Loi « sécurité globale » : la majorité recule, Emmanuel Macron recadre Gérald Darmanin
L’article 24 de la proposition de loi sera entièrement réécrit. Le président a reproché au gouvernement lundi d’avoir dû intervenir lui-même dans ce dossier, en ciblant le ministre de l’intérieur.
Par Alexandre Lemarié Publié aujourd’hui à 05h02, mis à jour à 10h58
Temps de Lecture 5 min.

Un recul stratégique. A la suite des défilés contre le texte de loi « sécurité globale » et les violences policières qui ont réuni, samedi, plus de 130 000 personnes dans toute la France, selon le ministère de l’intérieur, Emmanuel Macron et ses partisans ont décidé de revoir leur copie. L’article 24 de la proposition de loi, qui cristallise les critiques, sera entièrement réécrit, ont annoncé lundi 30 novembre les présidents des groupes de la majorité à l’Assemblée nationale. « Ce n’est ni un retrait ni une suspension mais une réécriture totale du texte », afin de lever les« incompréhensions et les doutes », a annoncé le patron des députés La République en marche (LRM), Christophe Castaner, lors d’une conférence de presse, entouré de ses homologues du MoDem, Patrick Mignola, et du groupe Agir, Olivier Becht.
L’article en question, qui prévoit de pénaliser la diffusion malveillante d’images des forces de l’ordre, est vivement condamné par les syndicats de journalistes et par les défenseurs des libertés publiques. « Lorsqu’une telle incompréhension ne cesse de s’intensifier sur un sujet aussi fondamental, nous avons le devoir de nous interroger collectivement », a justifié M. Castaner au sujet de cette disposition, dont l’opposition de gauche – et même certains membres de la majorité, tel le député LRM de Paris, Pierre Person – réclame la suppression.
« Colère froide »
Un pas en arrière validé quelques heures plus tôt lors d’une réunion lundi midi à l’Elysée autour d’Emmanuel Macron, en présence du chef du gouvernement, Jean Castex, des ministres Gérald Darmanin (intérieur), Eric Dupond-Moretti (justice) et Roselyne Bachelot (culture), ainsi que des responsables de la majorité. D’après son entourage, le chef de l’Etat a validé l’idée d’une réécriture « par besoin de clarification et de rassurer ». « Le président n’a pas de dogme autour de l’article 24. Il souhaite trouver une rédaction plus adaptée, en gardant le double objectif de protéger les forces de l’ordre et garantir la liberté de la presse », indique l’Elysée.
Lors de cette entrevue, M. Macron a reproché au gouvernement d’avoir dû intervenir lui-même dans ce dossier. « La situation dans laquelle vous m’avez mis aurait pu être évitée », a-t-il lâché, sur un ton sec. Une remontrance qui visait M. Darmanin, selon plusieurs participants, qui décrivent un président « dans une colère froide ». Jeudi, lors d’un entretien en tête-à-tête, M. Macron avait déjà dû recadrer son ministre de l’intérieur, en lui demandant de faire preuve « d’apaisement ». Soucieux de déminer, le chef de l’Etat répondra d’ailleurs jeudi sur les réseaux sociaux aux questions des journalistes de Brut, un média en ligne prisé par les jeunes. Un entretien qui portera notamment sur le thème des violences policières.
Entre l’Elysée et Beauvau, la séquence a laissé des traces. Pour la première fois, l’entourage du chef de l’Etat a directement ciblé le disciple de Nicolas Sarkozy, en lui reprochant d’avoir mis de l’huile sur le feu à des moments-clés, au risque d’exposer M. Macron. « Le problème, ce n’est pas sa ligne – Darmanin a été nommé à Beauvau précisément pour muscler la jambe régalienne du président – mais sa gestion chaotique », s’agace un macroniste du premier cercle. Pas question, pour autant, de se séparer de celui qui s’est imposé comme un poids lourd du gouvernement. Malgré les appels à la démission émanant de l’opposition, la place de Gérald Darmanin à Beauvau n’est pas menacée, selon plusieurs sources. « C’est tendu mais on n’est pas non plus sur une piste noire », résume un proche du président. « Gérald Darmanin reste un ministre solide, qui a la confiance de l’Elysée et de Matignon », le défend Stanislas Guerini, délégué général de LRM.
