« Marre du Covid-19 » : de confinements en couvre-feux, le récit d’une France qui en a « ras le bol »
Par Stéphane Mandard , Raphaëlle Rérolle , Richard Schittly , Gilles Rof , Laurie Moniez, Philippe Gagnebet , Jean-Pierre Tenoux , Nicolas Legendre et Alice Raybaud
Publié aujourd’hui à 03h45, mis à jour à 12h31
REPORTAGEIl y a ceux qui, face à l’épidémie, luttent pour garder le moral et ceux qui n’y arrivent plus. Ceux qui se sont installés dans le fatalisme et ceux qui s’impatientent.
Après la peur et la colère, après la perplexité, les brefs retours à la normale, les espoirs vite douchés, c’est une sorte d’abattement poisseux qui s’est emparé du pays. Comme si cette pandémie de Covid-19 provoquait la même lassitude inquiète que les maladies chroniques, avec leurs hauts et leurs bas, leurs lueurs d’optimisme et leurs rechutes.
De confinements en couvre-feux, l’avenir prend des allures d’horizon sans fin. Au vertige de l’inconnu succèdent un sentiment d’usure, l’impression d’être ballottés à l’aveugle dans une énorme lessiveuse. Il y a ceux qui luttent pour tenter de garder le moral et ceux qui n’y arrivent plus. Ceux qui se sont installés dans le fatalisme et ceux qui s’impatientent. Tous voudraient bien savoir à quelle sauce ils seront mangés au moment où plane la perspective de nouvelles restrictions.
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En attendant, « tous serrent les dents », remarque une dentiste parisienne qui a vu éclore une épidémie de douleurs faciales chez ses patients. Eczémas, crises d’acné chez les adolescents, maux de dos, la situation n’est pas sans retentissement sur le physique et la santé des Français.

Quant au moral, bien sûr, il en prend un coup. « Chez les plus fragiles, cela va jusqu’à la dépression, la désespérance, constate Antoine Pelissolo, chef du service psychiatrie de l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne). On observe un véritable découragement, une difficulté à vivre sans les appuis habituels, les distractions et la sociabilité ordinaire. Beaucoup de gens sont sur la corde raide : il suffirait de peu pour qu’ils s’écroulent. »
Cet effritement du lien social est d’ailleurs l’un des grands motifs de plainte, autant que l’angoisse du chômage ou les difficultés du quotidien. Et d’abord la disparition des « bisous », ces petits échanges de rien du tout qui semblaient parfois si banals, presque mécaniques du temps où l’on pouvait encore s’en faire. Ceux qui vivent en famille se rattrapent, comme Marie, secrétaire à temps partiel en Ille-et-Vilaine : « On compense avec des bisous, des câlins, on recrée de l’affectif. »
Mais, pour beaucoup, le manque de contacts est lancinant, toutes générations confondues. Bernard, gardien d’une école primaire du 12e arrondissement de Paris, le dit avec simplicité : « On ne voit plus les sourires, on ne peut plus se serrer la main, même ma sœur je ne peux plus l’embrasser. C’est ça le plus dur. » Depuis quelque temps, la pause cigarette revient un peu plus souvent, s’étire un peu plus longtemps, pour pouvoir quitter « ce foutu masque ». Bernard l’avoue, il est « fatigué ». Au point qu’avec cette crise qui n’en finit plus il commence à « compter les jours » jusqu’à la retraite.
