AstraZeneca et le principe de précaution
ÉDITORIAL
Le Monde
La suspension du vaccin par plusieurs Etats européens met en lumière le décalage entre l’approche du principe de précaution sur le Vieux Continent et l’urgence du déploiement des stratégies de lutte contre le virus. Ne perdons pas de vue que le vaccin reste la seule solution pour vaincre cette pandémie.
Publié aujourd’hui à 10h04 Temps de Lecture 2 min.
Editorial du « Monde ». Le succès d’une campagne de vaccination tient tout autant à l’efficacité du vaccin qu’à la confiance que celui-ci inspire. Concernant AstraZeneca, la seconde condition vient d’être sérieusement ébranlée. L’apparition de thromboses chez une trentaine de patients après une injection du vaccin développé par le laboratoire anglo-suédois jette un doute sur son innocuité. Lundi 15 mars, la plupart des pays européens ont choisi de suspendre les injections, le temps de savoir si ces effets indésirables sont liés au vaccin.
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A ce stade, le lien de cause à effet entre la formation de caillots sanguins chez quelques patients pouvant conduire à des complications graves et la vaccination est uniquement chronologique. L’Agence européenne des médicaments, qui doit se prononcer jeudi sur le maintien de son autorisation sur ce vaccin, estime que ses avantages continuent à l’emporter sur ses risques.
En attendant de nouvelles données, les quelques cas de thrombose répertoriés doivent être mis en regard des 17 millions de personnes ayant reçu au moins une injection d’AstraZeneca. La proportion est inférieure à celle observée hors campagne de vaccination sur une population aussi âgée. Enfin, le risque de mourir du Covid-19 faute d’être vacciné reste sans commune mesure avec celui de manifester de tels effets indésirables après une injection.
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Ces doutes émergent néanmoins au pire moment. Dans une Europe qui peine à s’approvisionner en vaccins, AstraZeneca occupe une place centrale. Si la suspension des injections se prolongeait, ce serait un coup très dur porté à la stratégie vaccinale européenne.
Contrepartie
La situation est d’autant plus critique que le continent est en passe d’affronter la troisième vague de la pandémie en raison de la rapidité de propagation du variant britannique du SARS-CoV-2. L’Italie vient de décréter un nouveau confinement. L’Allemagne s’inquiète de l’augmentation des taux de contamination. La France, elle, s’est engagée dans une course contre la montre que cette suspension vient un peu plus compliquer. Face à la saturation des services de réanimation en Ile-de-France, seule une accélération de la vaccination peut laisser espérer d’éviter un reconfinement. Tout retard significatif rendrait caduc ce calcul
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Pour AstraZeneca, c’est une mauvaise nouvelle supplémentaire. Son vaccin a suscité des polémiques dès les premiers essais. Aux doutes quant à son efficacité lors de sa mise sur le marché se sont ajoutées des critiques sur l’incapacité du laboratoire à honorer ses promesses de livraisons à l’Union européenne (UE), sans cesse révisées à la baisse. Les dirigeants européens n’ont voulu prendre aucun risque avec ce vaccin mal né en prenant une décision politique qui va au-delà de ce qu’imposait la pharmacovigilance.
Si la transparence sur les effets indésirables des vaccins est indispensable pour maintenir la confiance de l’opinion, ce nouvel épisode de la pandémie met en lumière le décalage entre l’approche européenne du principe de précaution et l’urgence du déploiement des stratégies de lutte contre le virus. Depuis la mise à disposition des différents vaccins contre le Covid-19, les critiques se sont multipliées sur la prudence et la lenteur des Européens. Celles-ci tranchent avec le volontarisme britannique et américain.
Le choix de l’UE, nécessaire pour rassurer les populations, n’est pas sans contrepartie. L’immunité collective sera plus tardive, les décès plus nombreux, et les conséquences économiques plus coûteuses. L’opinion ne doit pas perdre de vue que le vaccin reste la seule solution pour vaincre cette pandémie.
Le Monde
Comment Emmanuel Macron a dû suspendre le vaccin AstraZeneca
La France disait vouloir attendre l’avis de l’EMA, mais la suspension du vaccin, décidée par plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, a contraint le gouvernement à s’aligner.

Le premier ministre, Jean Castex, l’assurait encore dans la soirée du dimanche 14 mars : « Il faut avoir confiance dans ce vaccin et se faire vacciner. » Malgré les doutes exprimés ces derniers jours par certains pays européens sur les éventuels effets secondaires du sérum développé par AstraZeneca, l’exécutif français, lui, se voulait inflexible. Il n’y a « pas lieu de suspendre » les injections des doses produites par le laboratoire anglo-suédois, estimait le ministre de la santé, Olivier Véran, le 11 mars.
Et ce, malgré de premières – et très rares – alertes concernant des thromboses rencontrées chez quelques patients. « Le bénéfice apporté par la vaccination est jugé supérieur au risque à ce stade », avait défendu M. Véran lors d’une conférence de presse. Las, Emmanuel Macron a été contraint de mettre cette assurance entre parenthèses.
« Par précaution », l’usage du vaccin AstraZeneca est désormais suspendu en France, a annoncé le chef de l’Etat, lundi 15 mars, en marge d’un sommet franco-espagnol à Montauban (Tarn-et-Garonne). L’exécutif attend l’avis de l’Agence européenne des médicaments (EMA), qui pourrait être rendu jeudi, avant d’espérer « remettre vite » ce vaccin en circulation « si l’avis de l’EMA le permet », a prévenu M. Macron. Cette décision a été prise, selon lui, « en conformité avec notre politique européenne ».
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De fait, c’est bien sous la pression de ses voisins que la France a été contrainte à ce virage. Après le Danemark, la Norvège, les Pays-Bas ou l’Islande, la décision prise par l’Allemagne, lundi après-midi, de suspendre à son tour l’usage de ce vaccin a tout emporté sur son passage. Obligeant le président de la République à s’aligner sur cette position quelques minutes plus tard. « Nous nous étions mis d’accord pour attendre l’avis de l’EMA [initialement prévu mardi], mais Berlin a tiré en premier sous la pression interne, soupire un ministre. L’inquiétude était là, la volte-face allemande ne nous permettait pas d’attendre. » « Notre stratégie est européenne, il est normal de se placer dans ce cadre », plaide le député (La République en marche, LRM) des Français de l’étranger Pieyre-Alexandre Anglade.
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Extrême prudence
Au-delà de cet « effet domino », comme dit un macroniste, rien ne justifierait ce revirement sur le fond à en croire l’exécutif. « Il n’y a pas d’éléments avérés qui nous laissent douter à ce stade de ce vaccin », souligne-t-on à Matignon. Avant même de rendre son avis, l’EMA a d’ailleurs souligné dans un communiqué, mardi, que « les avantages du vaccin AstraZeneca dans la prévention du Covid-19, avec son risque associé d’hospitalisation et de décès, l’emportent sur les risques d’effets secondaires ». L’extrême prudence aurait donc guidé cette décision du gouvernement français. « Nous n’avons pas de décès sur notre territoire, convient un conseiller. Mais, quand vous avez six ou sept pays autour de vous qui suspendent l’AstraZeneca, vous auriez l’air un peu con de ne pas en avoir fait de même s’il y a un mort une semaine après. »
Reste que cela soulève un problème de taille : quel impact sur la confiance des Français et donc le rythme de la campagne vaccinale ? L’objectif de dix millions de personnes vaccinées à la mi-avril fixé par Jean Castex dépendait en grande partie du vaccin AstraZeneca. Cet horizon semble aujourd’hui s’éloigner, d’autant que le laboratoire anglo-suédois accusait déjà de sérieux retards dans ses livraisons. « Cela ne change pas l’engagement de pouvoir vacciner tous les adultes qui le souhaitent d’ici à la fin de l’été », jure un proche d’Emmanuel Macron. Cela risque en revanche de réveiller le scepticisme des antivaccins, que l’exécutif craignait encore d’avoir à affronter il y a quelques semaines.
