Suite de la tribune/pétition: « Pouvoir sanitaire aux soignants et aux usagers ! #SoignonsEnsemble »

Signez la pétition et allez en dessous voir la lettre aux signataires

https://www.change.org/p/pouvoir-sanitaire-aux-soignants-et-aux-usagers-soignonsensemble/psf/promote_or_share?source_location=petition_show

COLLECTIF SOIGNANTS ET USAGERS a lancé cette pétition adressée à Assemblée nationale

Les soignants sont en colère, très en colère. Les citoyens sont en colère, très en colère.

Et il y a de quoi, puisque le système de santé dans son ensemble a été mis en situation de pénurie volontaire par une réduction perpétuelle des coûts.

Cette politique est intervenue dans un contexte d’austérité budgétaire et de libre-échange généralisé aggravé par les traités européens, entraînant une désindustrialisation massive du pays, rendant la France incapable de produire rapidement des produits tels que des masques, des tests ou du gel hydro-alcoolique.

Cette tribune n’a pas pour but d’analyser l’ensemble des dommages subi par notre système de santé mais d’insister sur les conditions de possibilité de cette dégradation.

Pourtant contraire à l’intérêt général, cette situation est le résultat d’un rapport de force entériné en 2009 par la loi HPST : les soignants ont été évincés du pouvoir décisionnel. Résultat, la politique de santé a été prise en main par le gouvernement et la haute administration grâce aux Agences Régionales de Santé (ARS) et aux directions d’hôpital, traitant avec une brutalité toute managériale l’ensemble de notre système de santé. Cette organisation a créé une divergence d’objectifs fondamentale entre les soignants (qui cherchent à soigner) et l’administration (qui cherche à réduire les coûts), source d’une immense souffrance pour les deux parties, en particulier à l’hôpital.

Malgré les protestations, les grèves, les démissions en séries de l’automne/hiver 2019 de nombreux chefs de service des hôpitaux publics, rien n’y a fait. Jamais touchés personnellement par leurs propres décisions, les gouvernements successifs et leur armée de haut-fonctionnaires ont poursuivi méthodiquement la même politique : ne pas augmenter le nombre global de soignants et diminuer les capacités hospitalières du pays. Jusqu’à aujourd’hui.

Dans l’urgence de la crise liée au COVID 19, nous constatons partout que, dans les faits, le rapport de force a changé.

En ville ou à la campagne, les professionnels libéraux se sont regroupés pour faire naître des solidarités nouvelles et soulager leurs collègues hospitaliers. Les maires, citoyens, associations ont joué un rôle concret et rapide pour faciliter le travail des soignants.

l’hôpital, l’énorme réorganisation et l’ouverture en urgence de lits pour faire face à l’épidémie a été possible parce que les soignants ont pris la direction des opérations et que l’administration a suivi. Actuellement, la crise semble contrôlée à l’hôpital mais au prix de l’abandon de tous les soins courants non urgents en clinique privée comme à l’hôpital.

A la faveur de la crise, le pouvoir a basculé des administratifs vers les soignants. Les soignants doivent se rappeler cette évidence : nous pouvons nous passer des tutelles administratives mais, sans nous, il n’y a plus de système de santé.

Cependant, ce basculement est le fruit de la panique née de la pandémie et non d’un processus conscient clairement défini. Nous réclamons qu’il s’inscrive dans la durée et soit officiellement reconnu.

Les soignants et les citoyens doivent diriger leur colère contre les vrais responsables : les anciens gouvernements et l’actuel, ainsi que la haute-administration, qui ont tricoté ces transformations dont ni la population ni les soignants ne voulaient. Cette technocratie a failli par les politiques de santé menées depuis plus de 10 ans, en restant sourde à la colère des soignants et des usagers. Elle a failli à anticiper cette crise lorsque les premières données inquiétantes venant de Chine puis d’Italie commençaient à arriver. Enfin, elle a failli en ne remettant jamais en question l’ensemble des traités européens responsables d’une politique budgétaire et industrielle insensée nous rendant incapables de fournir les protections nécessaires pour les soignants et la population.

