Treize questions pour comprendre la 5G et dépasser les caricatures
Usage grand public ou industriel, impact économique fantasmé ou réel, craintes sanitaires et écologiques justifiées ou exagérées ? Le déploiement de la 5G fait l’objet d’âpres débats.
Par Stéphane Mandard, Rémi Barroux, Marie Charrel, Abel Mestre, Nicolas Six et Vincent Fagot Publié le 24 septembre 2020
à 02h59 – Mis à jour le 24 septembre 2020 à 15h58

L’arrivée de la 5G en France n’est plus qu’une question de semaines. A partir du 29 septembre, les opérateurs télécoms vont livrer bataille, dans le cadre d’enchères, pour acquérir les fréquences qui leur permettront de déployer cette nouvelle technologie de téléphonie mobile d’ici à fin 2020.
A l’approche de cette échéance, le débat est vif entre partisans de la sobriété numérique et promoteurs du progrès technologique, entre « amish » et « innovateurs », pour reprendre les mots polémiques d’Emmanuel Macron. Quelle est l’utilité de cette technologie pour les particuliers et pour l’économie française ? Faut-il craindre son impact sanitaire et environnemental ? Demander un moratoire sur son déploiement, comme l’a fait la convention citoyenne pour le climat, ou accélérer pour ne pas être distancé par des pays comme la Corée du Sud, la Chine ou les Etats-Unis ?
- Qu’est-ce que la 5G ?
Cette nouvelle génération de communication mobile utilise une partie du spectre des ondes radio, celle située entre 3,4 et 3,8 gigahertz (GHz). Elle offre une bande passante plus importante que la 4G et permet donc un meilleur débit dans la transmission des données, de l’ordre de dix fois supérieur. Et ce n’est qu’un début : la bande des 26 GHz, qui va être mise à disposition, probablement en 2023, doit permettre à la 5G de délivrer toute sa puissance.
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L’arrivée de la 5G ne signe pas la fin de la 4G, elle s’y ajoutera, et permettra avant tout d’éviter la saturation du réseau actuel, qui pourrait intervenir d’ici « un ou deux ans », selon le patron d’Orange, Stéphane Richard. D’après les données de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, la consommation des données des utilisateurs croît au rythme de 40 % par an.
- S’apprête-t-elle à bouleverser le quotidien ?
A en croire Eric Piolle, le maire écologiste de Grenoble, la 5G servirait à « regarder des films porno en haute définition dans l’ascenseur » ou à « vérifier [à distance] si on a encore des yaourts dans son frigo ». Quoique provocateur et caricatural, M. Piolle ne trahit pourtant pas complètement la réalité. Contrairement à ce qu’ont pu apporter les précédentes générations de téléphonie, qui ont permis de profiter pleinement de l’Internet mobile, la 5G ne sera pas porteuse, à son lancement, de nouveaux usages à destination du grand public.
Elle permettra « juste » une amélioration du service existant : téléchargement plus rapide des contenus, meilleure expérience pour les adeptes de jeux vidéo. Certains gagent aussi qu’elle pourrait enfin donner sa pleine puissance à la réalité virtuelle, grande consommatrice de données.
Reste que le déploiement de cette nouvelle technologie sera très progressif. Il faudra compter une dizaine d’années pour que tout le territoire soit couvert. Les opérateurs devraient toutefois proposer leurs premières offres commerciales avant fin décembre.
- Va-t-elle révolutionner l’industrie et les services ?
La 5G renferme la promesse d’une révolution industrielle : celle de l’Internet des objets. Un monde du tout-connecté qui permet, par l’analyse en temps réel des données fournies par une kyrielle de capteurs, de bâtir des usines ou des plates-formes logistiques toujours plus automatisées, d’améliorer la maintenance des équipements, d’optimiser les productions agricoles, d’imaginer des villes « intelligentes » capables de maximiser leurs infrastructures (eau, électricité, trafic routier…).
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Une perspective rendue possible en raison de sa capacité à gérer ces flux massifs d’information (une seule antenne permet d’absorber les données d’un million d’objets connectés au kilomètre carré), mais aussi à les traiter quasiment en temps réel. Un facteur indispensable pour toutes les technologies critiques, comme la voiture autonome. Ces progrès ne seront cependant possibles que lorsque la bande des 26 GHz sera rendue disponible.
- Peut-elle doper la croissance ?
La question fait l’objet de débats sans fin entre économistes : les nouvelles technologies permettent-elles vraiment d’engranger les gains de productivité indispensables au dynamisme de la croissance ? Pas toutes, et pas toujours. « Dans les pays industrialisés, la dernière période de croissance relativement dynamique fut celle où, entre 1995 et 2005, Internet a progressivement transformé la façon de produire et de travailler des entreprises », rappelle Alexandre Delaigue, économiste à l’université de Lille.
