Avec Armin Laschet, les conservateurs allemands réaffirment leur ancrage dans une ligne européenne et centriste

Le nouveau président de la CDU, un choix rassurant pour l’Allemagne et l’Europe

ÉDITORIAL

Le Monde

Editorial.

En choisissant de porter Armin Laschet, fidèle de la chancelière Angela Merkel, à la tête de leur parti, les conservateurs allemands réaffirment leur ancrage dans une ligne européenne et centriste.

Publié aujourd’hui à 11h29    Temps de Lecture 2 min. 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/18/le-nouveau-president-de-la-cdu-un-choix-rassurant-pour-l-allemagne-et-l-europe_6066644_3232.html

Editorial du « Monde ». Quinze ans après l’élection d’Angela Merkel à la tête du gouvernement allemand, le congrès de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), vendredi 15 et samedi 16 janvier, avait un parfum d’adieu : « Selon toute vraisemblance, c’est mon dernier congrès en tant que chancelière », y a déclaré Mme Merkel, qui s’est engagée à quitter le pouvoir après les élections législatives du 26 septembre.

Si elle s’apprête à tourner la page des années Merkel, la droite allemande n’entend toutefois pas rompre avec le « merkélisme ». Armin Laschet, 59 ans, le nouveau président de la CDU, est un fidèle de la chancelière, dont il a toujours soutenu la politique, y compris quand elle se heurta à de vives critiques dans le parti, comme en 2015, lors de la crise des réfugiés.

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Décrit comme pragmatique, rassembleur et modéré, M. Laschet, qui dirige depuis trois ans la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le Land le plus peuplé d’Allemagne, a des points communs avec Mme Merkel. Rompus à l’art du compromis, ces dirigeants sont tous deux des centristes allergiques aux extrêmes. « J’entends souvent dire qu’il faut savoir polariser. Non, on n’est pas obligé. (…) Nous devons intégrer, unifier, et faire tenir ensemble la société », a déclaré M. Laschet au congrès.

Trois ans après l’élection d’une centaine de députés d’extrême droite, deux ans après l’assassinat d’un préfet par un néonazi et l’attaque d’une synagogue par un suprémaciste prêt à y faire un carnage, six mois après l’assaut tenté contre le Bundestag par quelques centaines de manifestants antimasques agitant des drapeaux de l’ancien Reich, il était important que de tels mots soient prononcés.

Ancrage résolu dans le camp de la démocratie

Alors que certains dirigeants de la CDU, notamment dans les Länder de l’Est, sont tentés par un rapprochement avec l’extrême droite, il faut se féliciter de l’ancrage résolu du grand parti conservateur allemand dans le camp de la démocratie et de l’humanisme, contre les tentations du populisme.

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Sur l’Europe aussi, l’élection d’Armin Laschet est une bonne nouvelle. Natif d’Aix-la-Chapelle, au cœur de cette Rhénanie qui fut celle de Konrad Adenauer et d’Helmut Kohl, le nouveau président de la CDU est un Européen de conviction, qui, en février 2020, n’hésita pas à dire qu’il regrettait la timidité de Mme Merkel devant les propositions d’Emmanuel Macron pour « refonder l’Europe ».

Pourtant, face aux défis colossaux qui se poseront après l’épidémie de Covid-19, ces grands principes ne suffiront pas. Après le long règne d’Angela Merkel, l’Allemagne ne peut se contenter de gérer sa prospérité, comme elle a eu trop tendance à le faire ces dernières années.

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En raison de son poids économique et démographique et de sa responsabilité historique, elle doit être une force motrice en matière d’innovation et de lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi assumer davantage son rôle géopolitique, au service d’une Europe souveraine face aux Etats-Unis, à la Russie et à la Chine, deux pays à l’égard desquels M. Laschet se voit reprocher son manque de fermeté.

Il est trop tôt pour savoir si Armin Laschet sera le prochain chancelier allemand. Il faudrait d’abord qu’il soit le candidat commun de la CDU et de son alliée bavaroise, la CSU, dont le leader, Markus Söder, jouit d’une popularité qui pourrait le pousser à se présenter.

