Deux enseignants de Sciences Po Grenoble accusés puliquement de fascisme et d’islamophobie, par une collègue et un syndicat d’étudiants

Sciences Po Grenoble : enquête ouverte après des accusations d’islamophobie à l’encontre de deux professeurs

Les noms de deux enseignants ont été placardés à l’entrée de l’établissement sur des affiches les accusant de fascisme et d’islamophobie. 

Par Soazig Le NevéPublié aujourd’hui à 03h59, mis à jour à 20h19  

https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/03/08/sciences-po-grenoble-enquete-ouverte-apres-les-accusations-d-islamophobie-contre-deux-professeurs_6072295_3224.html

Conférence à Sciences Po Grenoble, le 4 octobre 2011.
Conférence à Sciences Po Grenoble, le 4 octobre 2011. JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

C’est désormais aux services de police mais aussi à l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche de faire la lumière sur le déroulement des faits ayant conduit, jeudi 4 mars, des étudiants à placarder sur le mur d’entrée de Sciences Po Grenoble, comme l’a révélé Le Figaro, les noms de deux professeurs accolés à cette phrase : « Des fascistes dans nos amphis. L’islamophobie tue. »

Le procureur de Grenoble, Eric Vaillant, a ordonné l’ouverture d’une enquête, dimanche 7 mars, pour « injure publique » et pour « dégradation », après que la direction de l’Institut d’études politiques (IEP) a fait un signalement au parquet vendredi. De son côté, la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal a diligenté, dimanche, une mission d’inspection et « dénoncé ces tentatives de pression et d’intimidation qui viennent troubler les missions de l’établissement ». Les deux enseignant ont même été placés sous protection, a annoncé le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, lundi.

Pour comprendre l’affaire, il faut remonter au 30 novembre 2020. Comme chaque année à l’IEP, enseignants et étudiants organisent une semaine de débats sur le thème de l’égalité. Un professeur d’allemand, Klaus K., s’inscrit dans le groupe de travail « Racisme, islamophobie, antisémitisme » sans cacher qu’il souhaite revenir sur cet intitulé, se disant « assez intrigué par l’alignement révélateur de ces trois concepts dont l’un ne devrait certainement pas y figurer ».

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En cause : le mot « islamophobie », dont « on peut discuter si ce terme a un vrai sens ou s’il n’est pas simplement l’arme de propagande d’extrémistes plus intelligents que nous », expose-t-il dans un mail envoyé au groupe dont Le Monde a eu copie. Il conclut alors : « Ma contribution risque de ne pas plaire à tout le monde, mais le consensus, me dis-je, ne doit pas être notre objectif. Au contraire. L’intérêt d’une semaine de l’égalité n’est pas l’égalité des arguments et des opinions mais le débat entre citoyens égaux. »

C’est le début d’un long échange de mails entre ce professeur d’allemand et une enseignante-chercheuse en histoire, Mme M., qui est en désaccord avec lui, et estime que l’islamophobie est « un concept heuristique utilisé dans les sciences sociales » pour « désigner des préjugés et des discriminations liées à l’appartenance, réelle ou fantasmée, à la religion musulmane ».

« C’était elle la scientifique »

« Le confinement nous obligeait à travailler à distance, ce qui fait que j’en étais réduit à écrire des mails sans jamais avoir vu aucun membre du groupe », rapporte au Monde Klaus K. Aucun des huit étudiants ne prend contact avec lui « mais ils communiquaient ensemble pour préparer l’atelier et avec ma collègue enseignante », croit-il savoir.

La tension monte d’un cran le 1er décembre 2020 lorsque le professeur d’allemand reçoit le soutien d’un collègue, Vincent T., par ailleurs chargé d’un cours optionnel sur l’islam. Il écrit à son tour au groupe de travail pour partager son « effarement » de découvrir « à quel point des universitaires sont enfoncés dans le militantisme et l’idéologie ».

Le « tournant », selon Klaus K., viendra quelques jours plus tard, le 7 décembre, lorsque le laboratoire de recherche Pacte, auquel appartient l’enseignante d’histoire, publie un communiqué lui apportant « son plein soutien »« Nier, au nom d’une opinion personnelle, la validité des résultats scientifiques d’une collègue et de tout le champ auquel elle appartient, constitue une forme de harcèlement et une atteinte morale violente », écrit Anne-Laure Amilhat Szary, la directrice du laboratoire.