Enterrer cette disposition
Sauf qu’en ce moment, les critiques pleuvent de toutes parts contre l’ancien maire de Tourcoing, qui se retrouve, de fait, isolé et fragilisé comme jamais au sein du gouvernement. Lundi midi, ce dernier n’a pas eu seulement à endurer la colère présidentielle, il a également été ciblé par Roselyne Bachelot. Devant l’ensemble des participants, la ministre de la culture a reproché à son collègue de ne l’avoir jamais associée à la préparation de l’article 24, alors qu’il concerne la presse, qui relève de ses prérogatives.
Lors de sa conférence de presse, son prédécesseur à Beauvau, Christophe Castaner, a également accablé M. Darmanin, en rappelant les affirmations, sur lesquelles ce dernier a dû se dédire. « L’article 24 ne nécessite pas de flouter le visage des forces de l’ordre. Les journalistes n’ont pas besoin de s’accréditer pour couvrir des manifestations », a martelé M. Castaner, qui entretient des relations fraîches avec le transfuge de la droite. En retour, lors de son audition par la commission des lois de l’Assemblée, lundi soir, M. Darmanin a critiqué le bilan de son prédécesseur : « Le drame, c’est que le ministère de l’intérieur a envoyé – en particulier pendant les “gilets jaunes” – des personnes faire du maintien de l’ordre sans que ce soit leur métier. »
Lire aussi Face aux députés, Gérald Darmanin joue la carte de l’apaisement
Au sein de la majorité, la réécriture de l’article 24 est perçue comme une manière d’enterrer cette disposition, sans désavouer le ministre de l’intérieur de manière trop visible. « La seule chose que je comprends, c’est que l’on y renonce et c’est très bien ainsi », se réjouit Sacha Houlié, député LRM (Vienne) de l’aile gauche. A l’inverse, plusieurs élus macronistes de l’aile droite déplorent « un renoncement » de la part de l’exécutif. « Je suis furieux parce que c’est la première fois qu’on recule et que c’est la rue qui gagne ! », a notamment lancé l’élu du Rhône, Bruno Bonnell, lundi, lors d’une réunion de groupe. Sa collègue des Yvelines, Aurore Bergé, elle, a appelé à passer vite à autre chose : « On ne peut pas donner le sentiment de reculer. Le travail parlementaire continue et on cesse de se mettre en scène ! »
Reste à savoir quel sera le véhicule législatif retenu pour héberger l’article remanié. Un point, qui a fait l’objet d’une nouvelle réunion lundi soir à Matignon entre le gouvernement et les responsables de la majorité. Les députés ayant adopté en première lecture le texte sur la « sécurité globale » le 24 novembre, l’éventualité de soumettre l’article 24 remanié lors de la commission mixte paritaire, qui se déroulera, après l’examen au Sénat en janvier, a été évoquée. Mais selon nos informations, l’option favorite de Matignon est d’intégrer les objectifs de cet article tant décrié dans le projet de loi contre le séparatisme, dont l’examen au conseil des ministres est prévu le 9 décembre.
Lors de la réunion à l’Elysée, lundi midi, M. Dupond-Moretti a plaidé pour que l’objectif de protection des policiers figure dans son article 25, inspiré de l’assassinat de Samuel Paty, qui crée « un délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée », sans toucher à la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Un scénario auquel M. Darmanin ne serait pas défavorable, « tant qu’il existe une mesure pour mieux protéger les Français », précise son entourage. « On ne dévie pas de nos objectifs mais on prend un chemin différent », veut positiver l’Elysée. Au prix, toutefois, d’une crise politique au sommet de l’Etat, dans un contexte déjà tendu.Notre sélection d’articles sur la loi « sécurité globale »
Retrouvez tous nos articles sur la proposition de loi sur la « sécurité globale » dans notre rubrique.