Le confinement général de la population (dont celui très éprouvant de nos aînés) est le fruit direct de l’ensemble de ces faillites. Sans dépistage de masse, sans protection, il était de fait l’unique solution disponible à brève échéance. D’une façon générale, la haute-administration et le gouvernement ont perdu toute légitimité dans cette crise.

Le discours du Président de la République du 13 avril 2020admet implicitement ces erreurs mais nous demandons des actes concrets dès aujourd’hui pour que cette crise puisse déboucher sur un autre horizon :

1- Sortir l’hôpital public d’une pure logique comptable en supprimant la tarification majoritaire à l’activité et en augmentant le budget annuel d’au minimum 4% comme le réclame le collectif inter-hôpitaux.

2- Acter une augmentation drastique du nombre de lits et de tous les soignants libéraux comme hospitaliers en rapport étroit avec les acteurs de terrain, soignants et usagers (les maires notamment).

3- Demander le paiement de toutes les heures supplémentaires et astreintes effectuées par l’ensemble du personnel hospitalier pendant cette crise, y compris les personnels en formation, les services de logistique et les employés de sous-traitance.

4- Verser la même prime exceptionnelle à tous les soignants hospitaliers, sans distinction de zone géographique ou de service, qu’ils soient en secteur COVID ou pas.

5- Résister aux décisions néfastes venant d’une administration hors-sol, en s’associant par exemple aux maires comme dans le cas du CHRU de Nancy ou de la Nouvelle-Aquitaine.

6- Le pouvoir décisionnaire doit dorénavant être partagé de manière transdisciplinaire à égalité entre les soignants, les usagers et l’administration dans tous les points névralgiques du système de santé : hôpital, ARS, Sécurité Sociale.

7- Remettre en question les traités européens actuelsincompatibles avec une politique de santé conforme à l’intérêt général comme le démontre dramatiquement cette crise.

Nous, professionnels de santé, avons démontré partout qu’il était possible de faire autrement. Victimes des mêmes politiques économiques absurdes, nous pensons que l’immense majorité des personnels administratifs seraient très favorables à de tels changements. Ils ne seraient plus réduits à gérer une pénurie mais seraient les partenaires d’une construction collective.

Nous avons besoin d’une double alliance inédite : entre tous les soignants hospitaliers et libéraux d’une part et tous les citoyensd’autre part, en dehors des clivages partisans, afin de pouvoir porter à l’Assemblée nationale ces mesures dès maintenant en signant ici.

Pouvoir aux soignants et aux usagers !

Mise à jour 14/05/20

Suite à plusieurs sollicitations, les auteurs tiennent à préciser que l’augmentation du budget implique évidement une revalorisation salariale de l’ensemble des soignants, sous-payés, classant la France en 2019 au 28ème rang sur 32  des pays de l’OCDE pour le salaire moyen d’un.e infirmier.ère.

De plus, il s’agit de verser la même prime exceptionnelle pour tous les soignants afin d’effectuer une répartition juste de cette prime car tous les soignants, secteur Covid ou non, ont dû s’adapter professionnellement et personnellement afin d’exercer leur métier consciencieusement et humainement. Ceci ne remet en aucun cas en cause la nécessité urgente d’une revalorisation salariale.

Dr Frédérick Stambach, Médecin Généraliste en milieu rural, Ambazac.

Dr Julien Vernaudon, Praticien Hospitalier Gériatre, Hospices Civils de Lyon, Centre de Recherche Clinique « Vieillissement, Cerveau, Fragilité », Centre Mémoire Ressources et Recherche de Lyon.

