Déréglement climatique: 5 ans après l’accord de Paris et l’accord européen, encore beaucoup de chemin à faire

Cinq ans après l’accord de Paris, un sommet virtuel pour relancer la bataille pour le climat

Lors de cette rencontre, organisée samedi, seuls les Etats prenant des engagements ambitieux de réduction de CO2 pourront s’exprimer. Il intervient dans une période de regain de la diplomatie climatique. 

Par Audrey GarricPublié le 12 décembre 2020 à 04h29 – Mis à jour le 12 décembre 2020 à 12h33 

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Vue sur un champ d’éoliennes depuis le ferry « Regina Baltica », en mer du Nord.
Vue sur un champ d’éoliennes depuis le ferry « Regina Baltica », en mer du Nord. LUCA LOCATELLI / INSTITUTE

Les habitués des négociations climatiques évoquent régulièrement « l’esprit de Paris ». Ce moment de grâce où la coopération, la confiance et un « alignement des planètes », pour reprendre les mots de Laurent Fabius, ancien ministre des affaires étrangères et président de la COP21, permirent l’adoption de l’accord de Paris sur le climat le 12 décembre 2015. Un moment historique, aussi, car donnant naissance au premier traité international visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Cinq ans plus tard jour pour jour, samedi 12 décembre, les Nations unies, le Royaume-Uni et la France organisent un sommet (virtuel) de l’ambition climatique afin de célébrer cet accord et montrer que son esprit n’est pas mort. L’événement est également l’occasion d’exhorter les gouvernements à redoubler leurs efforts alors que le monde se dirige toujours vers un réchauffement de 3,5 °C à 4 °C. Une cérémonie d’autant plus nécessaire qu’elle est le seul événement de haut niveau sur le climat cette année, la conférence mondiale annuelle sur le climat (la COP26) ayant été repoussée du fait de la pandémie.

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La journée, organisée en visioconférence, débutera par des interventions d’Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, puis des dirigeants du Royaume-Uni – qui préside la COP26 – et de la France, Boris Johnson et Emmanuel Macron, ainsi que de ceux du Chili et de l’Italie, partenaires de l’événement. Suivront les prises de parole, préalablement enregistrées, de près de 80 chefs d’Etat et de gouvernement.

Seuls seront autorisés à s’exprimer les pays dont les annonces « seront à la hauteur de l’ambition que nous [les trois organisateurs] avons fixée », indique l’Elysée, qui précise que « ces annonces seront soit inédites, soit déjà faites au cours de l’année ». Six des dix principaux pays pollueurs seront représentés : la Chine, l’Inde, l’Union européenne, le Canada, le Japon, ainsi que les Etats-Unis par le biais de deux gouverneurs américains. Le Brésil, l’Australie, l’Indonésie ou le Mexique n’ont pas été retenus.

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Selon l’Elysée, une trentaine de pays devraient s’engager à atteindre un objectif de neutralité carbone au milieu du siècle et plus d’une cinquantaine à relever leurs plans climatiques à court terme (le plus souvent 2030). Le sommet pourrait, en outre, déboucher sur des promesses d’augmenter les financements climat et d’améliorer l’adaptation au changement climatique. Ces discours seront ponctués d’allocutions de représentants d’entreprises et de la société civile, notamment issus de la jeunesse et des populations autochtones.

« Aller plus vite et plus loin »

« Il y a un sentiment d’espoir, attentif et prudent, mais de l’espoir dont on a besoin dans cette période de crise », juge Sébastien Treyer, directeur général de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Ces dernières semaines ont été marquées par un regain de la diplomatie internationale sur le climat. D’abord avec l’élection de Joe Biden aux Etats-Unis, qui s’est engagé à réintégrer l’accord de Paris, que le pays a officiellement quitté le 4 novembre sous l’impulsion de Donald Trump.

