Haut-Karabakh : après le rapprochement Soudan- Istraël, Trump essaye encore de remporter la mise à la place de la Russie qui a échoué pour rapprocher les parties

Poutine et Erdogan se jaugent au Haut-Karabakh et en Syrie

Les combats se sont intensifiés vendredi au Haut-Karabakh au moment où les chefs de la diplomatie azerbaïdjanais et arménien étaient reçus à Washington. 

Par Marie Jégo  Publié hier à 11h32, mis à jour hier à 12h04

https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/24/poutine-et-erdogan-se-jaugent-au-haut-karabakh-et-en-syrie_6057244_3210.html

Zohrab Mnatsakanian, le ministre arménien des affaires étrangères (à gauche) avec Mike Pompeo, le secrétaire d’Etat américain, à  Washington, le 23 octobre 2020.
Zohrab Mnatsakanian, le ministre arménien des affaires étrangères (à gauche) avec Mike Pompeo, le secrétaire d’Etat américain, à  Washington, le 23 octobre 2020. HANNAH MCKAY / AFP

Rien ne semble pouvoir arrêter le conflit qui ensanglante depuis près de quatre semaines la région du Haut-Karabakh, dans le sud du Caucase, où l’armée azerbaïdjanaise et les forces indépendantistes arméniennes se sont livrées à de violents combats, vendredi 23 octobre, s’accusant mutuellement d’attaques sur des zones résidentielles.

Au même moment à Washington, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, recevait ses homologues arménien et azerbaïdjanais pour tenter une conciliation, mal partie après l’échec de deux précédentes trêves négociées par la Russie, l’arbitre régional. Les cessez-le-feu ne sont pas respectés, les tentatives de pourparlers se heurtent à un mur. Réussir à asseoir les belligérants à une même table semble relever de l’impossible.

A Washington, les ministres ont ainsi été reçus séparément par M. Pompeo, d’abord Ceyhun Bayramov, le chef de la diplomatie azerbaïdjanais, et après lui Zohrab Mnatsakanian, le ministre arménien des affaires étrangères. Un délai d’une heure s’est écoulé entre les deux entrevues, de façon à ce que les deux diplomates ne puissent pas se croiser.

Un bilan élevé

Aucune déclaration n’a été faite à l’issue des entretiens. « C’est une situation diplomatique compliquée », avait expliqué Mike Pompeo quelques jours plus tôt, soulignant « que chaque pays devait rester en dehors (…) ne pas fournir d’armements, de soutien ». Il faisait allusion à la Turquie qui soutient son allié, l’Azerbaïdjan turcophone, « sur le terrain et à la table des négociations », comme l’a déclaré récemment Mevlüt Cavusoglu, le ministre turc des affaires étrangères.

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Les deux pays sont liés depuis 2010 par un pacte militaire et Ankara, qui entraîne l’armée azerbaïdjanaise depuis des années, n’exclut pas d’envoyer un contingent sur zone au besoin. « Si l’Arménie se livre à des actions imprévues, si Bakou demande l’envoi de troupes, la Turquie n’hésitera pas », a menacé Fuat Oktay, le vice-président turc.

Sur le terrain, les affrontements se sont intensifiés vendredi. Des roquettes ont visé la ville de Martakert et plusieurs villages de la région de Martouni, au Haut-Karabakh, tandis que des bombardements à l’artillerie ont frappé les régions de Terter, Agdam et Agcabadi en Azerbaïdjan. Mieux armés, les Azerbaïdjanais ont avancé ces derniers jours dans le sud de la province, notamment à proximité de la rivière Araxe qui borde la frontière avec l’Iran.

Près de quatre semaines de combats ont fait « environ 5 000 morts », selon le président russe, Vladimir Poutine, qui n’a pas cité ses sources, évoquant « plus de 2 000 morts de chaque côté ». Ce bilan est nettement plus élevé que ceux qui ont été rapportés jusqu’ici.

Un confetti de 4 400 kilomètres carrés

Visiblement las, M. Poutine a expliqué jeudi, dans le cadre d’une conférence portant sur la politique étrangère, qu’il parlait « plusieurs fois par jour au téléphone » avec le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, et le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, et qu’il ne prendrait pas parti. « Personne n’est autant intéressé à régler la situation que la Russie », a-t-il assuré.

