Davantage de filles, de diversité sociale et géographique : le nouveau visage des admis aux Sciences Po
En raison de la crise sanitaire, les Instituts d’études politiques ont sélectionné leurs candidats sur la base des notes obtenues au lycée, et non pas via un concours.
Par Jessica Gourdon Publié hier à 01h18, mis à jour hier à 20h46

Le concours d’entrée aux « Sciences Po », Ninon pensait au début que « c’était que pour les Parisiens ». Et puis, dans son lycée de Decazeville (Aveyron), elle a suivi un programme labellisé « cordées de la réussite » – un ensemble de cours et de rencontres qui vise à diversifier le profil des jeunes qui réussissent les épreuves. « Ça m’a montré que des gens de mon lycée pouvaient y prétendre. Ça a vraiment été décisif », raconte la jeune femme de 18 ans, fille d’une enseignante en maternelle et d’un gérant d’une boutique bio.
Mais en avril, patatras. Les épreuves ont été annulées en raison de l’épidémie de Covid-19. Les sept Sciences Po du concours commun (Aix, Lille, Lyon, Rennes, Saint-Germain-en-Laye, Strasbourg, Toulouse), ainsi que ceux de Bordeaux et de Grenoble, ont chamboulé leur sélection. Les traditionnelles dissertations écrites ont été remplacées par une sélection par le biais de Parcoursup, grâce à des algorithmes permettant de classer les dossiers selon les notes obtenues au lycée, ainsi que, pour certains élèves, au travers des résultats du bac. Pas de concours, pas de « prime » à ceux qui s’y préparaient parfois de manière très intense depuis plusieurs mois, quitte à avoir mis de côté leurs résultats au lycée : certains sont tombés de haut.
« Excellents éléments » de leur lycée
Une nouvelle donne qui a in fine bénéficié à Ninon : elle a intégré, en septembre, Sciences Po Toulouse, forte de son 17 de moyenne en terminale L et de son bac mention « très bien ». Une nouvelle donne qui a surtout – et c’est la grande surprise – modifié de manière sensible le visage des admis dans ces grandes écoles, devenues au fil des ans très attractives et très sélectives. Cette année, parmi les 10 000 candidats au concours commun des sept Instituts d’études politiques (IEP), 82 % n’ont pas obtenu de place.
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Qui sont donc les nouveaux lauréats époque « corona » ? Premier constat : alors que le concours rebattait les cartes parmi les aspirants, mis sur un pied d’égalité face aux épreuves écrites, les admis 2020 sont, encore plus que les autres années, les « excellents » éléments de leur lycée, sur le temps long.
87 % de mentions « très bien » au bac
Pour preuve : à Sciences Po Bordeaux, la moyenne médiane de première et terminale en histoire-géo était de 17,1 chez les admissibles. Au concours commun, 87 % des entrants ont eu une mention « très bien » au bac. « C’est beaucoup plus que les autres années, où nous avions environ 70 % de mentions “très bien” », constate Olivier Brossard, directeur de l’IEP de Toulouse et porte-parole du concours commun.
Louis, reçu au concours commun cette année, avait environ 18 de moyenne en terminale dans son lycée du Gers. Au bac, il a eu 18,3 de moyenne. Il reconnaît que la sélection sur dossier l’a plutôt « arrangé », car il s’était « peu préparé » aux épreuves. Il avait tout misé sur Sciences Po Paris, loupé de justesse.
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Mais la plus grande surprise, de l’avis des responsables de ces instituts, c’est la féminisation du recrutement 2020. Alors que les femmes constituaient 59 % des candidats au concours commun – comme l’année passée –, elles sont désormais ultra-majoritaires chez les admis : dans les sept IEP, la nouvelle promo compte 72 % de filles (60 % l’année dernière). Du jamais-vu. A Sciences Po Bordeaux, ce chiffre atteint 76 %, et même 78 % à Grenoble. « Concrètement, dans mon cours de travaux dirigés de quinze élèves, il y a trois garçons. Au point qu’hier, le prof utilisait le féminin quand il s’adressait à la classe », observe Ninon, à Toulouse.
