Les oppositions protestent contre la dissolution de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur le Covid-19
Pour la majorité, les missions d’information « sont toujours temporaires », et sa fin n’est en rien une obstruction. Un argument qui peine à convaincre les ex-membres de la mission.
Temps de Lecture 4 min.

C’est une nouvelle qui a suscité la colère des oppositions à l’Assemblée nationale, qui, depuis le début de la crise sanitaire, dénoncent d’une même voix la mise à l’écart du Parlement. Au Palais-Bourbon, la mission d’information consacrée à la gestion de l’épidémie de Covid-19 a pris fin mercredi 27 janvier.
Elle a été dissoute à l’issue d’un vote conforme au règlement de l’Assemblée nationale, au cours duquel les députés de La République en marche (LRM) et ceux du MoDem ont, majoritaires, décidé d’interrompre cette mission.
« Totalement irresponsable et irrespectueux »
De quoi scandaliser les élus des différents groupes d’opposition, du Parti socialiste (PS) aux Républicains (LR) en passant par les communistes, les élus de La France insoumise (LFI) et les centristes de l’Union des démocrates et indépendants (UDI), qui ont voté contre ou se sont abstenus. « Il y avait une très mauvaise ambiance. C’était comme une liquidation surprise », rapporte un participant de la réunion qui s’est déroulée à huis clos. Les députés conviés par le président de la mission d’information, Julien Borowczyk (LRM, Loire), avaient appris à la dernière minute la tenue de ce vote décisif pour l’avenir de leur mission.
A sa sortie, le président du groupe LR à l’Assemblée nationale, Damien Abad, a fustigé « un naufrage démocratique ». « Mettre fin à la mission d’information sur le Covid à l’Assemblée nationale en pleine crise sanitaire, c’est totalement irresponsable et irrespectueux des droits du Parlement », a-t-il déclaré.
Lancée en mars 2020, à la demande du président (LRM) de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, cette mission de contrôle parlementaire avait pour objectif d’assurer un suivi continu de la gestion de la pandémie. Elle avait ainsi rendu un premier rapport en juin 2020 avant de se transformer en une commission d’enquête les six mois suivants. Après une soixantaine d’auditions, le rapporteur Eric Ciotti (LR, Alpes-Maritimes) avait officiellement présenté ses conclusions le 8 décembre.
Lire notre enquête : Commission d’enquête Covid-19 : les députés pointent les défaillances au sommet de l’Etat
Pénurie de masques, impréparation du système sanitaire français et manque d’anticipation des pouvoirs publics… Le rapport dressait un constat accablant pour le gouvernement et sa gestion de la crise sanitaire. Les élus LRM-MoDem s’étaient alors abstenus de voter le texte et avaient dénoncé une« instrumentalisation politique ». Cet épisode nourrit les arguments de l’opposition, qui présume que la majorité souhaite avant tout évacuer les critiques vis-à-vis du gouvernement sur la gestion de l’épidémie.
Mélenchon : un acte « scandaleux »
« On est très surpris et en colère de cette décision qui ne peut venir, par sa brutalité, que de l’exécutif, affirme Eric Ciotti. Il n’a très clairement pas envie d’être entendu au cœur de la crise par l’Assemblée. Décidément, on voit bien que LRM a un problème avec les instances de contrôle et même les instances législatives. » L’élu Les Républicains estime cette décision « totalement maladroite d’un point de vue politique ».
A gauche, les critiques sont tout aussi acerbes. Le président du groupe LFI, Jean-Luc Mélenchon, a dénoncé un acte « scandaleux », reliant là encore le vote de la majorité à des pressions de la part de l’exécutif. « Macron et ses ministres ont peur d’assumer publiquement leur politique hasardeuse », a-t-il écrit sur Twitter. Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, évoque, lui, une « trahison démocratique » dans un autre tweet. « La crise sévit toujours et le gouvernement décide seul. L’Assemblée nationale est entravée », cingle le député communiste Pierre Dharréville (Bouches-du-Rhône), toujours sur Twitter.
Lire aussi Covid-19 : l’impossible débat sur la gestion de crise
Du côté de la majorité, la polémique agace mais ne surprend guère. « C’est une mise en scène de la part des députés LR. Si nous voulions museler l’opposition, nous aurions voté contre la publication du rapport d’Eric Ciotti », défend Julien Borowczyk. Depuis le rendu du rapport de la commission d’enquête à la mi-décembre 2020, les députés LR, soutenus par une partie de leurs collègues de l’opposition, militaient pour la prolongation de la mission d’information, au moins jusqu’à la fin de la crise sanitaire.
« Les missions d’information sont toujours temporaires. Elles n’ont pas vocation à devenir des commissions permanentes », estime le député (LRM) du Val-de-Marne et membre de la commission Guillaume Gouffier-Cha. Pour les députés de la majorité, la disparition de cette mission n’est en rien une forme d’obstruction au travail de contrôle des parlementaires. « Les commissions permanentes de l’Assemblée, comme la commission des affaires sociales ou celle des affaires économiques, peuvent aussi bien se saisir du sujet, et c’est ce qui se passe actuellement », défend M. Borowczyk.
« L’Assemblée doit continuer son travail de contrôle »
Un argument qui peine à convaincre les parlementaires membres de la mission d’information. « Les commissions permanentes ne font pas de rapport sur la gestion de la pandémie, souligne le député (PS) des Landes et vice-président de la commission d’enquête Boris Vallaud. C’était le seul lieu à l’Assemblée, finalement, où l’on pouvait avoir une approche très transversale de la gestion de la pandémie. »
Un constat partagé par sa collègue (Agir) de Seine-Maritime Agnès Firmin-Le Bodo, qui s’est abstenue lors du vote. « Il faut absolument créer quelque chose derrière pour que l’Assemblée puisse continuer son travail de contrôle. On a besoin d’une vision globale de la gestion de la crise au Parlement », affirme t-elle, citant l’exemple du Sénat, qui a dissous sa commission d’enquête sur la gestion du Covid-19 en décembre 2020, la transformant en mission d’information, dès le 13 janvier.
Lire aussi Covid-19 : les sénateurs critiquent l’« impréparation » du gouvernement
Fort de l’exemple sénatorial, les députés des oppositions ne comptent pas en rester là. Le groupe LR et le groupe socialiste ont déjà prévu de saisir le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, pour que celui-ci octroie la possibilité de former une nouvelle mission d’information ou une commission d’enquête sur la crise sanitaire.Notre sélection d’articles sur le Covid-19
Retrouvez tous nos articles sur le nouveau coronavirus dans notre rubrique
Sur l’épidémie :
- Visualisez l’évolution de l’épidémie en France et dans le monde
- Covid-19 : hausse, stabilisation ou baisse, où en est l’épidémie dans votre département ?
- Combien de vaccins ? Quand seront-ils disponibles ? Seront-ils obligatoires ? Peuvent-ils mettre fin à l’épidémie de Covid -19 ? Nos réponses à vos questions
- Les chiffres sur la pandémie de Covid-19 ont un intérêt, mais ils n’expliquent pas tout
Et aussi :
- Couvre-feu à 18 heures généralisé, vaccination des personnes à haut risque… Le détail des mesures annoncées par Jean Castex
- Normes, prix, entretien, alternatives… ce qu’il faut savoir sur les masques
- Pourquoi la crise économique due à l’épidémie est unique (vidéo)
- Gare aux mauvais conseils et aux fausses rumeurs : on vous aide à faire le tri
- Info pratiques, vérifications… suivez les développements de la crise sanitaire sur WhatsApp