Complémentaires santé ? La crise sanitaire sera-t-elle l’occasion d’une profonde refonte du financement du système de santé ? (Rapport du HCAAM) – Commentaires Dr SCHEFFER

COVID-19 & DÉRIVE SÉCU-MUTUELLES

29.01.2021 – Philippe LEDUC, Directeur, THINK TANK ECONOMIE SANTE

Bref Santé 21-04 . Le COVID-19 va-t-il mettre un coup de frein à la dérive du couple Assurance maladie – Complémentaires santé ? La crise sanitaire sera-t-elle l’occasion devenue nécessité d’une profonde refonte du financement du système de santé ? Pour éviter les énergies perdues, la confusion et le brouillage, les déficits d’efficacité et d’efficience.

https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/HCAAM/2021/HCAAM-%20Rapport%20Complémentaire%20santé%20et%20prévoyance%20-%20Janvier%202021.pdf

Le COVID-19 a accentué une tendance de fond rendant la situation de plus en plus intenable. Par exemple : le remboursement à 100% par la Sécu de la télémédecine ou la surtaxe des complémentaires qui deviennent encore plus des collecteurs d’impôts.

Cette hybridation du financement peut être « une force si elle permet de bénéficier des vertus de chaque système : l’universalité et  la solidarité pour l’assurance obligatoire et l’adaptation aux besoins et la stimulation par la concurrence pour l’assurance complémentaire. » Mais on n’en est plus là déplore le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance maladie (HCAAM), avec moultes exemples, dans un récent « document de travail » rendu opportunément public tout récemment. Ses propositions ont l’avantage de la clarté. Soit corriger les défauts en gardant la structure actuelle. Soit refonder le système avec trois options : un encadrement plus fort, l’intégration de tout ou partie des garanties des Complémentaires dans la Sécu ou enfin l’ouverture d’une liberté plus grande pour les assureurs complémentaires.

Le statu quo n’est pas envisagé.

La place de la complémentaire santé et prévoyance en France

Extraits du document de travail du HCAAM

https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/HCAAM/2021/HCAAM-%20Rapport%20Complémentaire%20santé%20et%20prévoyance%20-%20Janvier%202021.pdf

Introduction

Il y a trente ans, la loi Evin du 31 décembre 1989 fixait le cadre juridique d’exercice de l’activité de protection sociale complémentaire, notamment en santé et en prévoyance1, cadre d’ailleurs commun aux trois familles d’organismes autorisés à s’y livrer (sociétés d’assurances, institutions de prévoyance et mutuelles). Si celui-ci demeure en grande partie en vigueur, les conditions d’intervention et de gestion des organismes complémentaires ont été bouleversées à plusieurs égards. Les exigences prudentielles ont été renforcées, notamment sous l’influence de l’Union européenne. Le nombre d’acteurs s’est considérablement réduit sous l’effet d’un mouvement continu de concentration, conduisant en bien des cas à la constitution de groupes transversaux aux trois familles initiales. Dans un contexte marqué par l’exigence de maîtrise des dépenses de l’assurance-maladie obligatoire, les pouvoirs publics et les partenaires sociaux se sont efforcés de généraliser la couverture complémentaire de la population et d’en encadrer le contenu, du moins en ce qui concerne la couverture des frais de soins, un peu comme si la protection sociale complémentaire suivait avec retard le chemin de l’assurance-maladie de base vers l’universalité.

Face à cette multitude d’évolutions dont le rythme s’est accéléré au cours de la dernière décennie, le premier objectif de ce travail est tout simplement de comprendre et de donner à comprendre. Une mise en perspective s’impose car si chaque réforme a sa logique propre, la somme des évolutions auxquelles elles conduisent est rarement évaluée. Ce travail implique une approche pluridisciplinaire, mobilisant à la fois l’économie, la statistique et le droit, et au sein du droit, les différentes branches que sont le droit de la sécurité sociale, le droit des assurances, le droit du travail, le droit fiscal et le droit de l’Union européenne. La compréhension de ce dernier revêt une importance toute particulière : la protection sociale complémentaire est, pour l’essentiel, une activité économique soumise au droit de la concurrence. Ce droit qui s’impose au législateur ménage une place plus grande qu’on ne le croit souvent à la prise en compte de l’intérêt général, mais encore faut-il en maîtriser les subtilités pour garantir la sécurité juridique des réformes.

Ce travail d’état des lieux n’aurait toutefois qu’un intérêt doctrinal s’il ne s’inscrivait dans la mission du HCAAM, qui est de préparer l’avenir. Comment qualifier la situation à laquelle nous sommes parvenus ? Elle est d’abord placée sous le signe d’un paradoxe qui n’est qu’apparent : ouverture des marchés de l’assurance complémentaire et réglementation de l’activité sont allés de pair. Jamais la concurrence entre les organismes n’a été si intense et jamais le contenu des garanties qu’ils peuvent proposer n’a été aussi encadré. De ce double constat naît une forte incitation à trouver de nouveaux terrains de différenciation, comme le développement de la télésanté, de services de prévention et d’accompagnement, de réseaux de soins ou encore l’utilisation innovante des données personnelles. Les contours et l’effectivité de ces “nouveaux terrains” de la protection sociale complémentaire sont cependant encore mal connus.

