Publié le 08/02/2021
Variant sud-africain : le vaccin d’AstraZeneca de nouveau dans la tourmente

Oxford, le lundi 8 février 2021 – Une étude non encore publiée portant sur environ 2 000 personnes menée à l’université du Witwatersrand à Johannesburg montrerait que le vaccin Oxford/AstraZeneca présente « une efficacité limitée contre les formes modérées de la maladie due au variant sud-africain« . Ainsi, selon des résultats préliminaires, le vaccin d’Astrazeneca ne serait efficace qu’à 22 % contre ces formes modérées liées au variant 20H/501Y.V2 (dit sud-africain) chez des personnes d’un âge moyen de 31 ans. Aucun résultat n’est en revanche disponible sur son efficacité contre les formes sévères liées à ce même variant.
Néanmoins, selon le Dr Sarah Gilbert qui a participé à l’élaboration de ce vaccin à l’université d’Oxford il pourrait être efficace contre ces formes graves: « il ne réduit peut-être pas le nombre total de cas, mais protège quand même contre les décès, les hospitalisations et les formes graves de la maladie« , a-t-elle ainsi précisé au cours d’une interview à la BBC.
L’équipe d’Oxford informe également travailler sur une version qui serait davantage efficace contre ce variant qui pourrait être prêt à l’automne.
L’Afrique du sud suspend l’utilisation de ce vaccin sur son territoire
Dans ce contexte, l’Afrique du Sud a suspendu temporairement ce vaccin de son programme de vaccination contre la Covid-19, qui devait débuter dans les prochains jours avec un million de doses.
En outre rappelons que le vaccin AstraZeneca/Oxford, s’il a déjà été validé dans de nombreux pays est le plus souvent recommandé chez les moins de 65 ans, faute de données suffisantes sur son efficacité pour les personnes plus âgées.
Aussi, pour lever ou confirmer les doutes, le comité stratégique des experts en immunisation de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) va se réunir aujourd’hui en visioconférence pour formuler des recommandations provisoires quant à l’utilisation de ce vaccin. « Une attention particulière sera donnée à la discussion sur l’utilisation du vaccin sur les adultes les plus âgés » précise l’agenda de l’OMS.
X.B.
Covid-19 : le chemin de croix du vaccin d’AstraZeneca
Erreur de dosage lors des essais, manque de données sur les plus de 65 ans… L’arrêt de la campagne en Afrique du Sud constitue le dernier d’une série de revers pour ce vaccin très attendu.
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Chez AstraZeneca, nul doute que l’on doit adorer Olivier Véran. Non seulement le ministre français de la santé s’est fait vacciner, lundi 8 février, dans la matinée, avec le produit développé par le groupe anglo-suédois et l’université d’Oxford. Mais il a invité « l’ensemble des soignants » à en faire de même « pour pouvoir se protéger au plus vite ».
Lors d’une conférence de presse, il a été interrogé sur la décision prise la veille par les autorités sanitaires sud-africaines de suspendre la campagne de vaccination dans le pays en raison de la trop faible efficacité (22 %) de la préparation britannique face au variant B.1.351. « Je continue de recommander la vaccination par le vaccin AstraZeneca, qui protège contre 99 % des virus qui circulent sur notre territoire », a-t-il insisté. La France en a reçu 270 000 doses samedi, 300 000 étaient attendues mercredi, et le rythme devrait rester élevé pendant tout le mois de février.
Le variant sud-africain reste, il est vrai, pour l’heure ultra-minoritaire en France. Et le vaccin d’AstraZeneca semble conserver une bonne efficacité face au variant B117, apparu en décembre 2020 dans le Kent, comme l’a montré une étude de l’université d’Oxford publiée, le 4 février, sur le site de preprints – donc non revue par les pairs – du Lancet. Or c’est bien ce mutant-là qui ne cesse de prendre de l’importance en France.
Mais ces deux bonnes nouvelles risquent de ne pas peser bien lourd dans la balance des sentiments du géant pharmaceutique. L’étude de l’université de Witwatersrand, à Johannesburg, a en effet enflammé la Toile au cours du week-end. Le variant sud-africain a déjà été repéré dans trente-deux pays. Or l’équipe du professeur de vaccinologie Shabir Madhi a conclu qu’alors que le vaccin britannique offrait une efficacité de 75 % sur la souche principale, celle-ci tombait à 22 % sur ce variant.
