Big Pharma obtient des brevets sur l’association de produits anciens en Inde ou dans d’autres pays sans aucune justification – Cependant Sanofi vient de renoncer à des brevets concernant des traitements pour la tuberculose en Inde

Tuberculose : le traitement à base de rifapentine enfin accessible à tous ?

Durant l’été, sous la pression d’ONG, Sanofi a renoncé à des brevets sur cette molécule ancienne utilisée dans une nouvelle combinaison thérapeutique contre les formes latentes de la maladie. Un épisode qui illustre les tensions entre propriété intellectuelle et accès aux médicaments essentiels. 

Par Catherine Mary  Publié le 19 octobre 2020 à 18h30, mis à jour à 06h24

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/10/19/tuberculose-le-traitement-a-base-de-rifapentine-enfin-accessible-a-tous_6056612_1650684.html

GILLES RAPAPORT

Après plusieurs mois de bras de fer, la firme pharmaceutique Sanofi a fini par céder. Le motif de la discorde ? L’accès des pays les plus pauvres aux nouveaux traitements contre la tuberculose latente, associant deux molécules connues depuis des décennies, la rifapentine et l’isoniazide, association classée parmi les médicaments essentiels par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Seul détenteur de ces molécules, Sanofi avait en effet déposé, depuis la première commercialisation du produit, en 2014, des demandes de brevets dans des dizaines de pays, ce qui lui permettait d’être en position de force pour en négocier le prix. Avec, pour justification, des améliorations apportées à la formulation du médicament. Un procédé inacceptable pour les personnes qui militent en faveur de l’accès aux traitements, qui dénonçaient des demandes abusives, caractéristiques du dysfonctionnement du système des brevets.

« Si on peut breveter pour vingt ans deux molécules contre la tuberculose qui sont très anciennes et dont l’efficacité de la combinaison a été prouvée grâce à de l’argent public, cela veut dire que le système des brevets est profondément dysfonctionnel », s’indigne Pauline Londeix, cofondatrice de l’Observatoire pour la transparence du médicament.

« Je pense que cette nouvelle lutte pour l’accès à la rifapentine est emblématique de la situation des médicaments contre la tuberculose. L’essentiel de la recherche clinique a été financé par des agences publiques américaines, les Centers for Disease Control [CDC] et les National Institutes of Health [NIH], complète Mike Frick, codirecteur du projet tuberculose de l’association new-yorkaise Treatment Action Group (TAG). Sanofi a participé aux essais cliniques en finançant une partie de la recherche, en fournissant le médicament pour les études et par une participation scientifique, mais l’essentiel de cette recherche a été mené par un pôle public et le produit qui en résulte est privatisé et détenu par une organisation dont le modèle est fondé sur le profit. »

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D’où la mobilisation internationale pour dénoncer le caractère infondé des dépôts de brevets par Sanofi. En décembre 2019, la firme avait retiré ses demandes auprès de l’Office européen des brevets et du gouvernement indonésien, puis en Inde en avril 2020, après les contestations légales déposées par les militants. Ce qui ne l’avait pas empêchée d’obtenir leur approbation dans plusieurs pays, dont l’Afrique du Sud, la Chine et l’Australie, et de maintenir ses demandes dans des dizaines d’autres, dont le Brésil, le Mexique, la Thaïlande et le Nigeria.

Disparités selon les pays

Mais un courrier conjointement signé du TAG et de l’Observatoire pour la transparence du médicament, adressé le 3 août à Sanofi, plaçait l’industriel face au scandale qui le menaçait en cas de maintien de ses demandes.

« Aucune firme ne devrait pouvoir s’emparer de deux médicaments dans le domaine public et privatiser leur combinaison, martelaient les auteurs. Personne ne pourrait comprendre la décision de votre compagnie de chercher l’obtention d’un monopole sur les thérapies préventives contre la tuberculose, y compris dans les pays particulièrement touchés par la maladie, et en particulier sur une combinaison de molécules vieilles de plusieurs décennies que Sanofi n’a pas découvertes. »

Dès le lendemain, Isabelle Villadary, directrice du programme malaria et tuberculose de Sanofi, leur répondait en indiquant que la firme s’engageait à abandonner ses brevets, et à ne poursuivre aucun concurrent utilisant sa formulation du médicament contre la tuberculose latente. Elle insistait aussi sur la volonté de son entreprise de favoriser la création d’une concurrence entre ses produits et ceux des génériqueurs, seul moyen selon elle pour atteindre les objectifs de l’ONU en matière de lutte contre la tuberculose latente.

