Baisse des fonds européens pour la recherche

Un budget européen en trompe-l’œil pour la recherche

Le budget pluriannuel 2021-2027 prévoit une baisse des fonds alloués à la recherche par rapport à sa dernière année de référence. Des négociations sont en cours. 

Par David Larousserie  Publié le 04 octobre 2020 à 18h00

Vie des labos. La communauté scientifique européenne n’a pas vu le coup arriver. En pleine pandémie, alors que dans toutes les bouches, des élites à celles de leurs administrés, il n’était question que de science pour comprendre le virus, anticiper ses effets ou lutter contre lui, les chefs d’Etat et de gouvernement européens ont décidé de rabattre sérieusement les prétentions budgétaires de l’Union européenne (UE) en matière de recherche. Le 21 juillet, le Conseil européen, réuni pour élaborer le plan de relance et le budget pluriannuel européen 2021-2027, a trouvé un accord global, réduisant les investissements « recherche et innovation », dits Horizon Europe, de 5 milliards d’euros, soit – 6 % par rapport à la proposition de 75,9 milliards de la Commission européenne. Néanmoins, avec 2018 comme année de référence et en tenant compte de l’inflation, l’effort est en hausse de 1,7 milliard par rapport au précédent programme. Mais si la dernière année de ce programme, 2020, est prise comme référence et multipliée par 7 – la durée du budget –, alors, en comparaison, le budget futur total serait inférieur de deux milliards d’euros.

« Il y a le feu dans la maison car cette coupe est simplement incohérente avec les ambitions politiques affichées, et surtout tellement massive qu’elle est tout à fait irrationnelle. Pour la recherche, cette stagnation des budgets veut dire en réalité régression », insiste Jean-Pierre Bourguignon, président par intérim du Conseil européen de la recherche (ERC), l’un des piliers de l’action recherche de l’Union européenne.

Une communauté de recherche

« Nous avons été choqués par l’annonce. Tout le monde demande plus de recherche, de science, d’innovation, et on coupe les budgets ! », s’emporte Jacek Kolanowski, coprésident de l’Académie des sciences des jeunes chercheurs de Pologne (Polish Young Academy), à l’origine d’une lettre ouverte, signée par 19 de ces jeunes académies, regrettant cette décision, qui « diminuera la compétitivité de l’Union européenne et affaiblira ses capacités à développer des technologies innovantes, créer des emplois associés et répondre aux défis globaux ».

Ces jeunes chercheurs insistent notamment sur deux composantes de ces plans, l’ERC et le dispositif Marie-Sklodowska-Curie. Le premier finance, sur appel d’offres, des projets proposés par des chercheurs, y compris les jeunes. Doté d’environ 13 milliards d’euros sur les sept années précédentes, il a financé depuis 2007 plus de 9 500 chercheurs et a contribué à l’emploi de plus de 50 000 doctorants et post-doc. Et en vingt ans, plus de 140 000 jeunes chercheurs ont bénéficié des bourses Marie-Curie, favorisant leur mobilité à travers les laboratoires européens.

« Ce n’est pas qu’une question de moyens. Ces dispositifs de solidarité européenne contribuent aussi à la construction d’une communauté de recherche », insiste Koen Vermeir, historien des sciences au CNRS et ancien coprésident de l’Académie mondiale des jeunes scientifiques (Global Young Academy). « Un petit pays comme la Suède a besoin de l’Europe et des collaborations, précise Anna Wetterbom, présidente de l’Académie suédoise des jeunes chercheurs. Avoir des bourses ERC est un signe de qualité et les réduire aura des effets dans le pays. »Certains pays utilisent les évaluations de l’ERC pour financer leurs équipes classées mais non retenues, tant la qualité du programme est reconnue. Sans compter qu’une bourse ERC finance non seulement le projet de recherche mais aussi des coûts induits pour le laboratoire d’accueil.

Les jeunes chercheurs touchés

Ces nouvelles tombent mal pour les jeunes chercheurs, dont les carrières, déjà précaires, ont été affectées par le Covid-19. « Ces coupes budgétaires sont désastreuses », a expliqué Giulia Malaguarnera, de l’association Eurodoc, le 26 septembre, lors d’un point presse organisé par la plate-forme indépendante de sociétés savantes et d’organisations scientifiques européennes Initiative for Science in Europe. Elle a souligné aussi que chez les jeunes l’inquiétude, voire la démotivation, monte, à cause des retards dans les expériences, les publications ou la non-prolongation de contrats.

« La demande est en hausse et si les crédits baissent, alors les taux de succès aussi. Nous perdrons alors en quantité et en qualité, car ceux qui n’auront pas été sélectionnés se détourneront du dispositif », craint Jean-Pierre Bourguignon.

Cette excellence est d’ailleurs ce qui peut paradoxalement expliquer pourquoi le couperet est notamment tombé sur la recherche. Contrairement aux aides européennes pour lesquelles les pays peuvent savoir par avance ce qu’ils toucheront, ici c’est l’inconnu car les moyens sont distribués de façon compétitive. Ces subsides sont donc moins évidents à défendre devant les opinions publiques nationales.

Le Parlement européen a prévenu, dès le 23 juillet, par une résolution, qu’il ne voterait pas en l’état la proposition, notamment à cause des coupes budgétaires. « Il faut renforcer la recherche car c’est un enjeu fondamental, mais c’est aussi pour éviter que, pour la première fois, le programme qui la soutient n’augmente pas chaque année », défend Valérie Hayer, députée Renew Europe au Parlement européen, membre du groupe de négociation entre le Parlement, la Commission et le Conseil européen, qui poursuit ses travaux. Un espoir est qu’un autre volet de la négociation, qui porte sur la possibilité pour l’Union de disposer de ressources propres par le prélèvement de taxes, puisse augmenter le budget.

David Larousserie

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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