« Tout s’est arrêté d’un coup »
Le concept est encore bien abstrait pour Tulin, Angelina et Arinati, respectivement 16, 17 et 18 ans, mais leur humeur n’est pas très différente. Stagiaires depuis trois semaines à l’Agora, un centre social du 14e arrondissement de Marseille, les jeunes filles en ont « vraiment marre du Covid ». Dans cette structure posée entre La Busserine, Picon et le Mail, trois cités parmi les plus agitées des quartiers Nord, l’aide aux devoirs a été maintenue jusqu’à 20 heures, par dérogation spéciale de la préfecture des Bouches-du-Rhône. C’est mieux que rien, mais pas suffisant pour compenser la perte des signes d’affection. « Avant, on pouvait voir nos cousines, nos grands-mères, se faire la bise…, soupire Arinati. Aujourd’hui, on ne peut même pas se mettre du gloss. »

Même les simples causettes se font rares. Souriant, serviable, Bernard voit défiler 250 enfants et presque le double de parents tous les jours dans son école parisienne, mais, avec le couvre-feu, les adultes n’ont plus tellement le temps de bavarder. « C’est la ruée. On essaie d’éviter les attroupements. J’ai beau leur dire que je peux leur faire une attestation, tout le monde est stressé. » Les journées deviennent trop courtes, il faut se dépêcher, faire les courses avant de regagner son domicile, patienter dans les files d’attente qui ont refait leur apparition devant les supermarchés… « Quand tu finis à 18 heures, tu ne peux plus rien faire, regrette Tulin. Tu rentres direct chez toi. »
Référente famille du centre social La Busserine, toujours dans les quartiers nord de Marseille, Rania Youm s’inquiète pour les mères de la cité, qu’elle voit de moins en moins. « Avant, elles passaient au centre pour un simple café. Un moment à elles, entre les enfants, le ménage, les pressions d’argent. Aujourd’hui, quand elles viennent à la sortie de l’école, elles ne restent pas longtemps. » L’atelier cuisine, le ciné-débat, le sport, les sorties découverte, toutes les propositions destinées aux adultes ont été suspendues. « Autrement dit, l’ensemble des activités conviviales si importantes dans cet environnement où la vie sociale est déjà réduite »,commente Guillaume Seze, le directeur du centre.

Fini la rassurante régularité des rencontres sportives ou culturelles. A Mouthe, bourgade du Haut-Doubs, les Gais Montagnards ne se croisent plus que par hasard depuis que la batterie-fanfare a cessé toute activité, en octobre 2020. Les répétitions du vendredi soir, avec cuivres et percussions, rompaient la monotonie, se souvient Julien Letoublon, qui dirige cette association dont ses parents faisaient déjà partie.
« Le fait de se retrouver, cette échappatoire qui permettait de se vider la tête, ça nous manque à tous, moi le premier qui suis dans mon boulot à fond, passant mes journées au cul des vaches », raconte cet agriculteur de 39 ans qui tient le GAEC du Pré Bouillet, une ferme de deux cents bêtes. Certes, avec trois enfants dont le dernier est né au cœur de l’été, lui et sa femme ont de quoi s’occuper. « Mais on est trente musiciens de 7 à 77 ans, moyenne d’âge 30 ans, on était demandés pour les fêtes de famille, mariages, cérémonies patriotiques, défilés, on préparait les concours et là, tout s’est arrêté d’un coup. Et le plus pénible, c’est qu’on ne sait pas pour combien de temps… »
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Contrairement à de nombreux citadins, les agriculteurs n’ont pas changé leur manière de travailler. « Quand on a des vaches laitières, il faut les traire, fabriquer les fromages, faire de la vente directe, les métiers de l’alimentation sont indispensables », confirme Philippe Monnet, installé à Trévillers, près de la frontière suisse, dans la combe de La Craute, où il élève soixante-dix bovins et six cents porcs. Mais, « en principe, on travaille pour avoir des sources de plaisir », rappelle le psychiatre Antoine Pelissolo. L’impossibilité de faire des projets, de se raccrocher à des perspectives agréables ou tout simplement structurantes donne un aspect informe à l’existence.