« Il faut la transparence sur les brevets car c’est dans le contrat social de ce type de propriété intellectuelle »

Ce dénouement semble emblématique du dysfonctionnement du système des brevets, qui contraint les militants à renouveler sans cesse leur combat. Les accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), qui ont rendu les brevets obligatoires sur les médicaments dans les années 1990 au moment de la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), prévoyaient des flexibilités permettant à chaque pays membres d’adapter ces règles, de manière à préserver les enjeux de santé publique. Mais leur application a conduit à la création d’importantes disparités sur les critères et les conditions de délivrance des brevets.

« Certains pays, comme le Maroc ou l’Afrique du Sud, délivrent les brevets sans vérifier les critères de brevetabilité, tandis que d’autres, comme l’Egypte, qui a rejeté le brevet de Gilead contre l’hépatite C, ont bien intégré les mesures de flexibilité prévues par ces systèmes pour les pays en développement, explique Pauline Londeix. C’est pour cela qu’il faut la transparence sur les brevets car c’est dans le contrat social de ce type de propriété intellectuelle : l’Etat vous donne un monopole de vingt ans mais, en échange, vous décrivez votre invention afin de la rendre disponible à la société. Le problème, c’est qu’il y a énormément de brevets qui sont délivrés et on ne sait pas trop ce qu’ils recouvrent. Il y a une opacité. » C’est ce qui a permis à Sanofi de breveter une formulation de médicament combinant la rifapentine et l’isoniazide, malgré l’absence de justification.

Résistances aux antibiotiques

Pour en mesurer la portée, il faut comprendre le rôle joué par ce nouveau traitement dans les dernières stratégies de lutte contre la tuberculose. L’OMS estime à 1,4 million le nombre de décès causés par la maladie à travers le monde en 2019 et à 10 millions le nombre de nouveaux cas. Trente pays concentrent 87 % de ces cas, à la tête desquels l’Inde, la Chine, la Fédération de Russie, l’Indonésie, Les Philippines, le Pakistan, le Nigeria, le Bengladesh et l’Afrique du Sud.

La situation est rendue d’autant plus préoccupante par l’émergence de formes résistantes aux antibiotiques utilisés contre les formes symptomatiques de la tuberculose. En 2019, l’OMS dénombrait près de 465 000 nouveaux cas de résistance aux antibiotiques, dont moins de 40 % avaient accès à des traitements adaptés. D’où le recentrage depuis de sa stratégie de lutte sur le traitement de la tuberculose latente, chez les personnes infectées mais asymptomatiques, visant à éliminer à sa source le réservoir qui alimente les cas de tuberculose active. En 2014 et 2015, l’ONU et l’OMS ont conjointement adopté comme objectif une diminution de 90 % du nombre de morts par tuberculose et de 80 % de l’incidence d’ici à 2030, impliquant notamment le traitement préventif de 30 millions de personnes à travers le monde d’ici à 2022. Ce chiffre atteignait 6,3 millions en 2018-2019, soit seulement un cinquième de cet objectif.L’impact du Covid-19 sur la tuberculose

La pandémie de Covid-19 risque de compromettre les avancées des cinq dernières années en matière de lutte contre la tuberculose, réalisées dans le cadre de la stratégie d’élimination de la maladie conjointement adoptée par l’ONU et l’OMS en 2014 et 2015. Telle est l’alerte lancée par l’OMS dans un communiqué publié le 14 octobre. Une réduction de 9 % de l’incidence de la maladie et de 14 % des décès a été observée entre 2015 et 2019, année où la tuberculose a tué 1,4 million de personnes. Mais en 2020, de nombreux pays ont alloué les ressources et les financements consacrés à la lutte contre la tuberculose à celle contre le Covid-19. C’est le cas notamment pour les appareils de diagnostic. D’après un rapport qui vient d’être publié à partir des données recueillies dans 200 pays, le nombre de cas de tuberculose détectés a significativement diminué entre janvier et juin, par rapport à la même période en 2019. Cette diminution a ainsi atteint 25 à 30 % en Inde, en Indonésie et aux Philippines, pays parmi les plus touchés, et pourrait provoquer 200 000 à 400 000 décès supplémentaires à travers le monde en 2020, estime l’OMS. Le nombre de cas pourrait par ailleurs augmenter d’un million par an durant la période 2020-2025, en raison de l’impact économique de la pandémie.