Covid-19 : la France suspend l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca
Le chef de l’Etat Emmanuel Macron suit l’exemple de plusieurs autres pays européens, parmi lesquels l’Allemagne et l’Itaqui ont constaté l’apparition de caillots sanguins chez des patients.
La France va suspendre l’utilisation du vaccin d’Astrazeneca contre le Covid-19 à titre préventif, jusqu’à un avis européen mercredi, a annoncé, lundi 15 mars, Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat français suit ainsi l’exemple de plusieurs autres pays européens, dont l’Allemagne et l’Italie, qui ont constaté des effets secondaires chez des patients vaccinés, notamment l’apparition de caillots sanguins.
Depuis une semaine, il y a rarement une journée sans qu’un pays suspende tout ou partie du vaccin d’AstraZeneca en circulation. L’Autriche a lancé le mouvement le 8 mars en suspendant un lot de vaccins après la mort d’une infirmière. Depuis, d’autres pays, dont l’Italie, ont suspendu des lots isolés. Plusieurs pays scandinaves – Danemark, Norvège, Islande – sont allés plus loin en suspendant tous les vaccins AstraZeneca, suivis par les Pays-Bas et l’Allemagne. Hors de l’Europe, la République démocratique du Congo, l’Indonésie et la Thaïlande ont reporté leur campagne de vaccination.
A chaque fois, les autorités sanitaires réagissent à des cas où des personnes vaccinées ont développé des problèmes sanguins parfois mortels, soit des difficultés à coaguler, soit la formation de caillots sanguins (thrombose). Mais les autorités concernées le reconnaissent : il n’y a pour l’instant aucun lien avéré entre ces problèmes de santé et le vaccin AstraZeneca, à part l’enchaînement chronologique. Si celui-ci est suspendu, c’est le temps de s’assurer qu’un tel rapport n’existe pas.
- L’Allemagne attend de nouveaux examens sur le vaccin Astrazeneca
En Allemagne, la décision de suspendre le vaccin du laboratoire anglo-suédois AstraZeneca intervient « après de nouvelles informations concernant des thromboses de veines cérébrales en lien avec la vaccination en Allemagne et en Europe », a expliqué un porte-parole du ministère de la santé. L’Agence européenne des médicaments « décidera si et comment les nouvelles connaissances [sur ces effets secondaires] se répercutent sur l’autorisation du vaccin », a-t-il ajouté. Le ministre de la santé, Jens Spahn, a prévu de s’exprimer dans l’après-midi.
Le vaccin AstraZeneca est l’un des trois vaccins utilisés en Allemagne, tandis qu’un quatrième, celui de Johnson & Johnson, a déjà reçu le feu vert des autorités européennes et sera distribué entre la mi et la fin avril, selon le ministère de la santé.
- AstraZeneca défend la sûreté de son vaccin
Alors que plusieurs pays ont décidé de suspendre le vaccin d’AstraZeneca, le directeur de l’Oxford Vaccine Groupe, qui a codéveloppé le produit, a mis en avant l’absence de données avérées sur le lien supposé avec l’apparition de caillots sanguins chez des patients. Il y a « des preuves très rassurantes qu’il n’y a pas d’augmentation du phénomène de caillot sanguin ici au Royaume-Uni, où la plupart des doses en Europe ont été administrées jusqu’à présent », a déclaré lundi le professeur Andrew Pollard.
Dans un communiqué publié dimanche, AstraZeneca a mis en lumière le fait qu’« environ 17 millions de personnes dans l’Union européenne et au Royaume-Uni ont maintenant reçu (le) vaccin, et le nombre de cas de caillots sanguins signalés dans ce groupe est inférieur aux centaines de cas auxquels on pourrait s’attendre dans la population générale ». L’examen de ces données « n’a apporté aucune preuve d’un risque accru d’embolie pulmonaire, thrombose veineuse profonde (TVP) ou de thrombocytopénie ».
Lire le reportage : Vaccination à l’AstraZeneca : « Je fais confiance à mon médecin, je ne sais pas si je l’aurais fait sinon »
- Les commandes rouvertes au compte-gouttes pour les médecins libéraux en France
Suspendues la semaine dernière, les commandes de vaccins AstraZeneca ont été rouvertes lundi matin pour les médecins libéraux en France, qui devront se contenter de 30 000 flacons livrés d’ici à la fin de mars, à raison d’un seul par praticien.
« Au maximum, 30 000 médecins pourront commander un flacon » d’ici à mercredi soir, explique la direction générale de la santé (DGS) dans une note « DGS-urgent » diffusée dimanche. Un choix dicté par « le volume des livraisons [du] laboratoire AstraZeneca, qui contraint très fortement les approvisionnements » : seulement 146 000 doses sont attendues cette semaine, puis 158 000 la semaine prochaine.
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- Les pompiers des Bouches-du-Rhône suspendent la vaccination de leur personnel
Les sapeurs-pompiers des Bouches-du-Rhône ont suspendu la vaccination de leur personnel contre le Covid-19 avec le vaccin du groupe pharmaceutique anglo-suédois après la survenue d’effets indésirables chez un pompier, ont-il expliqué lundi. « Par mesure de précaution, nous avons suspendu la deuxième injection du vaccin AstraZeneca », a déclaré une porte-parole du service départemental d’incendie et de secours (SDIS). Une soixantaine de pompiers du département ont reçu une première dose du vaccin d’AstraZeneca la semaine dernière.
Un pompier d’Arles (90 km à l’ouest de Marseille), dont l’âge n’a pas été précisé, a été hospitalisé pour une arythmie cardiaque après sa première injection, le 8 mars. Ce pompier « va beaucoup mieux » lundi, a rapporté le SDIS.
Nos réponses à vos questions : A quel point les vaccins sont-ils efficaces ? Quels effets secondaires ont-ils été observés ?
AstraZeneca : six questions pour comprendre la suspension du vaccin en France
Emmanuel Macron a annoncé, lundi, la suspension du vaccin de la firme suédo-britannique, en attendant l’avis de l’Agence européenne des médicaments. Quels sont les effets indésirables qui ont été signalés ? Son utilité est-elle remise en cause ?
Temps de Lecture 6 min.
Le vaccin contre le Covid-19 d’AstraZeneca se retrouve ces derniers jours au centre d’une attention médiatique dont il se serait bien passé. Déjà critiqué pour des retards de livraison, il fait désormais face à des soupçons d’effets indésirables graves, qui ont amené plusieurs pays à en suspendre l’utilisation depuis jeudi 11 mars. La France, mais aussi l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne leur ont emboîté le pas lundi.En direct : La France suspend l’usage du vaccin d’AstraZeneca : les dernières informations et les réponses à vos questions
- Quels pays ont suspendu le vaccin ?
Au moins douze pays avaient suspendu, lundi en fin d’après-midi, l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca. Il s’agit principalement de pays européens : la France, le Danemark, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, la Norvège, l’Islande, la Bulgarie, les Pays-Bas et l’Irlande, auxquels s’ajoutent la Thaïlande et la République démocratique du Congo.