Adieu fax, courriers, commandes par téléphone et formulaires papier : en moins d’une décennie, elles ont dématérialisé leurs échanges et procédures. Si les innovations qui ont suivi (tablettes, smartphones, 3G…) ont modifié les usages des consommateurs, elles n’ont, en revanche, pas offert aux entreprises des gains de productivité aussi importants. De fait, ces derniers stagnent depuis quinze ans. « Toute la question est donc de savoir si la 5G améliorera surtout l’expérience des consommateurs ou si elle révolutionnera la façon de produire des entreprises comme le fit Internet », résume M. Delaigue.
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Dans un rapport particulièrement optimiste sur le sujet, daté de novembre 2019, le cabinet IHS Markit, supposant que tous les pays la déploient progressivement, estime que la 5G et la chaîne de ses fournisseurs en composants, sous-traitants et autres opérateurs mobiles, représenteraient 3 600 milliards de dollars (environ 3 068 milliards d’euros, au cours actuel) de chiffre d’affaires et 22,3 millions d’emplois dans le monde en 2035.
En tenant compte des gains générés dans tous les secteurs – communications, transport, santé, finance, culture… –, sa contribution totale à la croissance dépasserait les 13 000 milliards de dollars en 2035, avec un apport de 0,2 point de produit intérieur brut par an entre 2020 et 2025. En Europe, un rapport de la Commission publié en 2016 estimait que 2,3 millions d’emplois seraient créés grâce à la 5G d’ici à 2025.
- L’Hexagone sera-t-il dépassé s’il ne s’y met pas ?
Pour le secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O, la 5G est « indispensable à la compétitivité de la France ». Impossible de nous en passer « si nous souhaitons relocaliser des activités stratégiques et réarmer l’économie », assurait, de son côté, le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, dans Le Journal du dimanche du 16 août
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Selon lui, le retard déjà pris par la France, s’il n’est pas comblé, aura pour conséquence de voir se creuser l’écart avec les pays mieux équipés en matière de croissance et d’attractivité. Au risque que certaines usines aillent s’installer ailleurs pour profiter du bond technique permis par la 5G, assure une partie du patronat – surtout s’il s’agit de filiales de groupes souhaitant connecter l’ensemble de leurs unités de production avec la même technologie. Pour l’institut spécialisé Idate, la France doit accélérer si elle ne veut pas devenir « un dominion des Etats-Unis ou de la Chine ».
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Une telle menace n’est sans doute pas à prendre à la légère. Reste que cela n’a pas de sens de poser le problème uniquement en termes nationaux au sein de l’Union européenne, souligne M. Delaigue : « Les pays membres en profiteront-ils pour s’entendre et monter une infrastructure 5G européenne intégrée, bâtie par des groupes européens ? »
Plutôt que combattre (ou non) le groupe chinois Huawei en ordre dispersé, les Européens ont intérêt à joindre leurs forces s’ils souhaitent assurer leur souveraineté industrielle, et faire de leurs équipementiers (Ericsson et Nokia) des champions suffisamment armés pour ne pas perdre la bataille face à l’Asie – un peu comme ils tentent désormais de le faire dans le secteur automobile, en montant une filière européenne de la batterie électrique.
- Est-ce une bonne affaire pour l’Etat ?
La vente des fréquences va rapporter au moins 2,17 milliards d’euros à l’Etat. Une partie des lots a été cédée à un prix fixe : les quatre opérateurs télécoms ont chacun pu acquérir un bloc de 50 mégahertz (MHz) dans la bande des 3,5 GHz pour un montant unitaire de 350 millions d’euros. Restent onze lots de 10 MHz que les groupes se départageront aux enchères, au prix minimum de 70 millions d’euros par bloc.
De l’avis des observateurs, les enchères ne devraient pas s’envoler comme cela a été le cas en Italie – plus de 6 milliards d’euros – en raison des investissements massifs auxquels les opérateurs sont aussi tenus dans la 4G et la fibre. A titre de comparaison, au Royaume-Uni, le coût estimé pour chaque opérateur pour couvrir l’ensemble du territoire est estimé à 46 milliards d’euros.
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- Sera-t-elle plus chère que la 4G pour les consommateurs ?
Jusque-là, aucun opérateur français ne s’est risqué à avancer le moindre tarif. De l’avis de plusieurs observateurs, le lancement de cette nouvelle technologie ne devrait pas justifier une augmentation sensible des prix (les Français dépensent en moyenne 14,30 euros par mois pour leur forfait mobile). D’autant que le bénéfice perçu par les consommateurs pourrait se révéler bien maigre, au moins au début.
Pour Marc Bourreau, professeur d’économie à Télécom Paris, il s’agira davantage pour les opérateurs d’orienter les consommateurs vers des abonnements premium. Il rappelle qu’à l’époque du lancement de la 4G, la facture des Français avait plutôt eu tendance à baisser en raison de l’arrivée concomitante d’offres à bas prix. Nul doute que les mêmes acteurs poursuivront cette politique agressive sur la 5G afin de conquérir des parts de marché.
