« La banalisation de mesures restrictives des libertés n’est pas admissible » (Jean-Marie Burguburu – Commission nationale consultative des droits de l’homme) – La juristice s’inquiète des « dérives sécuritaires » de l’époque et met en garde contre une instrumentalisation de la justice (Mireille Delmas-Marty juriste).

Jean-Marie Burguburu, président de la CNCDH : « En temps de paix, la République n’a jamais connu une telle restriction des libertés »

Alors que les députés sont appelés à se prononcer ce week-end sur la prolongation de l’état d’urgence, Jean-Marie Burguburu, président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, estime que « la banalisation de mesures restrictives des libertés n’est pas admissible ». 

Propos recueillis par Jean-Baptiste Jacquin  Publié le 23 octobre 2020 à 11h29, mis à jour hier à 13h11

https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/10/23/etat-d-urgence-sanitaire-la-banalisation-de-mesures-restrictives-des-libertes-n-est-pas-admissible_6057097_3224.html

Jean-Marie Burguburu, le président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, dans son bureau à Paris, le 16 octobre.
Jean-Marie Burguburu, le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, dans son bureau à Paris, le 16 octobre. ED ALCOCK / M.Y.O.P. POUR « LE MONDE »

Emmanuel Macron avait annoncé, le 14 octobre, la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Les députés s’apprêtent ce week-end à examiner, pour la cinquième fois en sept mois, un projet de loi leur demandant de voter des mesures exceptionnelles pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

Nommé en février à la présidence de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), l’avocat Jean-Marie Burguburu regrette que le gouvernement ne consulte pas cette autorité indépendante, créée en 1947. Selon lui, il n’avait pas besoin de décréter l’état d’urgence sanitaire pour faire face à la crise sanitaire

Que pensez-vous de la décision de décréter un nouvel état d’urgence sanitaire ?

Elle n’est pas surprenante, la CNCDH l’avait un peu prévu. Le problème des états d’urgence, antiterroristes ou sanitaires, est qu’ils ont tendance à se renouveler.

Quelles libertés fondamentales sont menacées par ce renouvellement ?

J’en vois trois. Je pense d’abord à la liberté d’aller et de venir. Elle est tellement fondamentale et naturelle que les gens oublient que c’en est une. Ensuite, la liberté de réunion est entravée, et celle qui en découle, la liberté de manifestation. Ces libertés sont touchées comme elles l’étaient pendant le confinement.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Etat d’urgence sanitaire : le Parlement devant le fait accompli

Bien sûr, je ne vais pas prêcher pour la désobéissance civile. Ce n’est pas agréable, mais il faut respecter ces mesures. L’enjeu sanitaire est grave. Le gouvernement n’a pas la tâche facile. Beaucoup le critiquent, mais peu proposent d’autres solutions. La vraie question est de savoir si cela va être efficace. Je ne le sais pas. Le gouvernement l’espère.

Face à l’aggravation de la crise sanitaire, le gouvernement avait-il le choix ?

Juridiquement, oui, le gouvernement aurait pu faire face différemment. Il pouvait se référer à l’article 3131-1 du code de santé publique qui permet de prendre des mesures très fortes. Il prévoit que, « en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence », c’est bien la situation, « notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l’intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population ». Cela donnait un pouvoir très fort au ministre de la santé. Et si cela ne suffisait pas, alors on pouvait envisager de franchir une autre étape.

« Je pense que le choix a été fait d’une concentration du pouvoir entre les mains de l’exécutif »

Pourquoi alors ne pas avoir eu recours à la loi existante ?

Je pense que le choix a été fait d’une concentration du pouvoir entre les mains de l’exécutif. En temps de paix, la République n’a jamais connu une telle restriction des libertés. Je ne vois pas l’intérêt électoral pour le président de la République de faire cela.

Avec la Constitution de la Ve République, il est déjà l’un des chefs d’Etat les plus puissants du monde démocratique. Il n’a pas besoin de pouvoirs supplémentaires, mais il croit que si. Je lui laisse le bénéfice de la bonne foi, mais il aurait pu consulter la CNCDH avant.