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« Les candidates avaient de meilleures moyennes au lycée », constate simplement Olivier Brossard, à Toulouse. Un résultat qui ne surprend pas Agnès van Zanten, sociologue, directrice de recherche au CNRS, spécialiste de l’éducation. « Les filles sont de meilleures élèves, donc ce n’est pas étonnant qu’avec ce type de sélection elles soient davantage représentées. En outre, divers travaux ont montré qu’à niveau égal, les filles “sous-performent” aux concours. Elles sont davantage sujettes à l’anxiété, et sont moins bonnes que les garçons quand il s’agit d’être meilleures que les autres dans une situation de compétition. »
Autre hypothèse mise en lumière par la recherche, qui pourrait éclairer ces résultats, selon la sociologue : si les filles ont de meilleurs dossiers scolaires,« c’est aussi parce qu’elles peuvent être parfois notées de manière plus indulgente par leurs professeurs de lycée, car elles ont des comportements plus coopératifs ».
Au sein du réseau des IEP, on compte cette rentrée 27 % de boursiers : ils étaient 16 % l’année dernière
Avec une sélection sur les notes du lycée et non plus sur concours, les nouvelles promos des « Sciences Po » sont aussi plus diverses socialement. Au sein du réseau des IEP, on compte cette rentrée 27 % de boursiers : ils étaient 16 % l’année dernière. Un bond « énorme », constate Olivier Brossard. En outre, la diversité géographique s’est accrue, avec plus de provinciaux et moins d’admis originaires d’Ile-de-France.
S’agit-il là d’un effet Parcoursup, alors que les IEP intégraient pour la première fois la plate-forme ? Le système donne en effet une visibilité nationale aux formations et leur impose un quota de boursiers, en lien avec le profil des candidats. Il pourrait aussi s’agir d’une conséquence indirecte de la suppression du concours, lequel avantage plus certains jeunes qui auraient pu en tirer parti, notamment ceux recourant à des prépas privées.
« En supprimant le concours, vous favorisez les bons lycéens qui ont travaillé consciencieusement pendant deux ans. Cela remet en question cette culture du “je la joue au talent” et le côté aléatoire des écrits », observe de son côté Vincent Tiberj, chercheur à Sciences Po Bordeaux. Ce système peut également défavoriser les jeunes issus d’excellentes classes au lycée, alors que les notes d’une classe se répartissent en partie en fonction du niveau du groupe. Un biais que l’IEP de Bordeaux a cherché à corriger dans son propre algorithme, évaluant le candidat par rapport à la moyenne de sa classe.
Finalement, ce mode de recrutement est-il « meilleur » que celui avec concours ? La crise sanitaire a en tout cas accéléré une évolution en cours, à savoir la diminution progressive du poids des épreuves écrites dans les processus de sélection, « au profit d’une évaluation sur dossiers et oraux, à la manière des universités anglo-saxonnes », décrypte Annabelle Allouch, maîtresse de conférence en sociologie à l’université de Picardie, autrice de La Société du concours (Seuil, 2017).
« Tout le monde sur un pied d’égalité »
Si Bordeaux a déjà acté, comme Sciences Po Paris, la suppression de son concours en 2021, le réseau des sept IEP maintiendra au printemps ses épreuves classiques.« Nous tenons à un système qui met tout le monde sur un pied d’égalité, avec une garantie d’anonymat, et qui permet d’évaluer les étudiants sur une compétence fondamentale, à savoir la maîtrise de l’expression écrite », pointe Olivier Brossard.
« Les grandes écoles sont attachées aux concours écrits, qui représentent pour elles un capital symbolique. C’est le mode de sélection perçu comme légitime et méritocratique, le symbole de l’élite scolaire. Et puis, alors que certains IEP sont très liés aux universités locales, c’est aussi un moyen pour eux de se distinguer dans cet ensemble », analyse Annabelle Allouch.
