La santé environnementale, « priorité oubliée » du président Macron, dénoncent des associations
Dans une lettre ouverte, une trentaine d’organisations reprochent au nouveau plan cancer de ne pas s’attaquer aux causes environnementales telles que la pollution de l’air.
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Lors de la campagne présidentielle de 2017, le candidat Macron promettait de faire de la santé environnementale une « priorité du quinquennat ». Quatre ans plus tard, elle est une « priorité oubliée », dénonce une trentaine d’associations dans une lettre ouverte adressée au président de la République mercredi 3 mars. Parmi les signataires, on retrouve des organisations de défense de l’environnement (Réseau Environnement Santé), de consommateurs (UFC-Que choisir), d’usagers (Ligue contre l’obésité), de professionnels de santé (Convergence infirmières) ou encore de familles (association des familles victimes du saturnisme).
Les associations reprochent en particulier « l’absence d’ambition » du nouveau plan cancer présenté par Emmanuel Macron le 4 février, pour s’attaquer aux causes liées aux dégradations de l’environnement. Pour rappel, chaque année, plus de 157 000 personnes meurent d’un cancer en France. La stratégie nationale décennale (2021-2030) de lutte contre les cancers se fixe pour objectif de réduire de 60 000 cas par an le nombre de cancers dit évitables en ciblant en priorité le tabac et l’alcool. Un « vœu pieux », selon les associations pour lesquels le nouveau plan reproduit une stratégie qui a jusqu’ici montré son « inefficacité ». Cette dernière repose sur la « culpabilisation des individus et des comportements individuels à risque » et « minimise le rôle de la pollution passive et de l’environnement en général ».
36 % des décès par cancer du poumon dans le monde sont liés à l’exposition aux particules fines
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 15 % de la mortalité française serait pourtant liée à des causes environnementales au sens large : pollution de l’air, de l’eau, ou des sols, exposition aux produits chimiques dangereux (pesticides, phtalates et autres perturbateurs endocriniens omniprésents dans les objets de la vie quotidienne), etc. Principal risque environnemental pour la santé, la pollution de l’air serait à l’origine de près de 100 000 décès prématurés en France chaque année, révèle une étude de l’université Harvard publiée en février. En outre, selon les données de l’OMS, 36 % des décès par cancer du poumon dans le monde sont liés à l’exposition aux particules fines dont un pic de pollution touche actuellement plusieurs régions de France.
« La qualité de vie, c’est aussi l’air que nous respirons, a admis M. Macron lors de la présentation de son plan cancer. Aussi, quand nous instaurons dans nos villes des “zones à faible émission” [ZFE], c’est bon pour le climat mais c’est aussi bon pour la santé. » Pressé par la Commission européenne et le Conseil d’Etat qui menace la France de lourdes amendes pour des dépassements répétés des normes de qualité de l’air dans une dizaine d’agglomérations, le gouvernement a demandé à ces métropoles de se doter de ZFE d’ici à la fin de l’année. Et le projet de loi Climat et résilience prévoit de les étendre aux agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici à fin 2024.
Conférence nationale annuelle
« La santé environnementale est la grande absente du projet de loi climat et résilience, déplore Sandrine Josso, rapporteure de la commission d’enquête parlementaire sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale. Il y a environ 10 millions d’obèses en France, un lien avéré avec la létalité du Covid-19 mais ce constat est totalement absent du chapitre “se nourrir” du projet de loi climat. » Le rapport a été adopté à l’unanimité le 16 décembre 2019. « Mais l’exécutif ne s’en saisit pas, s’étonne la députée (MoDem) de Loire-Atlantique. Sans doute parce qu’il dérange. »
Dans leur lettre au président de la République, les associations demandent à Emmanuel Macron de reprendre l’une des propositions dudit rapport : l’organisation d’une conférence nationale annuelle de santé environnementale. Elle aurait pour mission d’élaborer une « véritable stratégie » pour lutter contre « l’épidémie » de maladies chroniques, notamment de cancers. Elle s’articulerait autour de plusieurs axes : un soutien accru à la recherche publique en santé environnementale en la dotant de moyens conséquents par la création d’un Institut français de recherche en environnement santé, un développement de la veille sanitaire par la systématisation des registres de maladies, notamment à l’échelle territoriale, et la création d’un institut de veille environnementale, l’élaboration d’un nouveau référentiel pour les normes environnementales intégrant les « effets cocktail » des multi-expositions. Les associations préconisent également de mieux former les professionnels de santé et de l’environnement à ces enjeux.
