composition nutritionnelle) a connu un grand nombre de déconvenues. Dernière bataille dont il fait l’objet : celle menée par l’Italie pour contrer toute adoption européenne généralisée de ce logo.

En riposte, plus de 270 scientifiques et une vingtaine d’associations d’experts lancent, mardi 16 mars, un appel à la Commission européenne pour qu’elle adopte « dès que possible » ce système d’étiquetage sur la face avant des emballages d’aliments. Pour les signataires, regroupant un large spectre de spécialistes (nutrition, obésité, endocrinologie, cancérologie, cardiologie…) qui travaillent dans des instituts et universités de 32 pays européens, le Nutri-score « est le seul logo nutritionnel en Europe à avoir fait l’objet de nombreuses études scientifiques démontrant son efficacité, sa pertinence et son utilité pour les consommateurs et la santé publique ». A l’appui de cette lettre, envoyée à la Commission européenne et à l’ensemble des eurodéputés, les signataires adressent également un argumentaire scientifique d’une vingtaine de pages, synthétisant l’ensemble des connaissances et publications sur ce logo.

Eclairer le consommateur dans ses choix

Le Nutri-score a été formellement adopté par sept pays : six membres de l’Union européenne (France, Belgique, Espagne, Allemagne, Luxembourg et Pays-Bas) et la Suisse. Mais dans aucun de ces Etats le logo n’est obligatoire, une telle décision devant se prendre à l’échelle européenne. En France, premier pays à rallier le Nutri-score fin 2017, cet étiquetage s’impose peu à peu dans les rayonnages de supermarchés, environ 500 industriels et distributeurs l’ayant adopté (parmi lesquels Nestlé, Danone, Carrefour, Leclerc…). Mais plusieurs géants de l’agroalimentaire, dont Coca-Cola, Kraft ou Lactalis, s’y opposent toujours fermement.

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A l’heure où les maladies chroniques liées à l’alimentation (diabète de type 2, hypertension ou maladies cardiovasculaires) sont en forte hausse, où surpoids et obésité touchent la moitié des adultes et un tiers des enfants européens, l’information nutritionnelle devient un enjeu de santé publique. L’intérêt du Nutri-score est notamment d’éclairer le consommateur dans ses choix entre produits d’une même catégorie, et d’identifier en un seul coup d’œil l’option la plus saine entre deux références de céréales du petit déjeuner ou de yaourts, par exemple.

La fronde de l’Italie

En mai 2020, en présentant sa stratégie alimentaire « De la ferme à la fourchette », la Commission européenne s’est engagée à adopter un logo nutritionnel harmonisé d’ici à 2022, sans préciser quel format il prendrait. Un petit groupe de pays européens bataille depuis contre cette mesure, et pour éviter en particulier que le Nutri-score soit le logo retenu pour un étiquetage harmonisé. En tête de ces frondeurs : l’Italie, pays du jambon de parme et des fromages crémeux, pays aussi du mastodonte Ferrero, qui y voit un affront à sa culture culinaire et à la « diète méditerranéenne ».

« C’est parti au départ des mouvements populistes italiens, commente Serge Hercberg, professeur de nutrition à l’université Paris-XIII et concepteur du Nutri-score. La Ligue du Nord de Matteo Salvini a accusé le Nutri-score d’aller à l’encontre des intérêts du pays, car il classe mal le prosciutto, le gorgonzola ou le parmesanOn a fait remarquer qu’il n’y avait rien contre les produits italiens, car les charcuteries et fromages, riches en sel et en graisses saturées, sont tous mal classés, qu’ils soient italiens, français ou espagnols. »

Lors d’une réunion du conseil européen agriculture et pêche, le 15 décembre 2020, réunissant les 27 ministres de l’agriculture européens, l’Italienne Teresa Bellanova avait fustigé une « classification trop simpliste ». Avec la Grèce et la République tchèque, l’Italie était l’un des trois pays à voter contre la proposition de résolution de la présidence tournante allemande de s’engager dans un étiquetage harmonisé européen. 

Pour contrecarrer le Nutri-score, Rome promeut un logo alternatif, le Nutrinform Battery, sans code couleur, qui se matérialise par un pictogramme de pile. Adopté formellement par le gouvernement italien en octobre, cet affichage est « sans intérêt scientifique », selon les signataires de l’appel du 16 mars. « L’argument utilisé par l’Italie est purement économique, fustige Serge Hercberg. On nous dit que le Nutri-score s’oppose au made in Italy, sans se préoccuper des aspects de santé publique. »

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Actualisation tous les trois ans

Les concepteurs du Nutri-score reconnaissent que cet outil ne peut faire office à lui seul de politique de santé publique. Mais les études se multiplient sur le rôle bénéfique qu’il joue auprès des consommateurs. Un essai randomisé britannique, dont les résultats ont été publiés le 21 février dans la revue spécialisée Nutrients, a notamment testé l’efficacité de quatre labels nutritionnels sur un panel de 4 500 consommateurs et conclut que le Nutri-score est celui qui a le plus d’effets. D’autres études épidémiologiques, menées sur des cohortes de dizaines de milliers de personnes en France ou en Espagne notamment, valident également la pertinence de cet outil. Au total, le Nutri-score a donné lieu à plus de 40 publications dans des revues scientifiques. C’est aussi le seul logo à avoir suivi l’ensemble des étapes de validation définies par l’Organisation mondiale de la santé.

Pour les signataires de l’appel à la Commission, « seules les données scientifiques doivent guider les décisions politiques dans le domaine de la santé publique ». Le choix d’un logo nutritionnel « ne doit pas être dicté par les intérêts de certains opérateurs économiques ou des Etats membres qui les défendent », arguent-ils.

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En réponse aux critiques, les concepteurs du Nutri-score soulignent enfin que l’outil peut évoluer. Les sept pays qui l’ont adopté ont mis en place un comité politique de gouvernance, qui réunit les ministères concernés et permet de piloter le déploiement de l’outil. En parallèle, un comité scientifique a été instauré et une actualisation de l’algorithme est prévue tous les trois ans. « Plusieurs sujets doivent faire l’objet d’adaptations pour coller au progrès des connaissances scientifiques, insiste Serge Hercberg. Il s’agit par exemple de mieux prendre en compte les effets peu favorables des boissons édulcorées ou de mieux distinguer entre produits céréaliers complets et raffinés. Le Nutri-score n’est pas figé dans le marbre. »

Mathilde Gérard

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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