Des syndicats et associations demandent la dissolution de l’Ordre des médecins, jugé « inutile » et « nocif »
Les 26 organisations qui ont signé une tribune lui reprochent notamment de « protéger des professionnels de santé corrompus et maltraitants ».
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franceinfo avec AFPFrance TélévisionsPublié le 09/03/2021 22:07Mis à jour le 10/03/2021 07:41 Temps de lecture : 2 min.

Dans une tribune publiée en ligne, mardi 9 mars, plusieurs syndicats de médecins et associations de patients demandent la dissolution du Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) qui, selon eux, « protège des professionnels de santé corrompus et maltraitants ». Les 26 organisations signataires jugent l’instance déontologique des médecins français « inutile » et « nocive ».
Pour le dire, ils s’appuient notamment sur le rapport « accablant » publié par la Cour des comptes en décembre 2019 : ce dernier pointait des sanctions trop tardives contre des faits d’agressions sexuelles et des comptes « souvent incomplets et insincères ».
[Tribune]
« Il faut dissoudre l’Ordre des Médecins! »
26 organisations et associations, dont le SNJMG, alertent sur la nocivité de l’Ordre des Médecins. pic.twitter.com/JQ0YCxE1DO— Syndicat Jeunes MG (@SNJMG) March 9, 2021
Plusieurs plaintes auprès de l’Ordre à l’encontre de l’ex-chirurgien Joël Le Scouarnec, condamné en décembre 2020 pour viols et agressions sexuelles sur mineurs, ont été « classées », tandis que certains médecins se voient « convoqués et rappelés à l’ordre pour non-confraternité » pour avoir critiqué la pratique des dépassements d’honoraires sur les réseaux sociaux, a expliqué à l’AFP Guillaume Getz, du Syndicat de la médecine générale (SMG), l’une des organisations à l’origine de la tribune.
Si la Cour des comptes appelait à moderniser le fonctionnement du CNOM, cette institution n’est « pas réformable », juge ce médecin, qui y voit « une aberration démocratique », « une organisation paternaliste de type ancien régime », puisque tous les médecins en exercice sont tenus d’y adhérer.
« On se heurte à un mur »
La tribune est signée par plusieurs organisations de professionnels de santé (SMG, Syndicat national des jeunes médecins généralistes, Mouvement d’insoumission aux ordres professionnels, Union fédérale des médecins-CGT, Globule noir, qui se présente comme un groupe de soignants racisés), mais également par de nombreuses associations féministes et de patients (Stop violences obstétricales et gynécologiques, Collectif national des droits des femmes, CLE Autistes…).
Lorsque des femmes « exposées aux violences médicales » se tournent « vers le recours le plus évident pour dénoncer les abus dont nous sommes victimes : l’Ordre des médecins (…) bien trop souvent, on se heurte à un mur et les chances de voir une plainte aboutir sont bien minces. (…) L’Ordre faillit à sa mission de protéger les patientes et patients », plaide sur son site internet l’association de patientes atteintes d’endométriose A nos corps résistants, pour expliquer pourquoi elle s’associe à cette tribune.
TRIBUNE : « IL FAUT DISSOUDRE L’ORDRE DES MÉDECINS ! »
Après le rapport accablant de la Cour des Comptes paru en décembre 2019, l’ordre des médecins tente de se justifier et réaffirme « être au service des médecins dans l’intérêt des patient·e·s ». Comme pour l’ensemble des ordres des professions de santé, l’ordre des médecins se présente comme indispensable. Qui l’ordre sert-il vraiment ? Dans l’intérêt de qui ?
1- L’Ordre Médecins affirme représenter l’ensemble des médecins et se targue de pouvoir ainsi conseiller les pouvoirs publics. Mais l’unité professionnelle qu’il affiche est factice. L’obligation faite à chaque médecin de s’y inscrire pour pouvoir travailler conduit l’ordre à être de fait un syndicat obligatoire. Les médecins ne choisissent donc pas d’être représenté.e.s par l’ordre, ils et elles y sont contraint.e.s. Et encore représentés est un grand mot, puisque la participation aux élections départementales est à moins de 30%. Les autres élections sont pyramidales. La démocratie à l’ordre n’est donc ni directe ni représentative. Le rapport de la Cour des Comptes montre bien que sa gouvernance est sociologiquement peu représentative de l’ensemble des médecins en exercice et surtout qu’elle est fermée avec des cumuls de mandats très fréquents. Nous sommes donc en droit de nous demander à qui bénéficient les « conseils » de l’ordre des médecins, a fortiori face à la désorganisation territoriale des soins de premiers recours mais aussi de second recours, sans parler de la crise majeure que traverse l’hôpital public. L’ordre a longtemps pris position contre l’exercice collectif de la médecine, il fait aujourd’hui preuve d’un silence assourdissant face à la privatisation à peine masquée de l’hôpital. Les institutions publiques n’ont visiblement pas besoin de l’ordre pour les « conseiller » et s’intéressent plus aux notes de think-tanks libéraux qu’aux commissions obscures de l’ordre. Les médecins ont toute liberté pour adhérer à des syndicats qui se chargent déjà de les représenter et de défendre leurs intérêts.
