Vaccin: l’efficacité dans la vie réelle n’est pas celle d’un essai clinique

Covid-19 : l’efficacité vaccinale en quatre notions distinctes

CHRONIQUE

Etienne Ghyssecrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, directeur de recherche (CNRS) à l’ENS Lyon

Clinique, réelle, indirecte ou globale… l’efficacité du vaccin contre le nouveau coronavirus revêt plusieurs dimensions. Le mathématicien Etienne Ghys, dans sa carte blanche au « Monde », fait le point sur ces aspects souvent mal appréhendés.

Publié hier à 06h30    Temps de Lecture 3 min. https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/01/06/covid-19-l-efficacite-vaccinale-en-quatre-notions-distinctes_6065332_1650684.html

Carte blanche. L’efficacité du vaccin Pfizer est estimée à 95 %. Cela signifie-t-il, comme on l’entend parfois, que, sur 100 personnes vaccinées, 5 seront malades du Covid ? Ce n’est heureusement pas de cette façon qu’il faut comprendre ce chiffre. Quelques définitions sont peut-être utiles pour éviter de tels malentendus.

Le laboratoire a sélectionné 43 000 volontaires dans le monde entier. Une moitié d’entre eux, choisie au hasard, a été vaccinée. L’autre moitié a été « vaccinée » avec un placebo : de l’eau salée. Les volontaires ne pouvaient pas savoir s’ils avaient été vraiment vaccinés. On a ensuite attendu que 170 d’entre eux ressentent des symptômes du Covid et soient testés positivement. Parmi eux, 8 avaient été vaccinés et 162 avaient reçu le placebo. Ainsi, les malades vaccinés étaient 20 fois moins nombreux que ceux qui ne l’étaient pas. Le risque d’être malade si on est vacciné est donc de 5 % du risque qu’on court si on n’est pas vacciné : on conclut que l’efficacité clinique est de 95 %. Cet essai clinique doit être réalisé avant la mise en circulation du vaccin, car une efficacité supérieure à 50 % est indispensable pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché : 95 % est donc un très bon score.

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L’efficacité dans la vie réelle nous intéresse beaucoup plus : il s’agit maintenant de connaître la diminution du risque de maladie dans le monde réel pour une personne vaccinée. C’est assez différent d’un essai clinique, qui mesure essentiellement un degré de protection individuel. L’efficacité réelle dépend du nombre de personnes vaccinées dans la population : plus elles sont nombreuses, moins le virus circule, et moins il y aura de contaminations et donc de malades. Par ailleurs, la durée de la protection apportée par le vaccin, encore mal connue, est très importante dans la réalité, alors qu’elle n’intervient que très peu dans l’essai clinique, qui ne dure que peu de temps. L’efficacité réelle ne peut donc s’évaluer qu’après la mise en circulation du vaccin, grâce à des enquêtes épidémiologiques délicates : il faudra du temps pour la connaître dans le cas des vaccins anti-Covid.

Des bénéfices pour tous

Il faut encore ajouter deux autres sortes d’efficacité. N’oublions pas que la vaccination est avant tout une mesure de santé publique, qui ne vise pas seulement à limiter le risque de maladie pour l’individu vacciné, mais aussi pour toute la société, dont une proportion importante n’est pas vaccinée (parfois d’ailleurs pour de bonnes raisons). On peut alors estimer l’efficacité indirecte, c’est-à-dire la diminution du risque dont les individus non vaccinés bénéficient grâce à ceux qui sont vaccinés et qui ne les contaminent pas. Enfin, il y a l’efficacité globale, peut-être la plus importante et la plus difficile à estimer : la diminution du risque moyen dans la population totale (vaccinée ou pas) par rapport à ce que serait ce risque si personne n’était vacciné. Voilà donc quatre notions différentes d’efficacité.

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Dans tous les cas, il ne fait aucun doute que les vaccins contre le Covid seront extrêmement utiles même si leur efficacité globale sera probablement inférieure à 95 %. Même une valeur de 50 % permettrait d’éviter la moitié des maladies, entraînerait une diminution considérable de la circulation du virus dans la population et sauverait un grand nombre de vies.

Comme toujours, il faut faire attention avec les chiffres. Imaginons que dans une population il y ait dix fois plus de vaccinés que de non-vaccinés. Imaginons que le risque de maladie pour un vacciné soit cinq fois moins important que pour un non-vacciné. Comme les vaccinés sont dix fois plus nombreux, le nombre de malades vaccinés sera le double de celui des non-vaccinés. N’en déduisons surtout pas que la vaccination est inefficace.

N’hésitez pas ! Dès que vous en aurez la possibilité, vaccinez-vous !

Etienne Ghys(secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, directeur de recherche (CNRS) à l’ENS Lyon)

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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