Ensuite avec la multiplication des annonces de pays (Chine, Japon, Corée du Sud, Afrique du Sud, etc.) qui visent désormais la neutralité carbone au milieu du siècle. Mi-novembre, selon le décompte du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), 126 pays couvrant 51 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre avaient adopté, annoncé ou envisagé un objectif de « zéro émission nette » – un chiffre qui pourrait grimper à 63 % si les Etats-Unis les rejoignent, comme s’y est engagé Joe Biden. Vingt-cinq pays ainsi que l’Union européenne l’ont fixé formellement, dans la loi ou dans des politiques nationales.

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« Ces objectifs sont positifs, mais la question est : comment les concrétiser ? Il faut aller plus vite et plus loin car le dérèglement climatique ne nous menace pas seulement au milieu du siècle, mais également maintenant, avertit Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel. Le principal enjeu désormais, c’est de relever les plans climatiques de court terme, qui sont totalement insuffisants. » Selon le PNUE, ces engagements climatiques pour 2030 mènent la planète vers un réchauffement de 3,2 °C. Voire jusqu’à 4 °C, puisque ces plans ne sont pour l’instant pas tenus : les émissions de gaz à effet de serre ont progressé en 2019 (+ 2,6 %) et la baisse attendue en 2020 (− 7 %) risque de ne pas être durable.

L’accord de Paris, basé sur un processus d’engagements volontaires et de progression continue, prévoit que les pays révisent à la hausse leurs plans climatiques tous les cinq ans. Ils ont jusqu’au 31 décembre de cette année pour présenter de nouveaux objectifs de court terme plus ambitieux. Pour l’instant, seuls 20 Etats, représentant 7 % des émissions mondiales, les ont officiellement déposés auprès de l’ONU, selon les décomptes du think tank américain World Resources Institute (WRI).

« Opportunité manquée »

Trois des principaux pollueurs ont également pris des engagements chiffrés – mais pas encore soumis aux Nations unies : l’Union européenne s’est engagée, vendredi, à réduire ses rejets carbonés de 55 % d’ici à 2030 par rapport à 1990 (contre – 40 % précédemment), tandis que le Royaume-Uni a annoncé viser – 68 %. La Chine, elle, a promis d’atteindre un pic de ses rejets de CO2 avant 2030. Au total, 126 pays, représentant près de la moitié des émissions, envisagent d’augmenter leurs efforts à l’horizon 2030, sans que l’on sache encore dans quelles proportions.

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« La capacité des pays à augmenter sensiblement leurs plans climat à l’horizon 2030, de manière à ce qu’ils soient alignés avec la neutralité carbone, déterminera le succès du sommet de samedi », prévient Taryn Fransen, experte des politiques climatiques au WRI. « Cela implique de sortir du charbon avant 2030, d’électrifier les transports ou d’accélérer massivement la rénovation des bâtiments », précise Laurence Tubiana, l’architecte de l’accord de Paris sur le climat.

L’enjeu est également « d’intégrer le climat dans les plans de relance », appelle Laurent Fabius. Ces fonds débloqués pour relever les économies de la pandémie de Covid-19, de par leur ampleur sans précédent – 12 % du produit intérieur brut (PIB) mondial –, constituent une occasion majeure pour accélérer la transition écologique. Selon les calculs du PNUE, une relance verte permettrait de réduire de 25 % les émissions en 2030, ce qui pourrait conduire à limiter le réchauffement en dessous de 2 °C à la fin du siècle. Pour l’instant, « cette opportunité a été largement manquée » mais la tendance peut encore être inversée, juge le PNUE.

Des pays plus réticents

La difficulté d’articuler relance économique et politiques climatiques se pose avec plus d’acuité encore pour les pays les moins avancés, qui sont souvent déjà largement endettés. « Pour faire preuve d’une véritable ambition, les objectifs climatiques des pays riches doivent inclure des financements envers les pays en développement, afin de les aider à s’adapter à la crise climatique et à décarboner leur économie », appelle Harjeet Singh, chargé des politiques climatiques à l’ONG ActionAid International. Les pays du Nord se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour aider les pays du Sud à faire face au dérèglement climatique, un objectif qui sera difficile à atteindre.