Par ailleurs, plusieurs pays de l’Union européenne (UE) – l’Autriche, le Luxembourg, l’Estonie, la Lituanie et la Lettonie – ont également gelé l’utilisation de lots spécifiques du vaccin, le reste des doses pouvant continuer à y être utilisé.
En ce qui concerne la France, le président de la République, Emmanuel Macron, a précisé que la suspension du vaccin avait été décidée en attendant l’avis qu’émettra l’Agence européenne du médicament (AEM) mardi dans l’après-midi.
- Pourquoi de telles décisions ont-elles été prises ?
Les inquiétudes portent sur des cas graves de formation de caillots sanguins chez certaines personnes vaccinées. Au Danemark, une patiente de 60 ans est morte d’une thrombose (une obstruction vasculaire par un caillot sanguin) peu après avoir reçu le vaccin d’AstraZeneca. Les autorités sanitaires du pays ont alors décidé d’appliquer un strict principe de précaution en suspendant l’utilisation du vaccin pendant deux semaines. « Il n’est pas possible actuellement de conclure s’il y a ou non un lien. Nous agissons tôt, il faut une enquête approfondie », a expliqué le ministre de la santé danois, Magnus Heunicke.
La Norvège s’est rangée à cette position alors que trois soignants vaccinés de moins de 50 ans ont été admis à l’hôpital pour des caillots sanguins – l’un d’entre eux est mort dimanche – et qu’un autre décès à la suite d’une hémorragie cérébrale a été observé.
Autre inquiétude : les autorités ont fait état de cas d’hémorragies cutanées chez de jeunes personnes vaccinées. Un problème pris très au sérieux par les autorités : « Ceci est grave et peut être le signe d’une diminution du nombre de plaquettes », a déclaré l’Institut norvégien de santé publique.
Selon l’Agence européenne des médicaments, trente cas de thrombose ont été rapportés au 10 mars, sur environ cinq millions d’Européens (résidents de la zone économique de l’UE) vaccinés avec le produit du laboratoire suédo-britannique.
- Le lien entre ces effets indésirables et le vaccin est-il confirmé ?
Non. Les possibles effets indésirables des vaccins sont signalés, un par un, aux autorités sanitaires. Ce recensement, qui se veut le plus exhaustif possible, est une garantie dans la surveillance de la campagne de vaccination. Mais il ne suffit pas : une analyse détaillée doit ensuite être menée pour comprendre si le vaccin est responsable des pathologies signalées, ou s’il est tout à fait normal de les observer dans ces proportions pour pareil échantillon de la population.
L’AEM estime à ce stade que le nombre de thromboses observées chez les vaccinés n’est pas supérieur à celui observé dans la population générale. Le Royaume-Uni, où plus de 10 millions de doses du vaccin AstraZeneca ont été injectées, est sur la même ligne. « Etant donné le grand nombre de doses administrées et la fréquence à laquelle les thromboses sanguines peuvent se produire naturellement, les éléments dont nous disposons ne suggèrent pas que le vaccin en soit la cause », a assuré à la BBC Phil Bryan, responsable des vaccins de la Medicines and Healthcare products Regulatory Agency, l’agence britannique de pharmacovigilance.
Quant au laboratoire AstraZeneca, il a rapporté dans un communiqué publié dimanche qu’« un examen attentif de toutes les données de sécurité disponibles sur les plus de 17 millions de vaccinés dans l’UE et au Royaume-Uni n’a[vait] montré aucune preuve de risque accru d’embolie pulmonaire, de thrombose veineuse profonde, ni de thrombocytopénie ».Vaccins contre le Covid-19 : suivez la progression de la vaccination en France et dans le monde
- De tels effets indésirables remettent-ils en cause l’utilité du dit vaccin ?
L’AEM considère que « les bénéfices des vaccins continuent de l’emporter sur les risques ». C’est également la position de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Si tant est que « toute alerte de sécurité doit faire l’objet d’une enquête », il « n’y a pas [non plus] de raison de ne pas utiliser » le vaccin d’AstraZeneca, a déclaré Margaret Harris, une porte-parole de l’OMS, vendredi.
L’évaluation d’un médicament passe en effet par la mise en perspective des risques qu’il présente au regard de ses bénéfices. Dans le cas du vaccin d’AstraZeneca, c’est son efficacité contre les formes symptomatiques de Covid-19, dont le taux se situe aux alentours de 60 %, qui continue de plaider en faveur de son utilisation.
Cette conclusion peut cependant évoluer avec les connaissances en la matière, d’où l’utilité de suivre dans le temps l’efficacité comme les inconvénients d’un médicament.
- Quelle est la position de la France ?
En France, le vaccin est administré, pour le moment, aux personnes âgées de 50 à 74 ans présentant un risque de comorbidité ainsi qu’aux patients de plus de 75 ans, non seulement en cabinet, mais aussi, depuis lundi, en pharmacie, afin d’accélérer la campagne vaccinale. Les autorités sanitaires ont, dans un premier temps, tenu une position similaire à celle de l’AEM. Le ministre de la santé, Olivier Véran, s’était ainsi appuyé, jeudi, sur les recommandations de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), laquelle estimait qu’il n’y avait « pas lieu de suspendre la vaccination par AstraZeneca ».
Interrogé lors de son live sur la plate-forme de vidéos Twitch dimanche, le premier ministre, Jean Castex, avait appelé à poursuivre l’utilisation du vaccin en France :
« A ce stade, il faut avoir confiance dans ce vaccin et se faire vacciner. Je le dis de la façon la plus solennelle, sinon on aura des retards dans la vaccination, les Françaises et Français seront moins protégés, et la crise sanitaire durera longtemps. »
Emmanuel Macron a finalement annoncé, lundi, la suspension provisoire du vaccin, dans l’attente de l’avis de l’AEM :
« La décision qui a été prise en conformité aussi avec notre politique européenne, c’est de suspendre par précaution la vaccination avec AstraZeneca, en espérant reprendre vite si l’avis de l’AEM le permet. »
- Quels sont les autres effets secondaires du vaccin d’AstraZeneca ?
Les principaux effets secondaires apparus au cours des essais cliniques sont des douleurs et une sensibilité accrue à l’endroit du point d’injection. Autres réactions courantes : des maux de tête, de la fatigue, des douleurs musculaires ou encore de la fièvre. Plus d’une personne sur dix ressent de tels symptômes, souvent de forte intensité, et qui peuvent entraîner des arrêts de travail de courte durée chez les soignants.
Cette tendance s’est vérifiée avec la vaccination à grande échelle. Selon le dernier rapport en date de l’ANSM, 3 013 signalements avaient été effectués au 4 mars en France, sur plus de 454 000 vaccinations réalisées avec le produit d’AstraZeneca. « La grande majorité de ces cas concerne des syndromes pseudo-grippaux, souvent de forte intensité (fièvre élevée, courbatures, céphalées) », précise l’ANSM.
D’autres rares effets indésirables ont également été remontés, mais aucun lien entre le vaccin et ces signalements n’a encore été établi. Les effets indésirables graves dits « d’intérêt particulier », comme les décès, les troubles du rythme cardiaque ou les pertes de goût ou d’odorat, seraient quant à eux rarissimes : seuls quinze cas possibles ont été signalés en France à ce stade, sans établir de lien de cause à effet avec le vaccin.Notre sélection d’articles sur les vaccins contre le Covid-19
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*Vaccin AstraZeneca : « Restons calmes : il s’agit d’attendre l’avis de l’Agence européenne des médicaments »
Le professeur Mathieu Molimard, chef du service de pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux, revient sur la décision de la France, lundi, de suspendre l’utilisation du vaccin contre le Covid-19.