- Représente-t-elle un danger pour la santé ?
« Il n’y a pas de risque sanitaire si on respecte les normes », assure, à l’unisson du gouvernement, la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili. Pourtant, il y a trois mois, sa prédécesseure, Elisabeth Borne, et son collègue à la santé, Olivier Véran, demandaient au premier ministre d’alors, Edouard Philippe, d’attendre le rapport d’évaluation des risques que l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) doit remettre à la fin du premier trimestre 2021 avant de donner son feu vert au déploiement de la 5 G.
Dans un rapport préliminaire publié fin janvier, l’Anses concluait à l’impossibilité d’évaluer les risques inhérents à la 5G en raison d’« un manque important, voire à une absence, de données scientifiques sur les effets biologiques et sanitaires potentiels liés aux fréquences autour de 3,5 GHz ».
En 2011, le Centre international de recherche sur le cancer a classé les radiofréquences comprises entre 30 kilohertz et 300 GHz comme cancérogène possible pour l’homme. « Aujourd’hui, il y a des incertitudes sur les effets à long terme d’une utilisation intensive du téléphone portable. Certaines études montrent des excès de risques pour les cancers ou les tumeurs du cerveau », relève Olivier Merckel, chef d’unité d’évaluation des risques liés aux agents physiques à l’Anses. Les effets sont-ils les mêmes à 3,5 GHz ? C’est l’une des questions auxquelles l’agence doit tenter de répondre.
- Pourquoi le gouvernement a-t-il rejeté l’idée d’un moratoire ?
Les 150 personnes de la convention citoyenne pour le climat ont beau avoir demandé un moratoire sur la mise en œuvre de la 5G en France (proposition relayée par l’appel de 70 élus de gauche et écologistes), l’exécutif est passé outre. Il a, par la voix du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, mis en avant « l’enjeu de compétitivité et de souveraineté technologique » et vanté « un formidable levier pour la transition écologique » – selon les mots de Cédric O, le secrétaire d’Etat au numérique.
Ce qui ne convainc guère les opposants, telle Delphine Batho, députée (Ecologie, Démocratie, Solidarité) des Deux-Sèvres, qui voit dans la décision du gouvernement une « faute grave ». « La décision sur la 5G concentre tous les éléments du débat sur la croissance, sans limite ou sobriété. De plus, la 5G présente un grave problème de souveraineté et de cybersécurité. »
Le gouvernement s’appuie sur le rapport réalisé notamment par l’Inspection générale des affaires sociales et l’inspection générale des finances, demandé en juillet et remis le 14 septembre, concluant à « une augmentation modérée des expositions aux ondes » pour les bandes autour de 3,5 MHz.
- Est-ce une technologie énergivore ?
« Il est erroné d’affirmer que la 5G permettra des efforts en matière d’énergie. Après la première année de déploiement, la consommation énergétique de tous les opérateurs affichera une augmentation importante. » Cette affirmation ne vient ni d’un édile écologiste ni d’un membre de la convention citoyenne. L’aveu émane du président de Bouygues Telecom, Olivier Roussat, lors de son audition, en juin, devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat.
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Les gains d’efficacité énergétique attendus par le passage à la 5G – antennes plus « intelligentes » qui n’émettront plus en continu dans toutes les directions, meilleure maîtrise de la consommation, développement d’utilisations moins énergivores, comme les visioconférences… – risquent d’être annihilés par l’accroissement des usages qui en découlera. Le groupe de réflexion The Shift Project, qui étudie les impacts environnementaux du numérique, estime que la consommation d’énergie des opérateurs mobiles sera multipliée par 2,5 à 3 dans les cinq ans, soit une augmentation de 2 % de la consommation en électricité du pays.
- Va-t-elle pousser à la (sur) consommation ?
C’est l’une des autres critiques émises par les opposants à la 5G : elle va entraîner une hyperconsommation numérique, à rebours des objectifs de modération suivis pour atténuer le dérèglement climatique.
Le passage à cette nouvelle norme impliquera, pour les consommateurs, de changer de smartphone. Or, le rythme de renouvellement des téléphones est déjà très rapide, de l’ordre de dix-huit à vingt-quatre mois. Les constructeurs espèrent d’ailleurs que la 5G dopera des ventes en berne ces derniers temps. Son déploiement va donc à l’encontre de la stratégie qui consiste à limiter l’obsolescence (programmée ou désirée) des smartphones. Son développement devrait par ailleurs stimuler fortement la croissance des objets connectés dont le traitement des données, réalisé dans le cloud (l’informatique dématérialisée), va mécaniquement alourdir l’empreinte carbone du numérique.
- A l’étranger, les consommateurs sont-ils conquis ?