Justement, à quoi sert la CNCDH, créée pour conseiller le gouvernement et le Parlement sur les questions touchant aux droits de l’homme ?

Cela me fait de la peine, mais je dois vous dire que nous n’avons pas été consultés pour le premier état d’urgence sanitaire. Et pas davantage pour le second.

Pour la fameuse application StopCovid, le gouvernement a consulté la CNIL [Commission nationale de l’informatique et des libertés] et le Conseil national du numérique, mais pas la CNCDH qui aurait examiné ce projet avec le prisme des droits de l’homme. L’une des raisons pour lesquelles le gouvernement ne nous sollicite pas est qu’il redoute que nous donnions des avis négatifs.Lire aussi l’éditorial : Protéger les libertés publiques pendant l’épidémie liée au coronavirus

Nous nous sommes donc autosaisis et avons conclu que StopCovid est attentatoire aux droits de l’homme. Je rappelle qu’une restriction des libertés ne peut être conforme à la Constitution qu’à la triple condition que la mesure soit nécessaire, adaptée et proportionnée. Malgré le caractère volontaire du téléchargement de l’application, on met le doigt dans l’engrenage de la surveillance numérique des individus.

Comment comptez-vous peser sur ces sujets ?

Notre rôle n’est pas d’être contre ! La CNCDH est une sorte de lanceur d’alerte institutionnel. Je voudrais que nous puissions être plus réactifs, en rendant par exemple des avis moins longs. L’objectif est de pouvoir dire au gouvernement, non pas de ne pas faire un projet mais de prendre telle ou telle précaution avant de le réaliser.

Que dit de notre société le fait d’avoir vécu sous un état d’urgence plus de la moitié du temps au cours de ces cinq dernières années ?

Cela dit deux choses : que les Français, peuple frondeur pourtant, s’y habituent, et que les gouvernements s’y habituent. L’état d’urgence distille une forme de poison démocratique, dangereux pour ceux qui le reçoivent comme pour ceux qui le donnent. Il laisse des traces. On n’en sort jamais comme on y est entré.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Covid-19 : le retour de l’état d’urgence, qui se banalise

La situation juridique et administrative est modifiée par l’état d’urgence, même quand il y est mis fin. La CNCDH met en garde contre la banalisation de l’état d’urgence. La banalisation de mesures restrictives des libertés n’est pas admissible. L’urgence ne peut pas être un état permanent.

Sur un tout autre sujet, l’assassinat d’un professeur par le terrorisme islamiste, après une campagne sur les réseaux sociaux, doit-il amener à déplacer certains curseurs entre liberté et sécurité ?

Face à la barbarie qui a frappé Samuel Paty, assassiné pour avoir fait vivre la liberté d’expression, conformément à son engagement d’enseignant, la CNCDH rappelle que la liberté d’expression est l’un des droits les plus précieux de l’homme. Le terrorisme islamiste ne doit en aucun cas conduire à la censure, individuelle ou collective.

En 1789, lorsque la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen a été écrite, et en 1881, au moment de la grande loi sur la presse, les réseaux sociaux n’existaient pas. Faut-il pour autant instaurer pour les réseaux sociaux un régime différent en matière de liberté d’opinion du régime général ? Je ne le pense pas.

La surveillance, en revanche, est nécessaire. Mais on ne peut pas laisser aux plates-formes la responsabilité de la censure. Si celle-ci devait s’exercer, c’est à la justice d’en décider, c’est une prérogative régalienne. Comme beaucoup de libertés, la liberté d’expression est encadrée par la loi pour éviter les abus.