Les « Sciences Po » du concours commun réfléchissent à instaurer en 2022 un système mixte, qui prenne aussi en compte les résultats du lycée, mais rien n’est encore acté. Pour le concours du printemps prochain, deux thèmes ont été sélectionnés : la révolution et le secret.
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*L’ oral, nouvel élément clé de la sélection dans l’enseignement supérieur
L’exercice va devenir l’épreuve phare de certains concours et du bac. A Gennevilliers, une association intervient auprès de lycéens pour les aider à développer leurs compétences dans ce domaine.
Par Alice Raybaud Publié le 19 janvier 2020 à 06h00 – Mis à jour le 19 janvier 2020 à 10h34

« Aujourd’hui, je vais vous raconter l’histoire d’un jeune homme qui voulait devenir président de la République », commence Michaël, 16 ans, face à la classe. Les bras du lycéen s’agitent, ses yeux cherchent les sourires de ses camarades. On l’alerte : il faut prendre garde à bien articuler, et ne pas perdre le fil du récit. Au lycée Galilée de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), pour les élèves de 1re spécialité « humanités, littérature et philosophie », le vendredi matin, il faut donner de la voix.
En six séances, l’association Graine d’orateur 93 apprend à ces jeunes à manier le discours oral. Au fil d’exercices ludiques, le formateur Nelson Kamen distille ses conseils : « utilise les silences pour mieux contrôler ton propos », « ne baisse pas le regard, garde-nous avec toi ». Charismatique, ce professeur d’anglais en collège capte l’attention des lycéens, qui n’hésitent pas à se jeter à l’eau. Les plus introvertis finissent eux aussi par se prêter au jeu.
Ce jour-là, ils apprennent à intégrer le « storytelling » dans leurs discours. Raconter des histoires, vraiment ? « Ça permet de faire s’identifier la personne qui écoute », tente une lycéenne en sweat rose. « Excellent ! L’identification permet de raccrocher l’essence du discours au vécu de chacun et, ainsi, de capter l’attention de tout l’auditoire », rebondit le formateur. En entretien d’embauche, lors d’une discussion avec un ami ou pour se sortir du pétrin… Le storytelling peut servir en toutes circonstances, rappelle Nelson Kamen. « C’est surtout un point essentiel pour des oraux de concours, qui demandent une mise en scène de sa personnalité et de son parcours », ajoute-t-il.
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Individualiser la sélection
Anciens élèves de Sciences Po Paris, les fondateurs de Graine d’orateur 93 se sont engagés sur le front de l’éloquence en 2015, bien conscients de l’enjeu de l’oral dans l’enseignement supérieur, et particulièrement dans leur ancienne école. Cette dernière a annoncé en 2019 la suppression des épreuves écrites de son concours d’entrée : à partir de 2021, elle choisira ses étudiants sur la base de leur dossier et d’un oral qui, s’il a toujours existé dans le processus de sélection, est réinvesti. Comme dans l’institution parisienne, privilégier l’oral sur l’écrit – jusque-là plébiscité dans les concours à la française – est devenu une tendance de fond pour les grandes écoles. Ces dernières années, Sciences Po a ainsi supprimé ses épreuves écrites pour l’admission directe en master – tout comme HEC et l’ESCP. Le Centre de formation des journalistes depuis 2018 et certaines écoles de commerce post-bac, comme l’Istec, ont fait de même.
« L’oral est considéré par la plupart des écoles comme l’épreuve la plus juste et la plus efficace ». Annabelle Allouch, chercheuse et auteure de « La Société du concours ».
