Les Maires des territoires ruraux veulent légiférer pour solutionner les déserts médicaux – Les spécialités en détresse dans les villes (Commentaires Dr Jean Scheffer).

Déserts médicaux : « Il faut légiférer pour pousser les médecins à aller vers ces zones »

Santé

Propos recueillis par Margot Brunet

Publié le 04/02/2021 à 18:20

https://www.amrf.fr/wp-content/uploads/sites/46/2021/02/DP-Le-manque-de-medecins-aux-sources-de-la-désertification.pdf

Une étude parue jeudi 4 février remet à l’ordre du jour la question des déserts médicaux, pointant du doigt l’augmentation du nombre de territoires concernés. L’association des Maires Ruraux de France exhorte le ministère de la Santé à prendre des mesures fortes.

« Dis-moi où tu habites, je te dirais comment tu mourras« . Ainsi débute l’un des dossiers publiés par l’ Association des Maires Ruraux de France (AMRF) à propos des déserts médicaux. Une assertion “loin d’être dénuée de fondements tant la réalité subie par de nombreux Français pour accéder aux services de soins s’est dégradée ces dernières décennies”. Pour remettre la question au centre des préoccupations, l’association a demandé à Emmanuel Vigneron, professeur des universités à Montpellier et spécialiste de l’approche territoriale de la santé, de se pencher sur la question.

Le constat est sans appel. En tout, trois études ont été publiées depuis décembre. La première alerte sur l’espérance de vie à la campagne : les ruraux vivent aujourd’hui en moyenne deux ans de moins que les citadins. La deuxième s’attarde sur la prise en charge hospitalière : elle rapporte que les habitants des régions rurales consomment 20 % de soins hospitaliers en moins que ceux des villes. Enfin, la troisième pointe du doigt un chiffre éloquent : “dix millions d’habitants vivent dans un territoire où l’accès aux soins est de qualité inférieure à celle de la moyenne des territoires français”. Surtout, les choses vont en s’aggravant : le nombre de cantons dépourvus de médecins est passé de 91 en 2010 à 148 en 2017, soit une augmentation de 62 %. Les maires ruraux demandent donc au gouvernement d’agir. Entretien avec Dominique Dhumeaux, vice-président de l’AMRF et maire de Fercé-sur-Sarthe (Sarthe).

Marianne : Quels sont les points marquants de ces études ?

Dominique Dhumeaux : Un problème qui n’est pas nouveau. Dans certains départements, un tiers de la population n’a plus de médecin. Quand on tombe malade, on n’a pas d’autres solutions que d’aller aux urgences pour avoir un diagnostic. Urgences qui se retrouvent en détresse face à cet afflux de patients. D’autres tardent à consulter, s’habituent à la douleur ou se tournent vers l’automédication. Ils voient alors un médecin trop tard, ou alors que le coût pour soigner la pathologie est devenu exorbitant. C’était déjà le cas depuis plusieurs années, mais le problème prend une ampleur considérable.

En zone rurale, plus de la moitié des médecins a plus de 55 ans, certains ont jusqu’à 75 ans et sont obligés de continuer à exercer. Leur nombre va s’effondrer, puisqu’ils ne seront pas renouvelés. Forcément, puisque les médecins ont la liberté de s’installer où ils le souhaitent, ils vont vers les lieux les plus agréables pour eux, où ils peuvent accéder à des lieux culturels, etc. On se retrouve donc avec des zones où se trouvent à la fois moins de généralistes, mais aussi moins de spécialistes. Cette catastrophe, qui a déjà commencé, aura lieu d’ici 4 ou 5 ans. C’est une bombe sociale à retardement, alors que l’espérance de vie en milieu rural se dégrade déjà à une vitesse catastrophique.

Les mesures prises jusqu’ici ne sont donc, selon vous, pas assez efficaces…

Il n’y a aucun outil en place pour obliger les médecins à aller vers ces zones, ni pour accompagner les collectivités vers la télémédecine. Des maisons de santé ont été créées pour que les praticiens puissent travailler ensemble, ça leur a permis de se réunir. Ça a certainement amorti le choc en rendant certains des territoires attractifs à des professionnels pendant un certain temps, mais ce n’est plus suffisant. Bien sûr, la fin du numerus clausus, il y a un an et demi, aidera en partie : le nombre de médecins augmentera, et certains s’installeront dans les zones où on manque de médecins. Mais il faut 9 à 10 ans pour former un médecin : cela ne le réglera donc certainement pas d’ici là, alors que nous prévoyons une situation extrêmement tendue dans les 4 ou 5 ans.