« De plus en plus de visages marqués »
Les retraités, eux, n’ont même plus la ressource du travail et vivent parfois un vrai cauchemar, comme le souligne Annie Genevard, députée (Les Républicains) du Doubs. « Ici, ce n’est pas comme dans les grandes villes : chacun se connaît, on téléphone aux aînés, on passe voir si tout va bien. Seulement, les bénévoles qui allaient dans les Ehpad [établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] ou à l’hôpital faire la conversation, accompagner des promenades, proposer des animations, ceux-là ont dû arrêter. Il y a de la souffrance, chez eux comme chez ceux qui attendaient avec impatience leurs visites, c’est terrible. »

Une rupture que Jean-Pierre Grisard déplore lui aussi. Président du club des retraités de Morteau, cet homme de 70 ans a dû renoncer à l’organisation des lotos, des repas et goûters, des parties de tarot ou de belote, des petits voyages qui faisaient la joie de ses quatre-vingt-six adhérents âgés de 62 à 94 ans, « dont quarante-quatre femmes seules et onze hommes seuls », dit-il. Sa crainte, si les contraintes sanitaires perdurent, c’est que certains « finissent par perdre l’envie du collectif et restent repliés sur eux-mêmes ».
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L’inquiétude pour les plus jeunes est encore plus forte. « Ils ne peuvent pas aller au bal, il n’y a plus de fêtes, de concours de pointeurs ou de labours, de comices dans les villages, plus d’occasion de discuter autour d’un casse-croûte avec une bouteille de Pont[l’anis de Pontarlier], énumère Philippe Monnet, qui préside la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) du Haut-Doubs. Certains sont isolés, vivent seuls ou avec papa et maman dans l’exploitation, parfois avec des frères et sœurs, ils n’ont plus aucun autre lien. Je vois de plus en plus de visages marqués. »
Un grand nombre de parents ne savent plus comment faire face à leurs enfants désœuvrés, parfois privés d’une partie de leurs cours, comme le fils de Marie, lycéen en banlieue de Rennes. « Il est devenu bougon, moins souriant et surtout moins accessible. Il passe beaucoup de temps devant les écrans et contacte peu ses amis. Il se lève souvent tard, à midi, et, comme il a 17 ans, on ne peut pas lui courir après. Moi, je suis aussi à la maison, mais je télétravaille, je ne peux pas passer mon temps à le secouer. »
A cinq dans un F2, c’est encore pire, « surtout quand vous avez trois garçons », grimace Benabou Benouennane, habitant d’un HLM marseillais qui a trouvé une parade : « Quand ça crie trop, je mets un casque et j’écoute la musique sur le balcon. »
Présidente de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) d’Ille-et-Vilaine, Magalie Icher s’alarme des « troubles psychologiques » dont sont victimes, selon elle, une partie des élèves depuis le début de la crise sanitaire. Les terminales, surtout, se sentent complètement perdus, explique Younes, un enfant des quartiers nord de Marseille devenu doctorant, qui vient donner des cours de soutien à l’Agora : « Ils n’ont aucune vision sur la suite de leur parcours, voire simplement sur la façon dont vont se dérouler les épreuves du bac. »
« Frustrée, isolée, angoissée »
Pour leurs aînés, ceux qui n’ont pratiquement jamais mis les pieds à la fac ou dans leur école depuis la rentrée de septembre – voire depuis mars 2020 –, la période est encore plus catastrophique. Pauline Gajic, 23 ans, en première année de master d’architecture, en a « ras le bol ». « Marre » des cours à distance. « Marre » de porter le masque. « Marre » des confinements. « Marre » des couvre-feux. Comme beaucoup d’étudiants, elle se sent « fatiguée », « frustrée », « isolée » et « angoissée »pour son avenir.