« Le problème, c’est d’atteindre les populations à risque, comme les enfants en contact avec un adulte malade au sein d’une famille, précise Christophe Perrin, responsable du plaidoyer pour la tuberculose à la campagne d’accès aux médicaments de Médecins sans frontières. Avec l’isoniazide seul, où le traitement durait six mois, il était difficile de convaincre les parents de traiter leurs enfants alors qu’ils n’avaient pas de symptômes. L’association avec la rifapentine permet la mise au point de formulations beaucoup moins contraignantes, comme par exemple avec des comprimés dispersibles. »

Jusqu’à la commercialisation de la combinaison rifapentine-isoniazide, ce traitement reposait sur cette dernière, utilisée depuis 1952 contre la tuberculose. Il consistait en une dose journalière pendant neuf à vingt mois. Ce traitement était d’autant moins suivi par les personnes à risque qu’il pouvait provoquer des effets secondaires, notamment hépatiques.

Fusions et acquisitions

Antibiotique de la famille des rifamycines, la rifapentine, combinée à l’isoniazide, permet de réduire à la fois la durée du traitement et le nombre de doses. Bien que son efficacité contre la tuberculose latente n’ait été démontrée que récemment, à la suite d’une série d’études menées chez l’humain dans les années 2000 principalement financées par les CDC américains, la rifapentine est connue depuis plusieurs décennies.

Elle a été synthétisée pour la première fois par le laboratoire italien Lepetit Lab en 1967, après modification chimique de la rifamycine B, isolée dix ans plus tôt. Elle a ensuite appartenu à plusieurs laboratoires pharmaceutiques, au gré des fusions et des acquisitions, tombant dans l’escarcelle de Sanofi en 2004, après le rachat d’Aventis, qui l’avait lui même acquise en 1999 lors de l’achat du laboratoire Hoechst Marion Russel.

L’intérêt de son association avec l’isoniazide dans le traitement contre la tuberculose latente a été pour la première fois démontré par deux études menées chez la souris, en 1993 et 1999. Des études ont ensuite été menées chez l’homme, menant à l’autorisation de commercialisation du traitement, en 2014, par la Food and Drug Administration (FDA), aux Etats-Unis, et à sa recommandation par l’OMS, en 2015. Deux traitements ont été évalués, le 3HP – une dose hebdomadaire durant trois mois – et le traitement 1HP – une dose quotidienne durant un mois pour les personnes également infectées par le VIH.

L’étude clinique Prevent TB, financée par les CDC et dont les premiers résultats ont été publiés en 2011, a permis de montrer que le traitement 3HP était aussi efficace et mieux suivi que le traitement par l’isoniazide seule, pour prévenir la survenue de la tuberculose active chez les personnes asymptomatiques. Il était par ailleurs mieux toléré sur le plan hépatique. L’étude Brief TB menée par les NIH a confirmé ces résultats pour le traitement 1HP.

« Un marché colossal »

Outre les CDC et les NIH, d’autres partenaires ont été impliqués dans une moindre mesure dans le développement clinique du traitement, dont Usaid, l’agence américaine pour le développement international. Sanofi a essentiellement contribué en fournissant le médicament aux essais cliniques. Une fois l’intérêt du traitement démontré, la firme a également amélioré la formulation afin de la simplifier, en réduisant le nombre de comprimés de 10 à 4 sous des formes pelliculées pour adultes et dispersibles pour l’enfant.

Gilles Rapaport

Mais, une fois la formulation améliorée, l’accès au médicament dépend aussi de son prix, qui doit être abordable dans les pays plus pauvres. « La tuberculose latente, ce sont des centaines de millions de personnes dans le monde, donc un marché colossal, explique Christophe Perrin. Le souci aujourd’hui, c’est que ce marché est à créer. La seule chose qui va permettre le développement de ces traitements, c’est l’accès aux génériques qui vont créer la concurrence une fois que le financement des programmes de lutte contre la tuberculose latente seront sécurisés – notamment avec les soutiens financiers du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme. » D’où la fronde des militants pour l’accès aux médicaments contre les dépôts de brevets qui, en conférant un monopole à Sanofi, auraient empêché la création d’un marché concurrentiel, nécessaire à la baisse du prix du médicament.

« Les brevets ont été déposés sur des éléments très techniques de fabrication sur des comprimés pelliculés ou dispersibles. Ce sont des brevets de formulation qui ont été déposés de manière automatique dans notre appareil industriel, se défend Martin Bernhardt, directeur des affaires publiques pour la santé globale chez Sanofi. Ils ne peuvent en aucun cas créer des barrières à un génériqueur pour définir lui-même un autre procédé de fabrication. Nous les avons enlevés car il y a des réactions virulentes de la part de certains membres de la société civile ou même des organisations internationales qui pointent du doigt Sanofi en l’accusant de garder l’exclusivité du marché. »

« L’argument selon lequel les brevets sur la formulation ne bloqueraient pas la fabrication de génériques est peut-être juste, mais il y avait néanmoins une menace, d’après l’expertise missionnée par les militants qui ont déposé une opposition en Inde. Et le simple fait de l’existence de ces brevets aurait un effet dissuasif sur les génériqueurs qui auraient voulu se lancer dans la production du médicament »,conteste Mike Frick.