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« Pour moi l’affaire était close, reprend Klaus K. J’ai trente-cinq ans de métier et je n’allais pas faire une dépression pour cela, mais en voyant ce communiqué qui rendait public notre différend, j’ai été très mécontent et je m’en suis ouvert à la direction. C’était elle la scientifique, moi je n’y connaissais rien, je n’étais que le petit prof d’allemand. » Il dénonce une « campagne de diffamation et finalement de haine de plus en plus violente » à son encontre et prend à partie les dirigeants de l’IEP : « Est-ce cela, la culture du débat de Sciences Po Grenoble ? »

De son côté, l’enseignante d’histoire contacte aussi la direction, avançant que « si une liberté académique a été attaquée, c’est la [s]ienne et pas celle de [s]es collègues ». Elle ajoute avoir accepté, sur demande de la chargée de mission vie associative de l’établissement, de retirer le mot « islamophobie » du titre de la journée, qui a finalement eu lieu le 26 janvier.

Une initiative « maladroite et dangereuse »

Quant à Vincent T., également visé par l’affichage sauvage à cause du soutien qu’il a manifesté à Klaus K., il a fait l’objet d’un appel sur Facebook, le 22 février, lancé par l’Union syndicale (US), issu d’une scission avec l’UNEF. Sans dévoiler le nom de l’enseignant, le syndicat s’y enquérait d’éventuels « propos problématiques » lors du cours « Islam et musulmans dans la France contemporaine ».

L’US explique notamment qu’il souhaite faire « retirer » cet enseignement « des maquettes pédagogiques pour l’année prochaine si, lors de ce cours, des propos islamophobes y étaient dispensés comme scientifiques ». En réaction, dans un courriel, Vincent T. a demandé aux étudiants appartenant au syndicat « de quitter immédiatement [ses] cours et de ne jamais y remettre les pieds ». Une injonction qui a fait l’objet quelques jours plus tard d’une plainte pour « discrimination syndicale », classée sans suite par le procureur de Grenoble dimanche.

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L’UNEF, dont la branche grenobloise a relayé sur les réseaux sociaux les affiches placardées à l’entrée de l’IEP, a reconnu dimanche dans un communiqué une initiative « maladroite et dangereuse », réaffirmant « son opposition à toute haine, à tout lynchage public et son attachement à la liberté d’expression ». Klaus K. et Vincent T. ont demandé à bénéficier d’une protection fonctionnelle auprès de la direction, laquelle n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Dans un communiqué publié lundi 8 mars, Sciences Po Grenoble « condamne avec la plus grande fermeté cette action qui met en danger l’ensemble de ses étudiants et personnels » et rappelle que « garantir les libertés académiques est une exigence non négociable ». « La bonne réalisation des missions de Sciences Po Grenoble s’appuie sur le respect de l’opinion d’autrui et sur un attachement sans faille aux valeurs de dialogue, de bienveillance mutuelle et d’altérité », conclut-il.

Soazig Le Nevé

Professeurs accusés d’islamophobie : tout comprendre à la polémique à l’IEP de Grenoble

L’institut d’études politiques de Grenoble fait face à une situation tendue où les noms de deux professeurs, accusés d’islamophobie, ont été placardés dans les couloirs. Et relayés sur les réseaux sociaux.

L'institut d'études politiques de Grenoble est en proie à une polémique.

L’institut d’études politiques de Grenoble est en proie à une polémique.

Google Maps (Capture d’écran)Par LEXPRESS.fr avec AFPpublié le 08/03/2021 à 07:02 , mis à jour à 17:40

https://www.lexpress.fr/actualite/societe/religion/professeurs-accuses-d-islamophobie-tout-comprendre-a-la-polemique-a-l-iep-de-grenoble_2146327.html?utm_source=ocari&utm_medium=email&utm_campaign=20210309080002_10_nl_nl_lexpress_quotidienne_60471bc18a446751077b23c6&xtor=EPR-181-%5B20210309080002_10_nl_nl_lexpress_quotidienne_60471bc18a446751077b23c6_002P53%5D-20210309-%5B_005L0U4%5D-%5BRB2D106H001FBFWE%5D-20210309070100#EMID=3bcf8f0ac8c2dce8b7b59475422612f2943aeadce0b6055bf68660fcb995e521