- Résumé : les principales mesures de la proposition de loi
- Vos questions, nos réponses : « L’épisode de l’article 24 montre le poids que s’est octroyé Gérald Darmanin dans le dispositif gouvernemental »
- Analyse : Filmer les policiers, un droit bafoué avant même la loi sur la « sécurité globale »
- L’éditorial du « Monde » : Dans la police, une grave crise de commandement
- Portrait : Gérald Darmanin, la tête de pont sécuritaire du gouvernement
- Tribune : « Nous n’accréditerons pas nos journalistes pour couvrir les manifestations »
- Interview : « Avec toutes ces lois sécuritaires, nous construisons les outils de notre asservissement de demain »
Voir plus
Gérald Darmanin reconnaît des « erreurs » et des « problèmes », mais réaffirme son soutien aux forces de l’ordre devant les députés
Après une semaine marquée par la question des violences policières, le ministre de l’intérieur était entendu devant la commission des lois de l’Assemblée nationale.
Publié hier à 21h03, mis à jour hier à 21h40
Son audition était attendue. Après une semaine marquée par l’évacuation du camp de migrants à Paris le 23 novembre, l’adoption en première lecture de la controversée proposition de loi « sécurité globale » à l’Assemblée nationale le lendemain, les révélations sur le passage à tabac du producteur de musique Michel Zecler le 26 novembre et la marche des libertés le 28 novembre, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, était entendu lundi 30 novembre par la commission des lois de l’Assemblée nationale.
Lors de son propos liminaire, le ministre de l’intérieur a tenu à revenir sur l’interpellation violente de Michel Zecler. Il a dénoncé « des actes inqualifiables », « commis par ceux qui portent l’uniforme de la République ». Comme il l’avait fait savoir le 26 novembre, il a rappelé qu’il souhaitait que ces personnes « soient révoquées ». « Les personnes qui utilisent de façon disproportionnée la force que le peuple met à disposition de ceux qui ont la violence légitime doivent être sanctionnées et n’ont rien à faire dans la police nationale ou dans la gendarmerie nationale », a-t-il continué. Selon lui, des actions « très fortes » ont été prises contre des policiers impliqués dans cette affaire.
« Des actes inqualifiables ont été commis » par des policiers, notamment lors du tabassage de Michel Zecler, reconnaî… https://t.co/4ybq7XQ66V— LCP (@LCP)
Pour autant, M. Darmanin a affirmé que ces dérives étaient le résultat d’individualités et a rejeté toute généralisation : « Des individualités ne sont pas un tout et je ne supporte pas – et je ne supporterai pas qu’on porte atteinte à l’institution, celle de la police nationale et de la gendarmerie qui font un travail admirable. » Le ministre de l’intérieur a notamment défendu le fait que « la police et la gendarmerie sont surveillées, contrôlées, inspectées, sanctionnées », concédant que « c’est bien normal ».
Les « péchés capitaux »
Lors de son intervention, M. Darmanin a listé ce qu’il qualifie comme étant les« péchés capitaux » des forces de l’ordre : le « peu de formation » offert aux policiers une « erreur fondamentale », auquel il souhaite remédier grâce à une« formation initiale plus importante ». Il souhaite également la création d’un « corps intermédiaire d’encadrement plus nombreux », car, estime-t-il, « il n’y a pas assez de chefs ».
Il a également dénoncé le manque de matériel et réaffirmé l’intérêt des caméras-piétons, qui doivent être généralisées au 1er juillet 2021. Il a ensuite envisagé une amélioration du système actuel : « Peut-être faudrait-il imaginer effectivement que, et c’est bien légitime, quand une arme est sortie la caméra puisse automatiquement être déclenchée. »
Sur la question de l’inspection générale de la police nationale (IGPN), le ministre de l’intérieur a déclaré que, « comme toute institution, elle mérite évidemment d’être regardée, interrogée, discutée, améliorée ». Il n’a pas rejeté l’idée que l’IGPN puisse être placée en dehors de la direction générale de la police nationale (DGPN) et que la personne à sa tête puisse être extérieure au ministère de l’intérieur.
Lire aussi IGPN : Gérald Darmanin « prêt à étudier » toutes les pistes de réforme
Il a également évoqué une extension du nombre de réservistes, en vigueur dans la gendarmerie nationale, « mais qui se passe difficilement dans la police ». « Je souhaite que nous portions à 30 000 également le nombre de policiers nationaux qui, chaque année, pourraient être dans la réserve afin de mieux embrasser les aspirations de la population », a-t-il plaidé.
