Le vaccin bloque-t-il la transmission du SARS-CoV-2 ?

Les vaccins anti-Covid évitent-ils la transmission du SARS-CoV-2 ?

Les essais ont montré leur efficacité à combattre les symptômes du Covid-19, mais on ignore encore s’ils peuvent bloquer la contamination d’autres personnes. 

Par Nathaniel HerzbergPublié le 06 janvier 2021 à 10h58 – Mis à jour le 07 janvier 2021 à 06h37  

Temps de Lecture 5 min. 

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Un patient reçoit une injection du vaccin contre le coronavirus dans une clinique de Strasbourg, dans l’est de la France, le lundi 4 janvier.
Un patient reçoit une injection du vaccin contre le coronavirus dans une clinique de Strasbourg, dans l’est de la France, le lundi 4 janvier. JEAN-FRANCOIS BADIAS / AP

L’affaire est entendue : la mobilisation internationale sans précédent est parvenue à mettre au point, en un temps record, plusieurs vaccins contre le Covid-19. Trois d’entre eux, ceux de Pfizer-BioNTechModerna et AstraZeneca, ont reçu des agréments dans plusieurs pays occidentaux. Les agences sanitaires y ont relevé l’absence d’effets indésirables graves et surtout une efficacité impressionnante – voisine de 95 % pour les deux premiers, de 70 % pour le troisième – à éviter les symptômes du Covid. Mais ces produits écartent-ils aussi le SARS-CoV-2, virus à l’origine de la maladie ? L’empêchent-ils d’entrer dans nos cellules ? Evitent-ils qu’il en sorte pour aller contaminer d’autres personnes ? Aussi surprenant que cela puisse paraître, on n’en sait, pour le moment, rien.

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Le choix des laboratoires pharmaceutiques de se fixer sur les symptômes s’explique aisément. Lors des essais cliniques, repérer les symptômes (fièvre, toux, perte de goût…) chez quelques dizaines ou centaines de personnes est beaucoup plus simple – et moins cher – que de réaliser des tests virologiques chaque semaine chez plusieurs dizaines de milliers de volontaires. « Surtout, sur le plan de la santé publique, ce sont bien les malades qui posent un problème, notamment ceux qui développent des formes graves. Si le Covid-19 se contentait de nous infecter comme un rhume banal, on n’aurait pas besoin d’un vaccin »,souligne Guy Gorochov, responsable du centre d’immunologie et des maladies infectieuses à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris).

« Marges d’erreur trop importantes »

La question de la simple infection n’est pas pour autant anodine. Elle peut orienter la politique vaccinale. Si un vaccin fait véritablement barrière au virus, il peut paraître prioritaire d’immuniser les supercontaminateurs potentiels, ceux qui rencontrent beaucoup de monde – médecins, chauffeurs de bus, caissières de supermarché. Si, au contraire, il ne permet d’éviter que les symptômes, alors priorité doit être donnée aux personnes les plus susceptibles de développer des formes graves, à commencer par les personnes âgées.

C’est du reste l’argument qu’a développé la Haute Autorité de santé (HAS) dans ses recommandations. Pour l’heure, « c’est la protection individuelle des personnes à risque qui est privilégiée car ce sont les seules données dont nous disposions,expliquait au Monde Daniel Floret, vice-président de la commission technique de vaccination de la HAS, lors de la présentation de cette stratégie. Si nous obtenions de nouvelles données, nous pourrions faire évoluer nos priorités. »

