Les macronistes rattrapés par le clivage gauche-droite à travers l’islamo-gauchisme

« Islamo-gauchisme », menus sans viande à la cantine : les macronistes rattrapés par le clivage gauche-droite

Les polémiques autour de l’« islamo-gauchisme » et des menus sans viande dans les cantines ont divisé le gouvernement et ravivé des divergences qu’Emmanuel Macron entendait dépasser. 

Par Olivier Faye et Alexandre Lemarié

Publié aujourd’hui à 05h01, mis à jour à 10h02  

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https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/02/24/face-au-retour-du-clivage-gauche-droite-les-macronistes-confrontes-aux-limites-du-en-meme-temps_6070997_823448.html

La ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, et le ministre de l’intérieur, Gerald Darmanin, à l’Elysée à Paris, le 7 octobre 2020.
La ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, et le ministre de l’intérieur, Gerald Darmanin, à l’Elysée à Paris, le 7 octobre 2020. LUDOVIC MARIN / AFP

Le « dépassement » est-il dépassé ? En l’espace de quelques jours et de deux polémiques, l’exécutif a vu réapparaître en son sein le clivage droite-gauche qu’Emmanuel Macron tente pourtant de faire éclater depuis bientôt quatre ans. Après l’affrontement médiatique entre certains de ses ministres sur la réalité ou non de l’imprégnation de l’« islamo-gauchisme » à l’université, voici venir le conflit autour des menus végétariens dans les cantines scolaires.

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Lundi 22 février, la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, a dénoncé le « débat préhistorique » instruit jusqu’au sein du gouvernement contre l’instauration, par le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, d’un menu unique sans viande dans les cantines de la ville. Une décision qualifiée au contraire de « honte » par son collègue de l’agriculture, Julien Denormandie, faisant ainsi réémerger une ligne de fracture idéologique au sein de la majorité entre deux conceptions de l’écologie ; l’une conforme aux standards classiques de la gauche, quand l’autre se dit soucieuse d’incarner l’emprise avec le « réel ».

Du porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, au ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, plusieurs membres de l’exécutif ont appuyé les critiques de M. Denormandie. Le premier a dénoncé l’absence de « choix » laissé aux enfants, le second la politique « élitiste des Verts », qui « exclut » selon lui « les classes populaires »« On entend que des enfants de milieux un peu défavorisés mangeraient moins de viande que les autres, des études montrent l’inverse », a rétorqué Barbara Pompili.

Cacophonie gouvernementale

A son tour, le ministre de la santé, Olivier Véran, a pris ses distances. « Il n’y a pas lieu de polémiquer », a-t-il évacué lundi, en ne se disant « pas choqué qu’on puisse proposer des menus sans viande ni poisson à l’école ». D’autant que l’ancien maire (La République en marche) de Lyon, Gérard Collomb, avait lui-même adopté la même mesure au début de l’épidémie de Covid-19, afin de faciliter les services.

Comme l’a révélé Politico, cette cacophonie gouvernementale a obligé Nicolas Revel, directeur du cabinet du premier ministre, Jean Castex, à transmettre au nom de ce dernier un message à ses homologues dans les ministères : prière de « ne pas alimenter de polémiques autoportées ». Le débat a néanmoins débordé jusque dans la majorité, suscitant un duel à distance entre des membres de l’aile gauche et de l’aile droite de LRM sur leur rapport à l’écologie. Alors que le porte-parole du parti présidentiel, Jean-Baptiste Moreau, a reproché publiquement à Mme Pompili de manquer de « loyauté », le député macroniste de Paris Hugues Renson a dénoncé « les polémiques stériles » entretenues par son collègue de la Creuse, dont il a exigé la démission du porte-parolat de LRM.

« Dans l’optique de la présidentielle, Emmanuel Macron et ses soutiens ont décidé de caricaturer les écologistes pour tenter de les discréditer, s’insurge le député ex-LRM de Maine-et-Loire Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot. De manière volontaire, ils essaient d’instaurer un clivage entre leur conception de l’écologie, dite “rationnelle”, du “progrès”, de la “croissance”, et celle des “amish”. » Une référence aux propos du chef de l’Etat, en septembre 2020, qui fustigeait ce qu’il conçoit comme une vision « punitive » de l’écologie. Sans directement faire référence au sujet des menus sans viande, M. Macron a d’ailleurs ciblé, mardi, lors d’une visite dans une ferme de la Côte-d’Or, ceux qui veulent basculer vers un nouveau modèle agricole « sur la base d’invectives, d’interdits, de démagogie ».