En attendant qu’ils choisissent leur prétendant pour succéder à Mme Merkel à la tête du gouvernement, c’est en tout cas un choix rassurant que les conservateurs allemands ont fait ce week-end : celui d’une ligne franchement européenne, clairement centriste et résolument pragmatique.

Le Monde

*Allemagne : Armin Laschet, fidèle allié d’Angela Merkel et choix de la continuité à la tête de la CDU

Le chef de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie est vu comme un homme de compromis et un européen de conviction. 

Par Thomas Wieder(Berlin, correspondant)

Publié aujourd’hui à 11h58, mis à jour à 12h26  

Temps de Lecture 3 min. 

Armin Laschet, le 16 janvier à Berlin.
Armin Laschet, le 16 janvier à Berlin. ODD ANDERSEN / AFP

En élisant Armin Laschet à leur tête, samedi 16 janvier, les 1 001 délégués de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) ont fait le choix de la continuité et du rassemblement, à défaut de celui de l’audace et de la nouveauté.

La continuité, d’abord. Elu en 2017 à la tête de la Rhénanie-du-Nord – Westphalie, le Land le plus peuplé d’Allemagne (18 millions d’habitants sur 83 millions), cet homme de 59 ans a toujours été un fidèle allié d’Angela Merkel, notamment pendant la crise des réfugiés, en 2015, où il a soutenu sa politique d’accueil, en cohérence avec des convictions affirmées de longue date : de 2005 à 2010, il avait été le premier ministre chargé de l’intégration dans un gouvernement régional en Allemagne, nouant des liens étroits avec la communauté turque. Alors surnommé « Armin le Turc », il eut même une chronique hebdomadaire dans l’édition européenne du quotidien turc Hürriyet.

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Le rassemblement, ensuite. S’il gouverne aujourd’hui sa région en bonne intelligence avec le Parti libéral-démocrate (FDP), Armin Laschet fit aussi partie, à la fin des années 1990, du groupe dit de la « pizza connection », un petit cercle où se retrouvaient de jeunes élus de la CDU et des Verts dans une pizzeria de Bonn. Vingt ans plus tard, ce réseau informel pourrait lui être utile s’il est candidat à la chancellerie et que le résultat des élections législatives du 26 septembre le conduit, comme chef de file des conservateurs, à engager des pourparlers avec les écologistes pour former une coalition.

Retour aux sources

Tout en rondeur et volontiers jovial, amateur de déguisements pendant le carnaval et bon client des médias (il fut brièvement correspondant à Bonn pour la radio publique bavaroise, avant de diriger le journal de l’Eglise catholique d’Aix-la-Chapelle, de 1991 à 1995), Armin Laschet est davantage réputé pour ses capacités à bâtir des compromis plutôt que pour son goût du débat d’idées. Pragmatique avant tout, il est resté, comme candidat à la CDU, assez vague sur ses propres convictions, réclamant « plus de liberté pour les innovations et la créativité économique », affirmant que « l’Allemagne doit rester un grand pays d’industrie », mais estimant qu’il est « trop tôt pour parler de politique fiscale tant que l’on ne connaît pas les conséquences financières et économiques de la pandémie ».

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Avec lui, une chose est en tout cas certaine : la CDU opère une sorte de retour aux sources. Né dans la banlieue d’Aix-la-Chapelle, où il habite toujours, ce fils d’ancien mineur devenu directeur d’école, lui-même père de trois enfants, incarne à la perfection cette CDU rhénane et catholique qui fut celle de Konrad Adenauer et d’Helmut Kohl, bien plus que celle d’Angela Merkel, protestante, divorcée, sans enfants et élevée en Allemagne de l’Est.

Député européen de 1999 à 2005, résolument attaché à la libre circulation des personnes, il s’opposa, en mars 2020, à l’instauration de contrôles aux frontières entre son Land, la Belgique et les Pays-Bas pour lutter contre la propagation du Covid-19, n’hésitant pas à s’opposer au gouvernement fédéral d’Angela Merkel et aux chefs des autres Länder.