En septembre, elle avait quitté sa Lorraine natale pleine d’enthousiasme : une nouvelle école à découvrir, la capitale à explorer. Quatre mois plus tard, c’est la grande désillusion. La jeune fille vit cloîtrée dans son studio du 12e arrondissement. « C’est à la fois mon salon, ma chambre, mon bureau. C’est dur, on se sent seule. » De Paris et de ses promesses culturelles, elle a eu le temps de voir le Louvre et le Musée d’Orsay. Ensuite, rideau. Ses camarades de promo, elle les connaît à peine. « On s’appelle en dehors des heures de cours pour le travail en groupe, mais on n’a pas eu le temps de nouer des liens d’amitiés. » Chacun reste chez soi.Pauline attend avec impatience les vacances de février pour rentrer chez ses parents. « S’il y a un troisième confinement, je resterai là-bas. »
« Nos parents se rendent au travail, les plus jeunes vont à l’école. Nous, on reste cloîtrés et, en plus, on nous assène que nous sommes la cause de l’emballement de l’épidémie. Cela pèse sur le moral », souffle Bertille, qui n’a pas fréquenté son université parisienne plus d’une semaine depuis le premier confinement. « On est devenu des robots devant nos écrans », raconte Morgan Hamon, étudiant de 21 ans en fin de licence banque et assurance à l’université Bordeaux-Montaigne. Il décrit une perte de sens face à des cours « déshumanisés ». « Avant, on discutait, on s’entraidait. Là, à la pause, on éteint la caméra et on se retrouve seul face à soi-même. C’est de plus en plus dur, on n’en voit pas le bout. »
Signe que la jeunesse n’en peut plus, les bouteilles à la mer se sont multipliées ces derniers jours sur les réseaux sociaux, sous le hashtag #étudiantsfantômes. « A 19 ans, j’ai l’impression d’être morte. Mon bureau, c’est ma chambre, et aussi mon lieu de repos, de film, de cuisine, de cours. Tout se confond dans mon esprit », a écrit Heïdi Soupault, inscrite à Sciences Po Strasbourg, dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron. « Il va falloir encore tenir », lui a répondu le président, avant d’annoncer, le 21 janvier, la possibilité d’un retour un jour par semaine de chaque étudiant dans les facultés. Les bras d’Heïdi lui en sont tombés, elle qui voit ses « projets s’écroule[r] les uns après les autres » depuis plusieurs mois.
Impression de vivre dans un tunnel
Pour eux aussi, les loisirs se sont réduits comme peau de chagrin. Encore ne s’agit-il que de distractions et pas d’un gagne-pain, comme pour les intermittents du spectacle. A Toulouse, le dernier concert qui a fait vibrer les murs du Bikini, temple du rock et de l’électro, remonte au 13 mars 2020. Depuis, Hervé Sansonetto, son patron, « devient fou ». « On est passés de la colère, car on ne se sentait pas considérés comme les théâtres ou les cafés, à une sorte de résignation », lance-t-il. Dimanche 24 janvier, dans les rues de Toulouse, le monde du spectacle vivant, du théâtre et des arts plastiques dits « alternatifs » a défilé entre « colère » et « impuissance ».

Antoine Bersoux, comédien de théâtre et de théâtre de rue, avoue être « plus désabusé qu’en colère ». « On essaie d’occuper notre temps en répétant, dit-il. Mais, le plus dur, c’est de ne pas savoir quand et où on pourra rejouer. » Hannelle Séhli, elle, a tourné dans quelques clips et fait une apparition au cinéma. La jeune femme, qui voulait devenir actrice, cherche à présent « du boulot dans le milieu de l’insertion ». « Autant se rendre utile, explique-t-elle, mais là, j’ai surtout envie de partir très loin et de sortir de ce cauchemar. » Administratrice de l’orchestre du Capitole de Toulouse, Claire Roserot de Melin résume : « Honnêtement, on est passés par toutes les phases. Mais là, c’est le sentiment d’abattement qui domine. »
Cette impression de vivre dans un tunnel, beaucoup la partagent. Et beaucoup s’inquiètent, bien sûr, des conséquences de la pandémie sur leur vie matérielle. Dans les Hauts-de-France, par exemple, où le géant de l’agroalimentaire Cargill a engagé un plan social. L’annonce n’est pas nouvelle, elle date de novembre 2019, mais la désorganisation actuelle aggrave tout. Les salariés de l’usine d’Haubourdin ont bien multiplié grèves et manifestations, y compris à Paris, « mais [ils sont] restés invisibles, soupire Aymeric Wayenburg, vingt ans d’ancienneté. C’est l’effet Covid ». En plus de la crise sanitaire, 90 salariés de l’entreprise doivent désormais retrouver un emploi, mais les formations proposées par la cellule de reclassement sont moins nombreuses qu’en temps normal et la plupart se font en ligne.