Emmanuel Macron a décidé, lundi 15 mars, de « suspendre par précaution » le vaccin contre le Covid-19 développé par le groupe anglo-suédois AstraZeneca et l’université d’Oxford, en attendant un avis de l’Agence européenne des médicaments (EMA). Professeur de pharmacologie médicale au CHU de Bordeaux, Mathieu Molimard en évalue les enjeux.
Comment interprétez-vous l’annonce française de suspendre l’usage du vaccin AstraZeneca ?
J’interprète cette annonce comme une décision politique et, en cela, je peux la comprendre. Tant que la suspension ne concernait que les pays scandinaves, ce n’était pas un problème, mais quand votre principal partenaire politique, à savoir l’Allemagne, prend cette position, suivant un autre de vos voisins, l’Italie, cela devient intenable.
Cela dit, restons calmes : il s’agit d’attendre l’avis de l’Agence européenne des médicaments (EMA), qui pourrait arriver demain. Comme on ne vaccine pas la nuit, cela ne va pas changer grand-chose.
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Mais la justification donnée est scientifique. Cela ne vous convainc pas ?
Dans la base de pharmacovigilance, nous avons enregistré un cas de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) après une vaccination conduite avec le produit d’AstraZeneca. Et nous ne savons pas s’il est lié au vaccin. J’ajoute que nous avons observé des cas de thromboses avec les deux autres vaccins également.
Mais là encore, nous n’avions aucun élément pour les lier à l’injection et nous avons considéré que, comme pour d’autres effets indésirables rares, la balance bénéfice/risque restait très largement favorable à la vaccination. C’est ça la démarche scientifique : d’abord voir s’il y a causalité. Si ce n’est pas le cas, l’affaire est réglée.
Et si une causalité est établie, quel risque fait-elle courir et quel bénéfice va-t-on perdre si l’on arrête ? Il y a des milliers de morts chaque année sur les routes, la voiture en est évidemment responsable mais on n’interdit pas les voitures.
De quel côté penche la balance, selon vous ?
En Islande, où il n’y a presque aucun cas de Covid, ou en Norvège, qui compte depuis le début de la pandémie autant d’infections que nous en avons en trois ou quatre jours, le risque pris est peut-être excessif, je n’en sais rien. Mais en France, suspendre quinze jours, ça serait priver de protection des centaines de milliers de personnes contre un virus qui circule de façon massive et tue quotidiennement 300 personnes.
C’est comme si un Airbus s’écrasait chaque jour sur notre sol. Dans cette situation, le principe de précaution devient une source de danger.Notre sélection d’articles sur le Covid-19
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Covid-19 : l’Irlande et les Pays-Bas suspendent à leur tour l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca
Cette mesure, déjà en vigueur dans plusieurs pays, avait été recommandée par les autorités sanitaires au nom du principe de précaution, après que des cas de formation de caillots sanguins ont été rapportés en Norvège.
La liste des pays qui suspendent l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca s’allonge. L’Irlande et les Pays-Bas ont décidé, dimanche 14 mars, de ne plus administrer le produit du laboratoire anglo-suédois dans l’immédiat.
L’Autorité néerlandaise des médicaments a conseillé, par mesure de précaution et dans « l’attente d’une enquête plus approfondie », de suspendre l’administration du vaccin jusqu’au 28 mars inclus. La commission chargée du programme de vaccination en Irlande avait conseillé cette mesure, déjà en vigueur dans plusieurs pays, au nom du « principe de précaution ».
Cette recommandation a été émise à la suite d’un rapport de l’agence des produits de santé norvégienne rapportant « quatre nouveaux cas graves de caillots sanguins chez des adultes » qui avaient reçu le vaccin d’AstraZeneca. A ce stade, aucun lien avéré n’a, cependant, été établi avec la vaccination.
Les doutes qui s’accumulent autour du produit d’AstraZeneca font craindre un ralentissement des campagnes de vaccination dans le monde, alors que pandémie continue de progresser. Elle a fait plus de 2 640 000 morts dans le monde depuis la fin de décembre 2019, selon un bilan établi par l’Agence France-Presse (AFP), à partir de sources officielles samedi en milieu de journée.
Tous les chiffres de la pandémie sur notre page de suivi

- Le vaccin d’AstraZeneca suspendu dans plusieurs pays

Avant ces pays, la Norvège, au même titre que l’Islande ou le Danemark, avait annoncé jeudi la suspension des injections du vaccin d’AstraZeneca en invoquant le principe de précaution en raison de craintes liées à la formation de caillots sanguins. La Bulgarie a fait de même vendredi et la Thaïlande a retardé sa campagne, comme la République démocratique du Congo. L’Italie et l’Autriche ont, quant à elles, suspendu des lots du vaccin, notamment celui incriminé dans la mort d’un enseignant vacciné samedi, tout en poursuivant la vaccination avec d’autres lots d’AstraZeneca. Le président de l’Agence italienne des médicaments (AIFA), Giorgio Palu, a assuré que le vaccin AstraZeneca ne présentait « aucun risque », estimant que « les bénéfices dépassent largement les risques encourus » et appelant à dépasser « l’émotivité » et se fonder sur « des données scientifiques ».
En réaction, le groupe pharmaceutique a assuré vendredi que son vaccin n’entraînait aucun « risque aggravé » de caillot sanguin. Sur « une analyse de données de sûreté portant sur plus de 10 millions de cas enregistrés, nous n’avons vu aucune preuve de risque aggravé d’embolie pulmonaire ou de thrombose », détaille le laboratoire dans son communiqué. « En fait, les chiffres sur ce type [de problème médical] sont beaucoup plus faibles chez ceux qui sont vaccinés comparé à ce qui serait attendu dans la population dans son ensemble », a-t-il ajouté.
Lire aussi le récit : Le chemin de croix du vaccin d’AstraZeneca
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a, quant à elle, déclaré vendredi qu’il n’y avait « pas de raison de ne pas utiliser » ce vaccin et qu’aucun lien de cause à effet sur la formation de caillots sanguins n’avait pour l’instant été trouvé. L’Agence européenne des médicaments (AEM) a toutefois estimé qu’un lien de causalité était « probable » dans au moins certains des « quarante et un rapports d’anaphylaxie possible observés parmi environ 5 millions de vaccinations au Royaume-Uni ». Elle fait également valoir que des allergies sévères devraient être ajoutées à la liste des effets secondaires possibles du vaccin mais que celui-ci reste sûr.
Ces nouvelles déconvenues pour le vaccin d’AstraZeneca sont venues s’ajouter aux problèmes de production et de livraison.
Vendredi, le laboratoire a annoncé une nouvelle baisse des livraisons dans l’Union européenne (UE). Invoquant des « restrictions d’exportation » pour les vaccins fabriqués hors UE, il annonce ne pouvoir livrer que 100 millions de doses durant les six mois achevés en juin, dont 70 millions seulement sur les 180 millions initialement prévus au deuxième trimestre.
Coronavirus : L’Allemagne suspend à son tour la vaccination avec AstraZeneca
VACCIN Comme de nombreux pays européens, l’Allemagne a suspendu la vaccination avec AstraZeneca, soupçonné de produire de dangereux effets secondaires
20 Minutes avec AFP
Publié le 15/03/21 à 15h43 — Mis à jour le 15/03/21 à 15h49

L’Allemagne a suspendu ce lundi la vaccination par AstraZeneca contre le coronavirus. Le vaccin d’AstraZeneca est l’un des quatre vaccins autorisés à être administrés en France pour lutter contre l’épidémie de Covid-19.