« Je ne partage pas, bien que ce soit une conviction extrêmement forte, le divorce entre la police et la population »… https://t.co/JDCqWzSLxq— LCP (@LCP)
M. Darmanin a cependant nié la possibilité qu’il existe « un divorce entre la police et la population », s’appuyant notamment sur un sondage mené en juin 2020 selon lequel 69 % des personnes interrogées disaient faire confiance à la police nationale. « Il n’y a pas d’un côté la police et de l’autre côté la population française. Il n’y a non pas à renouer [le lien entre la police et la population], je pense que ce fil n’a jamais été perdu, mais il y a à faire comprendre les difficultés que vivent les policiers et à comprendre aussi comment la population souhaite aujourd’hui l’exercice de la force. »
Défense de l’article 24
En réponse aux députés qui l’interrogeaient sur l’article 24 de la proposition de loi « sécurité globale », qui interdit la diffusion d’images des membres des forces de l’ordre dans l’intention de nuire à leur intégrité « physique ou psychique », M. Darmanin a ironisé : « Je ne sais pas pourquoi (…) cet article 24 fait débat. » Le ministre de l’intérieur a ensuite gardé la même ligne ; en réaction aux nombreuses critiques des sociétés de journalistes et des défenseurs des libertés, il a assuré que « la protection des policiers et la protection de la liberté de la presse ne sont pas en concurrence, mais en complémentarité. Il n’y a pas une victoire de l’un contre l’autre, et il n’y a surtout pas une victoire de l’un sans l’autre ».
Le ministre de l’intérieur a également apporté son soutien au préfet de police de Paris, Didier Lallement, mis en cause par l’opposition à plusieurs reprises au cours de la semaine passée : « Le préfet Lallement a toute ma confiance », a-t-il affirmé, en réponse à une question du député de la Seine-Saint-Denis Stéphane Peu (PCF).
Lire aussi Enquête sur Didier Lallement, le préfet de police à poigne d’Emmanuel Macron
Sur les violences policières et notamment lors des manifestations, M. Darmanin a fait valoir que des policiers « dont le métier n’était pas de faire du maintien de l’ordre » s’étaient retrouvés à assurer ces missions avec un « manque d’équipement » et « un manque de formation » : « On vous met en face de quelque chose que vous ne connaissez pas, qui peut être ultraviolent. » Le ministre a décidé de « créer l’équivalent de 300 policiers et gardes mobiles supplémentaires ». Il a également demandé la mise en place d’une équipe spécifique de maintien de l’ordre et de lutte contre les violences urbaines.
Le Monde
IGPN : Gérald Darmanin « prêt à étudier » toutes les pistes de réforme
Auditionné lundi à l’Assemblée nationale, le ministre de l’intérieur a énuméré quelques pistes pour une refonte de l’Inspection générale de la police nationale.
Par Nicolas Chapuis Publié hier à 20h33, mis à jour à 07h43
Temps de Lecture 2 min.
Gérald Darmanin est « prêt à tout étudier » concernant la refonte de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Le ministre de l’intérieur était sur le gril, lundi 30 novembre, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale. Interrogé sur la succession d’affaires de violences policières, sur fond de bisbilles entre la majorité et le gouvernement sur la proposition de loi sur la « sécurité globale », dont l’article 24 restreint la liberté de filmer les forces de l’ordre, il n’a pas écarté la possibilité d’une réforme en profondeur de la « police des polices ».
Le locataire de la Place Beauvau a énuméré quelques pistes parmi lesquelles la fusion avec les deux autres inspections du ministère de l’intérieur, l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) et l’Inspection générale de l’administration (IGA), ou la nomination à la tête de l’IGPN d’une personnalité extérieure.
Ces deux mesures étaient jusque-là taboues au sein du ministère de l’intérieur et particulièrement impopulaire au sein des forces de l’ordre. Le Livre blanc de la sécurité intérieure, qui brosse l’avenir de ces dernières, n’en fait même pas mention. En juin, Christophe Castaner avait esquissé les bases d’une réforme minimale. Les enquêtes les plus graves auraient été supervisées par l’IGA pour la partie administrative, le judiciaire restant à l’IGPN. Par ailleurs, un comité citoyen au sein de celle-ci aurait été créé.