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« Lors du sommet de samedi, la France doit se fixer de nouveaux objectifs, en annonçant 8 milliards d’euros par an d’ici à 2025, dont 4 milliards consacrés à l’adaptation au changement climatique et elle doit augmenter la part de dons », demande Cécile Duflot, la directrice générale d’Oxfam. La France s’était précédemment engagée à mobiliser 5 milliards d’euros de financements climat et a atteint 6 milliards l’an dernier.

L’avenir dépendra aussi de la capacité à convaincre les pays les plus réticents à avancer : l’Australie, le Brésil, la Russie, l’Arabie saoudite et la Turquie. « Nous avons besoin du retour des Etats-Unis, mais ce n’est plus suffisant : désormais, le leadership n’est plus un duo ou un trio, entre la Chine, les Etats-Unis et l’Europe, mais il doit être partagé, fait de partenariats stratégiques avec également d’autres économies asiatiques, l’Afrique et des leaders latino-américains », assure Sébastien Treyer.

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Au-delà du sommet de samedi, l’action climatique devra s’exercer tout au long de l’année 2021, jusqu’à la COP26, qui se tiendra en novembre à Glasgow (Ecosse). « Le Royaume-Uni doit faire du climat l’axe central de son action diplomatique, de toutes ses discussions, quand il parle commerce ou coopération, notamment lors du G7 et du G20 en 2021 », juge David Levaï, chercheur associé à l’Iddri. En somme, s’assurer que « l’esprit de Paris » demeure.

Audrey Garric

L’accord de Paris sur le climat, qui fête ses cinq ans, a-t-il tenu ses promesses ?

Depuis la signature du premier traité visant à réduire les émissions de C02, le réchauffement s’est aggravé, mais de plus en plus d’Etats se fixent un objectif ambitieux : la neutralité carbone au milieu du siècle. 

Par Audrey GarricPublié le 12 décembre 2020 à 04h10 – Mis à jour le 12 décembre 2020 à 15h16  

https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/12/12/l-accord-de-paris-sur-le-climat-qui-fete-ses-cinq-ans-a-t-il-tenu-ses-promesses_6063123_3244.html

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De gauche à droite : Christiana Figueres, chargée de la Convention climat pour les Nations unies, Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, Laurent Fabius, président de la COP21 et François Hollande, le président français, le 12 décembre 2015, lors de l’adoption de l’accord de Paris à la COP21, au Bourget (Seine-Saint-Denis).
De gauche à droite : Christiana Figueres, chargée de la Convention climat pour les Nations unies, Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, Laurent Fabius, président de la COP21 et François Hollande, le président français, le 12 décembre 2015, lors de l’adoption de l’accord de Paris à la COP21, au Bourget (Seine-Saint-Denis). STEPHANE MAHE / REUTERS

« C’est un petit marteau, mais je pense qu’il peut faire de grandes choses. » La phrase est restée célèbre et le coup de marteau encore davantage. Il y a cinq ans jour pour jour, le 12 décembre 2015, Laurent Fabius, le ministre des affaires étrangères de l’époque, arrachait l’adoption, par 195 pays, du premier traité international visant à réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre afin de contenir le réchauffement climatique. « Je regarde la salle, je vois que la réaction est positive, je n’entends pas d’objection. L’accord de Paris pour le climat est adopté ! », lançait le président de la COP21 depuis la tribune du Bourget (Seine-Saint-Denis). Embrassades, applaudissements, larmes.

L’accord de Paris sur le climat, désormais ratifié par 188 pays, a pour objectif de limiter le réchauffement climatique « nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels » et de « poursuivre l’action menée » pour limiter la hausse à 1,5 °C. Il prévoit d’accroître tous les cinq ans les engagements de réduction des émissions, ainsi qu’une aide financière aux pays du Sud, principales victimes des aléas climatiques. « Cet accord, comme tout accord, a ses forces et ses faiblesses, note Tina Stege, la représentante pour le climat des îles Marshall. Mais ce fut un triomphe du multilatéralisme et un cadre pour notre survie collective. » 

Qu’en est-il, cinq ans après ? Où en est la lutte contre le réchauffement climatique ? Quelles promesses a-t-on tenues et quels engagements doit-on rattraper ?