En Allemagne, au Royaume-Uni, en Irlande ou en Corée du Sud, où les réseaux 5G sont bâtis sur des choix techniques proches des nôtres, les médias semblent pour le moins dubitatifs.
Si le téléchargement de documents très lourds est plus rapide, les bénéfices de cette technologie sont rarement perceptibles au quotidien lors d’un usage ordinaire, soulignent-ils. D’autant que la couverture de la 5G est inférieure à celle de la 4G, et particulièrement mauvaise en intérieur. L’amélioration du temps de réponse – point-clé pour nombre d’applications –, n’est « pas perceptible pour le moment », constate Ian Fogg, analyste chez OpenSignal. Selon lui, la 5G mettra « des années » à atteindre son plein potentiel.Lire aussi Tour du monde des réseaux mobiles 5G : les particuliers ne sont pas conquis
- Le mouvement anti-5G est-il propre à la France ?
C’est une fronde qui a émergé au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, qui s’est implantée en Suisse, et qui gagne désormais la France. De plus en plus de citoyens, organisés au sein de collectifs, d’associations ou de partis politiques, s’opposent au déploiement de la 5G. Un mécontentement pouvant prendre diverses formes : mobilisations citoyennes, demande de moratoire, débats, mais aussi destruction d’antennes-relais.
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Dans l’Hexagone, ce qui fut longtemps l’apanage de collectifs radicaux se réclamant du luddisme (un mouvement opposé au machinisme, au début de la révolution industrielle) et du courant « technocritique » est aujourd’hui repris par des partis et des mouvements politiques à vocation majoritaire comme Europe Ecologie-Les Verts et La France insoumise. Sans aller jusqu’à vouloir renverser « le monde-machine », ces formations mettent en avant les risques sanitaires, l’impact environnemental et énergétique, mais aussi l’inanité de cette technologie, alors même que la France compte encore de nombreuses zones blanches. Elles s’alignent sur la proposition de la convention citoyenne pour le climat, qui réclamait un « moratoire » sur la 5G.
Stéphane Mandard, Rémi Barroux, Marie Charrel, Abel Mestre, Nicolas Six et Vincent Fagot
« La 5G, quoi qu’il en coûte ! »
TRIBUNE
Sophie Pelletier – Présidente de l’association Pour rassembler, informer et agir sur les risques liés aux technologies électromagnétiques/Priartem
Stéphen Kerckhove – Délégué général de l’association Agir pour l’environnement
Stéphen Kerckhove et Sophie Pelletier, dirigeants d’associations environnementales, s’élèvent contre le lancement par le gouvernement, mardi 8 septembre, des concertations préalables à l’attribution des fréquences 5G malgré les mises en garde de la société civile et des agences de régulation
Publié le 07 septembre 2020 à 15h22 – Mis à jour le 24 septembre 2020 à 10h59 Temps de Lecture 3 min.
Tribune. Mobilisations citoyennes, prises de parole d’élus locaux, auditions parlementaires, procédures contentieuses devant le Conseil d’Etat, saisines du Haut Conseil au climat, de l’Agence nationale de sécurité sanitaire et environnementale, de l’Agence nationale des fréquences, de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie… rien n’y fait : le gouvernement a décidé d’attribuer les fréquences permettant de développer la 5G en France et entend se tenir à son calendrier initial.
Peu importe qu’une quantité jamais atteinte d’agences étatiques se penchent sur l’impact de cette 5G sur le climat, sur la consommation d’énergie, sur l’exposition des riverains d’antennes. L’enjeu, pour ce gouvernement, est de simuler une bonne gouvernance en arborant une concertation de façade et en instrumentalisant au passage ses agences, pour faire oublier une décision unilatérale dictée par des impératifs purement industriels. La 5G, quoi qu’il en coûte !
De fait, la saisine de ces multiples agences repose sur des inquiétudes bien légitimes. Le développement de la 5G en Chine et en Corée du Sud se traduit par une explosion de la demande de data et influe fortement sur la consommation d’énergie des réseaux, qui a triplé depuis l’arrivée de la 5G. Le secteur du numérique pourrait ainsi voir sa part du total mondial des émissions de gaz à effet de serre passer de 3,7 % à 7,5 %, soit autant que l’ensemble du parc automobile mondial !