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Oui, la pollution de l’air et le diesel sont cancérigènes !
TRIBUNE. Le collectif Air-Santé-Climat dénonce les contre-vérités publiées à propos de la pollution de l’air et du diesel, dangereux pour la santé.

Par le collectif Air-Santé-Climat *Publié le 02/12/2019 à 13h32
Dans une chronique publiée par Le Point du 12 novembre intitulée « Contre le diesel, un acharnement infondé », Jean de Kervasdoué affirme que la pollution de l’air et le diesel ne sont cancérigènes qu’à forte dose et que chez les fumeurs. Michel Aubier déclarait déjà cela dans l’émission Allô docteurs en mars 2016. Or c’est faux et c’est même l’inverse : un fumeur a déjà un risque de cancer du poumon tellement augmenté par la cigarette que la pollution de l’air – notamment diesel – ne modifie pas significativement ce risque. À l’inverse, chez les non-fumeurs, l’exposition à la pollution de l’air, notamment au diesel, majore fortement le risque de cancer du poumon.
Jean de Kervasdoué – Contre le diesel, un acharnement infondé
Des études initiales chez les mineurs exposés au diesel, que cite allègrement Kervasdoué, il ressort que chez les mineurs les plus fortement exposés au diesel pendant plus de quinze ans, le risque de cancer du poumon est multiplié par 7 chez les non-fumeurs (1). L’inverse donc de ce qu’il déclare. Depuis, de nombreuses autres études ont confirmé cela, y compris dans la population générale, et ont bien démontré que même à faible concentration, l’exposition sur le long terme à la pollution de l’air majore le risque de cancer du poumon et que ce sont les non-fumeurs et les anciens fumeurs qui voient leur risque de cancer du poumon le plus augmenté par la pollution de l’air, notamment diesel (2).
Ce n’est pas la dose qui fait le poison et même une faible exposition augmente le risque de cancer
Mais au-delà de l’épidémiologie, revenons à la toxicologie : qu’est-ce qui est cancérigène dans la pollution de l’air ? Prenons les principaux éléments : les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), tel que le benzo(a)pyrène, tellement cancérigène que sa manipulation est désormais interdite en laboratoire, cancérigène pour de très nombreux organes, notamment pour le poumon. C’est en grande partie sur base de la présence de benzo(a)pyrène que la cigarette a été classée cancérigène certain en 1996. En ville, le diesel représente une des principales sources d’émission de ce benzo(a)pyrène (3). En termes de substances cancérigènes, ce n’est pas la dose qui fait le poison et même une faible exposition augmente le risque de cancer. L’exposition à la pollution de l’air et au diesel est donc cancérigène chez les gens professionnellement exposés (garagistes, chauffeurs de bus et de poids-lourds), mais également dans la population générale (4) .
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Rappelons que c’est sur la base de ces HAP et des métaux lourds présents à la surface des particules émises par le diesel (mais aussi par la combustion du charbon, du bois et les usines de type incinérateurs) que l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a classé le diesel puis la pollution de l’air comme cancérigènes certains, respectivement en 2012 et 2013.
Parmi tous les nombreux polluants de l’air, les substances cancérigènes sont toujours les mêmes : HAP, métaux lourds, formaldéhyde et butadiène. Tous proviennent majoritairement en ville du trafic routier et notamment du diesel. Dans l’air intérieur, ces mêmes substances proviennent majoritairement du tabac. Diesel et tabac ont donc de nombreux composés toxiques en commun, il est donc logique de retrouver des effets similaires sur la santé (cancer, maladies cardiovasculaires et respiratoires).
Les filtres à particules sont loin d’avoir réglé la toxicité du diesel
Certes, les pots catalytiques avec filtre à particules ont permis de diminuer certaines émissions toxiques des véhicules diesel, néanmoins les HAP cancérigènes tels le benzo(a)pyrène sont présents à la surface des particules ultrafines – qui ne sont que peu arrêtées par les filtres – et sont émis également sous forme de gaz pour lesquels les filtres à particules et catalyses sont peu efficaces, notamment en ville.
Les diesel, y compris récents, restent en ville la source principale de NO2, gaz toxique.