  • Des émissions qui continuent d’augmenter

« Le monde n’est absolument pas sur la bonne trajectoire pour respecter les objectifs de l’accord de Paris », prévient le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) dans son dernier bilan sur l’action climatique. Les émissions de gaz à effet de serre ont atteint, en 2019, un record historique de 59 milliards de tonnes équivalent CO2, soit une augmentation de 5 % par rapport à 2015. Les rejets de CO2, le principal gaz à effet de serre, devraient baisser de 7 % en 2020 du fait du ralentissement économique lié à la pandémie de Covid-19. Mais les scientifiques anticipent un rebond des émissions dès 2021, sous l’effet du retour d’une croissance économique majoritairement basée sur les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz). « Il n’y a pour l’instant aucun signe d’un pic à venir, qui déboucherait sur une diminution durable », indique Anne Olhoff, l’une des autrices principales, chercheuse à l’université technique du Danemark.

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Or, chaque année qui s’écoule sans parvenir à inverser durablement la courbe des émissions augmente d’autant les efforts à accomplir par la suite, au risque de les rendre insurmontables. Désormais, pour conserver une chance de maintenir le réchauffement à 1,5 °C à la fin du siècle, les rejets carbonés devraient être réduits de 55 % d’ici à 2030, par rapport à leur niveau de 2018, soit une baisse de 7,6 % par an. Une relance verte permettrait d’aller dans la bonne direction : elle pourrait réduire de 25 % les émissions en 2030, limitant le réchauffement climatique autour de 2 °C en 2100. Pour l’instant, « cette opportunité a été largement manquée », prévient le PNUE, mais cette tendance peut encore être inversée.

  • Une aggravation du réchauffement

La chute des émissions en 2020 n’aura qu’un effet négligeable sur le réchauffement climatique. Elle se traduira par une baisse de seulement 0,01 °C de la température mondiale au milieu du siècle, à moins que les pays ne mènent une relance verte. La baisse des émissions n’a pas freiné l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Elle a atteint 410 parties par million (ppm) en 2020, un niveau inégalé depuis plus de 3 millions d’années. Il faudrait en effet réduire drastiquement les émissions pendant des années pour stabiliser la concentration de CO2, qui résulte des rejets passés et actuels cumulés.

Résultat : la planète continue de se réchauffer. L’année 2020 devrait se classer parmi les trois plus chaudes jamais enregistrées, avec 2016 et 2019. Et les six années écoulées depuis 2015 ont toutes atteint des records, indique l’Organisation météorologique mondiale, qui estime qu’« il y a au moins une chance sur cinq que la température mondiale dépasse 1,5 °C d’ici à 2024 ». Ce réchauffement accélère la disparition de la banquise, de même que la fonte des calottes glaciaires, qui aggrave l’élévation du niveau de la mer. Il entraîne également une multiplication d’événements extrêmes (inondations, ouragans, incendies, etc.) depuis cinq ans, partout sur le globe. A ce rythme, le monde pourrait connaître un réchauffement de 4 °C à la fin du siècle.

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  • Un nouvel horizon : la neutralité carbone

L’accord de Paris est resté le cadre de référence de l’action climatique. En 2018, les Etats sont parvenus à le doter des principaux outils nécessaires à sa mise en œuvre – bien que certains points restent à négocier. Et le traité international a résisté à la défection des Etats-Unis, qui ont annoncé leur départ en 2017 et l’ont quitté officiellement le 4 novembre 2020. L’effet domino que les experts craignaient n’a pas eu lieu, et le Brésil, tenté de quitter l’accord, est finalement resté. Mais le départ du deuxième pollueur mondial « a quand même joué comme une sorte d’autorisation pour certains de se défaire de leurs engagements »,regrette Laurent Fabius. Au point que certains des principaux pollueurs (Brésil, Australie, Arabie saoudite) n’ont cessé, pendant la COP25, à Madrid, fin 2019, de freiner, voire de bloquer, toute action climatique.