Mireille Delmas-Marty : « Nous basculons vers un droit pénal de la sécurité, qui traite le suspect en criminel »

TRIBUNE

Juriste

A la suite de l’assassinat de Samuel Paty, constatant une radicalisation du débat public, la juriste s’inquiète des « dérives sécuritaires » de l’époque et met en garde contre une instrumentalisation de la justice.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/23/mireille-delmas-marty-nous-basculons-vers-un-droit-penal-de-la-securite_6057057_3232.html

Gérald Darmanin et Emmanuel Macron, en déplacement à la préfecture de Seine-Saint-Denis, à Bobigny, le 20 octobre.
Gérald Darmanin et Emmanuel Macron, en déplacement à la préfecture de Seine-Saint-Denis, à Bobigny, le 20 octobre. POOL / REUTERS

Nous savions que la démocratie était fragile, mais nous pensions que le triptyque « démocratie, Etat de droit, droits de l’Homme » qui la caractérise résisterait aux dérives. Or nous découvrons, depuis les attentats de New York en 2001, qu’il a pu facilement être détruit en quelques années dans la plupart des Etats occidentaux, y compris en Europe et dans notre propre pays : assassinats ciblés, société de surveillance, enfermement préventif, justice prédictive, internements de sûreté marquent un basculement vers un régime autoritaire. D’un droit pénal de la responsabilité, qui fonde la punition sur la preuve de la culpabilité et la proportionne à la gravité de la faute, nous basculons vers un « droit pénal de la sécurité », un droit policier, voire guerrier, qui traite le suspect en criminel et le criminel en ennemi hors la loi.

Neutralisant la présomption d’innocence et remplaçant la responsabilité par une dangerosité indémontrable, ce droit sécuritaire ajoute à la punition une « mesure de sûreté » à durée indéterminée. Mis en place à propos des délinquants sexuels (2007), il s’est étendu depuis 2015 au terrorisme. Puis la pandémie a encore renforcé l’obsession sécuritaire, et la folie normative s’est emparée de nos sociétés de la peur, d’autant plus facilement que la combinaison « traçage, affichage, puçage… » permet de contrôler des « populations » humaines, assimilées à des produits dangereux. C’est dans ce contexte que la France avait adopté, pour lutter contre le terrorisme, plusieurs textes censurés par le Conseil constitutionnel en tout – loi relative aux contenus haineux sur Internet –, ou en partie – loi instaurant des mesures de sûreté qui s’ajoutent à l’exécution de la peine.

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Et voici que l’assassinat particulièrement barbare d’un professeur qui enseignait la liberté d’expression par un jeune réfugié tchétchène se revendiquant de l’idéologie islamiste incite certains courants à remettre en cause le pouvoir du juge constitutionnel, voire à durcir le droit des migrations.

« Les juges risquent d’être stigmatisés s’ils jouent leur rôle de gardiens des libertés »

Au stade actuel, le juge reste un rempart contre les dérives sécuritaires, mais un rempart qui s’affaiblit, au motif qu’en empiétant sur le pouvoir législatif, on instituerait un « gouvernement des juges » synonyme de « déficit démocratique ». Or la démocratie ne consiste pas seulement dans la majorité des suffrages, qui peut très bien conduire à des despotismes « légaux ». Elle suppose la résistance des droits de l’homme, et de l’Etat de droit, et le rôle du juge est d’autant plus important que la banalisation de l’état d’urgence légitime un transfert du pouvoir législatif à l’exécutif. Dans notre monde de rapports de force politiques, militaires, économiques, mais aussi médiatiques et culturels, le droit risque plus que jamais d’être instrumentalisé pour justifier le système, et les juges stigmatisés s’ils jouent leur rôle de gardiens des libertés.

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D’autant que la permanence des crises (terrorisme, pandémie, changement climatique, révoltes sociales, désastre humanitaire des migrations…) et l’imminence des catastrophes qu’elles annoncent (au plan national, européen, voire global) pourraient rapidement nous submerger si nous ne parvenons pas à unir nos efforts pour éviter, à la fois, le grand effondrement annoncé par les collapsologues et le grand asservissement préfiguré par le modèle chinois.

Pour unir nos efforts, il n’est pas nécessaire de construire un Etat mondial, mais il ne suffit pas de juxtaposer les différences. Encore faut-il les ordonner, dans un processus d’humanisation réciproque, autour de valeurs communes inspirées par les diverses visions de l’humanisme. Et encore faut-il que le droit renforce les responsabilités et que des juges impartiaux et indépendants en garantissent la mise en œuvre, organisant les interactions entre acteurs et entre niveaux normatifs. Cela implique un rééquilibrage entre les libertés individuelles et les solidarités collectives ; entre l’esprit de responsabilité et le devoir d’obéissance ; entre l’indépendance et l’interdépendance. Or ce rééquilibrage, chacun de nous devra le faire d’abord en lui-même pour renoncer à certains excès auxquels le « productivisme-consumérisme » nous a habitués.