Les effets psychosociaux de l’environnement numérique
Selon Ericsson, les vidéos, qui représentent déjà 60 % du trafic mondial, pourraient atteindre 74 % d’ici à 2024 ! Les émissions de ce secteur augmentent de 8 % par an là où elles devraient baisser de 5 % si nous voulions respecter l’accord de Paris sur le climat. Parallèlement, le nombre d’objets connectés dépasserait les 22 milliards d’unités, augmentant l’extraction de matières non renouvelables, tout en multipliant les sources d’exposition aux champs électromagnétiques.Lire aussi L’intelligence artificielle, enjeu majeur pour l’UE
En effet, selon l’Agence nationale des fréquences, l’arrivée de la 5G, ajoutée à la 4G, pourrait accroître l’exposition moyenne de 30 % et augmenter le nombre de points où l’exposition est considérée comme atypique de 50 %. De la brosse à dents aux couches connectées, de la serrure « intelligente » aux réfrigérateurs communicants, nos sociétés s’apprêtent à évoluer dans un monde où des acteurs privés pourront aisément surveiller et monétiser nos moindres faits et gestes.Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’Europe ne se laisse plus séduire par Pékin
Et ce ne sont pas les quelques usages régulièrement mis en avant par les promoteurs de la 5G (télémédecine ou applications industrielles) qui peuvent durablement faire illusion. Pour l’essentiel, le développement de la 5G est justifié par l’explosion du streaming et des formats numériques toujours plus lourds et par l’arrivée imminente des objets connectés. Alors même qu’un adolescent âgé de 13 ans à 18 ans passe déjà 6 h 40 en moyenne devant un écran, soit 40 % de son temps de vie éveillée, aucune évaluation sérieuse n’est envisagée pour cerner les effets psychosociaux de cet environnement numérique constitué d’échanges virtuels, d’intelligence artificielle et de réalité augmentée.
Le gouvernement tente un passage en force
L’hyperactivité croît à mesure que le temps d’attention chute ; le temps de sommeil s’est réduit d’une heure trente en un demi-siècle et 59 % des ados âgés de 15 ans à 19 ans ont lu au moins un livre au cours de l’année, contre 70 % dix ans plus tôt. Mais le gouvernement ne souhaite nullement entendre ces données factuelles, qui sont autant de signaux d’alerte tangibles sur les effets du numérique, que la 5G va amplifier.Article réservé à nos abonnés Lire aussi La fracture numérique au révélateur du Covid-19
Malgré la mobilisation citoyenne, les menaces de moratoires locaux ou les conclusions des 150 citoyens de la convention citoyenne pour le climat, le gouvernement est tenté par un passage en force, sans débat ni évaluations sérieuses.
Sans attendre les conclusions des agences qu’il a pourtant saisies, le gouvernement pourrait attribuer les fréquences 5G d’ici à la fin septembre. Si ce scénario se confirme, ce serait une nouvelle preuve du mépris du gouvernement à l’égard des corps intermédiaires et des agences étatiques officielles, réduites à faire de la figuration dans une pantomime qui ne dupe plus personne.
[ L’association Agir pour l’environnement et l’association Pour rassembler, informer et agir sur les risques liés aux technologies électromagnétiques (Priartem) ont engagé devant le Conseil d’Etat un contentieux contre l’attribution des fréquences 5G .]
Protection de la santé, lutte contre le consumérisme… Pourquoi une partie de la gauche s’oppose à la 5G
Certains maires écologistes, comme à Grenoble, à Tours ou à Bordeaux, veulent mettre en place des moratoires et lancer des débats publics sur le sujet.
Par Abel Mestre Publié le 17 août 2020 à 13h00 – Mis à jour le 15 septembre 2020 à 09h17

C’est pour l’instant une grogne de basse intensité mais qui pourrait devenir un sujet majeur de la rentrée politique. De plus en plus de Français refusent le déploiement de la 5G, soit la cinquième génération des standards pour la téléphonie mobile. Un « ras-le-bol » pouvant prendre diverses formes : mobilisations citoyennes, moratoires, débats, mais aussi destruction d’antennes relais.
Selon ses promoteurs, la 5G est une technologie permettant d’augmenter les performances des appareils connectés, d’obtenir un meilleur débit, et, partant, de favoriser le développement de nouveaux services, notamment pour les entreprises.
Ses contempteurs, eux, sont très divers. Certains groupes marginaux, versés dans le complotisme, estiment que les ondes participeraient à la propagation de l’épidémie du coronavirus. Un discours fantaisiste qui peut masquer celui d’une autre partie des opposants, plus importante, qui voit dans le déploiement de la 5G une technologie inutile, le symbole d’une société « technicienne » de contrôle social (via les objets connectés) et consumériste, inféodée aux grandes firmes, avec des conséquences potentiellement graves pour l’environnement ou la santé (notamment en ce qui concerne les effets des ondes électromagnétiques émises par les antennes-relais).
C’est notamment pour ces deux dernières raisons que la convention citoyenne pour le climat avait souhaité un moratoire pour pouvoir déterminer les risques de cette nouvelle technologie. Une demande écartée par Emmanuel Macron, qui maintient donc le calendrier prévu initialement pour une première version fin 2020-début 2021.
Technologie « énergivore »
Ce combat, longtemps porté par des associations de défense de l’environnement ou des groupes radicaux, a été endossé depuis plusieurs semaines par Europe écologie-Les Verts (EELV) mais aussi par une partie de la gauche, à l’image du député La France insoumise (LFI) de la Somme, François Ruffin. Certains maires EELV, comme à Grenoble, à Tours ou à Bordeaux, assument de mettre en place localement des moratoires et de lancer des débats publics sur le sujet.
Le parti écologiste estime en effet que cette technologie est « énergivore ». « La 5G sera l’occasion d’une grosse inflation de la consommation électrique et de la collecte des données personnelles des usagers, via les nombreux gadgets connectés qui seront proposés à l’achat. Une fois la 5G déployée en France, ce n’est pas moins de 2 % d’augmentation de la consommation électrique à l’échelle nationale qui est évoquée », explique EELV dans une motion votée à la quasi-unanimité des membres de son conseil fédéral. Les écologistes veulent attendre aussi les conclusions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) prévues pour la fin de l’année 2021.Article réservé à nos abonnés Lire aussi Elections municipales à Grenoble : Eric Piolle, le maire écolo qui rêve d’aller plus haut
« Il y a une fuite en avant permanente. La 5G améliore les performances, mais explose tout en termes de consommation. Il y a aussi une obsolescence programmée de nos biens. On peut douter de l’amélioration de notre qualité de vie avec des frigos et des grille-pain connectés », estime Eric Piolle, le maire de Grenoble. Sa petite phrase lors de son « Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro », début juillet, résume son état d’esprit : « Grosso modo, la 5G, c’est pour permettre de regarder des films pornos en HD, même quand vous êtes dans votre ascenseur. »
M. Piolle, personnalité montante des écologistes – qui ne cache plus ses ambitions présidentielles –, est un ingénieur qui a longtemps travaillé pour Hewlett-Packard. Il se sert de cette casquette pour dire qu’il « n’est pas technophobe » ni « antiprogrès ». Surtout, il affirme que cette expérience lui donne l’expertise pour affirmer que le développement du numérique « est l’un des éléments centraux de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre ». Il évoque également la fracture numérique à résorber, le fait de travailler en priorité les zones non couvertes plutôt que de passer au pas de course à la 5G.
François Thiollet, chargé du projet d’EELV, dénonce quant à lui le « problème démocratique » que pose le développement de la 5G. « C’est une décision prise dans les cabinets ministériels, il n’y a pas de débats avec la population », assure-t-il. Il est persuadé qu’une remise en question du modèle de consommation numérique est possible : « On commence à penser autrement sur l’alimentation, les transports. Cela semblait impensable il y a quelques années. Il faut maintenant appliquer la même chose au numérique », continue M. Thiollet.
Lutte anti-Linky
François Ruffin, lui, espère bien que « la bataille, démocratique, de la 5G [ait] lieu ».C’est, en tout cas, ce que le parlementaire explique longuement dans le numéro estival de son journal, Fakir. Le titre barrant sa « une » est explicite : « 5G, les réseaux de la colère. » « La 5G et l’iPhone 11. Voilà pour eux, pour Bruxelles, pour Macron, voilà pour eux le progrès… C’est le symptôme d’un vide. D’un vide politique. D’un vide d’espérance. D’une classe dirigeante sans horizon », dénonce celui qui se définit comme « député reporter ». Une « course vers la folie », selon lui.Article réservé à nos abonnés Lire aussi Dans un livre, François Ruffin lance les bases d’un « Front populaire écologique »
Si l’« insoumis » partage les critiques de ses camarades écologistes, il insiste sur la nécessaire quête de sens, une « nouvelle espérance » qui aille « au-delà de l’homme consommateur ». « La 5G, c’est un choix de civilisation : la continuation ou une bifurcation, écrit encore M. Ruffin. La “compétitivité additionnelle” comme Graal ou “autre chose”. Il nous faut maintenant plus qu’un “moratoire”. Une victoire. Un “stop”. » Une analyse déjà développée dans son livre Il est où, le bonheur (Les liens qui libèrent, 2019, 192 p., 14 €).
« La société de la 5G efface l’humain, au nom de l’efficacité, de la rationalité, de la rentabilité »
Rien d’étonnant à voir ces convergences entre une partie de la gauche et des écologistes. Tous font de la 5G le symbole d’un modèle économique et social qui ne fonctionne plus. « La société de la 5G efface l’humain, au nom de l’efficacité, de la rationalité, de la rentabilité. Cela est notamment visible dans le monde du travail, où les humains peuvent être surveillés en permanence et transformés en simples exécutants. Toute cette logique crée non seulement beaucoup de souffrance au travail, mais aussi une société déshumanisée », avance Nicolas Bérard, auteur de 5G mon amour. Enquête sur la face cachée des réseaux mobiles (Le Passager clandestin, 224 p., 14 €).
Journaliste engagé, il a écrit une précédente enquête, chez le même éditeur, sur l’opposition à l’installation des compteurs d’électricité connectés Linky (Sexy, Linky ?, 2018, 195 p., 5 €). Pour lui, il y a un rapprochement à faire entre ces différents combats. « Beaucoup de collectifs anti-Linky ont étendu leur lutte à la 5G. A l’origine, les motivations de ces militants sont variées : santé, démocratie, libertés individuelles, déshumanisation… mais à force de se réunir et d’échanger autour de ces problématiques, une vision plus générale s’est développée sur le monde de demain tel qu’il a été préparé par la technostructure. »
Aliénation
Au-delà de la simple opposition à de nouvelles technologies, beaucoup de figures – il en va ainsi de nombreux écologistes comme le nouveau maire de Bordeaux Pierre Hurmic, José Bové ou le philosophe Dominique Bourg – sont aussi influencées par les travaux de Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, deux précurseurs de l’écologie politique, dont les réflexions sur la société technicienne sont très souvent citées.
Selon cette pensée, la principale menace des sociétés industrialisées est la technique elle-même. Véritable aliénation, elle crée une organisation sociale déployant de nouvelles formes de contrôle social et d’oppression. C’est donc un combat global civilisationnel qu’il faut mener, incluant tout un modèle de développement.
Pour les militants plus radicaux, qui se définissent comme « anti-industriels » et se réclament des « luddites » (ces ouvriers anglais du textile qui, au XIXe siècle, détruisaient les métiers à tisser, accusés de provoquer le chômage et la paupérisation), ces prises de position de la gauche et des écolos s’apparentent à du braconnage.Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le déploiement de la 5G en France se heurte de plus en plus à des préoccupations écologiques
Dans ce milieu, le collectif Pièces et main d’œuvre est incontournable. Basé dans la région de Grenoble, né au début des années 2000, il veut combattre le « monde-machine », et le « techno-totalitarisme ». Ces activistes n’ont pas de mots assez durs pour qualifier ceux qu’ils définissent comme des « politiciens arrivistes », appartenant à de « petits appareils récupérateurs » qui « s’approprient les thèmes de la critique radicale » pour « les détourner au profit de leurs carrières personnelles et de leur projet technocratique collectif ». L’une de leur cible privilégiée est le maire de Grenoble, Eric Piolle, mais ils ne retiennent pas non plus leurs coups contre François Ruffin. Ils résument : « L’histoire du mouvement écologiste – c’est-à-dire anti-industriel – est criblée de ces pillages, déjà dénoncés en leur temps par Jacques Ellul et Bernard Charbonneau. »
Tout comme Nicolas Bérard, Pièces et main d’œuvre fait le lien avec l’opposition aux compteurs Linky, qui a été une sorte de combat fondateur. « Comme à chaque étape, une minorité refuse l’injonction à “vivre avec son temps” ainsi que la déshumanisation et la dépossession par l’automatisation. Cette minorité – méprisée par la technocratie et ses porte-parole médiatiques – s’est fait entendre plus que d’ordinaire à l’occasion du déploiement à marche forcée des compteurs-capteurs Linky. Nous avons animé des dizaines de réunions publiques à travers la France, réunissant [des assistances] de plus de 100 personnes (avec des pointes à 300), même dans des villages, où s’exprimait ce refus du premier objet connecté imposé. » La machine et son monde, voilà l’ennemi, selon ces activistes.EELV divise par trois le nombre de participants à ses Journées d’été
En raison de l’augmentation du nombre de cas de Covid-19, Europe écologie-Les Verts (EELV) doit réduire par trois le nombre de participants à ses Journées d’été, prévues à Pantin (Seine-Saint-Denis) du 20 au 22 août. Le parti écolo et les cinq autres coorganisateurs (Génération.s, Alliance écologiste indépendante, Génération écologie, Mouvement des progressistes, CAP21) ont dû s’adapter en urgence. Ils ont notamment instauré une limitation à 500 participants par jour (le site dispose d’une capacité de 3 000 personnes) ; port du masque obligatoire à l’intérieur comme à l’extérieur ; lavage des mains systématique ; suppression des « temps collectifs » (par exemple les apéritifs militants). Ces décisions ont été prises en concertation avec l’agence régionale de santé d’Ile-de-France. EELV assure que ces mesures « vont au-delà des recommandations sanitaires en vigueur, en application de règles de prévention renforcées. Leur non-respect entraînera l’exclusion du site ».
La 5G arrive en France, mais les autorités notent « un manque important de données sur ses effets sanitaires »
L’Agence de sécurité sanitaire remet un premier rapport sur les risques liés à la nouvelle technologie de téléphonie mobile.
Par Stéphane Mandard Publié le 27 janvier 2020 à 06h00 – Mis à jour le 27 janvier 2020 à 10h06

La 5G arrive en France avec ses promesses de révolutionner les usages liés à la téléphonie mobile, de la voiture autonome à la chirurgie à distance. Les premières offres sont attendues à la fin de l’année. L’autorité de régulation des télécoms a lancé le 30 décembre 2019 la procédure d’attribution de fréquences dans la nouvelle bande 3,5 GHz. Son déploiement s’accompagne cependant de nombreuses interrogations sur ses effets sanitaires et environnementaux.