Le multilatéralisme a toutefois tenu, et ces derniers mois ont même vu un nouvel élan de la diplomatie climatique. Les annonces se sont multipliées d’Etats, de régions, de villes et d’entreprises s’engageant à atteindre la neutralité carbone au milieu du siècle, c’est-à-dire de ne pas émettre davantage de gaz à effet de serre que les puits de carbone (forêts, prairies, etc.) et les techniques de séquestration ne peuvent en absorber. On compte désormais plus de 100 Etats, 1 000 acteurs non étatiques et 1 500 entreprises ayant un chiffre d’affaires combiné de 12 500 milliards de dollars à avoir fixé ou à s’être engagés à fixer un tel objectif. « Le zéro émission nette est devenu la norme, ce que l’on n’aurait jamais cru possible il y a cinq ans », se félicite Laurence Tubiana, l’architecte de l’accord de Paris et directrice de la Fondation européenne pour le climat.

Malgré tout, « la prise de conscience des gouvernements a été trop lente pour mettre en œuvre les politiques climatiques », regrette Laurence Tubiana. L’urgence est désormais de relever les contributions déterminées au niveau national (NDC en anglais), ces plans climatiques à horizon 2030 (ou 2025 pour certains pays), pris de manière volontaire par les Etats, qui doivent être révisés à la hausse tous les cinq ans. Ils mènent actuellement la planète vers un réchauffement de 3,2 °C. Pour l’instant, seuls 20 Etats, représentant 7 % des émissions mondiales, les ont officiellement déposés auprès de l’ONU. Mais de nombreux pays envisagent d’augmenter leurs efforts, et plusieurs puissances du G20 l’ont annoncé de manière concrète, notamment l’Union européenne et le Royaume-Uni.

  • Une finance climat encore insuffisante

Les pays du Nord, historiquement responsables du dérèglement climatique, se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 en faveur des pays du Sud pour les aider à s’adapter aux effets du changement climatique. Cette promesse, base de la confiance entre les Etats et l’un des moteurs de l’action climatique, sera difficile à atteindre : les pays développés ont mobilisé 79 milliards de dollars en 2018 – selon les derniers chiffres de l’OCDE. La progression des financements marque un ralentissement, alors que le secteur privé ne se mobilise pas suffisamment.

Autres sujets d’inquiétude : ces financements sont en majorité des prêts et non des dons, ce qui augmente la dette des pays en développement. De sorte que d’après les calculs de l’ONG Oxfam, l’aide financière publique réellement fournie par les pays riches ne représenterait qu’un tiers des sommes qu’ils déclarent officiellement. Par ailleurs, les financements climat sont essentiellement destinés à l’atténuation (réduire les émissions) et non à l’adaptation au changement climatique, alors que l’accord de Paris prévoit un équilibre entre les deux. Enfin, seulement 14 % des financements ont été alloués aux pays les moins avancés.

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  • Un essor de l’économie bas carbone

L’accord de Paris a créé les conditions d’une « progression spectaculaire » des solutions et des marchés bas carbone (panneaux solaires, voitures électriques, etc.) au cours des cinq dernières années, estime un rapport du cabinet SYSTEMIQ, basé à Londres, publié jeudi 10 décembre. « Cet accord a marqué un tournant en donnant aux entreprises, aux investisseurs un objectif clair : aller vers la neutralité carbone. On a créé la grande histoire du XXIe siècle », juge l’économiste britannique Nicholas Stern.