Lire aussi L’IGPN, une institution à réformer
Gérald Darmanin ira-t-il plus loin ? Rien n’est moins sûr. « S’il y a une réforme à faire, ce n’est pas de la tuyauterie administrative, mais bien l’application des préconisations et des sanctions demandées par l’IGPN », a-t-il ajouté. Le ministre de l’intérieur a reconnu que les mesures administratives proposées par « la police des polices » à l’encontre d’agents fautifs n’étaient pas toujours suivies d’effet. Dans le cadre des dossiers administratifs, l’IGPN ne peut, par ailleurs, pas demander de sanctions. Gérald Darmanin a annoncé son intention de modifier cet état de fait et a suggéré de rendre les préconisations de l’IGPN contraignantes pour le ministère de l’intérieur.
Prenant en exemple « l’affaire Théo L. », du nom du jeune homme violenté par plusieurs fonctionnaires de police le 2 février 2017, il a regretté l’absence de sanctions à ce jour contre les gardiens de la paix impliqués. La Défenseure des droits a rendu, le 24 novembre, une décision dans cette affaire qui souligne les nombreux manquements policiers, de la base au sommet de la hiérarchie. « Quand j’ai su cela, j’ai demandé au préfet de police de réunir dans les plus brefs délais les conseils de discipline pour prendre les sanctions que l’Inspection générale proposait », a assuré le ministre.
Gérald Darmanin a conclu en rappelant son soutien à l’institution, s’appuyant sur le fait que les parquets continuent de confier les affaires à ses agents : « Cette IGPN fait son travail dans des conditions que même l’autorité judiciaire juge tout à fait respectable. »
L’offensive du parti Les Républicains sur les questions régaliennes
Le parti de droite multiplie les prises de parole sur l’immigration ou la sécurité et appelle à changer la Constitution pour lutter contre le communautarisme.
Par Sarah Belouezzane Publié le 27 novembre 2020 à 11h00
Temps de Lecture 4 min.

Il est des domaines que le parti Les Républicains (LR) n’entend pas laisser aux autres, des marqueurs qui l’identifient plus que d’autres. Parmi eux, les thématiques régaliennes ont fait, ces jours-ci, l’objet d’une offensive particulièrement soutenue de la part des cadres du parti. Il faut dire que le mouvement de droite est, depuis quelques mois, sous les coups de boutoir d’un gouvernement, et plus particulièrement d’un ministre de l’intérieur, décidé à affirmer des positions fortes sur le sujet : loi « séparatisme », projet de loi sur la sécurité globale, soutien inconditionnel d’une police dont les agissements violents de certains membres sont de plus en plus décriés.
Lire aussi Violences policières : l’exercice d’équilibriste du gouvernement
Pour défendre leur pré carré, les élus LR ont multiplié, ces derniers temps, les prises de parole sur l’immigration ou encore la sécurité. Fidèles à leur tradition de soutien aux forces de l’ordre, rares sont les ténors (à l’exception notable de Julien Aubert et d’Aurélien Pradié), qui, jeudi 26 novembre, ont réagi aux révélations sur les images montrant le passage à tabac par la police d’un producteur de musique. « Je ne me prononce pas tant que l’enquête n’a rien dit, explique ainsi Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes et spécialiste des questions régaliennes. Je redis mon soutien à la police : s’il y a dérapages, ils doivent être sanctionnés par une autorité judiciaire et non un tribunal médiatique. »
Dans cette logique régalienne, Damien Abad, le président du groupe LR à l’Assemblée, a prévu l’inscription dans sa niche parlementaire prévue jeudi 3 décembre d’un projet de loi particulièrement ferme. Pensé par Philippe Bas, sénateur LR de la Manche, qui l’a déjà fait adopter par le Sénat, le texte souhaite compléter l’article premier de la Constitution afin d’y ajouter la mention « nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s’exonérer du respect de la règle commune ». Examiné en commission, il a d’ailleurs été rejeté par la majorité.
Déclarations dures
L’idée, explique Damien Abad, est de « donner les moyens juridiques à la lutte quotidienne contre toute manifestation de communautarisme ». Ce que, selon lui, le texte contre le séparatisme ne fait pas. Seule une modification de la Constitution permettrait, analyse l’élu, de se « doter des moyens nécessaires pour éviter le flou ». Avec cette proposition, la droite souhaite permettre aux préfets ou aux maires et aux autorités en général de « sanctionner toute attaque contre la laïcité dans les écoles par exemple, à la cantine ou à la piscine, ou même dans les entreprises quand une personne refuse de serrer la main d’une autre pour motif religieux », poursuit le député de l’Ain.