« Une volonté politique »

L’abandon de ces brevets marque en tout cas un nouveau pas de la firme en faveur de la diminution du prix du médicament, après l’accord signé en octobre 2019 avec Unitaid – organisation internationale d’achats de médicaments, chargée de centraliser les achats de traitements médicamenteux afin d’obtenir les meilleurs prix possible – et le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Valable pour les hôpitaux publics de 139 pays ayant les taux de prévalence les plus élevés de la maladie et économiquement défavorisés, cet accord garantit une réduction de 60 % du prix du traitement de Sanofi, que ces pays peuvent acquérir au prix de 15 dollars (12,50 euros).

« On s’est rapprochés d’Unitaid et du Fonds mondial afin de réduire les prix, sachant qu’Unitaid accepte de garantir la commercialisation de ces traitements, explique Thibaud Lefort, responsable des affaires économiques pour la santé globale chez Sanofi. L’idée, par cette réduction du prix, est de créer la demande afin d’amorcer la création du marché. On peut ainsi prévoir d’augmenter nos capacités de production, ce qui diminuera le coût de fabrication du médicament. »

« Il y a une volonté politique nouvelle de la part de l’ensemble des acteurs pour aller vers l’avant en matière de traitement de la tuberculose latente, car les tuberculoses résistantes constituent une vraie menace pour la santé publique. Seul le traitement de la tuberculose latente permettrait d’enrayer la progression de la tuberculose active », commente Christophe Perrin, de Médecins sans frontières. « C’est un pas authentique de Sanofi dans la bonne direction, car il s’agit d’une réduction importante des prix », renchérit Mike Frick.

Deux fabricants de génériques indiens, Macleods et Lupin, se sont lancés dans la fabrication du médicament dont la commercialisation est prévue avant fin 2020 pour le premier. « Ce dont nous avons besoin, c’est d’une diminution régulière des prix comme celle permise par l’accord entre Sanofi, Unitaid et le Fonds mondial, avec des prix plus bas pour plus de pays, estime Dennis Falzon, du programme global sur la tuberculose de l’OMS. Le nombre de comprimés doit également encore être diminué et le développement de doses fixes sera très important, en particulier pour les enfants. Il faut aussi poursuivre les essais cliniques de manière à tenter de diminuer encore la durée du traitement. Tout cela est important pour nous assurer un accès à l’ensemble de ceux qui en ont besoin. »Chronologie

1957 Découverte de la première molécule de la famille des rifamycines, la rifamycine B, au sein du laboratoire Lepetit, en Italie. Des modifications chimiques de la molécule permettront d’obtenir des dérivés, dont la rifapentine.

1965 Première synthèse de la rifapentine.

1977 Premier brevet sur la composition chimique de la molécule, aux Etats-Unis.

2011 Publication des résultats de l’étude « Prevent TB » démontrant l’efficacité du traitement 3HP contre la tuberculose.

2014 Autorisation de mise sur le marché par la Food and Drug Administration du traitement 3HP aux Etats-Unis.

2018 L’ONU fixe pour objectif le traitement de 30 millions de personnes atteintes de tuberculose latente durant la période 2018-2022.

2019 Inscription de la rifapentine dans la liste des médicaments essentiels établie par l’OMS.

2020 Le 4 août, Sanofi annonce retirer ses demandes de brevets sur le traitement contre la tuberculose latente associant rifapentine et isoniazide.

Catherine Mary

Sanofi retire des demandes de brevets sur des médicaments contre la tuberculose

https://blogs.mediapart.fr/edition/transparence-dans-les-politiques-du-medicament/article/220120/sanofi-retire-des-demandes-de-brevets-sur-des-medicam

Sanofi cherche à breveter une combinaison de deux médicaments utilisés contre la tuberculose, qui sont dans le domaine public depuis des décennies. Sanofi vient de retirer ses demandes de brevets en Europe et en Indonésie. Nous demandons à la firme de faire de même dans les autres pays où les demandes sont en cours d’examen et d’abandonner ses brevets dans ceux où ils ont été délivrés.