D’autre part, Jean de Kervasdoué omet de parler des autres émissions du diesel, en effet, le diesel est la principale source de NO2 (dioxyde d’azote), autre gaz extrêmement toxique pour le poumon et le système cardiovasculaire et qui, en ville, provient à 60 % du parc routier. Un diesel récent émet six fois plus de NO2qu’un véhicule essence (5).
Une étude récente de l’American Journal of Critical Care and Respiratory Medecine démontre que pour les asthmatiques, les diesels récents avec filtre à particule sont potentiellement plus dangereux que les diesels anciens avec davantage d’effets toxiques sur l’hyperréactivité bronchique allergique lorsque les patients sont exposés à du diesel filtré. Les auteurs de cette étude expliquent cet effet toxique par le NO2, qui est émis en plus grande quantité sur les diesels modernes équipés de filtres à particules (6)…
Les médecins et scientifiques du collectif Air-Santé-Climat :
Dr Thomas Bourdrel, Collectif Strasbourgrespire
Dr Pierre Souvet, Association santé environnement France (ASEF)
Dr Florence Trebuchon
Dr Jean-Baptiste Renard, directeur de recherche CNRS
Dr Mallory Andriantavy-Guyon, collectif Environnement Santé 74
Dr Gilles Dixsaut, Fondation du souffle
Guillaume Muller, association Val-de-Marne en Transition
Pr Isabella Annesi-Maesano, directeur de Recherche Inserm, responsable équipe EPAR, IPLESP, Inserm et Sorbonne Université, Paris
Enquête
Michel Aubier, un pneumologue qui ne crache pas sur le diesel
Payé par Total, le médiatique pneumologue parisien, qui minimise les effets des particules fines, nie tout conflit d’intérêt.
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par Coralie Schaubpublié le 15 mars 2016 à 20h02
Peut-on être à la fois médecin-conseil de Total, «suivre la santé des dirigeants» du groupe pétrolier – qui vend entre autres du diesel – et minimiser dans les médias les effets sur la santé de ce carburant, à rebours des principales études médicales ? A priori non. Il s’agirait d’un conflit d’intérêts, surtout si l’on est rémunéré pour ces fonctions.
Pourtant, ce cas existe. Comme le révèle Libération (en même temps que le Canard Enchaîné), c’est celui de Michel Aubier, chef du service de pneumologie-allergologie à l’hôpital Bichat de Paris, professeur à l’université Paris-Diderot, membre et ancien directeur de l’unité Inserm 1 152 «Physiopathologie et épidémiologie de l’insuffisance respiratoire», entre autres fonctions prestigieuses.
Le 1er mars, dans l’émission Allô Docteurs, sur France 5, à la question «la pollution atmosphérique peut-elle être cancérogène ?», le mandarin répondait en ces termes : «Elle peut être cancérogène, mais pour le moment, ce qui a juste été démontré, c’est essentiellement des cancers lors d’expositions assez fortes, c’est-à-dire professionnelles. En ce qui concerne les expositions « naturelles » (sic), c’est beaucoup plus discuté, il semble que ce soit en tout cas un facteur favorisant chez les sujets qui ont déjà des prédispositions à développer les cancers, c’est-à-dire les fumeurs.»
Et d’insister un peu plus tard dans l’émission : «Je ne pense pas, et la plupart des experts sont d’accord [sur ce point], que le fait d’être exposé à une pollution ambiante, dans des villes comme Paris, prédispose au cancer du poumon, sauf si on a un autre facteur favorisant, comme le tabagisme.»
Ces propos n’ont fait réagir ni l’autre médecin invité sur le plateau, ni les présentateurs Michel Cymes et Marina Carrère d’Encausse. Mais ils ont fait bondir plusieurs autres médecins. Leur indignation est telle qu’ils ont jugé nécessaire d’en faire part dans un communiqué de presse, publié ce mardi. Parmi les signataires figurent les docteurs Florence Trébuchon (allergologue, asthmologue), Thomas Bourdrel (radiologue membre du collectif «Strasbourg respire») ou Pierre Souvet (cardiologue et président de l’Association santé environnement France, qui rassemble près de 2 500 médecins).