Vers un totalitarisme doux

Ce renoncement sera difficile – le mot est d’ailleurs absent du discours officiel –, tant sont fortes nos résistances, véritables addictions mortifères. En croisant les millions de données individuelles accumulées par les réseaux sociaux et les milliards de conversations enregistrées par les agences de renseignements, les démocraties se transforment en un totalitarisme doux, d’autant plus redoutable qu’il exploite notre désir illimité d’avoir accès à tout, tout le temps, sans attendre : obéissant à des pulsions narcissiques plus puissantes encore que le sexe ou la nourriture, nous passons d’une plate-forme et d’un appareil numérique à un autre « comme un rat de la boîte de Skinner qui, en appuyant sur des leviers, cherche désespérément à être toujours plus stimulé et satisfait » (Bernard E. Harcourt, La société d’exposition. Désir et désobéissance à l’ère du numérique, Seuil, 336 p., 23 €).

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Pour résister à nos désirs, à l’heure du numérique et des réseaux sociaux, la peur n’est pas bonne conseillère, surtout quand elle déshumanise en obéissant aux pulsions du paléo-cortex, notre vieux cerveau reptilien. En revanche, on peut combiner la peur-solidarité avec l’imagination, cette capacité jubilatoire du néocortex, particulièrement développée chez les humains, qui réassocie des éléments anciens pour faire du neuf. C’est le pari des « forces imaginantes du droit ». Des concepts nouveaux, comme « biens communs mondiaux », « droits des générations futures » ou écocides, montrent déjà que l’imagination, éclairée par la connaissance et stimulée par ce que le philosophe et naturaliste Baptiste Morizot appelle « l’émerveillement » « de faire partie de cette extraordinaire aventure du vivant » (Le Monde, août 2020), est notre meilleur atout pour changer de cap.

Mireille Delmas-Marty est juriste, professeure émérite au Collège de France et membre de l’Institut.

La Défenseure des droits s’inquiète d’une prolongation de l’état d’urgence sanitaire

Claire Hédon voit dans le projet de loi, actuellement devant l’Assemblée et permettant de prolonger jusqu’en avril 2021 les mesures d’exception, le risque d’une « atteinte disproportionnée aux droits et libertés ». 

Par Jean-Baptiste Jacquin  Publié le 24 septembre 2020 à 18h00 – Mis à jour le 25 septembre 2020 à 11h31

https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/09/24/la-defenseure-des-droits-s-inquiete-d-une-prolongation-de-l-etat-d-urgence-sanitaire_6053492_3224.html

Claire Hédon, Défenseure des droits, à Paris, le 20 juillet.
Claire Hédon, Défenseure des droits, à Paris, le 20 juillet. JOEL SAGET / AFP

Le projet de loi « prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire » inquiète. Il est le quatrième présenté par le gouvernement en six mois pour demander au Parlement de voter des mesures dérogatoires au droit commun.

Approuvé par la commission des lois de l’Assemblée nationale mercredi 23 septembre, avant son examen dans l’Hémicycle le 1er octobre, ce projet de loi prolonge jusqu’au 1er avril 2021 les mesures entrées en vigueur le 11 juillet à la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Celles-ci, très proches de l’état d’urgence lui-même – elles permettent au premier ministre et aux préfets d’imposer des restrictions exceptionnelles aux libertés individuelles et publiques (fermetures de lieux recevant du public, limitation des rassemblements, etc.) – étaient censées prendre fin le 30 octobre.

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« Ce texte, je le sais ne soulève pas l’enthousiasme de certains d’entre vous, pas le mien non plus. Mais il est indispensable. Nous devons accepter de restreindre certaines de nos libertés auxquelles nous sommes attachés », a justifié Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, en présentant le texte devant les députés mardi 22 septembre.