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En vérité, les différents essais conduits par les firmes pharmaceutiques ont fait apparaître ce que Jean-Daniel Lelièvre, directeur du service d’immunologie clinique et de maladies infectieuses à l’hôpital Henri-Mondor, de Créteil (Val-de-Marne), nomme « des indices », et que l’infectiologue Odile Launay a qualifié de « premières indications ». Chez les singes, d’abord. Moderna a analysé les écouvillons nasaux de macaques vaccinés avec leur préparation contenant 100 microgrammes d’ARN messager (le dosage fourni aux humains) puis volontairement infectés. Au bout de deux jours, le virus avait pratiquement disparu. « Mais attention, tempère Jean-Daniel Lelièvre. Les singes pèsent 8 kg, dix fois moins que nous. Or, quand on leur a donné 10 microgrammes de produit, ce qui en proportion correspond au vaccin Moderna pour les humains, cela n’a pas eu beaucoup plus d’effet que le sérum physiologique de contrôle… »

L’essai clinique de phase 3 de Moderna a lui aussi fourni des indications. Le laboratoire américain a, en effet, réalisé des tests PCR de 28 000 volontaires avant les deux injections. Il a découvert que, parmi les personnes négatives avant la première dose, 52 étaient devenues positives et asymptomatiques quatre semaines plus tard : 14 avaient reçu le vaccin, 38 le placebo. « Insuffisant pour conclure mais cela suggère un certain degré de protection », avance prudemment l’équipe de Moderna dans un article du New England Journal of Medecine publié le 30 décembre. « Encourageant… mais pas plus, tranche Jean-Daniel Lelièvre. Les échantillons sont trop faibles et les marges d’erreur très importantes. »

Les données fournies par AstraZeneca sont encore plus ténues. La firme anglo-suédoise a pourtant réalisé des PCR hebdomadaires de tous ses volontaires pour suivre d’éventuelles infections. Résultat : là où les deux doses du vaccin affichent une efficacité de 60 % contre les symptômes, elles ne protègent plus contre l’infection qu’à… 4 %. Un second dosage, réalisé par erreur, et qui s’est révélé plus efficace à contrer les symptômes a montré également de meilleurs résultats à écarter le virus (60 %). Mais là encore, la barre d’erreur – entre 1 % et 82 % – ne permet aucune conclusion.

Challenge infectieux

Ces résultats soulèvent deux questions. D’abord pourquoi une telle différence ? Pourquoi les anticorps créés par le vaccin pour combattre le virus dans les poumons ne lui interdisent-ils pas l’accès à nos cellules nasales ? « Parce que, face au SARS-CoV-2, il y a deux réponses immunitaires, l’une locale, rapide, avec des anticorps nommés IgA, l’autre systémique, avec des anticorps IgG, explique Guy Gorochov, qui a décrit ce mécanisme dans un article publié le 4 décembre sur le site de la revue Science Translational MedicineQuand on injecte le vaccin en intramusculaire, cela déclenche a priori surtout une réponse systémique qui n’atteint pas forcément, et pas rapidement, les muqueuses supérieures. »

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Pas forcément… mais peut-être. Pour lever le doute, il faudrait réaliser des prélèvements dans les fosses nasales des personnes immunisées par les différents vaccins homologués. C’est ce que devrait faire un essai prévu par la plate-forme française Covireivac avec la formule de Moderna. Une autre solution serait de réaliser un challenge infectieux humain, autrement dit d’infecter volontairement des personnes vaccinées, jeunes et sans risques connus, pour suivre le virus dans leur organisme, notamment dans le nez. Les Britanniques prévoient de le faire. « Un projet en ce sens est envisagé dans les campus américains », rapporte le pédiatre et vaccinologue de Philadelphie Paul Offit, membre du panel de conseillers de l’agence américaine du médicament (FDA).

Et pourquoi pas un vaccin nasal ? « C’est beaucoup plus compliqué à doser car les muqueuses, contrairement au sang, doivent assurer de la tolérance, observe Jean-Daniel Lelièvre. On y trouve des bactéries et des virus, qui jouent un rôle essentiel. L’équilibre est très délicat. » Seulement trois vaccins muqueux existent aujourd’hui : contre la grippe, contre le choléra et contre le rotavirus. Parmi les 150 vaccins contre le Covid en cours de développement, quelques audacieux suivraient cette piste.

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Nathaniel Herzberg

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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