2 – L’Ordre des médecins se présente comme le garant de la déontologie dans le double but de veiller à la qualité des soins et de défendre l’indépendance et l’honneur des professionnel-le-s. De quelle qualité des soins parle-t-on lorsque l’ordre des médecins conteste le droit à l’IVG pour toutes les femmes ? ou bien lorsqu’il s’oppose au tiers-payant, outil pourtant indispensable à un accès aux soins pour toutes et tous ? Le président actuel de l’ordre des médecins défend ainsi l’existence des dépassements d’honoraires (dont il a bénéficié lui-même dans son exercice professionnel en Seine St Denis) alors que cete pratique remet explicitement en cause l’égalité d’accès à des soins de qualité pour tou·te·s. De quelle indépendance parle-t-on lorsque l’ordre se montre complaisant vis-à-vis des pratiques corruptives exercées par l’industrie pharmaceutique au profit des médecins ? De quel honneur
parle-t-on lorsque l’ordre des médecins couvre des soignants violeurs et pédo-criminels, pourtant dénoncés par les patient·e·s victimes ou leurs proches ? Le code de déontologie étant inscrit dans le code de santé publique, le droit commun peut tout à fait en être le garant. Les évolutions pourraient se faire dans un processus concerté entre professionnel·le·s et usager·e·s du système de santé avec le concours du Comité National d’Éthique, comme ce fut le cas pour les dernières lois de bioéthique.
3 – L’Ordre des médecins met en avant sa capacité de conseil juridique lors des démarches d’installation, sur les différents statuts et contrats, alors que d’autres structures telles les Unions Régionales des Professionnel·le·s de Santé, les syndicats ou les plateformes d’installation des ARS sont parfaitement aptes à renseigner les médecins.
4 – L’Ordre des médecins souligne sa capacité d’entraide pour les professionnel·le·s en difficulté et /ou leurs familles grâce à des fonds dédiés. Le rapport de la Cour des Comptes montre explicitement que les premiers bénéficiaires de cette « entraide » sont les conseillers ordinaux eux- mêmes avec des indemnités pouvant aller jusqu’à près de 10 000€ /mois bruts pour le président national qui exerce cette fonction « bénévolement » ! L’ordre semble être aujourd’hui dans l’incapacité de rendre des comptes clairs et exhaustifs sur son patrimoine, initié par la confiscation des biens des syndicats médicaux en 1940 puis développé par les cotisations obligatoires des médecins. Quelle drôle de solidarité !
5 – L’Ordre des médecins dit veiller au maintien de la compétence et de la probité des médecins. En réalité il se montre incapable d’identifier les situations problématiques liées à des praticien·ne·s dont l’insuffisance professionnelle ou l’état de santé rendent dangereux l’exercice de la médecine. Malgré sa volonté affichée d’assurer la gestion de la formation continue (DPC), il ne porte à ce jour aucun regard sur les obligations légales de formation qui incombent à chaque médecin. Les inscriptions au tableau valant droit d’exercer pourraient être gérées par le Ministère de la santé (via les Agences Régionales de Santé ? ou tout autre organisme public ?) sous forme d’un registre. Ce dernier vérifierait alors la validation de la formation initiale puis le contrôle de l’obligation de la formation continue (possiblement en lien avec l’ANDPC qui agrée déjà la plupart des organismes de formation). Les médecins sont des humain·e·s comme les autres, c’est pourquoi ils/elles ont besoin, non pas d’un ordre professionnel, mais d’un véritable service de santé au travail pour les accompagner en cas de diminution de leurs facultés physiques et/ou psychiques.
6 – L’Ordre des médecins déclare également assurer un rôle d’instance disciplinaire pour les médecins qui ne respecteraient pas les principes de la déontologie. Mais il s’agit d’une justice d’apparat sans compétence juridique réelle. Les jugements sont rendus sans possibilité d’enquête, donc sans contrôler si les faits sont établis ! Les chambres de conciliation appliquent un pseudo respect du contradictoire en contrevenant ouvertement au respect du secret médical. Ce qui aboutit d’un côté à une « tolérance » vis-à-vis de médecins ayant commis des actes violents envers des patient·e·s et de l’autre côté à la condamnation des médecins qui ont établi un lien entre des pathologies et des conditions de travail, c’est-à-dire pour avoir utilisé leurs compétences médicales et fait leur travail.