« Modération et équilibre »

Un mois plus tôt, lors de la conférence annuelle de Munich sur la sécurité, il s’était déjà distingué de la chancelière sur la question européenne. « Au temps de Kohl, l’Allemagne lançait de grandes initiatives européennes. Aujourd’hui, le président français [Emmanuel Macron] fait des propositions et nous mettons du temps à y répondre », avait-il regretté aux côtés de la coprésidente des Verts, Annalena Baerbock, en parfait accord sur ce point avec lui.

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Reçu par Emmanuel Macron à Paris, le 7 septembre 2020, au titre de ses fonctions de plénipotentiaire de la République fédérale d’Allemagne chargé des relations culturelles franco-allemandes, un poste créé par le traité de l’Elysée en 1963 et dont le titulaire change tous les quatre ans, Armin Laschet est un interlocuteur régulier et apprécié du gouvernement français. « La CDU s’est choisi un président de modération et d’équilibre, mais aussi un européen de conviction rompu au dialogue franco-allemand », salue le secrétaire français aux affaires européennes, Clément Beaune, contacté par Le Monde.

Thomas Wieder(Berlin, correspondant)

**Elu à la tête de la CDU, Armin Laschet se pose en prétendant sérieux à la succession d’Angela Merkel

Markus Söder, le président de l’Union chrétienne-sociale (CSU), l’alliée de la CDU en Bavière, est son principal rival dans la course à la chancellerie allemande. 

Par Thomas Wieder(Berlin, correspondant)Publié aujourd’hui à 11h37  

https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/18/elu-a-la-tete-de-la-cdu-armin-laschet-se-pose-en-pretendant-serieux-a-la-succession-d-angela-merkel_6066650_3210.html

Temps de Lecture 5 min. 

Le nouveau dirigeant de la CDU, Armin Laschet, samedi 16 janvier, à Berlin.
Le nouveau dirigeant de la CDU, Armin Laschet, samedi 16 janvier, à Berlin. ODD ANDERSEN / AFP

Armin Laschet sera-t-il le prochain chancelier allemand ? Elu à la tête de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), samedi 16 janvier, le ministre-président du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie apparaît désormais comme un prétendant sérieux à la succession d’Angela Merkel après les législatives du 26 septembre. Encore faudrait-il qu’il soit candidat. Or, cette hypothèse, pour l’heure, est tout sauf certaine.

Avant de se lancer dans la course à la chancellerie, Armin Laschet doit en effet relever plusieurs défis. Le premier est de s’imposer comme le leader incontesté de la CDU. La partie sera d’autant moins facile que sa victoire, samedi, n’a rien eu d’un plébiscite. Bien que soutenu par Angela Merkel, qui présida le parti de 2000 à 2018 avant de laisser la place à Annegret Kramp-Karrenbauer, démissionnaire en février 2020 faute d’autorité suffisante, Armin Laschet ne l’a emporté qu’avec 52,8 % des voix face à l’homme d’affaires et ancien député Friedrich Merz, candidat de l’aile droite et vieux rival de la chancelière.

Score serré

Pour le nouveau président de la CDU, ce score serré constitue un handicap évident. A peine sa défaite annoncée, Friedrich Merz s’est ainsi cru suffisamment fort pour demander à son adversaire victorieux de proposer sa nomination au poste de ministre de l’économie, un portefeuille actuellement détenu par Peter Altmaier, fidèle parmi les fidèles d’Angela Merkel. « La chancelière ne prévoit pas de remaniement », a réagi dans la foulée son porte-parole. Sur le sens de l’épisode, les observateurs sont unanimes : battu de justesse, samedi, Friedrich Merz entend bien continuer à peser, et son soutien au nouveau patron du parti est loin d’être acquis.

Le deuxième défi qui attend Armin Laschet est d’ordre sondagier. Selon un sondage réalisé les 4 et 5 janvier pour la chaîne publique ARD, seuls 32 % des électeurs conservateurs le considéreraient comme un bon candidat à la chancellerie, alors qu’ils seraient 40 % de cet avis à propos de Friedrich Merz et 80 % s’agissant de Markus Söder, le président de l’Union chrétienne-sociale (CSU), l’alliée de la CDU en Bavière.