De sorte que les technologies bas carbone se sont avérées plus rapidement compétitives que prévu comparé à celles basées sur les énergies fossiles. « En 2015, elles n’étaient compétitives dans aucun secteur. En 2020, elles le sont dans la production d’énergie, soit 25 % des émissions globales. Et en 2030, elles devraient l’être dans des secteurs couvrant 70 % des émissions, comme les transports routiers, le chauffage des bâtiments ou l’agriculture », indique Mark Meldrum, l’un des auteurs principaux du rapport, qui ajoute que la transition écologique pourrait créer 35 millions d’emplois nets dans le monde d’ici à 2030.

  • L’expansion des énergies fossiles

« Si la direction est claire, l’action est bien trop lente et les changements économiques largement insuffisants », indique la climatologue Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le climat.

Si le point de bascule n’est pas atteint, c’est essentiellement parce que l’expansion des énergies fossiles se poursuit. Le Programme des Nations unies pour l’environnement estime que la production de charbon, de pétrole et de gaz va augmenter de 2 % chaque année jusqu’en 2030, alors qu’elles devraient diminuer de 6 % par an pour s’aligner sur l’accord de Paris. Entre 2016 et 2019, les banques internationales ont accordé 2 700 milliards de financements aux 2 100 entreprises des énergies fossiles, un volume en hausse chaque année, selon un rapport d’ONG. Et pour l’instant, les plans de relance n’ont pas inversé cette tendance : environ 54 % des montants destinés à l’énergie ont bénéficié aux énergies fossiles, dont 86 % sans conditions environnementales, selon la coalition Climate Transparency.

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  • La mobilisation de la société civile

Les cinq dernières années ont été marquées par une mobilisation sans précédent de la société civile, et en particulier de la jeunesse. Depuis deux ans, à l’initiative du mouvement « Fridays for Future », lancé par la jeune Suédoise Greta Thunberg, des millions de jeunes sont descendus dans les rues pour demander aux dirigeants de combattre le réchauffement climatique et de respecter l’accord de Paris. Si l’essor de cette « génération climat », comme on l’a nommée, a été freiné par la pandémie de Covid-19, les jeunes militants ont aidé à la prise de conscience de l’urgence climatique au sein de la population et ils sont parvenus à inscrire cette question à l’agenda politique de nombreux pays.

L’accord de Paris sert également d’appui au développement du contentieux climatique dans le monde. De plus en plus de citoyens, d’ONG ou de villes s’appuient sur ce traité pour attaquer des Etats en justice et les sommer d’agir

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Audrey Garric

Réactions partagées après l’accord européen sur la baisse des émissions en 2030

Les 27 Etats membres de l’Union se sont entendus pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 55 % en 2030. Un accord jugé largement positif, mais encore insuffisant pour certains. 

Par Audrey GarricPublié le 12 décembre 2020 à 09h40  

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La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 11 décembre à Bruxelles.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 11 décembre à Bruxelles. Johanna Geron / AP

C’est un accord arraché de justesse, mais l’honneur est sauf. Les 27 Etats membres de l’Union européenne se sont entendus pour accroître leurs efforts dans la lutte contre le dérèglement climatique, vendredi 11 décembre, à la veille des cinq ans de l’accord de Paris sur le climat, qui prévoit que les Etats relèvent leur ambition climatique cette année. Après des tractations qui ont duré toute la nuit, ils ont donné leur feu vert à une baisse nette de leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990, contre − 40 % précédemment, afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.

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Si le chiffre est en deçà de l’objectif de − 60 % que réclamait le Parlement européen, il ne s’agit pas moins d’une « proposition ambitieuse », a affirmé la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. « C’est un accord décisif, car il ouvre la voie à des changements législatifs qui auront des conséquences sur notre modèle économique et nos modes de vie », précise l’eurodéputé Pascal Canfin, président de la commission environnement au Parlement. Cette nouvelle cible sera d’abord intégrée dans la loi climat européenne, négociée par les Etats membres et les députés. Il faudra ensuite répartir l’effort entre les Etats membres, c’est-à-dire définir des objectifs de réduction des rejets carbonés pour chacun – un chantier qui s’annonce complexe.