« Selon les époques et les représentations sociales qui y sont associées, l’oral a disparu ou est apparu dans les concours, explique la sociologue Annabelle Allouch, auteure de La Société du concours (Seuil, 2017). Aujourd’hui, il est considéré par la plupart des écoles comme l’épreuve la plus juste et la plus efficace. » Face à la massification de l’enseignement supérieur, elles y voient la garantie de « sélectionner plus finement leurs étudiants », précise la chercheuse. « A l’heure où l’on valorise fortement les personnalités et où on affirme ne plus chercher d’individus standardisés, l’oral permet d’individualiser la sélection. Avec, dans le discours de ces institutions, la recherche d’une certaine authenticité chez les candidats – ce qui est paradoxal dans une épreuve qui reste très scolaire. »

Pour les grandes écoles, l’oral permet de déceler chez le candidat des éléments que n’indique pas l’écrit. « C’est un moment privilégié pour échanger sur ses motivations et s’assurer qu’il y a bien adéquation entre son projet et celui de l’école, résume Alice Guilhon, directrice de Skema Business School et présidente du Chapitre des écoles de management de la Conférence des grandes écoles (CGE). A Skema, nous avons réorganisé l’oral autour d’un CV projectif : le candidat explique où il s’envisage plus tard. Cela nous permet de juger si l’étudiant est conscient de ce qu’il veut faire et de nous assurer qu‘il n’est pas un clone parmi d’autres. »
Risque de discriminations
Même dans les écoles d’ingénieurs qui valorisaient très peu les épreuves orales, on commence à réfléchir à leur mise en avant, confie Laurent Champaney, directeur des Arts et métiers Paris-Tech, et président de commission à la CGE. « En sortie d’école, les recruteurs demandent désormais massivement une maîtrise des soft skills, ces compétences autour du relationnel et de l’émotionnel qui peuvent être testées lors d’un oral, souligne-t-il. Jusque-là, les concours proposaient surtout des épreuves orales techniques, avec des résultats déjà évalués par l’écrit. Désormais, il s’agit de penser des épreuves centrées sur la motivation. »Article réservé à nos abonnés Lire aussi Oraux du bac : « On ne peut pas s’exprimer avec aisance si on n’a pas un minimum d’estime de soi »
Les chercheurs alertent pourtant sur l’aspect discriminant des épreuves orales. Le sont-elles plus ou moins que l’écrit ? Le débat n’est pas tranché parmi les spécialistes. « Dans un oral, s’ajoute l’apparence physique du candidat, qui influe grandement sur les décisions d’un jury : la beauté, l’origine ethnique ou encore le poids, insiste le chercheur en sciences de l’éducation Pierre Merle, spécialiste de la notation. Mais surtout, l’oral va valoriser les codes langagiers et l’hexis corporelle – le maintien du corps, la mise en scène de soi – des candidats de familles aisées. »
Une question d’importance dans un contexte scolaire français qui avait jusque-là peu investi cette dimension. Ces compétences deviendront centrales pour la future épreuve du « grand oral » du bac, qui sera introduite en 2021. « L’oral est partout aujourd’hui, alors le mettre au cœur du lycée est un bon signal. Mais si cela ne s’accompagne pas d’une vraie formation des élèves et des professeurs, cela ne fera que creuser les inégalités sociales », alerte Ahmet Akyurek, cofondateur de Graine d’orateur 93.
Tâtonnements
C’est face à ce constat que le professeur de lettres de Galilée, Julien Marsay, a fait appel à cette association. « Nos élèves ont une pratique spontanée de l’oral. Mais dès lors que l’on parle des codes de l’oral tels qu’ils sont attendus dans des épreuves certificatives ou sélectives, ils sont défavorisés par rapport à des jeunes de centre-ville, explique-t-il. Ne serait-ce que sur la confiance en eux, il y a un travail gigantesque à mener. »
Mais Julien Marsay a conscience que ce dispositif est « exceptionnel ». Dans beaucoup de lycées, avec la perspective du grand oral du bac – dont le flou sur les attendus inquiète élèves et professeurs –, on s’organise avec les moyens du bord. Devant les difficultés de ses élèves et inspirée par le film A voix haute, Aglaé Hamonic, professeure d’espagnol au lycée Jacques Feyder d’Epinay-Sur-Seine (Seine-Saint-Denis), a décidé de monter au pied levé un atelier d’éloquence, le mercredi après-midi. « Ici, je progresse sur ma gestuelle, j’ai moins peur de parler devant des personnes que je ne connais pas », se félicite Illyes, 16 ans, qui réfléchit aux concours de Sciences Po et de l’université Paris-Dauphine. L’enseignante sent cependant qu’elle « tâtonne » encore dans la gestion de cet atelier spontané.
