Olivier Véran, fragilisé par la polémique sur les vaccins, ne « flanche » pas
Attaqué par l’opposition et rappelé à l’ordre par le chef de l’Etat, le ministre de la santé défend sa stratégie vaccinale et juge qu’il n’a « pas à rougir des résultats ».

En une semaine, le ciel s’est brusquement assombri pour Olivier Véran. Le 29 décembre 2020, le ministre de la santé avait dit « assumer » que la campagne de vaccination contre le Covid-19 démarre « lentement » en France, assurant ne pas vouloir confondre « vitesse et précipitation ». A l’époque, il s’agissait de prendre le temps de « la pédagogie » pour ne pas brusquer les Français réticents à l’idée de se faire vacciner.
Mais, deux jours plus tard, face à l’avalanche de critiques sur la « lenteur » de la campagne tricolore, M. Véran a été contraint d’opérer une volte-face, en décidant « d’accélérer la protection des publics prioritaires ».
Depuis, l’opposition se déchaîne, en accusant le gouvernement d’avoir mis en place une stratégie trop prudente par rapport à certains de ses voisins européens. Et le ministre de la santé est dans le viseur. Certains, dans l’opposition, vont jusqu’à exiger sa démission. « Notre pays est humilié », a ainsi déploré le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti (Les Républicains, LR), en demandant au ministre de la santé « d’agir ou de partir ».
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Mardi 5 janvier, le président (LR) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier, a également ciblé le neurologue, en disant « ne pas avoir une confiance absolue » en lui, contrairement au premier ministre, Jean Castex, dont il a loué « le bon sens ».
Le même jour, le ministre de la santé a fait l’objet d’une offensive des sénateurs de droite, qui ont demandé son audition « pour qu’il s’explique sur le fiasco du lancement de la campagne de vaccination », selon les mots du patron des élus LR au Palais du Luxembourg, Bruno Retailleau. Rendez-vous a été pris le 12 janvier, M. Véran sera entendu par la commission des affaires sociales du Sénat.
« Accélérer », « simplifier », « amplifier »
Attaqué par l’opposition, le ministre apparaît également fragilisé par les multiples rappels à l’ordre d’Emmanuel Macron, ces derniers jours. Après avoir souligné qu’il n’accepterait aucune « lenteur injustifiée » dans ses vœux, le 31 décembre, le chef de l’Etat a exprimé sa colère en privé, estimant que le tempo de la vaccination « doit changer vite et fort », selon des propos rapportés par Le Journal du dimanche.
Si son agacement visait d’abord l’administration, qu’il juge insuffisamment efficace, le message s’adressait également à M. Véran, selon l’entourage du locataire de l’Elysée. « Le président n’a pas apprécié que le ministre de la santé lui dise, dans un premier temps, qu’il n’était pas possible d’étendre la vaccination aux soignants de plus de 50 ans… avant de se raviser et d’indiquer qu’il était possible de le faire », raconte un proche du chef de l’Etat.
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Rebelote lundi soir. Lors d’une réunion à l’Elysée, M. Macron a de nouveau tapé du poing sur la table. « Maintenant vous simplifiez drastiquement, en amont comme en aval. Et on accélère vraiment ! », a-t-il lancé à son gouvernement.
Une nouvelle fois, le rappel à l’ordre s’adressait plus particulièrement à M. Véran, lorsqu’il a reproché la mise en place d’un système trop complexe pour recueillir le consentement des plus âgés. Et, au final, trop lent. « Protéger en priorité les aînés dans nos Ehpad [établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes], oui. Leur pondre un guide de vaccination incompréhensible de 45 pages, non », s’est agacé le chef de l’Etat. Message reçu par M. Véran. « Nous allons simplifier le guide de 45 pages », a-t-il convenu mardi sur RTL, après avoir annoncé le changement de pied du gouvernement, visant à « accélérer », « simplifier » et « amplifier » la vaccination, notamment en l’élargissant aux plus de 75 ans qui ne sont pas en Ehpad.
Emmanuel Macron a dévoilé en personne, mardi soir, les grandes lignes de l’accélération. Devant des élus locaux, à Tours, le chef de l’Etat a indiqué qu’il y aurait « deux phases » : l’une, jusqu’à fin mars, pour vacciner les plus fragiles et les soignants, avec une simplification du recueil du consentement dans les Ehpad. Ensuite, une stratégie beaucoup plus large, sur le modèle de celle de la grippe, avec des vaccins plus simples à conserver.
Capacité de résilience
Même s’il fait figure de maillon fort du gouvernement, le ministre de la santé a perdu des plumes dans la séquence, selon des macronistes. « Il est évidemment affaibli, car, par principe, il est le pilote de la stratégie vaccinale. Donc, s’il y a un problème dans ce domaine, c’est vers lui qu’on se tourne », observe une source au sein de l’exécutif. « Il sait qu’il joue sa survie politique sur la capacité à faire accélérer la campagne, car, pour l’instant, la lenteur résulte de mauvais choix logistiques et d’organisation », abonde un responsable de la majorité.