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Lettre aux signataires 21 Décembre 2020

Chères et chers signataires,

Cela fait désormais un peu plus de 7 mois que nous avons lancé cette tribune/pétition que vous avez signée et nous vous en remercions à nouveau. Nous sommes à ce jour 5.540 signataires. Nous avons connu et nous connaissons encore de multiples difficultés au quotidien qui peuvent entraver notre mobilisation. Les normes sanitaires sont également peu propices aux échanges entre nous : la distanciation physique, le couvre-feu et le confinement ne favorisent pas les interactions sociales et les discussions. La période estivale nous a plongés dans une phase d’attente et d’interrogations avant la « deuxième vague ».

Toutefois, le constat que nous avions collectivement posé sur notre système de santé, et tout particulièrement sur la démocratie sanitaire, reste identique. Après l’épisode du printemps, le pouvoir décisionnaire n’a absolument pas évolué. Aucune leçon ne semble avoir été tirée en ce sens. Le Ségur de la Santé, sur ce sujet comme bien d’autres, est un fiasco et une opération de communication pour faire taire temporairement toute contestation. Aucune garantie quant à une démocratisation du pouvoir à l’hôpital public n’a été offerte puisque la réforme qui se profile s’appuie sur le rapport Claris dont les travaux avaient été largement engagés avant le Covid.

La période de « l’entre-deux-vagues » a été marquée par une reprise sèche du pouvoir par l’administration dans la santé et l’éviction des usagers, des soignants, des citoyens dans les processus de décision.

Tout ceci pourrait nous décourager.

Cependant, même si le nombre de signataires peut paraître très modeste, ce collectif #SoignonsEnsemble que nous avons construit ensemble et que vous toutes et tous soutenez jouit d’un capital symbolique qui n’est pas à sous-estimer. La diffusion de cette pétition a été importante notamment via les réseaux sociaux, sa visibilité a été accrue grâce à la diffusion des reportages et entretien télévisuels (France 2, France 3 dans toutes les régions), radiophoniques (France Bleu Limousin) et dans la presse écrite.

Ce capital symbolique se traduit par notre participation à ce qui est une entreprise très prometteuse de réflexion et de travail intense portant sur la refondation du service public hospitalier au sein d’un atelier comprenant : citoyens, soignants, chercheurs, économistes, écrivains… Un premier atelier national a eu lieu à Montreuil le 10/10/20, un deuxième est prévu les 23 et 24/01/21 à Marseille. L’ambition de ces ateliers est de créer une dynamique de réappropriation collective du service public hospitalier (compris ici au sens large incluant les professionnels libéraux conventionnés secteur 1), travailler ensemble à sa redéfinition, réfléchir à l’hôpital public et aux collectifs de soin que nous voulons ainsi qu’à leur place dans la Cité. C’est bien grâce à votre soutien que nous avons pu participer à ces ateliers.

Cette tribune a également eu un écho national auprès de nombreux intellectuels, chercheurs et citoyens.

Nous entrons dorénavant dans une nouvelle ère : nous venons de franchir un palier dans la destruction de notre écosystème. Nous devons en prendre acte et réfléchir ensemble aux outils qui nous permettrons de faire face collectivement aux instabilités sanitaires à venir*. Nous devons poursuivre cette mobilisation collective et tout le travail débuté avec pour horizon 2022 afin de porter sur l’agora des propositions concrètes et solides pour une reprise de pouvoir démocratique au sein des institutions de la Santé. Celle-ci est notre bien commun, elle doit donc être gérée en commun et non plus comme c’est malheureusement encore le cas de manière verticale, technocratique et déconnectée du terrain. Il est temps de changer les règles du pouvoir décisionnaire. Le gouvernement s’enferre de plus en plus dans son autoritarisme sans saisir les aspirations des citoyens éprouvés par cette période difficile. Gramsci disait que dans une crise : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Ne laissons pas surgir les monstres technocratiques et autoritaires, mobilisons-nous et diffusons à nouveau ce message : le pouvoir sanitaire aux soignants et aux usagers !

*La pandémie, l’anthropocène, et le Bien commun. Benjamin Coriat, Les Liens Qui Libèrent 2020

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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