Publié le 31/08/2020
Hydroxychloroquine avec ou sans azithromycine dans la Covid 19 : le chant du cygne ?

L’hydroxychloroquine (HQ) ou la chloroquine (CQ), avec ou sans azithromycine (AZTH), ont fait l’objet d’une large promotion pour traiter la Covid-19 à la suite de l’observation d’effets antiviraux in vitro. JIM.fr s’est attaché à suivre pas à pas les divers avatars de ce débat franco-français – Paris contre la province voire même PSG contre l’OM – mais aussi mondial, sans cesse relancé par des prises de positions pour ou contre émanant de nombreux scientifiques, mais également de divers groupes populaires d’opinion ou de pression, sans oublier les politiciens parmi les plus en vue de la planète qui avalent de l’HQ à titre préventif ou à titre curatif avec diverses fortunes. Discours médical cacophonique, noms d’oiseaux à tous les étages, pensée et potions magiques gauloises, (trop) vaste étude totalement « bidonnée » parue dans l’une des plus prestigieuses revue médicale, un public inquiet qui ne sait plus à quel saint se vouer…
Un nouveau rebondissement
Un nouveau rebondissement dans cette telenovela (feuilletons télévisés brésiliens composés d’environ 200 épisodes d’une quarantaine de minutes qui sont diffusés tous les soirs du lundi au vendredi pendant sept à huit mois). Ce jeudi 27 août de la triste année du Rat, paraît une étude française de l’INSERM niant toute utilité au fameux traitement et lui attribuant un surcroît de mortalité.
Tentons d’y voir clair… L’objectif de cette revue systématique et de cette méta-analyse était d’évaluer si la CQ ou l’HQ, avec ou sans AZTH, diminuaient la mortalité par Covid-19 par rapport à la norme de soins. Les sources de données suivantes ont été scrutées jusqu’au 25 juillet 2020 : Pubmed, Web of Science, Embase Cochrane Library, Google Scholar et MedRxiv, afin d’identifier les études ayant poursuivi ce même objectif chez des patients âgés d’au moins 18 ans. La taille des effets (mesure quantitative de l’ampleur de l’effet : plus la taille de l’effet est importante, plus la relation entre deux variables est forte) a été mise en commun à l’aide d’un modèle à effets aléatoires. De multiples analyses de sous-groupes ont été effectuées pour évaluer la sécurité du médicament.
Aucune efficacité et une surmortalité
Des résultats similaires ont été objectivés avec une méta-analyse bayésienne (la statistique bayésienne se différencie de la statistique fréquentiste ou classique qui ne sait traiter que les grands échantillons. Elle est surtout utilisée lorsque l’on a que de petits échantillons. Contrairement à la statistique classique, elle n’exige pas au départ qu’on se fixe une hypothèse précise à confirmer ou infirmer, ce qui la rend utile en exploration de données).
Au moins aussi importantes que les conclusions d’une étude : les limitations
Une limitation majeure de cette étude est l’inclusion de patients à différents niveaux de gravité de la Covid-19 sans avoir pu effectuer d’analyse de sous-groupes pour la gravité car la plupart des études n’ont pas utilisé la même définition de la gravité et n’ont pas fait état des mêmes résultats biologiques et cliniques. L’hétérogénéité dans l’administration des doses d’HCQ (dosage, délais, durée…) est une autre limitante ainsi que le fait que certaines études n’ont pas rapporté la taille de l’effet ajustée lorsque la mortalité n’était pas le paramètre principal, ce qui entraîne un risque élevé de biais confondants. De plus, comme c’est généralement le cas, cette méta-analyse a été réalisée à partir de données agrégées, sans accès aux données originales des patients. La plupart des travaux inclus étaient des études observationnelles qui ne sont pas adaptées pour identifier une association causale et fournissaient une très faible qualité de preuves (données manquantes, petite taille de l’échantillon, biais de confusion, biais de classification de l’intervention et biais de sélection). Enfin, cette méta-analyse n’a pas inclus les résultats de l’essai européen DisCoVeRy et de l’essai Solidarité de l’OMS qui ne sont pas encore publiés ou communiqués.
Clap de fin ?
Ces nouvelles données soutiennent les recommandations cliniques actuelles – telles que celles du NIH américain ou de la France – qui ne recommandent pas l’utilisation de l’HCQ seule ou en combinaison avec l’AZTH pour les patients Covid-19. Les auteurs suggèrent qu’il n’est pas nécessaire de mener d’autres études pour évaluer ces molécules, et rappellent que l’essai clinique européen DisCoVeRy ou l’essai clinique de l’OMS Solidarité internationale ont déjà interrompu les bras de traitement utilisant l’hydroxychloroquine.
Dr Bernard-Alex Gaüzère
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