Pas de quoi faire paniquer le principal intéressé. « Depuis dix mois, j’ai été soumis à une intense pression. A chaque étape, que ce soit pour les masques, les tests, ou la gestion des confinements, j’ai subi de nombreuses attaques en piqué et d’innombrables procès en scandale d’Etat. Cela ne m’étonne pas et cela ne me touche pas. Le fait est que nous n’avons pas à rougir des résultats », confie M. Véran au Monde, avant de souligner sa capacité de résilience durant ces dix mois de crise : « Je n’ai jamais flanché et garde ma boussole : toujours prendre des décisions logiques et rationnelles. »
« L’opinion est divisée. Il est compliqué de parler aux deux parties », reconnaît M. Véran
Une démarche qu’il revendique, afin de nier tout changement de doctrine en matière de vaccination. « On ne change pas de stratégie, qui consiste à vacciner les personnes les plus fragiles dans les Ehpad, puis les soignants de plus de 50 ans et ensuite les 75 ans et plus. L’ordre des priorités reste le même. Et on accélère ! », explique-t-il.
A ses yeux, les atermoiements de l’exécutif résultent du souci de ménager les deux catégories de la population. « L’opinion est divisée entre ceux qui veulent le vaccin et ceux qui le craignent. Il est manifestement compliqué de parler aux deux parties », reconnaît-il. Mais, après avoir donné l’impression de vouloir avant tout ménager les antivaccins, M. Véran dit vouloir désormais donner priorité aux volontaires. « Notre message, c’est de nous adresser en priorité à ceux qui ont compris que le vaccin pourrait sauver leur vie et celle de leurs proches, en faisant le pari que cela va convaincre et entraîner les autres à se faire vacciner. »
Quant à sa relation avec M. Macron, Olivier Véran assure qu’elle n’est en aucun cas écornée par la mauvaise passe actuelle. « Ma relation avec le président est toujours aussi fluide, et je crois pouvoir le dire pour nous deux, elle repose sur une confiance mutuelle et une compréhension partagée des enjeux », affirme-t-il. Un sentiment confirmé par l’Elysée, qui assure que le ministre de la santé « a la confiance du président ». « Il n’y a même pas un doute là-dessus. Il bosse comme un dingue », affirme un proche du chef de l’Etat.
« Il sait ce qu’il fait »
Au sein du gouvernement, des ministres jugent « injuste » de blâmer M. Véran, qui « fait le maximum », en rappelant que les arbitrages sur la stratégie sanitaire sont validés en dernier ressort par l’Elysée et Matignon. Le ministre de la santé le souligne lui-même, manifestement désireux de ne pas porter le chapeau seul. « La stratégie vaccinale, on l’a validée ensemble avec le président de la République et le premier ministre, et on la fait évoluer ensemble », insiste-t-il. Déjà, en septembre, le chef de l’Etat lui avait reproché des délais d’attente « trop longs »pour obtenir les résultats des tests. Ce qui ne l’a pas empêché de rester concentré sur sa tâche, ces derniers mois. « Il est solide et sait ce qu’il fait, vante son entourage. Il en a connu d’autres, il a le cuir épais, il tiendra. » « Aucun ministre de la santé sous la Ve République n’a eu à gérer le dixième d’une telle crise, le défend le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal. Il a de grandes ressources et les Français en sont conscients. »
« Quand la stratégie vaccinale a été débattue au Parlement, l’opposition n’avait alors rien trouvé à redire ! », abonde Stanislas Guerini
Le ministre peut compter sur le soutien de plusieurs élus de la majorité, estimant qu’il est victime d’un faux procès de la part de l’opposition. « Ceux qui hurlent au scandale sur ce début de campagne sont souvent ceux qui ont demandé de la prudence pendant des mois », fait valoir le député (La République en marche, LRM) des Français de l’étranger Pieyre-Alexandre Anglade. « Quand la stratégie vaccinale du gouvernement a été débattue au Parlement, en décembre, l’opposition n’avait alors rien trouvé à redire ! », abonde le patron de LRM, Stanislas Guerini.
« Plutôt que de faire attention aux attaques, je suis concentré sur ma mission », assure de son côté M. Véran, en se présentant comme un homme sachant garder son sang-froid dans la tempête. « Vous vous souvenez de la chloroquine ? Si j’avais été homme à céder à la pression populaire, on me ferait aujourd’hui le procès d’avoir laissé des millions de Français suivre un traitement inefficace ! », ironise-t-il. Reste à voir si, à terme, l’opinion applaudira également sa stratégie de vaccination.Notre sélection d’articles sur le coronavirus
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