Le Gouvernement veut restreindre la liberté d’installation des centres de santé
Par Aveline Marques le 10-11-2020

Dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021, le Gouvernement a déposé un amendement imposant un conventionnement sélectif aux centres de santé. Comme pour les infirmières ou les kinés, un nouveau centre ne pourrait pas s’installer dans une zone sur-dotée. Les organisations professionnelles sont vent debout.
« C’est un coup de boutoir, pour freiner la dynamique de création des centres de santé », dénonce le Dr Frédéric Villebrun, généraliste à Champigny-sur-Marne et président de l’Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS), après l’adoption le 23 octobre par les députés d’un amendement restreignant la liberté d’installation des centres. Déposé par le Gouvernement, l’amendement instaure un conventionnement sélectif en limitant l’installation d’un centre en zone sur-dotée. « Il ne s’agit que de transposer aux centres de santé les mesures de régulation au conventionnement qui existent actuellement dans les conventions monoprofessionnelles, notamment celle des infirmiers, et non pas d’une mesure de régulation applicable aux centres de santé pluriprofessionnels », a tenu à préciser le rapporteur général du PLFSS 2021, le Dr Thomas Mesnier.
Est-ce à dire que seuls les centres employant des infirmières, des kinés, des sages-femmes ou encore des chirurgiens-dentistes seraient concernés? « C’est à demi-mot ce qui a été sous-entendu dans les discussions avec le ministère, mais nous n’avons pas de garantie que ce soit limitatif », répond Frédéric Villebrun, qui redoute que cet amendement soit la « porte ouverte » à une large restriction à l’installation. « Dès qu’on aura une infirmière, on serait soumis au zonage? » Aides à l’installation : une généraliste roumaine déplaque avant d’exercer (pour la cinquième fois)
« Il est totalement anormal que des centres de ce type s’installent dans les zones surdotées alors que les professionnels de santé font l’objet d’une régulation », a approuvé Sereine Mauborgne, députée LREM du Var, et ancienne infirmière libérale, s’exprimant au nom du groupe d’étude consacré aux professions paramédicales. « L’objectif initial était en effet de favoriser l’accès aux soins. Or nous avons constaté que ces centres de santé se sont installés surtout dans les hyper-centres, et non pas dans les espaces sous-dotés », a souligné de son côté le député LR de Meurthe-et-Moselle Thibault Bazin. Faux, répond le Dr Villebrun, qui relève que les centres de santé médicaux et polyvalents ont au contraire tendance à se créer davantage « en ruralité », à la différence des centres dentaires.
Rappelant les spécificités des centres de santé (tiers payant intégral, tarifs de secteur 1 sans dépassement, médecine d’équipe coordonnée et pluriprofessionnelle, responsabilité territoriale de santé publique), les gestionnaires et organisations professionnelles des centres de santé déplorent, dans un communiqué commun diffusé dimanche 8 novembre, cette nouvelle entrave au développement d’une offre de soin répondant aux besoins de « nombreux territoires ». Depuis 2018, explique Frédéric Villebrun, l’installation d’un centre de santé est déjà soumise à une autorisation de l’ARS. Et les centres ne bénéficient pas des mêmes aides à l’installation que les professionnels libéraux.
Les centres de santé refusent un amendement en trompe l’oeil
https://www.fncs.org/les-centres-de-sante-refusent-un-amendement-en-trompe-l-oeil
Lors de la discussion de la loi de finance de la sécurité sociale, le gouvernement a fait adopter un amendement visant à soumettre les centres de santé à une régulation « d’installation ». Au prétexte de régulation territoriale, des centres de santé ne pourront plus s’implanter dans des zones prétendument sur dotées !
Cet amendement est une mauvaise proposition, totalement hors de la réalité. L’ensemble des fédérations de gestionnaires et des organisations professionnelles des centres de santé , qui ont été consultées de façon lacunaire, condamnent son adoption.
Elles s’interrogent sur une volonté cachée d’affaiblir la progression des centres de santé alors que leur développement actuel montre leur efficacité à répondre au défi de la désertification médicale. Si la régulation semble nécessaire, elle ne peut se faire de la même manière entre un mode d’exercice individuelle et une structure pluridisciplinaire.
Les gestionnaires et les organisations professionnelles des centres de santé appellent à prendre en compte les spécificités des centres de santé.
« L’ambition de leur mode de gestion n’est pas la rentabilité mais l’efficacité dans l’accès aux soins.«
- Tiers payant intégral
- Tarifs de secteurs 1 sans dépassement d’honoraire
- Médecine d’équipe coordonnée et pluriprofessionnelle
- Prise en charge global de la santé des patients et responsabilité territoriale de santé publique
- Projet de santé adapté aux besoins des populations les plus vulnérables
Nous rappelons que contrairement aux affirmations de l’exposé des motifs de l’amendement du gouvernement, les aides à l’installation des professionnels dans les territoires sous dotés sont moins importantes pour les centres de santé. Ces derniers ne bénéficient pas non plus des dispositifs d’aide comme PTMG, ou PTMR.