Pendant longtemps, on a mis l’accent sur la capacité des élus à se mobiliser. Ce n’est pas la solution. Un élu qui réussit à trouver un médecin pour sa commune est parfois obligé de le piquer à un autre. Il ne faut plus leur faire porter cette responsabilité, c’est celle de l’État, du Ministère de la Santé.

Vous plaidez donc pour des mesures autoritaires.

C’est le ministère de la Santé, avec les ARS, qui gère le nombre de médecins sur un territoire. C’est à lui d’imposer l’installation de certains d’entre eux, pendant une période, dans les déserts médicaux. Olivier Véran, sur ce sujet, rassure les médecins : il leur dit de ne pas s’inquiéter, qu’ils ne seront pas forcés de travailler loin de leur domicile. C’est incohérent, il le fait simplement pour ne pas s’attirer les foudres des syndicats de médecins.

La télémédecine, qui s’est généralisée avec le Covid-19, est une piste. On sait qu’environ 15 % des consultations peuvent se faire à distance, pour des renouvellements d’ordonnances par exemple. Il faut que le ministère mette en place des outils pour promouvoir la téléconsultation et la rendre possible partout. Il faut aussi donner plus de compétences aux infirmiers, ils peuvent se charger de certains actes médicaux dans des zones où ils sont les seuls à être présents. Une autre clé, sur le long terme, est la prévention : il faut faire en sorte d’expliquer aux gens pourquoi prendre soin d’eux, faire du sport, bien manger est essentiel, que cela prévient certaines pathologies.

Depuis longtemps, les ARS font en sorte que cette problématique ne soit pas largement visible du public, et ne donnent pas les chiffres éloquents à ce sujet. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons demandé ces études à M. Vigneron. Il travaille sur des chiffres officiels. Désormais, le constat n’est plus contestable, et nous voulons être inclus aux discussions avec les ARS. Si le gouvernement est en mesure de nous proposer autre chose, tant mieux. Nous voulons que la pression devienne telle qu’il n’y ait pas d’autre choix que de légiférer pour pousser les médecins à aller vers ces zones. On ne peut pas tolérer que des gens meurent plus tôt parce qu’ils vivent dans un certain territoire.

Publié le 04/02/2021

Pyramide des âges : vers la lente disparition de certaines spécialités en ville ? 

Paris, le jeudi 4 février 2021 – La CARMF (Caisse autonome de retraite des médecins de France) publie dans son dernier bulletin, des statistiques édifiantes sur la démographie des médecins libéraux.

La fin programmée des hommes médecins libéraux

Toutes spécialités confondues (médecine générale comprise), la médecine libérale apparaît vieillissante. La catégorie d’âge la plus représentée est ainsi celle des 60-65 ans.

Le phénomène est encore davantage marqué chez les hommes : un médecin sur 10 à plus de 70 ans et près de la moitié plus de 60 ans !

Figure 1. Pyramide des âges des médecins libéraux (généralistes et spécialistes)

Dans certaines spécialités, les hommes semblent vouer à « disparaitre ». En dermatologie, par exemple, 12 % des hommes ont plus de 70 ans et 70 % plus de 60 ans.

Figure 2. Pyramide des âges des dermatologues libéraux

La continuité des soins de ville dans cette spécialité (comme dans d’autres) est ainsi notamment assurée par la féminisation du métier.
Ainsi, toujours en dermatologie, si l’âge moyen des dermatologues hommes est de 60 ans, il est de 53 ans chez les femmes.

Y aura-t-il un psychiatre dans la ville ?

Mais la palme revient aux internistes et aux psychiatres.
En médecine interne, où le taux de féminisation reste faible (26 %), l’âge moyen des médecins hommes est de 63 ans (50 ans chez les femmes) est la catégorie d’âge la plus représentée est celle des plus de 70 ans !

Figure 3. Pyramide des âges des internistes libéraux

Même constat, peut-être plus inquiétant puisque la spécialité forme des bataillons beaucoup plus importants, chez les psychiatres où pour les hommes les plus de 70 sont les plus représentés (environ 25 % des effectifs) et où la majorité des professionnels masculins ont plus de 60 ans. Les femmes ne sont pas en reste, la catégorie la plus représentée est celle des 60-65 ans et la majorité ont plus de 55 ans.
Et ce ne sont pas les revenus dans cette spécialité, parmi les plus bas en ville (71 434 € par an pour le secteur 1 et 70 027 € par an pour le secteur 2) qui sont susceptibles d’attirer les jeunes générations.