Près d’une dizaine de pays ont déjà suspendu par précaution son utilisation après le signalement d’effets secondaires « possibles », mais sans liens avérés à ce stade.
Le vaccin contre le Covid-19 développé par AstraZeneca avec l’université britannique d’Oxford est sûr, a assuré son codéveloppeur à la BBC ce lundi après des inquiétudes ayant conduit à la suspension de son utilisation dans plusieurs pays. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime elle aussi qu’il n’y a « pas de raison de ne pas utiliser » ce vaccin.
AstraZeneca : en Allemagne, une proportion de thromboses veineuses anormalement élevée
Vaccin
Par Célia Cuordifede
Publié le 16/03/2021 à 15:19
Alors que de possibles effets secondaires du vaccin AstraZeneca font l’objet d’enquêtes et de débats au sein de l’UE, après le signalement d’une trentaine de thromboses, le ministère de la Santé allemand a dévoilé des données préoccupantes.
Par précaution, une douzaine de pays de l’Union européenne, dont la France, a suspendu le vaccin AstraZeneca. En cause : le signalement d’une trentaine de cas de thrombose, autrement dit de formation de caillots sanguins, chez des personnes récemment vaccinées par le sérum suédo-britannique. Pour l’heure des enquêtes sont en cours, mais aucun lien de causalité n’a été identifié. Lors d’une conférence de presse donnée ce mardi 16 mars, la directrice de l’Agence européenne du médicament a déclaré que l’institution « reste fermement convaincue que les avantages apportés par ce vaccin, y compris la prévention de la mort, dépassent de loin les risques que représente ce vaccin ». Avant de rappeler « la nécessité que les citoyens fassent remonter leurs effets secondaires« .
En France, comme l’expliquait à Marianne Annie-Pierre Béra Jonville, sur plus d’un million d’injections du vaccin, « un seul cas de thrombose multiple a été détecté via la pharmacovigilance. On le surveille de très près, mais on ne peut dire que ce soit en lien direct avec AstraZeneca, ni l’exclure totalement« . Avec ses 9,7 millions de vaccinés via le même produit, l’agence du médicament du Royaume-Uni, a pour sa part détecté 35 cas de caillots sanguins. Un chiffre loin d’être « supérieur au nombre de cas qui seraient produits naturellement dans la population vaccinée ».
DES CONCLUSIONS JEUDI 18 MARS
En revanche, les données communiquées ce lundi 16 mars par le ministère de la Santé allemand (pays qui a aussi choisi la suspension du vaccin), sont davantage préoccupantes. Lors d’une conférence de presse, le ministre de la Santé Jens Spahn a signalé une proportion particulièrement élevée de thromboses veineuses cérébrales (TVC). Le ministre allemand a ainsi déclaré que 7 cas de thromboses veineuses cérébrales ont été relevés depuis le 8 février sur les 1,7 million de vaccinés.Soit quatre cas par millions d’habitants. »Une accumulation remarquable à proximité temporelle des vaccinations« , a-t-il signalé. D’ordinaire, cette proportion n’est atteinte qu’en l’espace d’un an… au lieu d’un mois.La décision de suspension du vaccin de la part de l’Allemagne apparaît de fait davantage technique et scientifique que politique.
Toutefois, de nombreux médecins font observer qu’une personne utilisant une pilule contraceptive orale a un risque 7,6 fois plus élevé de développer une thrombose veineuse cérébrale, qu’une personne n’en prenant pas, sans que la pilule ne soit pour autant interdite.
L’Europe est désormais suspendue aux travaux du comité de sécurité de l’agence européenne du médicament qui se réunit ce mardi 16 mars pour évaluer de nouvelles informations et devrait arriver à une conclusion lors d’une réunion spéciale jeudi, a déclaré sa directrice.
Norvège : décès d’une deuxième soignante vaccinée avec AstraZeneca
Deux femmes, âgées l’une d’une trentaine d’années l’autre d’un peu moins de 50 ans, ont succombé une dizaine de jours après avoir été vaccinées avec le vaccin anglo-suédois. Aucun lien de causalité n’a été établi entre le vaccin et leur décès.

Par Le Parisien avec AFP Le 15 mars 2021 à 18h53
La Norvège a annoncé lundi la mort par hémorragie cérébrale d’une soignante de moins de 50 ans. Elle avait été hospitalisée après avoir reçu une injection d’une dose d’AstraZeneca. Jusqu’ici aucun lien n’a été établi entre le vaccin et son décès. C’est le deuxième cas analogue mortel signalé en quelques jours dans le pays nordique qui a suspendu jeudi «par précaution» le vaccin développé par le laboratoire anglo-suédois.
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Samedi, les autorités sanitaires norvégiennes avaient fait état de l’hospitalisation de trois membres du personnel soignant souffrant de thrombopénie (quantité anormalement basse de plaquettes sanguines), de saignements et de caillots sanguins.
Deux autres soignants hospitalisés
Présentés comme relativement jeunes, tous avaient auparavant reçu une première injection du vaccin d’AstraZeneca. L’un de ces trois soignants, une femme de moins de 50 ans jusqu’alors «en bonne santé», a succombé dimanche des suites d’une hémorragie cérébrale, ont indiqué les autorités sanitaires. Elle avait été hospitalisée jeudi, environ une semaine après avoir reçu le vaccin.
«Nous ne pouvons ni exclure ni confirmer que cela a quelque chose à voir avec le vaccin», a déclaré un responsable de l’Agence norvégienne des médicaments, Steinar Madsen, lors d’une conférence de presse. L’état de santé des deux autres soignants hospitalisés a été qualifié de stationnaire. Une autre soignante d’une trentaine d’années était déjà morte vendredi en Norvège, dix jours après avoir reçu le même vaccin. D’autres décès ont aussi été rapportés en Europe, notamment en Autriche et au Danemark.
L’Agence européenne des médicaments (AEM) cherche à déterminer si ces cas sont liés au vaccin. Vendredi, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait assuré qu’il n’y avait «pas de raison de ne pas utiliser» celui-ci et le fabricant s’est voulu lui aussi rassurant. Selon les autorités médicales norvégiennes, environ 130 000 personnes se sont vu administrer le vaccin dans le pays nordique, jusqu’à la suspension annoncée jeudi en raison de craintes liées à la formation de caillots sanguins.
Au Danemark, une lettre aux vaccinés
Au Danemark, premier pays à avoir suspendu sa campagne de vaccination avec l’AstraZeneca jeudi, l’autorité nationale du médicament a adressé lundi un courrier aux quelque 100 000 personnes ayant reçu une injection du vaccin anglo-suédois au cours des 14 derniers jours.
La lettre leur recommande une vigilance accrue face à des symptômes tels des bleus anormaux, des saignements cutanés ou muqueux, de forts maux de tête ou de ventre.
**Les uns après les autres, les pays européens suspendent le vaccin d’AstraZeneca « par précaution »
Les Etats s’inspirent de mesures déjà prises par le Danemark et la Norvège, et s’en remettent à l’Agence européenne des médicaments avant de relancer leur campagne vaccinale avec le produit du laboratoire britannico-suédois.
