L’exemple de vaccination d’Israël est un laboratoire intéressant piloté avec Pfizer dans un accord tenu secret, les palestiniens en étant exclus.

Covid-19 : Israël, laboratoire de l’efficacité vaccinale

L’Etat hébreu a rendu public un contrat signé avec Pfizer, détaillant les données qu’il partage avec la société pharmaceutique américaine. Mais une partie de cet accord, qui a pu contribuer à assurer au pays son approvisionnement en vaccins, demeure secrète. 

Par Louis Imbert(Jérusalem, correspondant)Publié hier à 23h35, mis à jour à 17h58  

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LETTRE DE JÉRUSALEM

Depuis un mois, 2,3 millions d’Israéliens ont reçu une première dose de vaccin contre le Covid-19 et plus de 500 000 d’entre eux une seconde. Au fil de cette campagne d’une rapidité record, le pays se mue en laboratoire de l’efficacité vaccinale, en bonne intelligence avec le laboratoire Pfizer, qui lui a fourni l’essentiel de ces doses.

Dimanche 17 janvier, l’Etat hébreu a ainsi rendu public un contrat signé avec le géant américain, détaillant les données qu’il partage avec lui, « afin de déterminer si une immunité de masse est obtenue après avoir atteint un certain pourcentage de couverture de vaccination en Israël. »

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Cet effort de transparence fait suite aux déclarations du premier ministre, Benyamin Nétanyahou, qui proclamait, début janvier, qu’« Israël sera[it] un Etat modèle à l’échelle globale (…) Israël partagera[it] avec Pfizer et le monde entier les données statistiques qui aideront à développer des stratégies pour vaincre le coronavirus. »

Une partie de cet accord, qui a pu contribuer à assurer à Israël son approvisionnement, demeure cependant secrète. Dès novembre 2020, M. Nétanyahou en avait fait une condition de la sécurité de l’accès du pays au vaccin.

Le document publié par le ministère de la santé, en partie tronqué, ne révèle pas la date à laquelle il a été signé, ni le montant payé. Il précise que Pfizer ne peut obtenir des informations médicales personnelles sur les vaccinés, mais seulement des données agrégées hebdomadaires, y compris sur des sous-groupes de petite taille divisés selon leur âge, leur passif médical ou leur lieu de vaccination. Le contrat n’exclut pas enfin le partage d’informations que l’Etat ne rend pas lui-même publiques.

La seringue sous verre de Nétanyahou

Ce secret a suscité des critiques : « Le gouvernement a conclu un contrat avec un laboratoire sans en informer le public israélien et sans mobiliser le cadre éthique supposé l’encadrer », déplore ainsi Tehilla Shwartz Altshuler, spécialiste des libertés numériques à l’Institut d’Israël pour la démocratie (IDI). Lundi, le directeur du comité Helsinki pour les droits humains, lié au ministère de la santé et impliqué dans l’autorisation de la recherche médicale, a annoncé qu’il passerait en revue ce « deal », tout en prenant garde de ne pas alimenter une défiance publique vis-à-vis de la campagne de vaccination.

Petit pays de 9,3 millions d’habitants, doté d’un système de couverture santé universelle publique et de bonnes infrastructures, Israël a déjà servi par le passé de terrain d’évaluation de vaccins, notamment en collaboration avec les Centers for Disease Control (CDC) américains, relève Nadav Davidovitch, membre du comité qui conseille le gouvernement durant la pandémie.

La population israélienne est de longue date peu opposée aux vaccins. Les quatre fournisseurs de soins de santé concurrents, financés par l’Etat, se sont par ailleurs dotés, depuis une dizaine d’années, d’un système de traitement de données médicales personnelles centralisé de qualité. Certains d’entre eux les partagent déjà avec des start-up israéliennes, soulevant des questions sur la propriété et la monétisation de ces données.

Enfin, le premier ministre Nétanyahou, poursuivi pour corruption et critiqué pour sa gestion de l’épidémie, a fait de cette campagne la clé de sa survie politique. Il a promis de faire vacciner l’essentiel de la population avant les élections législatives prévues fin mars. Premier à se faire vacciner, le 19 décembre 2020, il a fait placer cette seringue sous verre dans son bureau. Entre-temps, les territoires palestiniens occupés par Israël n’ont pas pu importer pour l’heure un premier lot de doses.

« Il faut du temps avant que le vaccin ne fasse sentir son effet sur l’ensemble de la population », juge Hagaï Levine, directeur d’une école de santé publique

Que révèle donc le cas israélien ? Certes, près d’un citoyen sur cinq a reçu une première dose. Ce taux monte à 86 % des personnes âgées de 70 à 79 ans, tandis que 25 % d’entre eux ont reçu la seconde. Cependant, le pays a dépassé le stade des 4 000 morts. Il connaît encore un taux d’infection parmi les plus importants au monde (10,2 % de tests positifs) et les services d’urgences demeurent sous intense pression.

« Cela indique qu’il faut du temps avant que le vaccin ne fasse sentir son effet sur l’ensemble de la population, et que vous avez vraiment besoin de vacciner une très haute proportion de la population cible », juge Hagaï Levine, directeur de l’école de santé publique de l’Université hébraïque, par ailleurs candidat d’opposition aux législatives.

Des effets encourageants

Un communiqué publié sur la base de données préliminaires par le fournisseur de soins Clalit, a révélé cependant, le 12 janvier, des effets encourageants. Conformément aux tests en laboratoire de Pfizer, cette équipe ne décèle un début d’immunité parmi 200 000 Israéliens de plus de 60 ans qu’au terme du douzième jour qui suit la première dose. Mais à quatorze jours, l’institution observe un déclin de 33 % des personnes diagnostiquées positives au Covid-19. Une baisse qui se maintient entre 20 % et 40 % les jours suivants, et qui n’est pas observée sur un groupe de taille équivalent non vacciné.

Contrairement à Pfizer, cette observation prend en compte des porteurs asymptomatiques, capables de transmettre la maladie. Elle fournit donc une indication non seulement sur la protection offerte par le vaccin, mais aussi sur la circulation du virus.

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Une autre analyse, dont les résultats ont été rendus publics le 18 janvier, montre que les équipes médicales du centre médical Sheba, près de Tel-Aviv, présentent des niveaux d’anticorps six à vingt fois supérieurs une semaine après avoir reçu une seconde dose de vaccin. « Cependant, il ne faut pas que les vaccinés s’estiment hors de danger. Des gens sont morts du Covid-19 même après avoir reçu la première dose », met en garde M. Levine.

Des données publiées le 19 janvier par le ministère de la santé viennent appuyer ce rappel : 6,6 % des personnes ayant reçu une première dose de vaccin, et qui ont passé depuis lors un test au Covid-19, se sont révélées positives. Comme d’autres pays, Israël constate enfin que les variants britannique et sud-africain du virus circulent sur son territoire. Ils font craindre une accélération des transmissions, et l’efficacité relative du vaccin contre eux n’est pas encore documentée dans le pays.

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Louis Imbert(Jérusalem

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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