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Communiqué de presse — Mercredi 22 janvier 2020

[English version : « Sanofi Withdraws Two Patent Applications on Life-Saving Tuberculosis Prevention Drugs in Europe and in Indonesia, Activists Urge Sanofi To Do the Same in Other Countries »]

Treatment Action Group (TAG) & L’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds)

Sanofi retire deux demandes de brevets en Europe et en Indonésie sur des médicaments vitaux contre la tuberculose.

Nous demandons à Sanofi de faire de même partout ailleurs.

New York, Paris ­— En décembre 2019, TAG a publié un communiqué félicitant les activistes indiens pour les mesures légales entreprises pour opposer deux demandes de brevets déposées par Sanofi en Inde.[1] A travers ces demandes, Sanofi cherche à breveter deux combinaisons évidentes de deux médicaments essentiels utilisés pour prévenir la tuberculose : la rifapentine et l’isoniazid. 

Conjointement avec nos collègues de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, TAG n’a cessé de souligner le fait que la rifapentine et l’isoniazid sont des biens publics mondiaux qui doivent rester dans le domaine public. La rifapentine et l’isoniazid ont chacun été découverts il y a de cela des décennies[2]. La sécurité et l’efficacité de la combinaison pour prévenir la tuberculose ont été essentiellement démontrées grâce à des financements publics de la recherche. Par ailleurs, l’isoniazid n’a jamais été brevetée, et les principaux brevets sur la rifapentine ont expiré depuis longtemps. Les efforts de Sanofi pour breveter une simple combinaison de rifapentine et d’isoniazid illustrent parfaitement à quel point le système des brevets est dysfonctionnel [3]. Aucune firme ne devrait pouvoir prendre deux médicaments dans le domaine public dans le but de privatiser leur combinaison.

Les oppositions “avant l’octroi” déposées par le Delhi Network of Positive People (DNP+) et Ganesh Acharya en Inde contestent deux demandes de brevets de Sanofi: l’une portant sur une combinaison de rifapentine et d’isoniazid pour les adultes, et l’autre sur une forme à usage pédiatrique, soluble dans l’eau, pour les jeunes enfants. Ces formulations « 3HP » font partie des régiments recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour prévenir la tuberculose.

Les activistes en Thaïlande ont suivi les actions légales entreprises en Inde en déposant d’autres oppositions aux brevets « pré-octroi » auprès du département thaïlandais de la propriété intellectuelle.

Peu de temps après ces oppositions, en décembre 2019, Sanofi a retiré ses demandes de brevets au bureau européen des brevets (OEB) et en Indonésie, mais ses demandes sont encore en cours d’examen, au Brésil, en Inde, au Nigéria, et en Thaïlande et dans d’autres pays. Les lettres jointes à ce communiqué sont celles demandant le retrait de ces demandes par Sanofi auprès du bureau européen des brevets.

Nous demandons à Sanofi de tenir ses promesses et de retirer ses demandes de brevets partout où des demandes ont été déposées et sont encore en cours d’examen. Nous demandons également à Sanofi d’aller plus loin en abandonnant ses brevets dans les pays où ceux-ci ont déjà été octroyés, y compris aux Etats-Unis et en Chine (où le brevet sur la formulation pédiatrique a été délivré) et en Australie, en Russie et en Afrique du Sud (où les deux brevets ont été octroyés).

Nous nous réjouissons que Sanofi soit revenu sur sa volonté de breveter une combinaison à dose fixe de rifapentine et d’isoniazid en Europe et en Indonésie. Nous demandons désormais à Sanofi d’abandonner ses brevets dans les pays où ils ont été délivrés et de retirer ses autres demandes partout ailleurs.

La rifapentine et l’isoniazid sont des biens communs et doivent le rester. 

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[1] Voir le communiqué de Treatment Action Group (TAG), Novembre 2019https://www.treatmentactiongroup.org/wp-content/uploads/2019/12/tag_12_5_statement_indian_tb_activists_FR.pdf

[2] Voir la publication de Treatment Action Group (TAG), Mai 2019, « Un guide activiste pour la rifapentine dans le traitement de l’infection de la tuberculose »https://www.treatmentactiongroup.org/wp-content/uploads/2019/12/rifapentine_guide_french_final_10_19.pdf

[3] Voir la tribune co-signée par OTMeds dans Le Monde (Janvier 2020) : Scandale Novartis : « Le produit d’un système encouragé par l’absence d’actions de nos pouvoirs publics »
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/01/07/scandale-novartis-le-produit-d-un-systeme-encourage-par-l-absence-d-actions-de-nos-pouvoirs-publics_6025089_1650684.html

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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