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L’hypothèse d’une candidature de Friedrich Merz étant désormais exclue après sa défaite au congrès de la CDU, le principal rival d’Armin Laschet est donc Markus Söder. Pour l’heure, cependant, aucun des deux ne semble vouloir déclarer les hostilités. Parlant d’une seule et même voix, les deux hommes ont répété tout le week-end que c’est « ensemble » qu’ils se mettront d’accord sur le nom de celui qui sera le prochain candidat commun de la CDU-CSU à la chancellerie. En précisant que la décision sera prise dans la seconde moitié du mois de mars ou au plus tard début avril.

« Prime aux dirigeants sortants »

Ce calendrier n’a rien de fortuit. Le 14 mars doivent en effet avoir lieu deux scrutins régionaux dont le résultat pourrait peser sur la suite. Dans le Bade-Wurtemberg, seul Land du pays dirigé par un écologiste, les derniers sondages donnent la CDU au coude-à-coude avec les Verts. En Rhénanie-Palatinat, la CDU pourrait devancer la liste de l’actuelle ministre-présidente, membre du Parti social-démocrate (SPD). Mais les pronostics sont incertains. « Aux élections régionales, il y a souvent une prime aux dirigeants sortants, surtout quand ils sont populaires, ce qui est le cas de Winfried Kretschmann dans le Bade-Wurtemberg et de Malu Dreyer en Rhénanie-Palatinat. La partie est donc loin d’être gagnée pour la CDU », estime Uwe Jun, professeur de science politique à l’université de Trèves.

Si une victoire de la CDU dans ces deux Länder de l’ouest de l’Allemagne favoriserait l’hypothèse d’une candidature d’Armin Laschet à la chancellerie, une défaite, à l’inverse, pourrait réduire ses chances. « Dans les semaines qui viennent, la question déterminante sera de savoir qui, de Laschet ou de Söder, paraîtra le mieux placé pour permettre à la CDU-CSU de faire le score le plus élevé aux législatives de septembre. Pour l’instant, Söder a de meilleurs sondages, mais l’élection de Laschet à la présidence de la CDU peut rebattre les cartes et créer une dynamique en sa faveur », estime Uwe Jun, pour qui « le jeu est très ouvert ».

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Un autre paramètre vient compliquer les pronostics : l’évolution de l’épidémie de Covid-19. Alors que de nouvelles restrictions devraient être annoncées, mardi, pour tenter d’endiguer une deuxième vague qui frappe l’Allemagne beaucoup plus durement que la première, Armin Laschet et Markus Söder savent l’un et l’autre que leur avenir politique se joue aussi – et peut-être avant tout – sur la façon dont ils seront jugés pour leur gestion de la crise sanitaire.

Au début de l’épidémie, les deux hommes ont choisi des voies opposées. Tandis qu’Armin Laschet, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, se montrait réticent à imposer des restrictions trop strictes et plaidait pour un rapide retour à la normale, le Bavarois Markus Söder fut, de tous les chefs des Länder, celui qui milita pour les mesures les plus draconiennes. Depuis l’été, le premier s’est rapproché des positions du second, alignées sur celles d’Angela Merkel et plébiscitées par une majorité d’Allemands, d’après les enquêtes d’opinion.

Agacés par l’activisme du chef de la CSU, les partisans du nouveau patron de la CDU font volontiers remarquer que la situation sanitaire de la Rhénanie n’a rien à envier à celle de la Bavière. Ce qui est vrai, si l’on s’en tient aux chiffres : dix mois après le début de l’épidémie, le nombre de morts du Covid-19 est ainsi de 50,7 pour 100 000 habitants dans la région d’Armin Laschet et de 66,2 dans celle de Markus Söder, tandis que taux d’incidence est actuellement de 123 en Rhénanie et de 142 en Bavière.

Le volontarisme de Söder

De leur côté, les thuriféraires de Markus Söder mettent en avant le volontarisme de leur champion. En la matière, celui-ci a incontestablement une longueur d’avan­ce. A partir de lundi 18 janvier, le gouvernement bavarois a ainsi décidé de rendre obligatoire le port de masques FFP2 dans les transports, les commerces et les cabinets médicaux. Il s’est par ailleurs engagé à en distribuer 2,5 millions gratuitement aux personnes les plus modestes. Début janvier, le président de la CSU avait également appelé à la formation d’une « alliance pharmaceutique nationale », afin d’accélérer le rythme de production des vaccins sur le territoire allemand. Au même moment, il s’était prononcé en faveur de l’obligation vaccinale pour les personnels des maisons de retraites, suscitant de vives critiques.