Cette justice d’exception se fait au détriment des intérêts publics et des patient·e·s; elle n’a donc aucune raison d’être. Le droit commun (pénal et/ou civil) est parfaitement capable de remplir ces fonctions juridiques à condition qu’on lui donne les moyens associés, notamment la possibilité de prononcer des sanctions limitant l’exercice médical. Ces différents éléments prouvent l’inutilité de l’ordre puisqu’il se montre incapable de réaliser les missions qui lui sont confiées (voire qu’il s’est arrogées lui-même), et qu’il existe déjà des institutions (ou des organismes publics) pouvant les assurer, sous réserve de leur donner les moyens humains et financiers à la hauteur. Nous insistons sur le fait que cette institution protège des professionnel·le·s de santé corrompu·e·s et maltraitant·e·s, tout en maltraitant des usager·e·s du système de soin et des professionnel·le·s qui tentent de respecter leur éthique professionnelle. Les personnes qui ont à se plaindre de médecins ont donc tout intérêt à se tourner vers la justice de droit commun et non vers cet apparat de justice qu’agite l’ordre des médecins.
Nous demandons donc sa dissolution immédiate et appelons l’ensemble des professionnel·le·s concerné·e·s et plus largement la société tout entière à s’emparer de ce sujet, car la santé est une question bien trop sérieuse pour la confier aux seul·e·s médecins.
Contacts presse :
MIOP = 0614555478 mmiop2016@gmail.com
SNJMG = 0771051381 infos@snjmg.org
SMG = 0622613512 syndmedgen@free.fr
Organisations signataires :
Syndicat de la Médecine Générale – Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes
Mouvement d’Insoumission aux Ordres Professionnel
Union Fédérale des Médecins, Ingénieurs, Cadres et Techniciens–CGT
Association Santé et Médecine du Travail
Pour Une Meuf
Méchandicapés
Stop Violences Obstétricales et Gynécologiques
Touche Pas à Mon Intermittente
Collectif National des Droits Des Femmes
Marche Mondiale des Femmes de France
Association LaSantéUnDroitPourTous
Coopération Patients
Les Dévalideuses
CLE Autisme
Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail
UGICT CGT
Héro-ïnes 95
Compagnie Les Attentives
Globule Noir
Parents et Féministes
A Nos Corps Résistants
Coordination des Associations pour le Droit à l’Avortement et à la Contraception
Coordination Action Autonome Noire
Le Village2 Santé- Sud SantéSociaux.
« Il faut dissoudre l’Ordre des médecins ! » : trois syndicats de médecins signent une tribune au vitriol
Par Aveline Marques le 10-03-2021

Trois syndicats de médecins s’associent à plusieurs associations pour demander la « dissolution immédiate » de l’institution, qu’ils jugent inutile et à qui ils reprochent de protéger des « professionnels de santé corrompus et maltraitants ».
Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG), Syndicat de la médecine générale (SMG), Union fédérale des médecins -CGT*, mais aussi des associations telles Stop violences obstétricales et gynécologiques ou le Collectif national des droits des femmes… 26 organisations ont signé une tribune, mardi 9 mars, pour demander la « dissolution immédiate » de l’Ordre des médecins, institution qu’elles jugent inutile, non démocratique et « nocive ».
S’appuyant sur le « rapport accablant » rendu par la Cour des comptes en 2019, les signataires jugent l’Ordre« incapable de réaliser les missions qui lui sont confiées ». « L’Ordre des médecins se présente comme le garant de la déontologie dans le double but de veiller à la qualité des soins et de défendre l’indépendance et l’honneur des professionnels. De quelle qualité des soins parle-t-on lorsque l’Ordre des médecins conteste le droit à l’IVG pour toutes les femmes ? » chargent-ils, en référence à l’opposition du Cnom à la suppression de la double clause de conscience. « De quel honneur parle-t-on lorsque l’Ordre des médecins couvre des soignants violeurs et pédo-criminels, pourtant dénoncés par les patients victimes ou leurs proches ? » écrivent-ils. « Je suis scandalisé par ces affirmations » : la réponse du président de l’Ordre des médecins à la charge de la Cour des comptes
Pour ces syndicats et associations, en effet, l’Ordre exerce une « justice d’apparat » : « les jugements sont rendus sans possibilité d’enquête, donc sans contrôler si les faits sont établis ! Les chambres de conciliation appliquent un pseudo respect du contradictoire en contrevenant ouvertement au respect du secret médical. Ce qui aboutit d’un côté à une ‘tolérance’ vis-à-vis de médecins ayant commis des actes violents envers des patients et de l’autre côté à la condamnation des médecins qui ont établi un lien entre des pathologies et des conditions de travail », jugent-ils, estimant que la « justice de droit commun » est apte à prendre le relais, de même que les URPS et l’ARS pour les missions administratives. « La santé est une question bien trop sérieuse pour la confier aux seuls médecins. »
Ce mercredi midi, le Cnom n’avait pas encore réagi.