Pour le parti et le groupe, il s’agit là du premier volet d’une offensive législative en plusieurs points. Outre le texte présenté lors de la niche, les élus ont déposé une autre proposition de loi, déclinée en amendements lors de l’examen de la loi « séparatisme » : les LR souhaitent avec ces derniers d’abord instaurer un plafond du nombre d’immigrés accueillis tous les ans en France. Un débat au Parlement permettrait alors, chaque année, de décider de quotas en fonction du type ou du motif derrière la migration (économie, asile…). La formation aimerait aussi durcir les modalités du regroupement familial en ajoutant des conditions de ressources plus drastiques. Mais aussi faciliter les fermetures administratives des mosquées ainsi qu’exercer un contrôle plus important sur les terroristes sortis de prison.
« L’enjeu pour nous, c’est la reconquête des sujets d’autorité et d’ordre, d’être ce que nous sommes », admet Damien Abad
Un programme et des déclarations durs, tels que la droite, récemment désireuse de montrer le visage d’un parti aussi social, n’en avait pas proposé depuis quelque temps.
« L’enjeu pour nous, c’est la reconquête des sujets d’autorité et d’ordre, d’être ce que nous sommes », admet sans détour Damien Abad, pour qui il existe « une différence de nature » entre le gouvernement et LR : « contrairement à eux, nous pensons qu’il faut modifier la Constitution pour lutter contre l’islamisme politique ». Pour lui, le parti de droite est tout simplement dans « la réalité de la vie des gens », fatigués des attentats mais aussi de l’insécurité.
Lire aussi « Il faut agir et il est déjà tard » : la droite lance les grandes manœuvres contre l’islamisme
Une analyse partagée par Gilles Platret, maire de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) et animateur de la convention thématique sur le régalien organisée le 17 novembre par le parti : « Nous avons le sentiment, aujourd’hui, que, pour les Français, les questions sécuritaires sont devenues un enjeu fort ; il y a les attentats bien sûr mais aussi un embrasement à bas bruit des quartiers avec des tirs de mortiers qui est préoccupant. »
« Le régalien, c’est nous »
En d’autres termes, explique un élu de premier plan, l’idée pour la droite est de revendiquer, dans une situation compliquée où le gouvernement est apparu plus dur que d’habitude : « le régalien, c’est nous ».
Aurélien Pradié, député du Lot et numéro trois du parti, le reconnaît : « Il faut faire exploser l’illusion Darmanin qui n’a pas eu de résultats, faire dégonfler ce ballon de baudruche. » L’élu ne voit pas de contradiction entre l’offensive en cours du parti et sa volonté d’aller sur des thématiques plus sociales.
Eric Ciotti, lui, balaye cette analyse. Pour lui, « la droite a toujours été en pointe sur ces questions, c’est dans notre logiciel » : « ce sont plutôt les événements qui nous donnent raison ». Reste à savoir si le code n’a pas été trop emprunté par d’autres.Covid : la droite veut tester massivement
Dans sa niche du 3 décembre, le parti Les Républicains a aussi inscrit une proposition de résolution, texte moins contraignant qu’une loi, portant les suggestions de la formation sur le plan sanitaire. « « Vivre avec le virus » ne peut se résumer à une stratégie de stop-and-go permanents, entre confinements et déconfinements successifs, avec des conséquences économiques et sociales absolument désastreuses », écrivent les élus LR. Pour éviter ce schéma, les députés proposent que soit testée, de façon massive, la population. « Il faut que l’on s’inspire des autres pays, avec des systèmes de dépistage massifs, plaide Damien Abad, le député de l’Ain et patron du groupe LR à l’Assemblée. Concrètement, c’est installer des tentes de dépistage géantes afin que les gens puissent aller voir leurs grands-parents tranquilles. » Dans la résolution, les députés poursuivent : « Tester massivement la population pour identifier et isoler les Français qui propagent le virus, telle est la clé pour garantir les libertés individuelles de tous. »Voir plus