Repenser un modèle à bout de souffle: près de 4 millions de seniors seront en perte d’autonomie d’ici à 2050.

« Il y a urgence à reprogrammer la loi “grand âge et autonomie” »

TRIBUNE

Collectif

La crise sanitaire a mis en évidence les questions liées à la dépendance. Il faut donc repenser un « modèle à bout de souffle », estiment dans une tribune au « Monde » quatre sénateurs socialistes, parmi lesquels Patrick Kanner et Monique Lubin.

Publié le 25 février 2021 à 05h45    Temps de Lecture 4 min. 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/25/il-y-a-urgence-a-reprogrammer-la-loi-grand-age-et-autonomie_6071125_3232.html

Tribune. Selon l’Insee, près de 4 millions de seniors seront en perte d’autonomie d’ici à 2050, il faudrait augmenter le nombre de places en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à hauteur de 50 %.

Alors que les conditions de vie et les difficultés rencontrées par les soignants travaillant en Ehpad ou à domicile ont été fortement dégradées et amplifiées par l’épidémie de Covid-19, le projet de loi « grand âge autonomie » tant attendu par les acteurs du secteur sera finalement repoussé à la fin de la crise sanitaire. Ce report est un signal très décourageant pour les professionnels du secteur et entre en contradiction avec les ambitions affichées par le gouvernement. En effet, la loi « grand âge et autonomie » voulue par le président de la République, et annoncée avant l’automne 2019, était censée incarner le marqueur social de ce quinquennat.

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Or, pour l’instant, il n’en est rien. Ce report, justifié par la crise selon le gouvernement, est le triste révélateur des choix et priorités du gouvernement.

Des questions essentielles n’ont pas été tranchées

Ce calendrier différé enlève toute crédibilité à la création de la cinquième branche de la Sécurité sociale, actée par la loi relative à la dette sociale et à l’autonomie,ainsi qu’aux maigres avancées inscrites au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2021. Avancées que le groupe socialiste avait soutenues, comme il avait salué la visée universaliste de cette branche dans la prise en charge de toute perte d’autonomie, qu’elle soit liée à l’âge ou au handicap.

Aucun nouveau financement n’a été fléché pour la création de cette nouvelle branche confiée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), mis à part quelques transferts de contribution sociale généralisée (CSG), loin d’être suffisants face aux enjeux concernant les questions d’autonomie et de vieillissement de population.

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Lors des débats sur le PLFSS 2021, nous avions fait plusieurs propositions, notamment celle d’une contribution des revenus du capital et des successions, mais la ministre Brigitte Bourguignon [déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie] nous a renvoyés à l’examen de ladite loi, qui n’est pas près d’être débattue.

Ces questions essentielles, de ressources supplémentaires à affecter, de prestations assurées au regard des besoins délimités, n’ont pas été tranchées. La cinquième branche de la Sécurité sociale n’est pour l’instant qu’une coquille vide.

Prestation de compensation universelle

En dehors des pistes de financement provenant des successions et les revenus du capital, nous avons fait des propositions pour renforcer la prévention de la perte d’autonomie, la recherche de solutions innovantes, la mise en œuvre d’une prestation de compensation universelle, ainsi qu’une gestion paritaire de la branche. Malheureusement, toutes ces propositions ont été balayées d’un revers de main et renvoyées à l’examen du projet de loi.

Ce report est inacceptable. Les professionnels du secteur et les personnes en perte d’autonomie en pâtissent. Il y a une véritable urgence à ce que le gouvernement passe des paroles aux actes et mobilise de vrais moyens pour les Ehpad et pour le maintien à domicile. Cette dernière question est centrale, mais, sans moyen et sans attractivité des métiers, rien ne peut évoluer.

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Les rapports se sont succédé : ceux de Dominique Libault [président du Haut Conseil du financement de la protection sociale], de Myriam El Khomri [rapport sur l’attractivité des métiers du grand âge, remis le 29 octobre 2019], du conseiller d’Etat Denis Piveteau et du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge. Ils mettent en évidence l’impérieuse nécessité de revaloriser les métiers de l’aide et des soins à domicile et d’identifier des financements pérennes pour le secteur.

Cette préoccupation est primordiale quand on sait que, face à la crise actuelle, faute de personnel et de moyens financiers, il est déjà impossible d’honorer toutes les demandes d’accompagnement des personnes âgées ou en situation de handicap. Il est impératif d’agir, avec des financements à la hauteur des besoins.

Renforcer l’accompagnement à domicile

L’autonomie de la personne âgée doit être au cœur du futur projet de loi. Il faut garantir une liberté de choix de la personne âgée, et cela ne peut se faire que par un renforcement de l’accompagnement à domicile. Le maintien à domicile le plus longtemps possible doit être une priorité pour la qualité de vie des personnes âgées.

Durant les prochaines années, compte tenu de la crise économique et sociale qui se profile, Il faudra assurer la viabilité, l’attractivité et la qualité de l’accompagnement à domicile sur l’ensemble de notre territoire, la revalorisation des métiers du sanitaire et du médico-social doit jouer ici tout son rôle.

« Notre société doit incarner le bien-vivre pour nos aînés, ce qui passe par une réelle politique de prévention de la perte d’autonomie »

Mais au-delà de cette revalorisation des métiers, la loi « grand âge et autonomie » ne pourra pas se passer d’un volet sur l’isolement, qui est un facteur aggravant de perte d’autonomie. Il faut accompagner l’accès au numérique afin qu’il soit à la portée de tous. Il faut aider les familles et les associations. Notre société doit incarner le bien-vivre pour nos aînés, ce qui passe par une réelle politique de prévention de la perte d’autonomie, un maintien à domicile le plus longtemps possible, et repenser le modèle des établissements dont la crise sanitaire pointe les limites.

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Les ressources nécessaires pour répondre aux problématiques du vieillissement de la population et de la perte d’autonomie doivent être trouvées rapidement.

Nous devons repenser l’accueil et l’accompagnement des personnes âgées comme des personnes handicapées. Nous devons absolument nous tourner vers l’avenir et avoir des projets d’envergure. Il est urgent d’agir pour l’autonomie et pour cela le projet de loi « grand âge et autonomie » doit être programmé avant l’été 2021.

Bernard Jomier, sénateur (écologiste apparenté PS) de Paris ; Patrick Kanner, président du groupe socialiste, écologiste et républicain au Sénat ; Monique Lubin, sénatrice (PS) des Landes ; Michelle Meunier, sénatrice (PS) de Loire-Atlantique.

Collectif

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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