« Accélérer la sortie du charbon »

Le nouvel objectif débouchera également sur une révision d’un paquet de 12 directives européennes, en juin 2021, sur le marché carbone, les voitures, les logements ou encore les énergies renouvelables. « Le prix du carbone va plus que doubler, ce qui aura des conséquences pour les industries et va accélérer considérablement la sortie du charbon en Europe », observe Pascal Canfin. D’où la négociation compliquée avec la Pologne, dont 80 % de l’électricité est produite à base de charbon. Des nouveaux standards d’émissions de CO2 seront également pris, débouchant sur la fin de la commercialisation des voitures essences et diesel (non hybrides) en 2035, ajoute l’eurodéputé.

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Malgré un « accord positif en termes de dynamique mondiale », l’ambition est quelque peu en trompe-l’œil, juge de son côté Neil Makaroff, responsable Europe du Réseau Action Climat. La réduction de 55 % est « nette », c’est-à-dire qu’elle inclut les puits de carbone naturels, comme les forêts et les sols, dans le calcul des émissions absorbées. La réduction réelle des émissions s’avère en fait de 50 % à 52 %. Les ONG défendaient une diminution d’au moins 65 % des émissions pour permettre de contenir le réchauffement à 1,5 °C.

« Cet objectif, sans mesure supplémentaire, permettra aux groupes pétroliers et gaziers de poursuivre leurs activités », déplore Sebastian Meg, de Greenpeace. En échange de leur vote, les pays réfractaires – la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie – ont obtenu que l’accord indique qu’il « respecte le droit des Etats membres à choisir le mix énergétique qui leur convient (…) y compris des technologies de transition comme le gaz ». Une formulation « dangereuse » pour l’ONG, alors que le développement du gaz n’est pas conciliable avec l’atteinte de la neutralité carbone. Le gaz ne sera toutefois plus financé par le budget européen à partir de 2025.

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Audrey Garric

Climat : le G7 se félicite de timides avancées

Une baisse des émissions de CO2 de 40 % à 70 % en 2050 a été fixée. 

https://www.lemonde.fr/international/article/2015/06/09/climat-le-g7-se-felicite-de-timides-avancees_4649987_3210.html

Par Simon Roger(Bonn (Allemagne), envoyé spécial)Frédéric Lemaître(Elmau (Allemagne), envoyé spécial) et Yves-Michel Riols(Elmau (Allemagne), envoyé spécial)Publié le 08 juin 2015 à 23h19 – Mis à jour le 09 juin 2015 à 10h53  

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Angela Merkel et Barack Obama (de dos) au chateau d'Elmau lors du sommet du G7, Allemagne, le 8 juin 2015.
Angela Merkel et Barack Obama (de dos) au chateau d’Elmau lors du sommet du G7, Allemagne, le 8 juin 2015. MICHAEL KAPPELER / AFP

Le sommet du G7, qui s’est tenu à Elmau (Allemagne) les 7 et 8 juin, devait, disait-on, donner lieu à des manifestations massives et violentes. En fait, celles-ci furent peu suivies et pacifiques. Surtout, à l’issue de la rencontre des sept chefs d’Etat et de gouvernement (Etats-Unis, Canada, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie), plusieurs ONG environnementales « anti-G7 » ont publié des communiqués saluant certaines avancées sur le climat dans la déclaration du G7. Des annonces jugées toutefois timides au regard des enjeux imposés par le réchauffement planétaire.

Ce dossier était surtout porté par la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président français, François Hollande. Alors que Paris accueille début décembre la COP21, la conférence des Nations unies sur le climat, M. Hollande et Mme Merkel ont un intérêt politique évident à ce que celle-ci réussisse.

Tirant les leçons de l’échec de la conférence de Copenhague de 2009 sur le climat, la France veut impliquer le plus en amont possible les 195 chefs d’Etat et de gouvernement concernés. Si le G7 n’avait pas envoyé un signal fort au reste du monde, le sort de Paris était scellé. Mme Merkel et M. Hollande ont donc fait le forcing auprès des partenaires les plus coriaces : le Japon et le Canada et, dans une moindre mesure, les Etats-Unis.