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Entre Armin Laschet, au tempérament plus rond et au charisme moins saillant, et Markus Söder, à l’autorité plus assumée et au sens de la communication plus aiguisé, la bataille du leadership sur la droite allemande est désormais ouverte. Une femme, pour l’heure, semble néanmoins les mettre d’accord : la chancelière, qui domine le reste du personnel politique avec un taux de popularité de 72 % dans le dernier baromètre ARD-DeutschlandTrend, paru le 7 janvier. « Ceux qui croient que l’on pourra gagner les élections législatives en rompant avec Angela Merkel font une erreur fondamentale », assure le président de la CSU. « Une rupture avec Angela Merkel serait une folie », estime, quant à lui, le nouveau chef de la CDU.

Thomas Wieder(Berlin, correspondant)

***Armin Laschet, favorable à la continuité avec Angela Merkel, élu président de la CDU allemande

Cette victoire pourrait faire du ministre-président du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie le prochain candidat conservateur au poste de chancelier. 

Par Thomas Wieder(Berlin, correspondant)Publié le 16 janvier 2021 à 11h44, mis à jour hier à 04h58  

Temps de Lecture 4 min.

 https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/16/en-allemagne-armin-laschet-favorable-a-la-continuite-avec-merkel-elu-president-du-parti-chretien-democrate_6066499_3210.html

Armin Laschet, ministre-président du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, élu président de la CDU à Berlin, le 16 janvier.
Armin Laschet, ministre-président du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, élu président de la CDU à Berlin, le 16 janvier. ODD ANDERSEN / REUTERS

Des trois candidats en lice, il était le plus proche d’Angela Merkel. C’est finalement lui qui l’a emporté. Armin Laschet, ministre-président du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, a été élu, samedi 16 janvier, président de l’Union chrétienne-démocrate (CDU). A huit mois des élections législatives du 26 septembre, cette victoire pourrait faire de lui le prochain candidat des conservateurs au poste de chancelier fédéral, et donc le possible successeur de Mme Merkel à la tête du gouvernement allemand.

Deux autres candidats étaient en lice : Friedrich Merz, ancien député reconverti dans les affaires et champion de l’aile droite du parti, et Norbert Röttgen, le président de la commission des affaires étrangères du Bundestag. Après un premier tour serré, Armin Laschet a remporté le second face à Friedrich Merz avec 52,8 % des voix. « Je veux que nous réussissions ensemble et que nous fassions en sorte que l’Union [chrétienne-démocrate] », soit portée à la chancellerie en septembre, a réagi M. Laschet après sa victoire.

En raison de l’épidémie de Covid-19, le scrutin s’est déroulé par voie électronique, les 1 001 délégués de la CDU appelés à voter n’étant pas présents physiquement dans le centre des expositions de Berlin, où les trois candidats se sont exprimés devant une salle vide, samedi matin, à l’occasion de ce « congrès virtuel ».

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En élisant Armin Laschet, les délégués du parti ont fait le choix de l’expérience, de la continuité et du rassemblement, à défaut de celui de l’audace et de la nouveauté.

L’expérience, d’abord : élu en 2017 à la tête de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie après avoir été tour à tour député fédéral (1994-1999), député européen (1999-2004) puis ministre et député régional à partir de 2010, il n’a cessé de répéter, ces dernières semaines, que le fait de diriger le Land le plus peuplé d’Allemagne (18 millions d’habitants sur 85 millions) lui donne une légitimité pour prétendre gouverner le pays tout entier.

Dans son camp, d’aucuns craignaient que certaines de ses prises de position au début de l’épidémie de Covid-19, contre un confinement trop strict et pour un assouplissement rapide des mesures de restriction, lui coûtent l’élection à la tête du parti. Depuis l’automne 2020, Armin Laschet a veillé à adopter une ligne plus vigilante et plus ferme, conforme à celle de la chancelière, plébiscitée dans l’opinion publique. Cela l’a sans doute aidé à gagner le scrutin de samedi.

