« 80% de déprogrammation ce lundi, c’est trop »

Libération indique avoir « passé une journée avec Aurélien Rousseau, directeur de l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France. En première ligne face à la crise sanitaire, il coordonne au quotidien l’action des différentes structures de soins ».
Nathalie Raulin note ainsi que « dans le trombinoscope de la crise Covid, il y a les figures imposées, le ministre de la Santé, Olivier Véran, ou le directeur général de la santé, Jérôme Salomon. Il y a aussi les seconds rôles immanquables, visages apparus durant la première vague, toujours à la manœuvre pour contrer la seconde. Le patron de l’ARS d’Ile-de-France […] est de ceux-là ».
Aurélien Rousseau souligne que « l’Ile-de-France totalise 45% des malades Covid du pays, c’est un sujet, il y aussi une question de force de frappe : on a l’expérience de la première vague ».
Nathalie Raulin relève que « ce lundi 2 novembre, quand il pénètre dans la salle de crise du siège de l’ARS d’Ile-de-France, Aurélien Rousseau se prépare […] à un délicat numéro d’équilibriste : admettre avoir pêché par pessimisme, tout en étant légitime à le rester ».
Le responsable déclare ainsi : « L’élément du week-end, c’est que la trajectoire sur l’hospitalisation en réanimation et en médecine conventionnelle n’est pas tout à fait celle anticipée, on est à 930 patients en réanimation ce matin, en-deçà de la prévision qu’on avait faite sur la base des modèles de l’Institut Pasteur, mais ça tape fort sur la médecine ».
La journaliste indique que « quelques jours plutôt, l’ARS anticipait 1775 patients en réanimation pour ce début de semaine. Une projection suffisamment alarmante pour presser les établissements de santé franciliens à déprogrammer de toute urgence 60% à 80% de leurs interventions en bloc opératoire ».
Nathalie Raulin poursuit : « Devant la réalité nettement plus sage des admissions en réanimation, Rousseau concède : «80% de déprogrammation ce lundi, c’est trop.» Mais pas question de changer de ligne ».
Aurélien Rousseau remarque ainsi : « II y a un truc autour de l’idée que l’afflux de patients pourrait venir en décalé. Il ne faut pas démobiliser. Il ne faut pas banaliser. Même révisées samedi matin, les projections de Pasteur sont inquiétantes. On a déjà 80% de nos capacités normales de réanimation occupées par les Covid ».
« Un avertissement sans frais aux hôpitaux dont le peu d’empressement à suivre la consigne de l’ARS ne lui a pas échappé », relève la journaliste.
Elle continue : « Si Rousseau partage leur souci de préserver aussi longtemps et largement que possible l’accueil des patients non-Covid, son instinct lui commande la fermeté. Les contaminations, notamment chez les plus de 65 ans, se sont emballées. Il en est convaincu : les jours à venir s’annoncent «critiques» pour le système sanitaire francilien. Un défaut de vigilance, et la déroute évitée de justesse en avril pourrait cette fois advenir ».
Le responsable observe : « Peut-être faudrait-il un objectif intermédiaire de déprogrammation autour de 1400 ou 1500 lits de réanimation, une sorte de double embrayage ? […] Si cela n’est pas compris ou reçu, on devra peut-être conserver notre objectif de 1775 places de réanimation libérées au plus vite ».
Nathalie Raulin indique que « la réponse des principaux établissements de santé franciliens […] lui revient 3 heures plus tard : les déprogrammations sont lancées ; moduler maintenant l’objectif ne ferait qu’ajouter de la confusion. D’ailleurs, l’activité hospitalière s’amenuise d’elle-même, la vague épidémique et le confinement incitant nombre de malades à renoncer d’eux-mêmes à se faire opérer ».
La journaliste souligne que « les craintes du DG ne sont de fait pas infondées : mercredi matin, le seuil des 1000 patients Covid admis en réanimation en Ile-de-France était enfoncé ».