L’impact du couvre-feu ? Est-ce efficace, plutôt 18 ou 20 heures ?

Un couvre-feu à 18 heures, plutôt qu’à 20 heures, est-il plus efficace pour endiguer l’épidémie de Covid-19 ?

Pour les épidémiologistes, les données manquent encore pour savoir si cette mesure, testée dans plusieurs départements depuis le 2 janvier, est vraiment utile. 

Par Delphine RoucautePublié aujourd’hui à 05h40, mis à jour à 10h52  

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Dans les rues de Paris le soir du 14 janvier.
Dans les rues de Paris le soir du 14 janvier. LUDOVIC MARIN / AFP

Face à une situation épidémique « maîtrisée mais fragile »Jean Castex a annoncé, jeudi 14 janvier, l’avancée du couvre-feu de 20 heures à 18 heures sur l’ensemble du territoire national. Pour appuyer cette décision, le premier ministre a fait valoir que « selon les données disponibles à ce jour, cette mesure a une efficacité sanitaire », puisque « dans les quinze premiers départements où le couvre-feu a été mis en œuvre à 18 heures dès le 2 janvier, la hausse du nombre de nouveaux cas y est deux, voire trois fois plus faible que dans les autres départements métropolitains ».

Un argumentaire avancé plus tôt dans la journée par le ministre de la santé, Olivier Véran, qui expliquait que « dans tous les départements qui ont adapté cette mesure, on a une augmentation du taux d’incidence de 16 %, quand les autres ont une augmentation de 43 % ».

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Sans préjuger de l’efficacité de ce couvre-feu avancé, ces données ne sont toutefois pas si facilement lisibles, selon les experts qui scrutent l’épidémie de Covid-19. Tout d’abord, on manque encore de recul. Concernant le taux d’incidence, on ne dispose pour l’instant que des cas dont le test a été prélevé le 7 janvier, explique sur Twitter Guillaume Rozier, diplômé en ingénierie informatique qui a créé l’outil de suivi CovidTracker. Un décalage lié « à la remontée des données et à leur lissage ». Cinq jours ne sont pas suffisants pour étudier l’évolution d’une maladie dont le taux d’incubation varie de deux à quatorze jours.

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Pour ce qui est des hospitalisations – données plus fiables que l’incidence, puisqu’elles ne varient pas en fonction des efforts de dépistage ou des tests préventifs à la veille de Noël –, « on commence à voir la tendance, mais il faut encore attendre plusieurs jours », explique Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses à l’université de Montpellier. « C’est assez hétérogène selon les départements et on ne voit pas de tendance assez nette permettant de dire que le couvre-feu a permis de réduire l’épidémie dans tous les départements dans lesquels il a été appliqué », souligne-t-il, précisant que les résultats dans les Alpes-Maritimes, confrontées à une forte hausse des nouveaux cas, ne sont « pas très encourageants ».

Par ailleurs, même en cas de chiffres plus nets, il est toujours compliqué de tirer des conclusions sur la performance de tel ou tel dispositif, quand plusieurs phénomènes se superposent. Les vacances de fin d’année ont été marquées par des demandes de dépistage très fortes et inhabituelles, une entrée dans les températures hivernales et plus de contaminations intrafamiliales lors des fêtes, sans oublier la circulation du variant britannique sur le territoire français.

Réunions amicales et familiales ciblées

Dans les territoires expérimentant ces mesures, le couvre-feu à 18 heures ne fait pas consensus. Quand le président de la région Grand-Est, Jean Rottner, salue une mesure qui « porte ses effets » à l’échelle régionale, le sénateur de la Moselle François Grosdidier (Les Républicains) déplore son « peu d’efficacité sanitaire ». Il dénonce au contraire un dispositif qui « rend fou : certains de nos concitoyens disent qu’ils produisent et rentrent chez eux, ils ne voient plus personne ».

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Pour autant, le couvre-feu a globalement fait ses preuves pour freiner la circulation du virus. « On manque encore de données pour savoir s’il y a une vraie différence entre un couvre-feu à 20 heures et un à 18 heures. Mais l’objectif reste le même : réduire les interactions sociales », résume Renaud Piarroux, épidémiologiste à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière. Le dispositif cible en effet les rencontres amicales ou familiales se déroulant en dehors du travail, et plus vraisemblablement sans masque, ainsi que la circulation dans les lieux clos comme les commerces. Ces réunions privées constituent la part la plus importante des contaminations, d’après une étude de l’Institut Pasteur publiée le 17 décembre.

Selon une étude menée par des épidémiologistes de Santé publique France sur les mesures prises en octobre et en novembre dans le but de freiner l’épidémie en France, « le couvre-feu [à 21 heures imposé le 17 octobre] et d’autres mesures de restriction locales (…) pourraient avoir joué un rôle considérable » dans la diminution de la transmission virale. Les auteurs font par ailleurs l’hypothèse d’un effet de « résonance » de ces mesures sur les autres départements non concernés par le couvre-feu, mais où la circulation du virus a malgré tout diminué simultanément. Une sorte de prise de conscience des Français liée à l’intensification de la communication gouvernementale sur l’évolution de l’épidémie. « Le changement de comportement de l’épidémie en octobre est à attribuer en partie au couvre-feu », appuie de son côté Renaud Piarroux.

« Stratégie de réaction graduée »

Malgré tout, pourquoi avancer le couvre-feu de deux heures au lieu de prendre des mesures plus strictes, alors qu’on observe un début de rebond épidémique ? Pour Jean Castex, le gouvernement reste « cohérent avec une stratégie de réaction graduée et proportionnée » face aux risques. Le confinement, qui n’est pas à l’ordre du jour, représente une option à activer si la situation se dégrade davantage. De son côté, Olivier Véran revendique « une démarche empirique »« Est-ce que ça marche ou pas ? On verra », a-t-il déclaré lors d’un déplacement, jeudi, à Metz. Pourtant, « la dynamique épidémique est inquiétante, on sait qu’on se redirige vers des mesures plus strictes », analyse Renaud Piarroux.

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« Quelque part, on est toujours dans cette idée attentiste de dire : “On expérimente quelque chose. Si ça marche, tant mieux et si ça ne marche pas, au moins la population est préparée et ne pourra pas nous reprocher de ne pas avoir essayé” », critique Mircea Sofonea. Pour le modélisateur, retarder des dispositifs plus stricts, c’est prendre le risque de devoir agir plus fortement et plus longtemps contre le virus. « C’est mieux de prendre l’épidémie de court en édictant des mesures strictes mais très localisées de façon à éteindre le rebond et retrouver une situation contrôlable », avance-t-il, citant la solution des confinements locaux.Notre sélection d’articles sur le coronavirus

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Delphine Roucaute

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Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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