« L’épreuve orale ancienne, ultra codifiée et très discriminante, est obsolète ».
Cyril Delhay, professeur d’art oratoire
à Sciences Po.
Malgré tout, l’oral pourrait-il être un levier d’égalité des chances ? Ecoles et éducation nationale en font le pari assumé. « L’oral se nourrit de compétences plurielles : pour chaque élève, il s’agit de s’appuyer sur ses points forts pour l’aider à se révéler par cet exercice, estime Cyril Delhay, professeur d’art oratoire à Sciences Po et auteur d’un rapport sur le grand oral. L’épreuve orale ancienne, ultra codifiée et très discriminante, est obsolète : aujourd’hui elle met l’individu au centre et, comme une maïeutique, entend faire advenir le meilleur du candidat. »
Les directeurs d’école interrogés insistent sur l’aspect dialogué de leurs épreuves : « Les jurys seront vigilants pour aller chercher des informations auprès du jeune candidat qui ne viendrait pas naturellement de lui-même », affirme Bénédicte Durand, directrice des études de Sciences Po Paris.
« Le problème, c’est que l’oral suppose de savoir se mettre en scène. Un candidat qui n’y parvient pas est considéré comme un risque que les écoles ne sont pas toujours prêtes à prendre… », tempère la chercheuse Annabelle Allouch, qui rappelle toute la difficulté de se départir de ses biais sociaux et de genre, même pour un jury très averti. Pour gommer ces biais reste une solution, que beaucoup d’établissements disent appliquer : garantir, au sein même du jury, une véritable diversité.Avec la fin du concours, Sciences Po repense ses oraux
En 2021, les candidats à Sciences Po Paris seront les premiers à expérimenter une procédure réformée pour entrer en première année. Les épreuves écrites seront supprimées et une nouvelle version de l’oral sera instituée. Rallongée pour durer trente minutes, cette épreuve n’est pas pensée comme un « oral couperet », précise cependant Bénédicte Durand, directrice des études de l’école : « La note sera ajoutée à celles des trois autres critères, évalués par un dossier : trajectoire du lycéen, notes du bac et projet motivé. »
La plus grande partie de l’entretien tournera autour d’une lecture d’image (photo, tableau figuratif ou abstrait), commentée par le candidat. S’ensuivra un temps d’échange, où l’école entend tester la culture générale, la capacité de rebond ou d’imagination du candidat. « Avec la surprise du support, il ne s’agit pas de valoriser des parcours de sur-préparation, avec des candidats qui auront appris par cœur la plaquette de l’école », souligne la directrice des études. Autre grande nouveauté : l’oral sera effectué à distance par ordinateur, pour tous les candidats. Un moyen essentiel, pour Sciences Po, « de gommer les inégalités de proximité au centre d’examen parisien ».Article réservé à nos abonnés Lire aussi Réforme de Sciences Po : « Un oral n’est pas moins discriminant que des épreuves écrites »
**La crise sanitaire pousse à la féminisation dans les écoles d’ingénieurs
Avec une sélection sur la base du dossier scolaire au printemps, pour cause deCovid-19, printemps, les établissements enregistrent une hausse du nombre d’étudiantes admises.