« 2050, c’est trop tard »

Ils sont parvenus à ce que le G7 s’engage : les décisions de la COP21 devront être « contraignantes ». Leur objectif est explicitement de « maintenir la hausse de la température moyenne dans le monde au-dessous de 2 degrés ». Ils soutiennent une réduction, d’ici à 2050, des émissions mondiales de gaz à effet de serre « correspondant au haut de la fourchette de la dernière recommandation du GIEC [les experts mandatés par l’ONU], laquelle se situe entre 40 % et 70 % par rapport à 2010 ». De même jugent-ils « nécessaire une décarbonisation de l’économie mondiale au cours de ce siècle ». Cet objectif chiffré n’est pas inédit. Quelques mois avant la conférence de Copenhague, les pays du G8, réunis en sommet en 2009, s’étaient déjà engagés à rester sous le seuil des 2 degrés, prônant alors une réduction d’au moins 50 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici à 2050.

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« Les chefs d’Etat au G7 se sont certes accordés sur un cap commun climatique de long terme, mais sans avoir encore trouvé la rampe de lancement ni la feuille de route pour y parvenir », observe Pierre Cannet, responsable du programme climat et énergie pour le WWF France, présent à Bonn pour la session de négociations des Nations unies sur les changements climatiques programmée jusqu’au 11 juin. Les ONG réunies dans la cité rhénane ne sont pas les seules à accueillir avec prudence les déclarations des sept pays parmi les plus riches de la planète.

« Le G7 n’est pas à la hauteur de ses capacités et de ses responsabilités, il devrait se permettre d’être plus ambitieux, souligne le négociateur du Mali, Seyni Nafo, rappelant que ces sept pays sont responsables à eux seuls de plus de la moitié des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les délégations africaines, et celles des pays en développement de manière générale, demandent une baisse globale des émissions de 40 % à l’horizon 2020. Fixer comme cap 2050, c’est trop lent et c’est surtout trop tard. »

« Il va falloir parler de financement »

Porte-parole du groupe Afrique dans le cadre des discussions onusiennes, Seyni Nafo salue en revanche une autre annonce figurant dans le communiqué final du G7, la naissance d’un plan de développement des énergies renouvelables pour le continent africain. Conscient que cette transition énergétique va coûter cher aux pays les plus pauvres, le G7 veut en effet « accélérer l’accès aux énergies renouvelables en Afrique ».« Cela fait des années que l’on se bat pour ça alors, oui, cette décision du G7 est un bon signal, concède le négociateur malien. Maintenant, il va falloir parler de mise en œuvre, de gouvernance, de financement. »

Dans les réunions plénières de l’ONU à Bonn, comme dans le cénacle du G7 à Elmau, le financement est bien le sujet le plus sensible. Si Mme Merkel et M. Hollande ont convaincu leurs pairs d’adopter des objectifs ambitieux, ils n’ont pas obtenu grand-chose sur les moyens afférents. Le communiqué se contente de « réaffirmer » l’engagement de Copenhague « de mobiliser ensemble 100 milliards de dollars [88 milliards d’euros] par an d’ici à 2020 provenant de diverses sources, tant publiques que privées ».

« En matière de financement climat, les pays du G7 n’ont pas délivré de message clair ni n’ont avancé de chiffre nouveau, réagit Romain Benicchio, responsable du bureau d’Oxfam International à Genève. Quand les décideurs vont-ils envoyer un signal politique fort à destination des pays en développement et des pays les plus vulnérables ? De toute évidence, pas à l’occasion du sommet d’Elmau. »

Simon Roger(Bonn (Allemagne), envoyé spécial),  Frédéric Lemaître(Elmau (Allemagne), envoyé spécial) et  Yves-Michel Riols(Elmau (Allemagne), envoyé spécial)Voir les contributions

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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