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L’Allemagne a ouvert le feu, suivie de près par l’Italie, la France, l’Espagne puis la Suède. Les pays européens, pourtant très dépendants du vaccin d’AstraZeneca pour muscler leur campagne de vaccination, sont contraints de le suspendre, en raison de soupçons de graves effets secondaires. C’est du moins la mesure dévoilée en urgence, lundi 15 mars, par Berlin, Rome, Paris et Madrid, après une série d’alertes sur des cas présumés de thrombose survenus après l’injection de doses produites par le groupe pharmaceutique anglo-suédois. Mardi matin, Stockholm a emboîté le pas, mentionnant une combinaison de symptômes inquiétants. Il s’agit de « suspendre par précaution la vaccination avec AstraZeneca en espérant la reprendre vite si l’Agence européenne des médicaments [AEM] donne son feu vert », a déclaré lundi le président français, Emmanuel Macron, lors d’une conférence de presse avec le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, à l’issue d’un sommet franco-espagnol à Montauban, dans le Tarn-et-Garonne.
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Il était un peu plus de 15 heures, lundi après-midi, quand le gouvernement allemand a pris les devants, conformément à la « recommandation » de l’Institut Paul-Ehrlich, chargé de le conseiller sur les questions de vaccination. « Il s’agit d’une décision scientifique et non pas politique », a déclaré le ministre de la santé, Jens Spahn, quelques minutes plus tard. D’après lui, sept cas de thromboses potentiellement liées à l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca auraient été répertoriés outre-Rhin. Cette annonce a pris tout le monde de court. Vendredi 12 mars, M. Spahn avait en effet « regretté » la décision prise, la veille, par le Danemark, la Norvège et l’Islande, de suspendre l’utilisation de ce vaccin. « Avec ce que nous savons jusqu’à présent, le bénéfice (…) est de loin supérieur au risque »,avait-il déclaré.
L’Agence européenne des médicaments se veut rassurante
A l’instar de M. Macron, les gouvernements concernés s’en remettent à l’AEM. Celle-ci a annoncé une réunion de son comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance, mardi 16 mars, afin d’examiner les informations remontées à ce jour par les Etats de l’Union européenne (UE), puis une nouvelle réunion extraordinaire, jeudi. « Nous avons confiance dans le fait que, dans les prochaines heures, l’AEM pourra clarifier définitivement la question », a assuré le ministre de la santé italien, Roberto Speranza.
L’agence, qui a lancé une enquête dès la semaine dernière, s’est montrée rassurante lundi et « reste actuellement d’avis que les avantages du vaccin d’AstraZeneca dans la prévention du Covid-19, avec son risque associé d’hospitalisation et de décès, l’emportent sur les risques d’effets secondaires, a-t-elle fait savoir. Le nombre d’événements thrombolytiques constatés au sein de la population vaccinée ne semble pas plus élevé que dans l’ensemble de la population », ajoute l’AEM, qui évoque un « très petit nombre » de cas.
Lire le reportage : Vaccination à l’AstraZeneca : « Je fais confiance à mon médecin, je ne sais pas si je l’aurais fait sinon »
Tandis que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise de poursuivre les injections du vaccin développé en coopération avec l’université d’Oxford, « il est légitime que les Etats membres prennent des mesures de suspension », observe-t-on auprès de la Commission européenne. Avant d’ajouter : « On a des problèmes bien plus graves avec AstraZeneca. » L’industriel ne livrera que 30 millions des doses promises pour le premier trimestre (contre 120 millions initialement prévues) et la Commission n’est pas sûre à ce stade qu’il puisse en livrer plus de 75 millions au deuxième trimestre (contre 180 millions de doses prévues).
Les premières interrogations à l’origine de ce nouveau rebondissement dans les relations tumultueuses entre le continent et le laboratoire sont apparues la semaine dernière : jeudi 11 mars, la Norvège avait décidé de suspendre l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca – déjà inoculé à 121 000 personnes – quelques heures seulement après le Danemark, où une femme de 60 ans a été victime d’une embolie. L’Islande, qui n’avait constaté aucun cas, a également décidé d’interrompre l’utilisation du vaccin.
La Bulgarie a suivi, après le décès suspect d’une femme de 57 ans.
Confusion
Comme en Autriche, un lot de vaccins d’AstraZeneca a par ailleurs été retiré en Italie, provoquant une grande confusion entre les agences régionales de santé (le système sanitaire italien est régionalisé). Dimanche, la région Piémont a décidé unilatéralement de suspendre l’usage de ces vaccins, avant de se faire rappeler à l’ordre par Rome. Dans le même temps, plusieurs magistrats, notamment à Biella (Piémont) et à Catane (Sicile), ont rendu publique leur décision d’ouvrir des enquêtes après des morts suspectes – qui, pour l’heure, n’ont pas pu être reliées à la campagne de vaccination.
Les choses se sont accélérées lundi lorsque l’agence norvégienne du médicament a annoncé qu’un des trois soignants hospitalisés, en raison d’un caillot sanguin, après avoir reçu le vaccin d’AstraZeneca, était mort dimanche d’une hémorragie cérébrale. Trine Kasine, médecin au service de réanimation du Rigshospitalet, a précisé qu’il s’agissait d’une femme jeune, « de moins de 50 ans », en bonne santé, qui « a reçu le vaccin une semaine avant d’être hospitalisée ».
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Pour le moment, l’agence norvégienne affirme qu’il n’y a pas de « lien avéré » avec le vaccin, mais qu’une enquête est en cours pour déterminer d’éventuels points communs entre les trois patients et les cas constatés à l’étranger. Elle avait alerté sur « une combinaison très inhabituelle de faible numération plaquettaire, de caillots sanguins dans les petits et grands vaisseaux et de saignements ». « Nous n’avons rien vu d’équivalent auparavant avec d’autres vaccins », a souligné lundi Steinar Madsen, son directeur médical.
C’est sur la base de ces nouvelles informations que la Suède a annoncé, à son tour, mardi matin, faire une pause : « De nouveaux signaux concernant une nouvelle forme de symptômes sont apparus ces derniers jours », a expliqué le chef épidémiologiste Anders Tegnell, au quotidien Dagens Nyheter. Ce sont « des phénomènes très rares », mais « suffisamment graves » pour justifier « l’application du principe de précaution ».
Ces annonces successives, et la confusion qui peut en découler, risquent de compliquer encore des campagnes de vaccination poussives au sein de l’UE. Même si l’AEM, jeudi, devait une nouvelle fois confirmer les vertus du vaccin d’AstraZeneca, on peut craindre que ce nouvel épisode vienne abîmer un peu plus la confiance des citoyens dans un vaccin dont ils se méfient d’ores et déjà.
Prudence
Ces dernières semaines, les gouvernements allemand et français n’avaient pas ménagé leurs efforts pour convaincre la population de l’efficacité et de l’innocuité du vaccin d’AstraZeneca. Après avoir consulté leurs autorités de santé, les deux pays étaient revenus sur leur décision initiale de ne pas permettre aux plus de 65 ans de se le faire injecter.
Aux Pays-Bas, la suspension de la vaccination avec le vaccin d’AstraZeneca, annoncée dimanche soir pour au moins deux semaines, a entraîné le report de 300 000 rendez-vous et pourrait retarder les projets du gouvernement de vacciner toute la population avant l’été, dont les deux tiers complètement. Quelque 350 000 Néerlandais de plus de 50 ans ont déjà été vaccinés avec le produit d’AstraZeneca. Ainsi que 80 000 autres, professionnels de la santé, pensionnaires d’institutions ou personnes à la santé fragile. Aucun incident n’aurait été mentionné jusqu’ici.
