« Face a la pandémie, l’attractivité retrouvée des petites villes pourrait être le remède aux déserts médicaux »
TRIBUNE
Erika Cassan – Directrice du centre hospitalier des Vals d’Ardèche à Privas, Ardèche
Michel Valla – Maire de Privas (divers droite), président du conseil de surveillance du centre hospitalier des Vals d’Ardèche
La généralisation du télétravail a fait découvrir à de nombreux citoyens les atouts des petites agglomérations, qui pourraient inverser le mouvement de concentration dans les métropoles, soulignent, dans une tribune au « Monde », Erika Cassan, directrice de l’hôpital de Privas (Ardèche), et Michel Valla, maire de cette ville.
Publié aujourd’hui à 13h30 Temps de Lecture 2 min.
Tribune. Difficile de trouver des éléments positifs dans les douze derniers mois que nous venons toutes et tous de passer face à la pandémie. Le personnel hospitalier, en première ligne dans ce combat, peut témoigner de la violence de cette lutte. Pourtant, même dans ce monde des soins, cette bataille contre le Covid-19 a fait émerger une tendance qui pourrait bien, à terme, être source d’espoir.
Les Françaises et les Français, confrontés au confinement et au couvre-feu, ont souffert dans les grandes agglomérations, privés de sorties, dans un nombre restreint de mètres carrés, et loin de la nature. Et une tendance a commencé à émerger, corroborée par les statistiques immobilières : une envie de ville à taille humaine, proche des campagnes, des montagnes, des littoraux, des lieux où le lien social n’est pas un vain mot.
Une envie de s’installer dans ces petites cités, rendue désormais possible pour beaucoup grâce à la généralisation du télétravail et à la numérisation accrue imposée aux entreprises pour raisons sanitaires face au virus.
Ecologie, gastronomie
Pour la première fois depuis des décennies, le mouvement inexorable de concentration dans les grandes villes pourrait s’inverser. Les petites agglomérations qui souffraient de voir leur population s’étioler progressivement, leurs commerces fermer les uns après les autres, les services à la population, services publics ou privés, se réduire comme peau de chagrin, pourraient bien retrouver des couleurs, de l’attractivité et leur charme être ainsi redécouvert.
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A travers leurs atouts écologiques, gastronomiques (officialisés l’un et l’autre par de nombreux et très sérieux labels), météorologiques, technologiques même, tant le déploiement de la fibre s’accélère en France et rend les petites villes aussi connectées que les grandes.
Ce mouvement est aussi porteur d’un espoir dans un domaine-clé : la santé, face à l’aggravation en France des déserts médicaux, ces zones où hôpitaux, cliniques, médecins, pharmacies se font de plus en plus rares ou périclitent. Et sans offre de santé, c’est l’emploi et l’existence même des bassins de vie qui s’en trouvent menacés. Car salariés et entrepreneurs veulent pouvoir être soignés et leur famille avec eux. A l’exode rural était en train de succéder un véritable exode sanitaire.
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La découverte d’un changement de vie possible du fait de la pandémie pourrait apporter un début de réponse à ce problème, voire inverser la tendance. Les médecins ainsi que les personnels de santé et leurs proches sont peut-être en train de redécouvrir eux aussi les attraits des villes de taille moyenne, des établissements à taille humaine, de la proximité avec les patients et les habitants.
Politiques proactives
Cela passe bien sûr par des politiques proactives : création de maisons de santé pour faire se rencontrer médecine de ville et médecine hospitalière, création de crèches interétablissements, travaux de modernisation et d’embellissement de nos établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) qui nécessitent des investissements de la part de nos communes.
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Ce faisant, ces derniers vont redonner de l’attractivité et du bien-vivre à nos petites cités françaises et feront mentir tous ceux qui prévoyaient, voire militaient pour une concentration excessive de l’offre hospitalière et médicale généraliste et même spécialisée. Car, pour qu’il réussisse, ce mouvement doit aussi concerner nos médecins spécialistes dans tous les domaines : pédiatres, ORL, urologues, gastro-entérologues, ophtalmologues, obstétriciens, cardiologues, pneumologues, endocrinologues-diabétologues ou encore oncologues face au cancer…
Si ce mouvement se confirme et s’amplifie, il s’agira d’un véritable renouveau pour nos territoires. Mais il ne sera possible que si toutes les composantes de l’écosystème local – maires et élus ainsi que professionnels de santé – travaillent main dans la main.
Erika Cassan (Directrice du centre hospitalier des Vals d’Ardèche à Privas, Ardèche) et Michel Valla (Maire de Privas (divers droite), président du conseil de surveillance du centre hospitalier des Vals d’Ardèche)