«Un rectificatif nous semble indispensable pour corriger certains propos d’un médecin universitaire qui vont à l’encontre des principales études médicales, et notamment des études de l’OMS, qui a classé le diesel cancérigène en 2012 et la pollution atmosphérique cancérigène en 2013», écrivent-ils. Citant cinq études publiées entre 2011 et 2015 dans plusieurs revues spécialisées, les signataires insistent sur le fait que «des études récentes ont confirmé les conclusions de l’OMS. Elles ont montré également que le risque de cancer pulmonaire était augmenté pour des niveaux d’exposition même en dessous des normes européennes. Donc même à faible concentration, les particules fines sont cancérigènes». A l’appui de leur raisonnement, ils citent en particulier une étude de Lancet Oncologyparue en 2013, portant sur 312 044 personnes suivies pendant treize ans, qui démontre notamment qu’une hausse de la pollution aux particules fines augmente de 50% le risque d’adénocarcinome, une des formes du cancer du poumon. Ils poursuivent : «[Cette hausse du risque] est identique chez les fumeurs et non fumeurs, avec un risque même supérieur pour les non-fumeurs. Il n’y a aucun seuil en dessous duquel il n’y a pas de risque, soulignent les scientifiques de l’étude.»
Pas à son coup d’essai
Pourquoi Michel Aubier minimise-t-il les risques du diesel pour la santé ? D’autant qu’il n’en est pas à son coup d’essai, lui qui est souvent invité dans les médias et se montre à chaque fois rassurant. Un exemple parmi d’autres : sur RTL, en mars 2014, lors d’un pic de pollution aux particules fines en Ile-de-France, il avait affirmé qu’«aucun risque n’est à craindre pour les personnes bien portantes» et les avait encouragées à sortir faire du sport. Contacté par Libération, l’intéressé persiste et signe, droit dans sa blouse. «Je tiens le même discours depuis que j’ai commencé à travailler sur la pollution de l’air en 1995. J’ai toujours dit qu’elle avait des effets sur la santé, mais qu’en ce qui concerne le cancer des poumons, le sujet reste débattu. Oui, le diesel est cancérigène, mais si risque il y a, il n’est pas encore totalement démontré. Les éléments scientifiques sont beaucoup moins solides que pour l’asthme et les maladies cardio-vasculaires.»
Mais l’OMS, les autres études ? «L’OMS s’est déjà trompée plusieurs fois, regardez sur la grippe aviaire ! Il faut faire extrêmement attention aux discours alarmistes. Mes patients fumeurs, du coup, me disent « je peux continuer à fumer, c’est le diesel ! », or 95% des cancers du poumon, c’est le tabac. Quant à l’étude du Lancet, je la connais, c’est toujours le même problème, le risque zéro n’existe pas, et s’il n’y a pas de seuil, vous trouvez toujours quelque chose. Il y a aussi des études qui montrent que le diesel n’est pas cancérigène…»
«La peste et choléra»
Pour Florence Trébuchon, Michel Aubier «ne peut pas ne pas savoir la vérité : la position de l’OMS est reconnue par tous et n’est pas discutable. Le nier, c’est comme quand, il y a vingt ans, des médecins disaient que le tabagisme passif n’existe pas ! Le plus contrariant, c’est que ce soit un pneumologue chercheur à l’Inserm qui le dise». Invité sur France 5 en 2014 avec Aubier, le cardiologue Pierre Souvet se rappelle avoir été «surpris par ses propos. Il disait que les particules dues au diesel ne représentent que 14% des particules en France, en oubliant qu’en ville, ce taux monte à 50%. Et il insistait sur le fait que la pollution de l’air intérieur est plus grave. Oui, mais un médecin ne doit pas choisir entre deux maux, il doit soigner les deux! Je m’étais dit qu’il était bizarre qu’il choisisse entre la peste et le choléra».
En 2012, dans une information à l’Académie de médecine dont il est membre, Michel Aubier défendait ardemment les filtres à particules qui équipent les voitures diesel depuis 2011. «Ceux-ci filtrent toutes les granulométries de particules (fines et ultrafines) avec une très grande efficacité, (>99,9% en nombre, >99% en masse pour les véhicules les plus émissifs), produisant une teneur en particules en sortie du pot d’échappement similaire à celle de l’air ambiant», écrivait-il. Or, comme l’assurait à LibérationGuillaume Darding, spécialiste des systèmes de dépollution chez un équipementier automobile, «les 1% restants ne sont pas négligeables, et on peut s’en inquiéter. D’autant qu’il s’agit de très petites particules pénétrant facilement dans l’organisme».