Figure 4. Pyramide des âges des psychiatres libéraux

Seule, peut-être, la médecine générale (et les spécialités à plateau technique lourd) semble encore dynamique. Ainsi l’âge moyen des hommes est de 56 ans et celui des femmes de 47 ans et l’on compte 20 % de praticiennes âgées de moins de 35 ans.

Figure 5. Pyramide des âges des médecins généralistes libéraux

Commentaires Dr jean Scheffer:

A propos des déserts médicaux et hospitaliers: une solution miracle acceptable par tous.



Plusieurs rapports démontrent que toutes les mesures pour inciter les jeunes médecins à s’installer dans les déserts médicaux, si elles ont pu ponctuellement être une solution, elles ont globalement échoué. La multitude des aides n’a pas solutionné les déserts sauf cas particulier et la gabegie financière a été dénoncée par la cour des comptes (cf la carte des installations en 2016, la quasi-totalité des installations a eu lieu en dehors des zones à pourvoir). « En tout état de cause, les politiques visant à corriger ces inégalités de répartition sont notoirement insuffisantes et coûteuses au regard des faibles résultats obtenus » ( Cour des comptes rapport 2017 Page 18) https://www.ccomptes.fr/fr/documents/40737

En bleu les zones d’installation et en rouge les zones déficitaires ou les installations sont exceptionnelles.


Seule une régulation de l’installation des généralistes et spécialistes avec l’augmentation du numerus clausus, pourra avec le maintien de ces mesures, modifier la donne.

Elle est réclamée depuis de nombreuses années, y compris par l’Ordre des médecins en Août 2012, par les Doyens de faculté, par les Maires des petites villes et des villes moyennes, par 90% des Français, par de multiples organismes:                                                                                                                                                                  http://coordination-defense-sante.org/wp-content/uploads/2017/08/Remise-en-cause….pdf 

Mais elle demeurera insuffisante pour résoudre les déserts hospitaliers.

Les déserts médicaux ne sont pas qu’en zone rurale ou dans les quartiers défavorisés des grandes villes, ils sont aussi dans nos hôpitaux (plus de 40% de postes vacants) et c’est l’argument principal des fermetures de service en hôpital local, en centre hospitalier et même en CHU !
Il faut donc résoudre la mauvaise répartition des médecins, tant celle des spécialistes que celle des généralistes.

La moindre contribution en remerciement des études payées par la société, de la part de nos jeunes collègues, serait d’accepter une mission de service public de 2 ou 3 ans, généralistes, comme spécialistes et il n’y aurait ainsi aucune discrimination par l’argent comme c’est le cas actuellement avec les bourses données à ceux qui acceptent d’aller s’installer quelques années dans les déserts médicaux.

La solution c’est un clinicat-assistanat pour tous , en fin d’internat, obligatoire pour les futurs généralistes et les futurs spécialistes. Ainsi seront rapidement résolus déserts médicaux dans les quartiers et en milieu rural, mais aussi les 40% des postes vacants surtout dans les hôpitaux généraux, en PMI, en médecine scolaire, dans les CMP, en médecine du travail…. Les postes pourraient être partagés pendant les 3 années entre gros et petits hôpitaux , entre villes et milieu rural., entre Hôpital général ou CHU et PMI ou CMP, ou centre de santé et maison de santé, ou médecine scolaire, ou médecine du travail…Il existe actuellement dans les spécialités dse assistants-partagés entre CHU et non CHU. Il y aura aussi des assistants généralistes partégés. Il faut résoudre l’ensemble des postes vacants avec une seule solution et chacun ne tirera plus la couverture à lui. Il n’y aura plus de ségrégation entre étudiants de milieu modeste acceptant une bourse pour aller en désert médical et les autres mieux nantis. C’est une excellente façon de découvrir autre chose que la ville universitaire et de prendre gout à une toute autre qualité de vie, et donner envie de la partager après son assistanat, comme moi Toulousain quand je suis arrivé en 1970 sur Albi. J’y suis resté et je m’en félicite.

Dr jean Scheffer cardiologue retraité 0612241146



Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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