Du point de vue des pouvoirs publics, l’objectif de généralisation apparaît quasiment atteint, avec plus de 95% de la population couverte par une assurance maladie complémentaire. Mais cette généralisation s’est opérée de manière segmentée, qui a pris la forme d’un patchwork, avec une forte dépendance de la couverture au statut d’activité professionnelle (salariés du secteur privé, avec de fortes différences selon le secteur et la stabilité de l’emploi; fonctionnaires; travailleurs indépendants ; chômeurs ; retraités). Il en résulte des disparités qui n’ont pas forcément été voulues (entre contrats collectifs et individuels, entre santé et prévoyance, entre salariés des fonctions publiques et du privé). Le taux d’effort reste très élevé pour les ménages pauvres, en dépit de la création de la complémentaire santé solidaire, comme pour les personnes âgées.

Ce document ouvre ainsi de multiples questions afin d’orienter la suite des travaux. Faut-il privilégier la résorption des inégalités de couverture complémentaire, en particulier en faveur des catégories les moins bien couvertes ou supportant les plus lourdes charges ? Faut-il maintenir le degré actuel d’encadrement des garanties, le renforcer voire pour certaines les intégrer à la couverture de base ou donner de nouvelles marges de manœuvre aux acteurs et, si oui lesquelles ? Les modalités de participation des organismes complémentaires à la gouvernance du système de santé sont-elles satisfaisantes ? Faut-il accorder une plus grande attention à la diffusion des garanties en matière de prévoyance ? L’exploration des “nouveaux terrains” nécessite-t-elle de lever certains verrous, et que faut-il en attendre ?

Toutes ces questions nous ramènent finalement à une question fondamentale : qu’attend la Nation des couvertures complémentaires ? Question qui devra nécessairement être posée et clarifiée à l’heure où le choc causé par la Covid-19 nous conduit à une réflexion d’ensemble sur l’avenir du système de santé français, dans un contexte économique et financier inédit….

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1 On distinguera ici et dans l’ensemble de ce document les couvertures complémentaires santé, qui couvrent les frais de soins, et les couvertures complémentaires prévoyance, parfois qualifiées de « prévoyance lourde », qui versent des revenus de remplacement en cas de maladie, d’invalidité et de décès. Bien que les développements qui suivent traitent plus souvent de la santé que de la prévoyance, en raison d’une plus grande abondance des données disponibles et d’une fréquence bien plus rapide des réformes en matière de santé, du point de vue des politiques publiques, la prévoyance est d’importance égale, c’est pourquoi l’avis examine les deux sujets conjointement.

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6. Quel rôle pour les couvertures complémentaires santé et prévoyance dans l’avenir ?

Trois types d’options sont possibles.

Une première option peut conduire à aller au bout de la normalisation des couvertures complémentaires en les instituant en un deuxième niveau encore plus encadré qu’aujourd’hui, cet encadrement pouvant s’étendre le cas échéant à la prévoyance.

Une deuxième option consiste à aller encore plus loin dans cette logique et à intégrer tout ou partie des garanties offertes par les complémentaires actuelles dans la couverture de base en matière de santé comme en matière de prévoyance.

Une troisième et dernière option consisterait à rouvrir une liberté plus grande de définition des niveaux et contenus des garanties proposées par les assurances complémentaires.

Les travaux du HCAAM permettant d’alimenter l’avis qui sera rendu au cours du premier semestre 2021 exploreront ces diverses options en les évaluant au regard des objectifs d’équité71, d’accès aux soins, de soutenabilité, d’efficacité, de capacité d’innovation et de résilience en cas de crise. Dans chacune de ces options, la question des paniers d’intervention respectifs de l’AMO et des assurances maladie complémentaires devra être étudiée. Les enseignements des expériences étrangères pourront aussi nourrir utilement la réflexion.

Commentaires Dr Jean SCHEFFER:

On aurait aimé que le Haut Conseil insiste sur le reste à charge qui pour les soins courants dépasse aujourd’hui les 50%.

Qu’il précise aussi le nombre actuel de concitoyens non couverts, ni par La Complémentaire Santé Solidaire (ex-CMU-c), ni par une mutuelle, ainsi que le nombre actuel de salariès obligés de souscrire à une surcomplémentaire en raison de l’insuffisance de couverture par leur complémentaire santé d’entreprise (Contrats solidaires).

On aurait aimer aussi qu’il insiste sur le reste à charge des patients en ALD, car pour 10% des patients en ALD (soit I million de concitoyens) il atteint en moyenne 1700€/an; et pour 1% (100 000 sujets) de 3000 à 7000 €

https://www.argusdelassurance.com/institutions/affections-de-longue-duree-un-reste-a-charge-moyen-de-752-par-an-pour-les-patients.112530

On aurait attendu une dénonciation des frais de gestion des complémentaires allant de 15% à 40% contre 5% pour l’assurance maladie, avec autant de redistribution en moins pour les cotisants, ainsi qu’une attaque en règle du 100% santé pour les prothèses auditives et dentaires, ainsi que les lunettes, payé en pratique en grande partie par l’augmentation de 4% de nos cotisations en 2021 !

Mais le plus important c’est une timidité extrême concernant une réforme indispensable de la couverture maladie des Français. Sans parler d’un souhaitable 100% Sécu, il aurait pu au moins s’appuyer sur le systéme de couverture en vigueur en Alsace-Moselle, où la complémentaire est gérée par l’assurance maladie, avec un reste à charge et une cotisation moins élevée, et un régime financiérement équilibré, ou l’Assurance-Maladie universelle 100% proposée par Didier Tabuteau et Martin Hirsch: http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2017/01/14/creons-une-assurance-maladie-universelle_5062590_3232.html

Il faut en finir avec tous ces tickets modérateurs, franchises, dépassements d’honoraires, médicaments déremboursés, frais de dossier, d’hôtel hospitalier, de stationnement…les inventions de nouvelles dépenses non remboursées sont incessantes.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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