Il a répété que le gouvernement « estime indispensable de pouvoir disposer de sa capacité de prendre des mesures d’urgence dans les prochains mois » dans un contexte de rebond de l’épidémie due au SARS-CoV-2.

« Conséquences particulièrement préoccupantes »

La Défenseure des droits a écrit mercredi au président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, à la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, et à la rapporteuse du texte au Palais-Bourbon, Alice Thourot, pour les alerter sur les risques que comporte ce projet de loi.

Dans ce courrier, que Le Monde a pu consulter, Claire Hédon souligne que plusieurs de ses dispositions sont « susceptibles de porter, directement ou indirectement, une atteinte disproportionnée aux droits et aux libertés, notamment à la vie privée et au principe d’égalité »« La liberté d’aller et de venir, la liberté de réunion, le droit au respect de la vie privée et familiale et le droit de chacun au respect de sa liberté personnelle » peuvent ainsi être remis en question par une autorité administrative, comme l’avait déjà relevé devant le Parlement Jacques Toubon, son prédécesseur.

Mme Hédon s’inquiète des « conséquences particulièrement préoccupantes » de ces mesures pour les personnes les plus vulnérables : résidents des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), personnes en situation de précarité, enfants, personnes privées de liberté, etc.

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La Défenseure des droits prend soin de préciser qu’elle ne conteste aucunement la « légitimité » de restrictions de liberté dans un contexte de crise sanitaire comme celui que connaît le pays. Mais elles doivent répondre à trois exigences fondamentales de l’Etat de droit : « la prévisibilité, la nécessité et la proportionnalité ».

Or, les mesures prises ici ou là depuis juillet auraient un « caractère aléatoire », sans que les spécificités locales le justifient. Ce qui « ne garantit ni l’intelligibilité des mesures ni la sécurité juridique des personnes », écrit-elle.

Un projet de loi destiné à créer « un dispositif pérenne »

Des inquiétudes partagées par plusieurs députés de l’opposition qui avaient pourtant soutenu au printemps l’instauration de l’état d’urgence sanitaire. Philippe Gosselin, député (Les Républicains) de la Manche, a ainsi jugé mercredi lors du débat en commission des lois que le projet « va trop loin et [se prolonge]trop longtemps. Nous sommes encore dans un état en partie d’exception. Nous vous donnons les clés de la maison pour six mois », permettant au gouvernement de prendre des mesures « trop attentatoires aux libertés publiques et individuelles ».

Sur la même longueur d’onde, le député communiste de Seine-Saint-Denis Stéphane Peu y voit un « risque d’accoutumance à ce régime d’exception et aux pouvoirs exorbitants qu’il donne à l’exécutif ». Il s’inquiète du « risque de pérennisation dans le droit commun de certaines mesures d’exception ».

De fait, Olivier Véran a informé les députés que le gouvernement présentera d’ici à janvier au Parlement un projet de loi destiné à créer « un dispositif pérenne de gestion de l’urgence sanitaire ». Le but étant de ne plus avoir recours à des rendez-vous intermédiaires de prorogation de mesures transitoires.

« Cette situation n’est pas sans rappeler les prorogations successives de l’état d’urgence sécuritaire entre 2015 et 2017, qui ont conduit à l’adoption de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme du 30 octobre 2017 qui a intégré des mesures de l’état d’urgence dans le droit commun », note Claire Hédon. Pour l’heure, les amendements proposant de renforcer le contrôle parlementaire sur les mesures de ce régime transitoire décidées par le gouvernement ou les préfets ont été rejetés par la commission des lois.Lire l’entretien : « L’urgence ne justifie pas que l’on s’exonère de tout débat public »

La rapporteure du texte, la députée (La République en marche) Alice Thourot, a défendu un « texte équilibré ». L’élue de la Drôme a notamment insisté sur le fait que le conseil scientifique juge « indispensable » cette prorogation. Le Conseil d’Etat a également émis un avis favorable au texte.

Jean-Baptiste Jacquin

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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