Les faits. L’Institut d’études politiques (IEP) de Grenoble est en proie à des tensions autour d’accusations d’islamophobie visant deux professeurs, après un affichage sauvage qui fait désormais l’objet d’une enquête. Cette enquête, ouverte dimanche par le parquet pour « injure publique » et « dégradation », est le dernier épisode d’une polémique autour d’un cours sur l’islam en France et de la préparation d’une « Semaine de l’égalité ». Des étudiants ont placardé à l’entrée de l’institution des affichettes indiquant : « Des fascistes dans nos amphis. L’islamophobie tue ». Le tout accompagné du nom de deux professeurs et relayé en photo par des syndicats d’étudiants sur les réseaux sociaux.  

Pourquoi ça compte. Il y a cinq mois, le professeur d’histoire Samuel Paty était assassiné en pleine rue par un fanatique islamiste. Son nom avait tourné sur les réseaux sociaux, et l’assaillant avait pu le retrouver, pas loin de son collège. Le contexte dans lequel les noms des deux professeurs de l’IEP de Grenoble ont été placardés puis relayés sur les réseaux sociaux est donc brûlant. L’Unef, dont la branche grenobloise a aussi relayé ces affiches sur les réseaux sociaux, a ainsi reconnu dimanche une initiative « maladroite et dangereuse » dans un communiqué. 

Les acteurs en présence. L’un des professeurs visés est en charge d’un cours intitulé « Islam et musulmans dans la France contemporaine ». L’Union syndicale Sciences Po Grenoble (US) – le premier syndicat étudiant de l’IEP – l’avait dans le collimateur. Le syndicat souhaitait faire « retirer » cet enseignement « des maquettes pédagogiques pour l’année prochaine si, lors de ce cours, des propos islamophobes y étaient dispensés comme scientifiques ». Ce dernier avait répondu par l’exclusion de ses cours des étudiants appartenant au syndicat. LIRE AUSSI >> Rapport sur la mort de Samuel Paty : l’Education nationale a-t-elle tiré les leçons ?

L’autre est un professeur d’allemand et la polémique le concernant serait née après un groupe de travail informel constitué d’enseignants et d’étudiants, pour préparer la semaine de « l’Égalité et contre les discriminations », et notamment une journée autour de la thématique : racisme, islamophobie, antisémitisme. Il raconte à BFMTV qu’il souhaitait, à cette occasion, « contester dans la discussion avec ma collègue et mes étudiants cet alignement de ces trois termes dans une seule thématique ». Il a alors été « exclu du groupe de travail parce que les étudiants se disaient blessés ». 

Les réactions politiques. « Traiter des gens de ‘fasciste’ est une injure (…) Il y a un vrai danger à ce que ces professeurs soient menacés et subissent des conséquences sous cette exposition-là », a expliqué le procureur de la République de Grenoble Eric Vaillant, répondant ainsi au signalement fait vendredi par la direction de l’IEP. 

Dimanche soir, le maire EELV de Grenoble Eric Piolle a condamné dans un tweet « ces collages injurieux », soulignant que « les chasses aux sorcières n’ont pas leur place à l’université » et appelant « à prendre soin de nos professeurs ».  

« Les menaces, les injures et les pressions n’ont pas leur place dans l’enseignement supérieur », a pour sa part souligné dimanche dans un communiqué la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Frédérique Vidal, elle-même au coeur d’une polémique pour ses récents propos sur l' »islamo-gauchisme » à l’université. LIRE AUSSI >> « Islamo-gauchisme » à l’université : la gauche fait bloc contre Vidal, son électorat moins

Condamnant « fermement ces faits », elle a aussi annoncé son intention de diligenter « dans les meilleurs délais », et « en parallèle à l’enquête judiciaire », une mission de l’inspection générale de l’Éducation « afin d’établir les responsabilités de chacun et de contribuer à rétablir la sérénité au sein » de l’établissement. Sur le même sujet

« Je pense qu’on devrait tous prendre la mesure de ce qui s’est passé avec l’assassinat ignoble de Samuel Paty », a réagi dimanche devant la presse le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, en déplacement à Tourcoing (Nord), appelant à « protéger » les enseignants de « la vindicte populaire ». 

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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