Saint-Gaudens: la modernisation de l’usine de cellulose (Fibre Excellence) fait débat

A Saint-Gaudens, la modernisation de l’usine Seveso ne convainc pas

Fibre Excellence, qui fabrique de la pâte à papier, prévoit de modifier le système d’alimentation en air des chaudières à liqueur noire pour réduire ses rejets polluants. Collectivités, élus de gauche et association jugent le projet inadéquat. 

Par Audrey Sommazi(Saint-Gaudens (Haute-Garonne), envoyée spéciale)

Publié aujourd’hui à 11h01  

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L’usine de fabrication de pâte à papier Fibre Excellence,  classée Seveso 3, à Saint-Gaudens (Haute-Garonne), le 28 septembre 2020.
L’usine de fabrication de pâte à papier Fibre Excellence,  classée Seveso 3, à Saint-Gaudens (Haute-Garonne), le 28 septembre 2020. GEORGES GOBET / AFP

Avec ses centaines de troncs entassés, ses immenses cuves de stockage de substances chimiques, ses colonnes de fumée blanche qui s’échappent vers le ciel et son odeur persistante, Fibre Excellence ne passe pas inaperçue. Aux portes de Saint-Gaudens, sous-préfecture de la Haute-Garonne, l’usine de fabrication de pâte à papier est ancrée dans le paysage depuis 1959.

En ce matin de mars, un épais brouillard s’abat sur les équipements de l’un des plus importants employeurs privés de ce territoire du piémont pyrénéen. Une allégorie de ce qui se trame en coulisse. « L’usine est un sujet tabou. Les gens n’osent pas se plaindre car il y a une forme de peur », déplore Corinne Marquerie, élue d’opposition du groupe Gauche Ecologie à la mairie de Saint-Gaudens. « Notre responsabilité est de dire les choses », assure-t-elle avec véhémence, en faisant référence à l’investissement de 37 millions d’euros prévu sur cinq ans au niveau du site pour limiter son impact environnemental. 

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Cette enveloppe financière est consacrée en partie à la réduction des gaz polluants, comme l’impose un arrêté préfectoral datant de 2018. Pour réduire ses émissions de dioxyde de soufre et d’oxyde d’azote, l’usine, classée Seveso 3 (seuil haut), envisage d’installer de nouveaux procédés techniques. Le projet prévoit notamment une modification du système d’alimentation en air des chaudières à liqueur noire, ce mélange résiduel de lignine, d’hémicellulose et de produits chimiques obtenu après la séparation de la cellulose.

Un « manque de pédagogie »

« C’est positif », salue Annabelle Fauvernier, également élue d’opposition. « Mais ce n’est pas l’urgence. Le projet ne prend pas en compte l’hydrogène sulfuré, un gaz dangereux, agressif et irritant pour la santé, issu de la fabrication du papier ». Un autre point crispe les opposants : l’augmentation de la production de pâte à papier, qui devrait entraîner une hausse de 86 000 tonnes de gaz à effet de serre provenant de la combustion de la biomasse.

« Le dioxyde de carbone [CO2] est à l’origine du dérèglement climatique. Dans quarante ans, il n’y aura plus de glacier dans les Pyrénées. Nous sommes dans une urgence. Mais allons-y ! », s’emporte Corinne Marquerie, qui ajoute que l’usine « a rejeté plus de 880 000 tonnes de CO2 en 2018 ».

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Fibre Excellence, qui a ouvert ses portes au Monde, tente d’apaiser les tensions, admettant un « manque de pédagogie ». Pour le groupe, la progression de l’activité « n’est pas le sujet aujourd’hui », balaie Thomas Petreault, directeur du développement forêt-bois. « On ne brûle pas du pétrole. On utilise les sous-produits du bois pour produire de l’électricité. Les rejets sont d’origine renouvelable. Ce projet est plus que vertueux », insiste-t-il.

« Le volume de combustibles est le même », complète Ayaovi Kavege, responsable qualité, sécurité et environnement de la filiale du groupe canadien Paper Excellence. « Si demain, il y a une demande conjointe d’augmentation de pâte et de production d’électricité, les nouvelles installations sont à même de traiter 10 % maximum », avertit-il.

« Nous nous réservons le droit d’aller en justice »

Les municipalités localisées sur le périmètre du Plan particulier d’intervention ont leur mot à dire. Invitées à lire un document de 900 pages qui détaille le projet, elles ont délivré des avis divergents lors de l’enquête publique, close le 25 février. Miramont-de-Comminges, que l’on rejoint depuis Saint-Gaudens en enjambant un pont, vit au rythme de l’usine. « Tout nous la rappelle : la Garonne, la vue », énumère Laure Vigneaux, la maire socialiste. « Le projet est positif et la position du conseil municipal est claire. Il veut maintenir les emplois et l’activité, précise l’édile, en émettant toutefois une réserve. Nous avons remis une contribution pour demander une étude sur les émissions de dioxyde de carbone et les aménagements nécessaires. »

Une pétition contre le projet, lancée par l’association Nature Comminges, a rassemblé 600 signatures

Si le village d’Aspret-Sarrat valide le projet sans aucune hésitation, Labarthe-Rivière est contre. « J’ai reçu deux gros blocs de documents incompréhensibles. J’ai cherché un résumé. Rien ! », regrette Claire Vougny, maire sous l’étiquette divers gauche de cette commune pavillonnaire de 1 380 habitants. « On a la chance d’avoir une région encore protégée. On ne va pas la mettre en difficulté. » Elle réclame une « explication technique simplifiée » et des « réponses claires »« On ne voit ni les tenants ni les aboutissants. »

Les opposants fustigent la « malhonnêteté de cette usine », tonne François Pellissa, vice-président de Nature Comminges. Une pétition contre le projet, lancée par cette association, a rassemblé 600 signatures. « Nous nous réservons le droit d’aller en justice », prévient M. Pellissa. Si les réfractaires ont obtenu l’adhésion d’Antoine Maurice, candidat Europe Ecologie-Les Verts aux élections régionales de juin, ils plaideront leur cause, jeudi 11 mars, auprès de Carole Delga, la présidente socialiste de l’Occitanie. De son côté, l’Etat fait savoir qu’il prendra sa décision à l’issue de la procédure de demande d’autorisation environnementale, dont l’enquête publique est l’une des étapes.

Audrey Sommazi(Saint-Gaudens (Haute-Garonne), envoyée spéciale)

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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