Vaccination contre le Covid-19 : les constants réajustements de la campagne française
Depuis qu’il a dévoilé le calendrier de sa stratégie vaccinale, l’exécutif n’a eu de cesse de revoir sa copie, contraint à des volte-face pour accélérer la cadence.
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Des tâtonnements, des revirements et finalement un seul credo : accélérer. Depuis qu’il a dévoilé, le 3 décembre 2020, le calendrier de sa stratégie vaccinale, étape-clé dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19, l’exécutif n’a eu de cesse de revoir sa copie.
Le choix a été fait de vacciner en priorité les résidents d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et d’unités de soins de longue durée (USLD), « pour lesquels le virus est le plus dangereux ». Il s’inscrit dans la droite ligne des préconisations émises par la Haute Autorité de santé(HAS). Mais une semaine après le lancement en fanfare de la campagne en Europe, le 27 décembre 2020, seules quelques centaines de personnes ont reçu une injection du vaccin de Pfizer, quand, au Royaume-Uni, près d’un million de personnes ont déjà été immunisées, plus de 200 000 en Allemagne et près de 85 000 en Italie.
Pour le président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale française, Alain Fischer, cette lenteur « donne le temps de faire les choses bien en termes (…) d’organisation et d’éthique avec le consentement », recueilli lors d’une consultation prévaccinale avec le médecin traitant ou référent de l’Ehpad. Il s’agit de prendre le temps de « la pédagogie » selon le ministre de la santé, Olivier Véran, pour ne pas brusquer les Français frileux à l’idée de se faire vacciner.
Dès le 2 janvier, face au déluge de critiques sur le rythme de la campagne, il fait volte-face. La vaccination est brusquement étendue aux soignants de plus de 50 ans et/ou présentant un facteur de risque, ce qui n’était initialement prévu que fin février. S’ensuit un deuxième coup d’accélérateur : les plus de 75 ans, une catégorie de la population qui n’était pas concernée par la vaccination avant les mois de février ou mars, peuvent accéder au vaccin dès le 18 janvier. Répétant comme un mantra sa volonté d’« amplifier, accélérer et simplifier » la stratégie vaccinale, Olivier Véran annonce le 5 janvier que les procédures des consultations vaccinales seront allégées et les infirmiers notamment autorisés à vacciner, « pas forcément en présence d’un médecin ».
Après les errements, les pénuries
A certains endroits, la logistique du produit de Pfizer-BioNTech, inédite en raison des spécificités de conservation inhabituelles pour un vaccin, patine. Faute d’un calendrier de livraison bien établi, des établissements hospitaliers peinent à avoir de la visibilité sur leur stock. Organisée en un flux A (via les officines de ville) et un flux B (via la centaine d’établissements de référence), la logistique n’a en outre pas permis de démarrer la vaccination partout au même moment.
Après un mois seulement de vaccination, ce sont des aléas d’approvisionnement qui pénalisent l’Europe et donc la France : des retards d’abord chez Pfizer, finalement moindres que prévu (140 000 doses en moins fin janvier). Puis, c’est au tour de Moderna, contraint de réduire d’un quart le nombre de doses livrées à la France pour le mois de février, et enfin AstraZeneca, qui, lui, fournira 4,6 millions de doses d’ici à la fin mars, au lieu des 17,5 millions de doses de décembre à mars prévues par le contrat initial. Un ralentissement qui pèse sur les objectifs chiffrés de la campagne, qui nécessitent une vaccination à flux tendu.
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Comme si cela ne suffisait pas, un mois après son arrivée censée faire décoller la campagne de vaccination en France, AstraZeneca a bien du mal à trouver son public : au 28 février, seul un quart des doses reçues ont été administrées. L’exécutif comptait sur les soignants pour donner l’exemple. Las, au 4 mars, seul un sur trois est vacciné. Beaucoup boudent eux aussi le vaccin britannique.
Opération de vaccination massive
Entrés dans la danse le 25 février depuis leurs cabinets, les généralistes doivent s’organiser pour recenser les candidats à l’AstraZeneca parmi leur patientèle à risque âgée de 50 à 64 ans, parfois suspicieuse envers ses effets secondaires ou son efficacité moindre que les vaccins à ARN messager. Pour élargir la cible, le 1er mars, le ministère, à la suite du feu vert de la HAS, annonce que les personnes âgées de 65 à 75 ans présentant des comorbidités peuvent finalement elles aussi se faire inoculer le vaccin britannique.
Afin de passer à la vitesse supérieure, une opération de vaccination massive est organisée le week-end des 6 et 7 mars sur tout le territoire, au cours duquel quelque 585 000 Français ont été vaccinés, selon le premier ministre. Même les vaccinodromes, ces grands centres éphémères qui avaient été un échec lors de la campagne contre la grippe H1N1, en 2009, écartés par le gouvernement au moment de présenter les grands axes de sa stratégie vaccinale, refont surface à cette occasion.
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Avec 3,9 millions de ses concitoyens ayant reçu au moins une dose au 8 mars, soit 5,9 % d’entre eux, la France se retrouve aujourd’hui « dans la moyenne des pays européens, observe Antoine Flahault, professeur de santé publique et directeur de l’Institut de santé globale (université de Genève), mais on ne peut s’en enorgueillir, les Britanniques ou les Etats-Unis sont beaucoup plus performants ».
La ministre déléguée chargée de l’industrie, Agnès Pannier-Runacher, a fait savoir lundi sur Radio Classique que, « d’ici à deux semaines », le rythme des livraisons de doses de vaccins allait dépasser le cap des 2 millions par semaine, tout en assurant que l’engagement d’Emmanuel Macron de vacciner tous les Français qui le souhaitent d’ici à l’été sera tenu. Le calendrier brandi par le gouvernement est désormais le suivant : « 10 millions mi-avril, 20 millions mi-mai, 30 millions fin juin, et tous ceux qui le souhaitent d’ici à début septembre ».Vaccins contre le Covid-19 : suivez la progression de la vaccination en France et dans le mondeNotre sélection d’articles sur le Covid-19
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