Une invraisemblable erreur de dosage
Officiellement, l’Afrique du Sud n’a fait que suspendre sa campagne en attendant des résultats plus complets de cette étude portant sur quelque 2 000 personnes – un échantillon assez réduit en la matière. Peut-être ce vaccin pourrait-il au moins protéger les Sud-Africains contre les formes sévères du Covid-19. Mais pour l’Afrique du Sud, qui avait déjà reçu un million de doses, et pour AstraZeneca, le coup est rude.
Il intervient après une série de revers subi par le groupe de Cambridge. Il y eut d’abord ce cas de myélite transverse, une affection neurologique grave, enregistré en septembre 2020 sur une volontaire britannique. En Europe, au Brésil et en Afrique-du-Sud, il ne fit perdre qu’une semaine au rythme des essais, le lien entre la vaccination et l’incident ayant été écarté. Mais les autorités américaines (FDA) exigèrent une pause de six semaines avant la reprise des opérations.
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Puis ce fût cette invraisemblable erreur de dosage réalisée par un sous-traitant sur une partie des volontaires de l’essai de phase 3. Ceux-ci reçurent une demi-dose lors de leur première injection au lieu de la dose complète. L’université d’Oxford décida pourtant de les maintenir dans l’essai. Si bien qu’en décembre 2020, lors de la publication définitive dans le Lancet, les spécialistes du monde entier découvrirent des chiffres tout à la fois peu clairs et peu rigoureux. Des données provenant de différents pays, ce qui est habituel, mais rassemblant aussi différents dosages et différentes durées entre les deux injections. « Des pommes, des poires et des bananes rassemblées dans la même corbeille de fruit », résumait un expert de l’Agence européenne des médicaments (EMA).
Aux Etats-Unis, la FDA fit savoir qu’il n’était pas question qu’elle accrédite un produit présenté avec un tel dossier. Elle exigea la poursuite de l’essai américain, en y ajoutant un nombre substantiel de personnes de plus de 65 ans. Car outre ses curieux mélanges, l’équipe britannique avait aussi omis de recruter des volontaires âgés en nombre suffisant. Erreur on ne peut plus funeste, compte tenu du poids du 4e âge dans le bilan de la pandémie.
Face aux variants, les concurrents font mieux
Après une discussion serrée, l’EMA décida de recommander le vaccin à toutes les personnes âgées de plus de 18 ans, tout en soulignant le manque de données au-delà de 65 ans.
Une position loin d’être unanime. L’agence allemande choisit au contraire de réserver ce vaccin aux moins de 65 ans. Quant à la Haute Autorité française de la santé (HAS), si elle n’a pas écarté véritablement les plus âgés, elle a recommandé de privilégier le segment 50-65 ans et les soignants de moins de 65 ans… Olivier Véran était de ceux-là.
Autre revers pour AstraZenaca : dans la lutte contre les variants, ses concurrents font mieux que lui. Même si les études demandent encore à être confirmées, il semble que les deux vaccins à ARN (acide ribonucléique) messager de Pfizer-BioNTech et Moderna conservent une action puissante contre le mutant Sud-Africain.
Le groupe Johnson & Johnson, qui présente un vaccin à vecteur viral, comme AstraZeneca, a également rendu public des résultats allant dans ce sens. Son candidat voit certes son efficacité chuter de 72 % (aux Etats-Unis) à 57 % (en Afrique du Sud). Mais même confronté à B.1.351, il reste au-dessus des 50 % exigés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La start-up américaine Novavax s’en sort, elle aussi, mieux que le géant anglais puisque son vaccin à virus inactivé, efficace à 90 %, conserve un niveau de 49 % sur les volontaires sud-Africains, pratiquement tous infectés par le variant.
L’OMS en difficulté
Pour l’infectiologue Odile Launay, directrice du centre de vaccinologie Cochin-Pasteur, ce résultat « n’est malheureusement pas une surprise : les données immunologiques montraient que le titre en anticorps était moins élevé que celui des autres vaccins ». « Cela risque de poser de sérieux problèmes à l’OMS », ajoute-t-elle. Car si les grands pays disposent d’agences sanitaires, les plus petits se reposent sur la « préqualification » qu’elle accorde.
Que va faire l’agence onusienne, alors que le variant B.1.351 étend sa toile ? Quelle position adopter vis-à-vis d’un vaccin largement moins cher que tous ses concurrents et qui constituait un pilier de la stratégie de l’OMS vers les pays à faibles et moyens revenus ?
L’initiative Covax, qu’elle pilote, avait en effet préacheté 350 000 doses, et son comité de conseil en immunisation (SAGE) s’apprêtait à examiner le candidat britannique. Une réunion était justement programmée, lundi. L’OMS a indiqué au Monde que des recommandations seraient rendues publiques « dans la semaine ».Notre sélection d’articles sur les vaccins contre le Covid-19
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