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Ce débat fait suite à la polémique qui a agité le gouvernement pendant une semaine après l’enquête réclamée au CNRS par la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, sur l’« islamo-gauchisme », qui « gangrène » selon elle l’université. Soutenue par l’aile droite de la Macronie – du ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, à Gérald Darmanin –, Mme Vidal s’est vu reprocher par le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, issu du Parti socialiste, de consacrer son temps à un problème « marginal ».

Violents antagonismes

Pour tenter d’annihiler cette bataille de lignes, une poignée de fidèles du chef de l’Etat, présents pour certains dès le lancement d’En marche ! en 2016, a signé une tribune dans Le Monde, mardi, pour dénoncer le retour d’un clivage « stérile et délétère ». « Nous devons refuser de nous laisser enfermer dans le piège qui consisterait à remplacer “droite” par “contempteur de l’islamo-gauchisme” et “gauche” par “défenseur de l’intersectionnalité” », clament ces personnalités, parmi lesquelles figurent notamment le député européen Stéphane Séjourné, le secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O, celui chargé de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, ou le délégué général de LRM, Stanislas Guerini.

« Le credo et l’éthique politique portés par Emmanuel Macron et le mouvement En marche ! dès 2016 et lors des campagnes électorales de 2017 refusaient le cadre du débat gauche-droite, qui enferme dans des totems conceptuels et sémantiques », ajoutent-ils, en plaidant pour « une approche par les faits et l’efficacité des politiques publiques ». Mais la revendication de cette identité « pragmatique » s’apparente par moments à un mariage des contraires, qui suscite de violents antagonismes.

En réponse à cette tribune, l’ex-premier ministre Manuel Valls, tenant d’une ligne dure en matière de laïcité, s’est montré cinglant à l’égard du parti présidentiel. « Il n’y a aucune boussole à LRM… Alors ils lancent un débat, s’y perdent et traitent d’hystériques ceux et celles qui défendent la République et se battent contre les complices d’une idéologie mortifère »a-t-il condamné sur Twitter, mardi, en référence à cette prise de distance des macronistes historiques avec le concept d’« islamo-gauchisme »« Un “en même temps” insupportable », tranche Manuel Valls, qui a siégé dans les rangs de LRM à l’Assemblée nationale au début de la législature.

« Cette tribune m’est littéralement insupportable, a renchéri le député (LRM) de l’Essonne Francis Chouat, proche de l’ex-premier ministre. Je ne me suis pas engagé ni n’ai voté la loi “principes républicains” pour que soient renvoyés dos à dos ceux qui luttent contre le séparatisme islamiste et ceux qui le promeuvent ou le soutiennent. »

Chez LRM, « le clivage gauche-droite n’a jamais disparu »

Ces divisions internes illustrent les limites du « en même temps » cher à M. Macron. Ainsi que la persistance d’un débat interne au sein de la majorité, structuré autour du traditionnel clivage gauche-droite. Une réalité inhérente à la création du parti présidentiel, rappelle le politologue Bruno Cautrès. « L’opposition actuelle entre les ailes gauche et droite de la majorité n’est qu’une remontée en surface de forces présentes depuis le début à LRM », juge le chercheur au Cevipof.

En octobre 2018, ce dernier avait mené une étude auprès de 8 815 « marcheurs », publiée par Terra Nova, mettant en lumière l’existence de « sous-cultures » au sein de la formation macroniste. Avec trois groupes principaux identifiés : un de culture centriste, « cœur du macronisme », constitué de progressistes sur le plan des valeurs et libéraux en économie (31 %) ; un de centre-gauche avec les « progressistes-égalitaires » (23 %) ; et un de centre-droit de taille égale avec « les conservateurs libéraux » (23 %).

« Cela montre qu’En marche ! est une création ex nihilo, qui s’appuie sur les forces traditionnelles du PS et de LR, dont sont issus plusieurs de ses membres, et qu’en son sein, le clivage gauche-droite n’a jamais disparu », analyse M. Cautrès. « Ce clivage demeure car l’identification des électeurs – qu’ils soient de LRM ou non – à des grandes idéologies vient d’une sensibilisation à des valeurs sur une très longue durée », souligne-t-il. Bien avant la création du jeune parti présidentiel.

Olivier Faye et  Alexandre Lemarié

Voir aussi:

https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/2021/02/25/islamo-gauchisme-confusion-dans-le-domaine-de-la-recherche-confusion-dans-le-monde-politico-mediatique-des-evenements-locaux-marginaux-et-minoritaires-sont-livres-a-lopinion-publique-c/

https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/2021/02/24/desaccords-de-lequipe-gouvernementale-dans-le-debat-sur-lislamo-gauchisme/

https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/2021/02/24/les-macronistes-rattrapes-par-le-clivage-gauche-droite-a-travers-lislamo-gauchisme/

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi