Pour Olivier Véran « L’hôpital est plus solide qu’au printemps », pourtant aucun poste ni lit de réanimation n’a été créé en 6 Mois !

Olivier Véran : « L’hôpital est plus solide qu’au printemps » face au Covid

Le ministre de la Santé annonce, dans une interview aux « Echos », une nouvelle rallonge budgétaire pour l’hôpital afin de faire face à la deuxième vague épidémique de coronavirus. Le déficit va se creuser un peu plus. « Nous assumons cet effort considérable de la Nation », affirme Olivier Véran. Un arrêté sera publié « dans les prochains jours » pour que les pharmaciens et médecins généralistes déploient les nouveaux tests antigéniques.

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Le ministre de la Santé, Olivier Véran, annonce des financements supplémentaires pour l'hôpital.
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, annonce des financements supplémentaires pour l’hôpital. (Corentin Fohlen/Divergence pour ‘Les Echos’)

Par Solveig GodeluckÉtienne LefebvreDominique SeuxPublié le 20 oct. 2020 à 18:04Mis à jour le 20 oct. 2020 à 20:00

Des mesures ont été prises pour mobiliser les soignants à l’hôpital pendant les vacances de la Toussaint et affronter la deuxième vague. Où en est-on ?

Nous avons conscience de demander un nouvel effort très important aux soignants, nous avons besoin d’eux, nous les soutenons très concrètement. Cela passe par la majoration de 50 % des heures supplémentaires – qui augmentent par exemple de 20 à 30 euros net pour un infirmier et de 12 à 20 euros pour un aide-soignant. Cela passe par l’indemnisation des congés non pris, qui permet à un soignant mobilisé et renonçant à des jours de congé d’ici à la fin de l’année de bénéficier d’une indemnité spécifique. Cela passe par l’avancée des revalorisations du Ségur , avec la deuxième étape de hausse des salaires qui sera effective dès décembre, soit une augmentation mensuelle globale de 183 euros net, ou encore l’anticipation de la revalorisation de la prime d’engagement de service public pour les praticiens hospitaliers. Cela passe enfin par un soutien matériel : comme au printemps, nous allons proposer des facilités de transport, de garde d’enfant, d’hébergement et d’alimentation aux équipes.

Tout cela suffira-t-il pour faire face à l’afflux de patients en réanimation ?

J’entends en ce moment une petite musique selon laquelle l’hôpital ne serait pas capable de faire face. Moi, j’ai toute confiance dans les capacités de l’hôpital à tenir. La digue est solide. Mais la vague ne doit pas monter trop haut, c’est l’objectif du passage à l’état d’urgence sanitaire. L’ensemble du système de soins, public, privé, a par ailleurs beaucoup appris de la première vague. Dans certains départements comme l’Isère, la Loire et le Rhône, toutes les activités programmées non urgentes sont reportées pour quinze jours, mais nous voulons au maximum préserver l’activité non-Covid. Nous agissons donc de façon progressive et territorialisée.

Pourquoi n’y a-t-il pas plus de lits de réanimation ?

Mais il y en a déjà près de 15 % de plus ! Nous sommes passés de 5.100 lits en capacité fixe à 5.800. Quand on nous accuse de ne pas avoir réagi pendant l’été, c’est faux. Nous avons formé des soignants aux techniques de réanimation – 750 professionnels en Ile-de-France par exemple. Nous avons fait le maximum au vu des délais et des contraintes. Et s’il faut augmenter encore les capacités, nous le referons.

Quels sont vos scénarios d’évolution de l’épidémie pour les semaines qui viennent ?

Les modèles prédictifs, ceux de l’Institut Pasteur en l’occurrence, évoluent chaque semaine mais ils tombent juste dans l’ensemble. Ce qui est certain, c’est que le nombre d’entrées en réanimation va continuer à augmenter dans les deux prochaines semaines (du fait du délai entre la contamination et les complications), avec des situations qui vont être compliquées dans certaines régions. Nous espérons ensuite que le couvre-feu et les efforts de chacun d’entre nous porteront leurs fruits.

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Comment ces engagements se traduisent-ils dans le budget de la Sécurité sociale, que vous défendez à l’Assemblée nationale à compter de ce mardi ?

Il y avait des inquiétudes des soignants comme des fédérations hospitalières sur le fait que le compte n’y était pas, pour faire face à la deuxième vague. Je réponds que le compte y est, pour aujourd’hui comme pour demain. Nous ajoutons 2,4 milliards d’euros supplémentaires pour 2020 sur l’objectif de dépenses hospitalier (Ondam) pour permettre aux établissements de faire face à la deuxième vague avec tous les équipements nécessaires et de compenser financièrement leurs activités non réalisées, dont 400 millions pour l’anticipation des revalorisations prévues dans le cadre du Ségur. Cela s’ajoute au 1,5 milliard mis sur la table lors de la première vague. L’effort supplémentaire sur les crédits hospitaliers est donc proche de 4 milliards d’euros cette année.

Comment évolue l’Ondam hospitalier au final ?

La hausse atteint 9 % en 2020, et sera encore de près de 5 % en 2021. Et hors effet Covid et hors le Ségur, nous garantissons aux établissements une augmentation de 2,4 % de leurs tarifs moyens l’année prochaine, comme nous nous y étions engagés dans le protocole signé avec les fédérations d’établissements de santé.

Quitte à laisser filer un peu plus le déficit de la Sécurité sociale…

Ce n’est pas en temps de guerre qu’on désarme les armées. Oui, ces nouveaux crédits vont dégrader le déficit , qui atteindra environ 46,6 milliards d’euros cette année et 28 milliards en 2021. Nous assumons cet effort considérable de la Nation, qui permet de renforcer les filières de soins en ville, à l’hôpital, dans les Ehpad. C’est nécessaire !

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Il y a les mesures de revalorisation, il y a aussi les investissements du plan de relance…

Nous avons prévu 2,5 milliards pour les établissements de santé et les territoires (sur les 6 milliards d’investissements en santé de France Relance), actés dans le cadre du Ségur de la santé, le reste étant pour les investissements dans les Ehpad et pour le numérique en santé. Je vous annonce que nous allons en dépenser 500 millions d’euros dès 2021 pour permettre aux hôpitaux d’acheter du matériel du quotidien et ainsi améliorer les conditions de travail des soignants. Les hôpitaux vont pouvoir changer les vieux brancards, réaménager une salle de repos, racheter des moniteurs… C’est une demande très forte. Ces sommes seront réparties rapidement, pour doter les établissements en 2021. Nous allons aussi reprendre 13 milliards de dette hospitalière en dix ans au lieu de quinze ans, et ainsi soulager encore plus vite les établissements de santé.

On sent tout de même une inquiétude dans la population, persuadée que nos hôpitaux sont démunis…

Nous savons tous que nos soignants sont fatigués avec le cumul de la première vague et de la reprise des soins. Mais ils répondent présents. Je le répète, l’hôpital est plus solide aujourd’hui qu’au printemps. Il a acquis de l’expertise, de la connaissance du virus, il y aura des investissements, une montée en compétences des soignants, et une meilleure préparation du public comme du privé. On l’accompagne, on l’aide, et on lui ôte tout risque budgétaire. Nous continuerons aussi de faire connaître les revalorisations du Ségur, car les Français comme les soignants n’en ont pas forcément tous pris la mesure.

Les médecins libéraux jalousent l’hôpital. Le budget 2021 ne prévoit que 300 millions d’euros pour revaloriser les salaires des soignants en ville…

Ces sommes iront aux revalorisations qui seront décidées dans le cadre des négociations conventionnelles en cours, par exemple sur la visite à domicile ou le renforcement des communautés professionnelles territoriales de santé. En complément, avec les investissements dans le numérique, l’enveloppe des soignants de ville monte à plus de 650 millions d’euros. Je regrette que la Confédération syndicale des médecins libéraux ait quitté la table des négociations conventionnelles ; c’est un grand syndicat, force de proposition. Nous dialoguons pour débloquer la situation. Je n’oublie pas non plus les autres professions de santé en ville, comme les kinés ou les infirmiers libéraux, avec qui nous voulons également signer des accords conventionnels. Les infirmiers, par exemple, ont joué un rôle crucial face à l’épidémie. Nous leur faisons confiance, en comptant par exemple sur eux pour déployer les tests antigéniques avec des rémunérations complémentaires à la clef.

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Où en est la pratique des tests en France ?

Ces sept derniers jours, nous avons pratiqué 1,55 million de tests dans le pays. Nous étions redescendus à 1,1 million, mais la courbe est repartie à la hausse. C’est une hausse de 40 % en une dizaine de jours. La bonne nouvelle est que les délais pour l’obtention des résultats ont été vraiment raccourcis depuis plusieurs semaines, nous sommes aujourd’hui aux alentours de 24 heures en moyenne. Et ça, c’est grâce à l’implication de tous les professionnels. Il faut le saluer. Et il faut continuer, particulièrement pour les personnes prioritaires.

Les tests antigéniques arrivent. Quelle va être votre doctrine pour leur utilisation et qu’est-ce que cela va changer ?

Cela va être un vrai tournant dans la pratique des tests . Cinq millions de ces tests antigéniques sont d’ores et déjà disponibles sur l’ensemble du territoire, notamment dans les hôpitaux. Et nous en avons déjà commandé 5 millions supplémentaires. Pour quoi faire ? Demain, c’est-à-dire vers la mi-novembre, dès qu’une personne ressentira des symptômes, il faudra qu’elle puisse se diriger vers un professionnel de santé, un médecin, un infirmier ou un pharmacien pour avoir son résultat immédiatement, au cours du rendez-vous. Ces professionnels vont pouvoir acquérir eux-mêmes les tests. Des tests seront également déployés pour le personnel des Ehpad, dans les universités et les aéroports . C’est un complément important, qui s’ajoutera donc aux tests PCR réalisés en laboratoire pour renforcer notre stratégie de test.

Où en sont les discussions financières avec les médecins libéraux et les pharmaciens pour qu’ils puissent pratiquer les tests antigéniques dans de bonnes conditions ?

Elles sont terminées sur le niveau de prise en charge, un arrêté sera publié dans les prochains jours afin que leur activité puisse démarrer au mois de novembre.

Le protocole sanitaire applicable aux entreprises publié vendredi réaffirme l’interdiction faite aux entreprises de réaliser des tests dans leurs locaux, y compris sur une base volontaire. L’arrivée des tests salivaires ne doit-elle pas changer la donne ? Les organisateurs de concerts, d’événements sportifs seront aussi demandeurs…

Un patron ne peut pas forcer ses employés à se tester. Il n’appartient pas aux entreprises de décider d’une politique de test, qui doit être gérée par les autorités sanitaires. Toutefois, le développement de nouvelles modalités de tests peut effectivement changer la donne. Nous allons en discuter avec les entreprises et les collectivités territoriales. Cependant, sur les tests salivaires que vous évoquez, ils ne sont pas encore dans le domaine public.

Les députés souhaitent amender le budget de la Sécurité sociale, sur quels points êtes-vous prêts à les suivre ?

La prime de naissance, notamment. Depuis quelques années, elle est versée deux mois après la naissance, ce qui ne permet pas aux parents de s’équiper avant d’avoir leur bébé. Avec Adrien Taquet, nous soutenons l’amendement des députés qui veulent revenir à un versement au septième mois de grossesse, pour un coût de 225 millions d’euros en 2021. Je rappelle par ailleurs que nous allons passer de 8 à 20 le nombre de maisons de naissance, gérées par des sages-femmes. Là aussi, les députés se sont mobilisés.

Pourquoi voulez-vous instaurer un forfait patient aux urgences, qui fait polémique ?

Ce forfait ne coûte rien, ne rapporte rien. Mais c’est une mesure de simplification importante pour les hôpitaux. La facturation des passages aux urgences à l’euro près est trop complexe et mobilise beaucoup de personnel qui pendant ce temps ne soigne pas les gens. Un tarif de 18 euros quelle que soit la nature des soins prodigués sera appliqué à tout passage aux urgences qui n’est pas suivi d’une hospitalisation. Pour les malades chroniques, ce ne sera que 8 euros, et à la demande des députés et du rapporteur général Thomas Mesnier, nous allons exonérer les femmes enceintes et les nourrissons. Dans plus de 95 % des cas, je rappelle que ces frais sont remboursés par la complémentaire santé.

Vous défendez aussi le dispositif des « hôtels hospitaliers »…

Dans le budget 2021, nous ajoutons en effet 14 millions d’euros sur trois ans pour les hôtels hospitaliers, qui ne fonctionnaient jusqu’alors qu’avec 1 million par an aujourd’hui. En 2016, j’avais fait voter la création de ces lits hôteliers à proximité des hôpitaux, pour accueillir des patients qui habitent loin. C’est 70 euros la nuitée, et ce sera remboursé. Ils sont logés à proximité au lieu d’occuper un lit hospitalier, ne sont pas réveillés à 6 heures du matin pour la prise de température, peuvent rester avec leur conjoint… C’est une mesure d’égalité qui est bénéfique pour tout le monde. Et ça m’a tellement manqué dans mon exercice de médecin !

Solveig Godeluck, Etienne Lefebvre et Dominique Seux

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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