Fidèle allié d’Angela Merkel

La continuité, ensuite. Agé de 59 ans, cet homme tout en rondeurs et volontiers jovial a toujours été un fidèle allié de Mme Merkel au sein de la CDU, y compris pendant la crise des réfugiés, en 2015, où il a soutenu sa politique d’accueil, en cohérence avec des convictions affirmées de longue date : dix ans plus tôt, lui-même avait été ministre chargé des questions d’intégration dans le gouvernement régional de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, nouant des liens de confiance en particulier avec la communauté turque, au point de se voir affubler le sobriquet d’« Armin le Turc ». Ces dernières semaines, il n’a cessé de répéter qu’« une rupture avec Angela Merkel serait une folie ».

Le rassemblement, enfin. En déclarant sa candidature à la présidence de la CDU, en février, après l’annonce inattendue du départ d’Annegret Kramp-Karrenbauer, élue à la tête du parti quatorze mois plus tôt, Armin Laschet a d’emblée annoncé qu’il se présentait en « ticket » avec Jens Spahn, le ministre de santé, de vingt ans son cadet. Sur le moment, beaucoup ont qualifié de baroque cette alliance avec ce jeune loup de la CDU qui s’était notamment fait connaître, en 2015, pour son opposition résolue à la politique de Mme Merkel en faveur des réfugiés. Electoralement, elle aura été payante, la présence de M. Spahn à ses côtés ayant à l’évidence permis à M. Laschet d’élargir son spectre en gagnant les suffrages de délégués plus conservateurs qu’il n’aurait pas convaincus tout seul.

Avec Armin Laschet, enfin, la CDU opère une sorte de retour aux sources. Né dans la banlieue d’Aix-la-Chapelle, ce catholique pratiquant, père de trois enfants, incarne parfaitement cette CDU rhénane, centriste et européenne qui fut celle de Konrad Adenauer et d’Helmut Kohl, beaucoup plus que celle d’Angela Merkel, protestante, divorcée, sans enfant et élevée en Allemagne de l’Est. L’audience que lui a accordée le pape François à Rome, le 1er octobre 2020, est venue le rappeler.

Candidature probable à la chancellerie

Reste une question. Armin Laschet sera-t-il le prochain candidat des conservateurs à la chancellerie ? A priori, la réponse devrait être oui : depuis la naissance de la République fédérale d’Allemagne, en 1949, le leader de la CDU a toujours brigué le poste de chancelier fédéral, sauf à deux reprises où il a laissé la place à son homologue de la CSU, le parti allié de la CDU en Bavière, lequel n’a d’ailleurs jamais été élu chancelier au bout du compte (Franz-Josef Strauss en 1980 puis Edmund Stoiber en 2002).

Cette année, un tel scénario est cependant tout à fait envisageable. D’après les sondages, c’est en effet le président de la CSU, Markus Söder, que les électeurs conservateurs considèrent aujourd’hui comme le plus apte à succéder à Angela Merkel à la tête du gouvernement fédéral, Armin Laschet présentant, lui, des enquêtes d’opinion catastrophiques : selon le dernier baromètre politique de la chaîne publique ZDF, publié vendredi, seuls 28 % des personnes interrogées estiment qu’il a la stature d’un chancelier, contre 54 % pour Markus Söder.

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Maintenant qu’il est à la tête de la puissante CDU, Armin Laschet sera-t-il prêt à s’effacer derrière le chef de la « petite » CSU ? Voire, comme d’autres en rêveraient, à laisser la place au jeune Jens Spahn, qui a profité de son poste de ministre de la santé pour considérablement renforcer sa popularité depuis le début de l’épidémie de Covid-19 ?

Pour cela, il faudrait d’abord que les principaux protagonistes lèvent le voile sur leurs propres ambitions. Jusque-là, M. Spahn a toujours démenti les rumeurs qui le disent prêt à se lancer dans la bataille pour la chancellerie. Quant à M. Söder, il a toujours répété que « [sa] place est en Bavière », même si de plus en plus de voix estiment c’est désormais à Berlin que se trouve son avenir politique.

Thomas Wieder(Berlin, correspondant)

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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