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Le Haut-Karabakh, un confetti de 4 400 kilomètres carrés appartenant à l’Azerbaïdjan, vit depuis 1991 sous le contrôle des forces indépendantistes arméniennes qui l’ont conquis avec l’aide de l’Arménie lors d’une guerre acharnée (30 000 morts) survenue après l’effondrement de l’URSS.

L’Azerbaïdjan se dit prêt à cesser ses opérations militaires à condition que les forces arméniennes se retirent de l’enclave et des territoires occupés, soit sept districts environnants, conquis puis vidés de leurs habitants azerbaïdjanais entre 1992 et 1994. « Bakou ne veut pas reconquérir les territoires qui sont les siens mais plutôt les libérer de l’occupation arménienne. La population azerbaïdjanaise a beaucoup souffert de cette occupation. Près de 1 million de nos concitoyens ont été contraints de quitter leurs terres. Ils attendent depuis longtemps le jour où les territoires occupés seront libérés pour pouvoir rentrer chez eux », explique Fazil Zeynalov, enseignant-chercheur à la faculté de droit de l’université de Bakou.

Après vingt-six ans de négociations infructueuses, les autorités azerbaïdjanaises estiment qu’il n’est pas nécessaire de discuter davantage et que la force est le meilleur moyen à leur disposition pour récupérer leurs terres

Il rappelle que son pays a le droit international pour lui. « Plusieurs résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale des Nations unies ont réaffirmé l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan, demandant le retrait des forces armées arméniennes des territoires occupés. L’Azerbaïdjan veut que ces résolutions soient appliquées. » Après vingt-six ans de négociations infructueuses sous l’égide du Groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), coprésidé par la France, les Etats-Unis et la Russie, les autorités azerbaïdjanaises estiment qu’il n’est pas nécessaire de discuter davantage et que la force est le meilleur moyen à leur disposition pour récupérer leurs terres.

L’allié turc partage ce point de vue. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, n’a de cesse de fustiger le Groupe de Minsk, lequel « n’a rien fait en trente ans » pour résoudre le problème. Début octobre, il avait qualifié d’« inacceptable » l’appel conjoint de Paris, de Moscou et de Washington en faveur d’un cessez-le-feu. A cette occasion, il avait fait remarquer que la Russie portait une responsabilité dans la reprise des combats au Haut-Karabakh, symptôme selon lui d’une crise plus large, commencée avec « l’occupation » de la Crimée.

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Vladimir Poutine, qui a annexé la péninsule ukrainienne en 2014 après y avoir envoyé des forces spéciales, au mépris du droit international, n’a pas apprécié l’allusion. Interrogé jeudi par des politologues sur sa relation avec M. Erdogan, il s’est montré serein, assurant que ce dernier, bien que paraissant parfois « un peu dur », était au fond « un homme politique flexible et un partenaire fiable pour la Russie ». Engagés dans une coopération transactionnelle en Syrie depuis 2017, les deux dirigeants parviennent à s’entendre alors qu’ils jouent dans des camps opposés. Vladimir Poutine est le meilleur soutien du régime de Damas et Recep Tayyip Erdogan se pose en protecteur de la rébellion syrienne.

Mise à l’épreuve d’un attelage improbable

L’implication soudaine de la Turquie au Haut-Karabakh, dans l’arrière-cour de la Russie, met à l’épreuve cet attelage improbable. Pour rogner les ailes du remuant partenaire turc, le maître du Kremlin a décidé de sévir à Idlib, le dernier fief des rebelles, dans le nord-ouest de la Syrie, où l’armée turque dispose de douze postes d’observation acquis en 2017. Depuis février, huit de ces postes sont encerclés par les forces gouvernementales syriennes, qui ont multiplié ces derniers mois les attaques sur la province, avec l’aide des Russes.

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Coupés de tout, les centaines de soldats turcs présents sur ces postes continuaient jusqu’ici à recevoir des approvisionnements de leur armée, sous l’œil bienveillant des forces russes qui laissaient passer les convois. Ça n’est plus le cas depuis lundi. Selon des observateurs, faute d’approvisionnement, le poste de l’armée turque à Morek, au sud d’Idlib, a été démantelé. D’autres vont suivre. Sans reconnaître officiellement le retrait de ses troupes, Ankara mène des pourparlers discrets avec Moscou dans l’espoir de se voir attribuer de nouveaux emplacements pour ses soldats, ses chars, son artillerie et ses véhicules blindés.

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Marie Jégo(Istanbul, correspondante)

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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