Lire aussi le récit : Le chemin de croix du vaccin d’AstraZeneca
Si le Luxembourg a suivi l’exemple néerlandais, la Finlande ou la Belgique s’y refusent. Le Conseil supérieur de la santé belge entendait, lundi, continuer à s’aligner sur la décision de l’AEM et les avis de l’OMS. Et donc poursuivre la vaccination avec l’AstraZeneca. L’instance estimait lundi qu’une « suspension, même provisoire, ne pourrait qu’avoir des effets néfastes sur la vaccination ».
Même prudence en Autriche : le ministre de la santé, l’écologiste Rudolf Anschober, a expliqué lundi soir qu’il n’y avait toujours pas de preuve du lien entre AstraZeneca et les événements médicaux signalés. Il a par ailleurs dénoncé des « décisions prises de façon isolée au niveau national » sans attendre l’avis de l’AEM. « Ce n’est ni efficace ni favorable à la confiance », a-t-il critiqué.
Le Royaume-Uni affiche sa confiance dans le vaccin
La suspension du vaccin, en plein bras de fer avec son fabricant sur les approvisionnements, pourrait, par ailleurs, nourrir les tensions avec le Royaume-Uni. Onze millions de Britanniques ont reçu – au moins – une injection du vaccin, et les autorités sanitaires locales continuent d’afficher leur confiance, tout comme le gouvernement, très largement soutenu par la communauté scientifique. « Il n’y a pas de raison de suspendre la vaccination », a réagi le premier ministre, Boris Johnson. La MHRA (l’agence britannique du médicament), qui a autorisé l’utilisation du vaccin à la fin de 2020, « est l’une des plus sévères et expérimentées » du monde.
Andrew Pollard, responsable du Oxford Vaccine Group, codéveloppeur du vaccin avec la vaccinologue Sarah Gilbert, a lui aussi assuré au micro de la BBC, lundi, qu’« il y a des preuves très rassurantes selon lesquelles il n’y a pas d’augmentation des cas d’embolie ici au Royaume-Uni ». Le docteur Peter English, président du comité de santé publique de la British Medical Association, estime auprès du Daily Telegraph qu’« il est regrettable que des pays aient stoppé la vaccination sur une telle application du principe de précaution ».Notre sélection d’articles sur les vaccins contre le Covid-19
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Jérôme Gautheret(Rome, correspondant), Philippe Ricard, Anne-Françoise Hivert(Malmö (Suède), correspondante régionale), Jean-Baptiste Chastand(Vienne, correspondant régional), Thomas Wieder(Berlin, correspondant), Jean-Pierre Stroobants(Bruxelles, bureau européen), Sandrine Morel(Madrid, correspondante), Virginie Malingre(Bruxelles, bureau européen) et Cécile Ducourtieux(Londres, correspondante)
Suspension d’AstraZeneca en France : « Le principe de précaution peut tuer »
C’est oui ou bien c’est non ?
Par Célia Cuordifede
Publié le 16/03/2021 à 6:30
Après des jours de communication positive sur le vaccin AstraZeneca, Emmanuel Macron a finalement annoncé sa suspension jusqu’à ce que l’agence européenne du médicament livre des conclusions sur ses effets indésirables. Une question de coordination politique au sein de l’UE d’après plusieurs spécialistes, alors qu’en France seul un cas de thrombose multiple a été détecté.
Présidente du réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance, Annie-Pierre Jonville-Bera a les yeux rivés sur les effets secondaires remontés après une vaccination depuis trois mois. Depuis le 27 décembre, 5 millions de personnes ont été vaccinées (tous vaccins confondus : Moderna, Astra Zeneca et Pfizer BioNtech). Onze mille cas ont été remontés dans la base de données de la pharmacovigilance en France. Mais pour l’heure, « ces cas ne remettent pas en cause la poursuite de la vaccination parce que la balance entre bénéfice et le risque, penche toujours en faveur du bénéfice« , explique le Dr Jonville-Bera. Et de préciser : « Jusqu’ici, un seul cas de thrombose multiple a été détecté via la pharmacovigilance dans l’Hexagone. On le surveille de très près, mais on ne peut dire que ce soit en lien direct avec le vaccin, ni l’exclure totalement« .
Il n’empêche, qu’après une communication se voulant rassurante ce week-end, Emmanuel Macron a finalement annoncé, ce lundi 15 mars, que la vaccination avec AstraZeneca était suspendue en France jusqu’à la publication de l’avis de l’agence européenne du médicament, attendu mardi après-midi. Une « annonce politique« , plus que scientifique d’après plusieurs professeurs en pharmacologie contactés par Marianne.
« LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION PEUT TUER »
Pour Bernard Bégaud, professeur en pharmacologie médicale à l’université de Bordeaux, la France s’est rangée au souci de coordonner la politique vaccinale européenne. « À partir du moment où certains pays d’Europe (à savoir le Danemark, l’Islande, l’Allemagne ou encore la Norvège et l’Italie, N.D.L.R) ont suspendu ce vaccin pendant deux semaines, le mal était fait. La population n’aurait pas compris que certains suspendent et d’autres non« . D’où cet effet domino parmi les vingt-sept, en quelques jours.
Un constat que partage – à regret – Mathieu Molimard, chef de service de pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux : « Que les pays du nord de l’Europe aient suspendu le vaccin pour une question de rapport entre le bénéfice et risque du vaccin, étant donné qu’ils n’ont que peu de cas covid, je peux comprendre. Mais il faut remettre les choses au clair. On parle de quelques cas possibles de thrombose, de troubles de la coagulation sans savoir s’il s’agit d’une coïncidence ou si cela vient du vaccin« .
Pour le médecin, le bénéfice doit l’emporter sur le risque. « Suspendre pendant quinze jours la vaccination, ça veut dire qu’il y aura des centaines de morts liés à l’application du principe de précaution« , assure-t-il. « Le principe de précaution est peut-être plus dangereux que le risque qu’il veut faire éviter« .
De façon unanime, d’après les pharmacologues : « Des morts ont été évités depuis le début de la vaccination« . Le sérum d’AstraZeneca a été jugé efficace à 92 % même s’il vogue de déconvenues en déconvenues depuis sa mise en circulation sur le marché européen mi-février.
LES CAS GRAVES SOUS ESTIMÉS DE 20 %
In fine, la déclaration d’Emmanuel Macron pourrait n’empêcher la vaccination que pour 24 heures. Au vu des données remontées ces dernières semaines, les pharmacologues restent confiants quant au dénouement de l’histoire, même s’ils craignent que l’image du vaccin ne soit encore plus écornée.
Mathieu Molimard s’inquiète aussi d’un effet loupe médiatique : « Vous allez voir que l’on recevra davantage de déclarations de thromboses dans les jours à venir : c’est ce que l’on appelle le biais de notoriété« . Autrement dit, patients et médecins pourraient être incités à mettre en lumière davantage d’effets indésirables possibles. « On estime que les données de pharmacovigilance sont sous-estimées de 20 %« , souligne Bernard Bégaud, notamment parce qu’elles sont basées sur du déclaratif. « Mais il n’empêche que si demain on apprend que ce ne sont pas 22 cas de thromboses qui ont été recensés, mais 100 voire 500, ça ne changera pas la balance bénéfice risque« .
Suspension du vaccin AstraZeneca : « C’est un mouvement de panique »
Covid-19
Propos recueillis par Pierre Coudurier
Publié le 15/03/2021 à 18:42
https://www.marianne.net/monde/europe/suspension-dastrazeneca-cest-un-mouvement-de-panique
Quelques heures après l’Allemagne et l’Italie, la France a suspendu à son tour temporairement ce lundi 15 mars l’utilisation du vaccin AstraZeneca. Jusqu’ou le désaveu du vaccin anglo-suédois peut-il aller ? Entretien.