Même ceux qui ont conservé leur travail sont angoissés à l’idée de le perdre. Leurs priorités changent, comme le constate Pierre Gaboriau, qui dirige un salon de coiffure dans le 5e arrondissement de Paris. « Les cheveux, ça devient secondaire, dit cet homme de 55 ans qui avait pourtant vu affluer ses clients à l’issue du premier confinement. De toute façon, l’envie n’y est plus vraiment. Les gens ne sont plus dans le mouvement. Ils deviennent moins coquets, moins motivés. Quand on ne voit plus ses collègues ni ses amis, on a moins envie de sortir de chez soi pour se faire beau ou belle. » Ses journées sont parfois très peu remplies, au point qu’il en vient à se demander s’il ne vaudrait pas mieux un troisième confinement, avec des aides, plutôt que ce couvre-feu ramollissant.
Pour faire face, certains trichent, un peu ou beaucoup. On ouvre en catimini des arrière-salles de restaurant, on s’agglutine devant des bars qui servent des boissons « à emporter », on se fabrique des fausses attestations, des faux certificats médicaux pour aller faire du sport en salle, des billets de train bidons…
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« Le dernier train en provenance de Saint-Pierre-des-Corps a beaucoup de succès : il arrive à Paris vers minuit », dit en rigolant Joseph, un jeune de 28 ans qui a terminé son école de commerce et se demande quand il pourra décrocher des entretiens pour un premier boulot.
Jouer « les caméléons »
Et puis il y a ceux qui optent pour la combativité. A la Croix-Rousse, dans le 4e arrondissement de Lyon, les problèmes sont bien là, mais la résilience n’est pas un vain mot. « C’est compliqué, mais on s’accroche, même si nous sommes installés dans un faux rythme, sans savoir de quoi demain sera fait. On vit au jour le jour, témoigne Florian Garcia, 31 ans, patron du Momento, bar cosy qui continue de proposer boissons chaudes et pâtisseries à emporter. Nous n’avons pas de but, pas de projet, c’est ça le plus difficile, mais enfin, j’ai le temps de lire, surtout des bouquins sur l’entrepreneuriat. Je garde le moral ! »

Bien sûr, l’incertitude est un facteur d’anxiété. « En ce moment, je dois acheter toute la collection de l’hiver prochain, je ne dois pas me tromper »,dit Stéphanie Bleurvacq, gérante de Musy, boutique de vêtements classiques. Pourtant, sa clientèle d’habitués a beaucoup contribué à lui remonter le moral. D’autres tiennent à garder le sourire pour leurs clients, comme Laurence Louis-Maisonneuve, gérante du tabac-presse L’Annexe. « Nous sommes des éponges, il suffit d’une mauvaise nouvelle à la radio le matin, les clients répercutent leurs peurs, nous avons intérêt à être solides et positifs. »
A Lyon toujours, les commerçants indépendants savent qu’ils vont devoir encore s’adapter, jouer « les caméléons », comme le pressent Lydia Assour, patronne d’une boutique de produits de beauté, à qui les « aides significatives » du gouvernement ont permis d’éviter le pire. « Il faut se remettre en question, rouspéter, ça n’avance à rien », ajoute Sonia Provençal, 52 ans, responsable de la boutique Carré blanc. Des infirmières de l’hôpital voisin figurent parmi ses clientes. « Elles ne pouvaient pas venir avant le couvre-feu à cause de leur travail de dingue, explique-t-elle,alors je suis allée les livrer à l’hôpital ! »
Vivre au jour le jour sans céder au catastrophisme, le temps qu’il faudra, en dépit des incertitudes et des rumeurs. Voilà le cap, mais il est bien difficile à tenir au temps du Covid-19, quand la vie se rétrécit, se décharne, au point qu’il n’en reste parfois qu’une armature, avec plus grand-chose d’agréable autour.