Cet amendement ne résout en rien les menaces de certaines pratiques qui détournent le concept de centres de santé mais par contre il est profondément injuste pour les engagements vertueux des autres. Il menace le développement d’une pratique de centres de santé pluriprofessionnelle en plein essor dans l’offre de soin de ville dont de nombreux territoires se dotent aujourd’hui pour répondre à leurs besoins.
C’est pourquoi les gestionnaires et les organisations professionnelles des centres de santé appellent à supprimer cet amendement dans les prochaines lectures de la loi de finance de la sécurité sociale.
Contacts :
Dr Hélène COLOMBANI, Présidente FNCS – Tél. : 06 68 05 94 20
Dr Frédéric VILLEBRUN, Président USMCS – Tél. : 06 21 28 04 24
Dr Martine DAME, Président SNCDCDS
Communiqué de la Coordination Nationale des Comités de défense de l’Hôpital et de la santé
A la suite d’un amendement au PLFSS 2021 déposé par le gouvernement, visant à limiter la liberté d’installation des centres de santé, nous nous étonnons du respect de la liberté d’installation en libéral !
Favorables à la médecine libérale, les gouvernements successifs se sont bien gardés de mettre en péril la liberté d’installation des médecins.
Seulement voilà ! Une forme nouvelle de pratiques des soins connaît un grand succès auprès des jeunes médecins, des patients et des collectivités territoriales : les Centres de Santé. Le développement de ce mode d’exercice collégial, pluridisciplinaire et disponible, inquiète nos gouvernants.
Ils ont donc décidé d’y faire obstacle, prétextant des installations dans des zones sur dotées.
Laissons la Fédération Nationale des Centres de Santé répondre à cette accusation sans fondement (conf. le texte de son communiqué).
Par contre, heureusement surpris par l’intérêt tardif du pouvoir à cette question ancienne, rappelons cette exigence de la Coordination Nationale des Comités de Défense des Maternités et Hôpitaux de proximité.
En liens avec les associations citoyennes d’usagers ou de leurs représentants, des élus, des étudiants en médecine et d’organisations de médecins, des syndicats… remplaçons partiellement l’actuelle liberté d’installation par la reconnaissance de la nécessité de répondre au droit de toutes et de tous à des soins de qualité. Recensons les besoins par bassins de vie, tant pour les généralistes que pour les spécialistes et les autres professionnel-le-s de santé, ouvrons les formations et mettons en place une « obligation à servir » temporaire, en contrepartie de la formation publique, assurant une répartition égalitaire en fonction des besoins des structures et des territoires, afin de remédier aux déserts actuels, qu’ils soient en zone rurale, urbaine ou périurbaine, en médecine et soins de ville ou à l’hôpital.
Favorables à la médecine libérale, les gouvernements successifs se sont bien gardés de mettre en péril la liberté d’installation des médecins.
Seulement voilà ! Une forme nouvelle de pratiques des soins connaît un grand succès auprès des jeunes médecins, des patients et des collectivités territoriales : les Centres de Santé. Le développement de ce mode d’exercice collégial, pluridisciplinaire et disponible, inquiète nos gouvernants.
Ils ont donc décidé d’y faire obstacle, prétextant des installations dans des zones sur dotées.
Laissons la Fédération Nationale des Centres de Santé répondre à cette accusation sans fondement (conf. le texte de son communiqué).
Par contre, heureusement surpris par l’intérêt tardif du pouvoir à cette question ancienne, rappelons cette exigence de la Coordination Nationale des Comités de Défense des Maternités et Hôpitaux de proximité.
En liens avec les associations citoyennes d’usagers ou de leurs représentants, des élus, des étudiants en médecine et d’organisations de médecins, des syndicats… remplaçons partiellement l’actuelle liberté d’installation par la reconnaissance de la nécessité de répondre au droit de toutes et de tous à des soins de qualité. Recensons les besoins par bassins de vie, tant pour les généralistes que pour les spécialistes et les autres professionnel-le-s de santé, ouvrons les formations et mettons en place une « obligation à servir » temporaire, en contrepartie de la formation publique, assurant une répartition égalitaire en fonction des besoins des structures et des territoires, afin de remédier aux déserts actuels, qu’ils soient en zone rurale, urbaine ou périurbaine, en médecine et soins de ville ou à l’hôpital.
Voir aussi:
La nomination d’un ancien directeur (stratégie et relations médicales) du premier groupe d’hospitalisation privée (ELSAN )comme Directeur Général de l’ARS Nouvelle Aquitaine