Décidément, le désaveu d’Astrazeneca en Europe n’a de cesse de s’amplifier. Ce lundi 15 mars, la France, l’Allemagne et l’Italie viennent de suspendre son utilisation en attendant un avis européen qui devrait arriver mardi après-midi. Ces décisions font suite à la mort par hémorragie cérébrale d’une soignante norvégienne de moins de 50 ans qui avait été hospitalisée après avoir reçu une injection.
Mal aimé, le laboratoire anglo-suédois a d’abord été sous le feu des critiques en raison de la réduction drastique de ses prévisions de livraison dans le vieux continent : 70 millions de doses au lieu de 180 au deuxième trimestre 2021. Puis, en l’espace de quelques jours, près d’une dizaine de pays ont suspendu son utilisation par précaution, après le signalement d’effets secondaires. Après la Norvège, l’Islande et le Danemark, c’était au tour de la Bulgarie, de l’Irlande et des Pays Bas de se joindre au mouvement. À raison ou non, ce lundi la Thaïlande et la République démocratique du Congo (RDC) ont eux aussi retardé le démarrage de leurs campagnes de vaccination.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) continue de son côté à soutenir le médicament, estimant qu’il n’y a « pas de raison de ne pas l’utiliser ». Toutefois, en l’attente d’examens plus poussés, la situation pourrait-elle encore se détériorer au point que ce vaccin reste cloué au sol tel le 737 Max de Boeing ?
Analyse de la situation avec Michel Pletschette, médecin-chercheur attaché au département des maladies infectieuses et tropicales de l’université de Munich.
Marianne : Y a-t-il un principe de précaution à géométrie variable entre les différents pays de l’UE?
Michel Pletschette : Le principe de précaution est activé très fréquemment au niveau de la politique environnementale et dans la santé. Il a une stature constitutionnelle sur le droit européen. Tous ont parfaitement le droit de l’appliquer. L’exemple le plus élémentaire est ce qui est arrivé avec la grippe porcine H1N1 en 2009. On avait constaté des effets secondaires extrêmement rares en Finlande et en Suède. Avant de confirmer qu’il s’attaquait seulement à certaines personnes qui ont des anomalies génétiques, le vaccin avait été retiré du marché pendant un an. Sur le cas d’Astrazeneca, je reste plus sceptique sur cette suspension car les données globales ne parlent pas en sa faveur. Il y a clairement un problème d’adéquation entre le bénéfice et le risque de la vaccination.
Comment expliquer ces réactions en cascade ?
Tout a débuté en Norvège avec 3 cas de décès d’individus de moins de 50 ans, censés ne pas être à risque. Les directeurs d’agence de santé ont alors émis des doutes face à ces troubles peu habituels. Mais ce qui se passe en ce moment est caractéristique d’un mouvement de panique. On n’a pas bien pris en compte la balance bénéfice-risque à court terme, et le danger qu’on crée en interrompant les vaccinations. De plus cela peut entacher la réputation du vaccin, et alimente le scepticisme. Statistiquement, la probabilité est très grande que ce soit une coïncidence, même si des investigations sont nécessaires.
En termes de politique sanitaire, certains pays ont-ils des raisons particulières de faire preuve d’un excès de prudence ?
Les Néerlandais sont en période préélectorale et le gouvernement ne veut probablement pas prendre de risque, pour ne pas qu’on crie au scandale. Le parti d’extrême droite adverse pourrait monter ça en épingle. En Irlande, ce sont des considérations extra-pharmacologiques, notamment celle de savoir si la Grande-Bretagne va leur fournir le vaccin, alors qu’elle ne veut pas le livrer à l’UE. Pour l’Irlande, c’est aussi une façon de se démarquer. Il faut attendre des explications pour que les États justifient leur suspension. En outre, certains pays peuvent se le permettre plus facilement que d’autres, lorsqu’ils ont beaucoup de doses différentes disponibles.
Récemment, en dehors de l’Europe, la suspension a été suivie par des pays comme le Congo et la Thaïlande, d’autres États risquent-ils de joindre ce mouvement ?
Si on prouvait maintenant qu’il y a un risque accru avec ce vaccin de développer certaines pathologies, on ne considérerait plus le bénéfice risque de la même manière. Toutefois, je ne pense pas que cette suspension va durer longtemps, car il faut bien juguler la pandémie. Cependant, elle pourrait avoir un effet sur l’hypothétique autorisation de ce vaccin aux États-Unis, qui est toujours en attente. Les Norvégiens, chez qui il y a eu le plus de cas suspicieux auront les résultats d’ici 3 semaines -un mois. Les pays qui ont suspendu le vaccin reverront certainement leur copie à ce moment-là.
Que penser de la communication du laboratoire AstraZeneca depuis le début de la mise sur le marché du vaccin ? Sont-ils les seuls à avoir recensé autant de couacs ?
Tous les laboratoires ont eu des problèmes de communication. Ils ont d’ailleurs tous sciemment menti aux pouvoirs publics, en termes de distribution. De nombreuses contrevérités ont été émises. Pfizer a d’abord annoncé à l’UE qu’ils ne pouvaient pas livrer en raison de manque de matières premières. Plus tard, ils ont signé des contrats avec Israël grâce à l’accès aux données scientifiques en temps réel pour voir l’effet de la vaccination qui leur avait été promis. »Tout le monde a menti sur les prix, les doses et les notes d’administration. »
Ils savaient qu’en Europe il aurait fallu changer la législation, donc ils sont allés là où il est le plus simple pour eux de faire une expérience grandeur nature. Il en va de même pour les autres laboratoires qui fonctionnent par intérêt.
Tout le monde a menti sur les prix, les doses et les notes d’administration. Mai-juin était le moment crucial où on savait que les projets allaient aboutir et que les entreprises devaient investir sur des outils de production à haut débit, c’est une période ou AstraZeneca a une idée claire de savoir où le vaccin est produit.
Quelle influence l’arrivée d’autres vaccins comme Johnson & Johnson, Sinopharm et Spoutnik dans le marché européen peut-elle avoir sur la vaccination ?
Aucun producteur ne peut prendre la place d’un autre, ce phénomène va juste handicaper la santé publique. En ce qui concerne J & J, ils ont affirmé ne peut pas pouvoir livrer suffisamment car les garanties financières européennes qui leurs ont été accordées étaient trop minces. En ce qui concerne le Spoutnik : la République tchèque et la Slovaquie veulent en produire, et c’est parfaitement faisable. Le volume va bien sûr être limité. Les Russes font ça de manière symbolique, mais faute de mieux le Spoutnik va être utilisé en Europe, puisqu’il a montré sa fiabilité autant que les autres vaccins.
Globalement, l’Union européenne a pris six mois de retard. Il aurait dû y avoir un plan mondial pour donner la priorité de production à une entreprise publique globale. Dans ce cas, nous n’aurions pas eu ces problèmes de commandes non livrées. Nous aurions dû ouvrir de plus grands sites de productions, à l’instar des Etats-Unis, dans le cadre d’une économie de guerre. Finalement, nous traversons la plus grande crise depuis 1945, et une initiative globale n’a pas été prise. Les Européens savaient qu’elle ne viendrait pas de Donald Trump, c’est pourquoi je considère que l’échec leur est imputable.
Au rythme où en est la vaccination, on peut dire que la situation est mauvaise. Nous ne savons toujours pas combien de temps dure l’immunité, et avec l’avènement de nouveaux variants, on pourrait bien s’enliser dans la pandémie pendant 3 à 4 ans.
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