Par Eric Nunès Publié hier à 07h00, mis à jour hier à 07h31

C’est une des surprises de cette rentrée 2020 : sur les bancs de l’école d’ingénieurs Iteem-Centrale Lille, les étudiants de première année de ce cursus en cinq ans sont aussi nombreux que les étudiantes. Sur les 64 places proposées par l’établissement, 32 sont occupées par des jeunes femmes. Cela peut paraître anodin mais c’est exceptionnel, pour un cycle d’ingénieur généraliste. Le bouleversement du mode de sélection dû à la crise sanitaire a changé le profil des admis dans plusieurs
L’Iteem, comme la majorité des écoles qui intègrent leurs étudiants post-bac, sélectionne habituellement ses candidats par le biais d’un concours : « Des épreuves écrites, puis un oral », explique Hervé Camus, directeur de l’établissement. Traditionnellement, 23 % des admis sont des femmes, un taux observé depuis plusieurs années. En 2020, du fait de la crise sanitaire et de l’impossibilité d’organiser des épreuves, la sélection a été basée sur le dossier Parcoursup, c’est-à-dire l’examen des notes au lycée, d’une lettre de motivation et du CV des candidats. Le nombre d’admises a doublé, alors que la part de femmes parmi les candidates était stable par rapport aux années passées.
« Une année exceptionnelle »
Le concours Avenir, qui sélectionne près de 11 000 candidats à l’entrée de sept écoles d’ingénieurs post-bac, a également enregistré une hausse de 6 % du nombre de femmes reçues en 2020. Le concours écrit a été supprimé, et le classement a été établi uniquement sur la base du dossier scolaire. Alors que le rang moyen des admis (les deux sexes confondus) est de 3 075, « le rang moyen des filles est de 2 927, remarque Alexandre Recchia, délégué général du concours Avenir. Elles sont donc mieux classées. »
Idem à l’Esilv, école du pôle Léonard de Vinci, qui établit habituellement sa note de sélection en prenant en compte pour 80 % la note de concours écrit, et pour 20 % le dossier. En 2019, 18 % de filles ont été admises dans l’école. Avec le système basé à 100 % sur le dossier, ce taux est monté, à la rentrée 2020, à 29 %. « Une année exceptionnelle », constate Nelly Rouyrès, directrice du développement de l’établissement. Le groupe INSA, qui accueille 2 200 nouveaux étudiants, compte de son côté 42 % de filles en première année.
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« Les filles sont simplement plus sérieuses sur le long terme que les garçons. Elles ont donc de meilleurs dossiers », constate Rose-Noëlle Vannier, directrice de l’Ecole nationale supérieure de chimie, à Lille. « Elles sont dans la continuité, abonde Nelly Rouyrès, alors que des garçons qui ont des dossiers moins bons vont se mobiliser à fond avant le concours, surperformer le jour J et remonter au classement. » Une opportunité qui ne leur a pas été offerte en 2020.
« Enjeu culturel majeur »
Au sein du réseau des écoles d’ingénieurs Polytech, qui accueillaient à la rentrée 3 500 étudiants en première année, la suppression des épreuves écrites et orales, remplacées par l’étude du dossier des candidats, a eu également un effet sur la féminisation des nouvelles cohortes. La part de filles, qui était de 29 % en 2019, est passée à 33 %. « Une augmentation significative », reconnaît Fabrice Guérin, président du concours Geipi Polytech, qui met cela au crédit des « actions menées au sein des lycées pour convaincre les jeunes femmes de mener une carrière en ingénierie ».
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Toutes les écoles d’ingénieurs n’ont pas enregistré une poussée des femmes admises à la rentrée. Le concours Puissance Alpha, qui régit l’entrée d’une quinzaine d’établissements, n’a pas noté de différence, malgré un classement réalisé sur les seuls dossiers des candidats. « Nous n’avons toujours que 20 % de femmes, regrette Olivier Paillet, directeur du groupe ESEO. C’est un enjeu culturel majeur de changer.. Il y a une demande extraordinaire des entreprises pour des femmes ingénieures et une variété de carrières s’offre à elles… L’ingénieur est le couteau suisse de l’entreprise. »
Depuis près de dix ans, la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI) mène des campagnes pour convaincre lycéennes et étudiantes de rejoindre les filières d’ingénierie, avec un succès très mesuré. En 2018, le taux de féminisation des écoles d’ingénieurs était de 32,7 %. En 2019, il est passé à 32,4 %.