Au bas de ce document, repris à l’envi par PSA Peugeot Citroën ou leComité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), Aubier «déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en relation avec le contenu de cette information». Idem lors de son audition le 16 avril 2015 par la Commission d’enquête du Sénat sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, où, représentant l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le médecin déclarait sous serment n’avoir «aucun lien d’intérêt avec les acteurs économiques».À lire aussi : Le Sénat se penche sur le cas du pneumologue Michel Aubier
Pourquoi n’a-t-il pas mentionné qu’il est membre du conseil d’administration de la Fondation Total, chose qu’il est aisé de vérifier sur Internet? Bien pire, pourquoi n’a-t-il pas déclaré qu’il est médecin conseil de Total? Cet élément est beaucoup plus discret, bien qu’on puisse en trouver sur la toile une trace dans ce document datant de 2006, où il est présenté comme « Médecin du groupe Total » (page 28).
Mais la multinationale confirme l’information à Libération, noir sur blanc et sans détours : si Michel Aubier «ne perçoit pas de rémunération directe ou indirecte au titre de ses activités» pour la Fondation, il est en revanche «médecin conseil de Total et perçoit une rémunération au titre de cette activité. Sa mission est double : suivi de la santé des dirigeants du groupe et conseil au groupe sur les enjeux sanitaires et la santé au travail, auprès de la direction des Ressources humaines». Mazette.
Réponse de l’intéressé : «j’aurais dû le déclarer, c’est vrai, mais ça ne m’était même pas venu à l’esprit». Pourtant, il y a là un conflit d’intérêt majeur, non? Puisque Total vend du diesel aux particuliers et aux professionnels (routiers, marins…). Et puisque ses propos sont proches de ceux que tenait feu Christophe de Margerie. Le PDG de Total, décédé depuis, déclarait en avril 2014 au micro de France Inter, «il y a le problème des particules, de la qualité de l’air, mais non, le diesel n’est pas cancérigène».
Michel Aubier reconnaît, questionné par Libération, siéger au CA de la Fondation Total depuis «une dizaine d’années», où il traite «de projets santé-solidarité, essentiellement dans les pays en voie de développement». Et être médecin-conseil de Total «depuis 1997 ou 1998, pour m’occuper uniquement des problèmes sanitaires. Je suis sur le plan santé les 200 dirigeants du groupe. Quand ils ont par exemple de l’asthme sévère ou un infarctus, je les oriente dans un service hospitalier. Je m’occupe aussi d’un comité d’experts chargé d’améliorer la prise en charge sanitaire des salariés du groupe».
Certes, il confesse avoir été «un peu léger en ne le disant pas au Sénat, mais ces activités n’influencent absolument pas mon jugement sur la pollution de l’air et le diesel. Jamais, au grand jamais, Total ne m’a demandé de le faire, ce n’est pas du tout mon rôle et je ne l’aurais pas accepté. Je vous garantis en toute transparence qu’il n’y a absolument aucun conflit d’intérêts». Ces activités annexes pour Total lui prennent «deux demi-journées par semaine». Combien lui rapportent-elles ?
«Confidentiel»
«Confidentiel», répond-t-il. Mais la somme est «conséquente», dit Martin Hirsch, le DG de l’AP-HP, qui «n’était pas au courant» de ce lien avec Total quand il a envoyé Aubier le représenter à sa place à l’audition sénatoriale d’avril 2015. Interrogé vendredi par Libération, ce dernier se penche depuis sur le sujet et a questionné Aubier. Le médecin assure qu’il a «demandé l’autorisation [ndlr :de travailler pour Total] à l’AP-HP en 1997, accordée par [son] directeur d’hôpital de l’époque». Cela ne figure pas dans son dossier administratif de l’AP-HP, que Hirsch a fait ressortir en urgence. Ce dernier l’explique dans un courrier adressé ce mardi au président de la commission d’enquête sénatoriale, dont Libération a obtenu une copie (voir ci-dessous).
Michel Aubier jure qu’il a le papier chez lui. «J’attends de le voir», dit Hirsch, furieux d’avoir potentiellement à gérer un parjure devant le Sénat, lui qui dit «attacher la plus haute importance» à la prévention des conflits d’intérêts. Il a donc «incité» Aubier à prendre contact avec le Sénat pour établir quelles suites donner à l’affaire. En attendant, du côté d’Allô Docteurs, où on assure avoir été «à mille lieues d’imaginer qu’un pneumologue puisse avoir des liens avec (cette) industrie», décision a été prise de ne plus inviter le mandarin.
A lire : la lettre de Martin Hirsch