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Pour y répondre, les ministères de la santé, de l’écologie et de l’économie ont saisi en juillet 2018 l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) afin d’évaluer les risques liés à l’exposition de la population aux champs électromagnétiques découlant de cette technologie qui permettra de transférer des données mobiles en plus grande quantité et à plus grande vitesse
Dans un rapport préliminaire publié lundi 27 janvier, l’Anses conclut à « un manque important voire à une absence de données scientifiques sur les effets biologiques et sanitaires potentiels liés aux fréquences autour de 3,5 GHz ». En d’autres termes, à ce stade, il lui est impossible d’évaluer les risques liés à la 5G. Elle demande donc aux opérateurs de fournir toutes les informations techniques afin de pouvoir caractériser les niveaux d’exposition.
« Aujourd’hui, on ne peut pas encore dire si les Français seront davantage exposés aux champs électromagnétiques. Le niveau d’exposition va beaucoup dépendre de l’usage qui sera fait de la 5G, commente Olivier Merckel, chef d’unité d’évaluation des risques liés aux agents physiques à l’Anses. Tant que le déploiement n’est pas fait, nous pouvons seulement faire des simulations à partir de différents scénarios d’exposition. »
C’est le travail auquel va désormais s’atteler l’Anses, dont le rapport définitif n’est pas attendu avant le premier trimestre 2021. « Pour estimer l’exposition, nous avons besoin de savoir quel type d’antennes sera déployé, avec quelle puissance, dans quelle direction, détaille le chercheur. Selon les données des opérateurs, les niveaux seront limités dans l’espace par rapport au réseau actuel mais l’usager sera a priori plus exposé puisque soumis à plus de puissance et plus de débit à travers son smartphone. »
En 2011, le Centre international de recherche sur le cancer a classé les radiofréquences comprises entre 30 kHz et 300 GHz comme cancérogène possible pour l’homme. « Aujourd’hui, il y a des incertitudes sur les effets à long terme d’une utilisation intensive du téléphone portable. Certaines études montrent des excès de risques pour les cancers ou les tumeurs du cerveau, note Olivier Merckel. Les effets sont-ils les mêmes à 3,5 GHz ? C’est l’une des questions auxquelles nous allons essayer de répondre. »
Demande de moratoire
Ce rapport devrait donner des arguments supplémentaires à ceux qui réclament un moratoire sur le déploiement de la 5G. Les associations Agir pour l’environnement et Priartem-Electrosensibles préparent un recours devant le Conseil d’Etat afin de faire annuler l’arrêté du 30 décembre 2019 relatif aux modalités d’attribution de fréquences dans la bande 3,5 GHz. Elles ont lancé une pétition « Stop à la 5G », vendredi 24 janvier. « Une fois de plus, la France fait les choses à l’envers : on déploie d’abord la 5G et après on regarde s’il y aura des impacts, déplore François Lafforgue, l’avocat des associations. Au nom du principe de précaution, une évaluation environnementale et sanitaire aurait dû être lancée. »
Une hyperconsommation numérique et énergivore
Dans une analyse publiée le 22 janvier dans la revue Molecular and Clinical Oncology, le professeur d’oncologie Lennart Hardell et son collègue Rainer Nyberg réclament également un moratoire. Depuis un appel lancé en septembre 2017 avec plus de 260 chercheurs et médecins, ils exhortent l’Union européenne (UE) à geler le déploiement de cette technologie tant que des études indépendantes n’auront pas été menées sur les risques sanitaires. Deux ans et demi plus tard, les chercheurs estiment que « les réponses de l’UE ont jusqu’ici privilégié les profits de l’industrie au détriment de la santé humaine et de l’environnement ».
La présidente de Priartem-Electrosensibles de France, Sophie Pelletier, relaie une autre critique, sociétale : le déploiement de la 5G va entraîner une hyperconsommation numérique et énergivore, à rebours des objectifs de modération pour atténuer le changement climatique. « Alors que la sobriété énergétique est inscrite dans la loi, on sait déjà que ce déploiement augmentera la consommation électrique de l’ordre de 10 TWH, soit l’équivalent d’une centrale comme Fessenheim », déplore-t-elle. Le think tank The Shift Project, qui travaille sur les impacts environnementaux du numérique, estime qu’avec la 5G, la consommation d’énergie des opérateurs mobiles sera multipliée par 2,5 à 3 dans les cinq ans à venir, soit une augmentation de 2 % de la consommation d’électricité du pays.Lire aussi Oiseaux tués, insectes en surchauffe…, démêler le vrai du faux sur les animaux et la 5G