Azerbaïdjanais et Arméniens s’accusent mutuellement de viser des cibles civiles et refusent de déposer les armes – Le conflit sort de l’enclave

HAUT-KARABAKH : L’AZERBAÏDJAN FAIT DU RETRAIT DES FORCES ARMÉNIENNES SA « SEULE CONDITION » POUR UN CESSEZ-LE-FEU

Azerbaïdjanais et Arméniens s’accusent mutuellement de viser des cibles civiles et refusent de déposer les armes, malgré les appels de la communauté internationale. 

Le Monde avec AFP  Publié le 03 octobre 2020 à 20h50, mis à jour hier à 20h08

https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/03/haut-karabakh-les-combats-s-intensifient-entre-armeniens-et-azerbaidjanais-le-bilan-officiel-depasse-les-240-morts_6054670_3210.html?xtor=EPR-32280629-%5Ba-la-une%5D-20201005-%5Bzone_edito_2_titre_12%5D

Une maison détruite lors d’un bombardement sur Stepanakert, dans le Haut-Karabakh, le 4 octobre 2020.
Une maison détruite lors d’un bombardement sur Stepanakert, dans le Haut-Karabakh, le 4 octobre 2020. ArmGov/PAN Photo / via REUTERS

Huit jours de combats, et la tension s’accentue dans le Haut-Karabakh. Dimanche 4 octobre, des nouveaux bombardements, suivis d’explosions, ont secoué Stepanakert, la principale ville de la région indépendantiste, en proie à un conflit entre séparatistes arméniens et forces azerbaïdjanaises, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP).

Le ministère des affaires étrangères de la république autoproclamée a indiqué qu’il s’agissait de « tirs de roquette », selon l’agence russe Interfax. Ces derniers jours, la ville a essuyé de nombreux bombardements de ce type, forçant la population à se réfugier dans des caves et des abris. Dans la nuit de samedi à dimanche, Stepanakert a été privée d’électricité.Lire aussi  Pourquoi l’Arménie et l’Azerbaïdjan s’affrontent dans le Haut-Karabakh

Le président de la république autoproclamée, Arayik Haroutiounian, a annoncé qu’en représailles aux frappes sur Stepanakert, des infrastructures militaires installées dans les « grandes villes » d’Azerbaïdjan, situées à plus grande distance du front, avaient été visées. Ses services ont ensuite annoncé avoir « détruit »l’aéroport de la seconde ville azerbaïdjanaise, Gandja – ce que Bakou a démenti, affirmant par ailleurs que des civils avaient été touchés. D’autres villes azerbaïdjanaises ont été frappées, selon Bakou : Horadiz, Beylagan et Terter.

La Turquie, soutien de l’Azerbaïdjan, a condamné dimanche les attaques « arméniennes » contre Gandja, affirmant qu’elles « ciblaient des civils » etconstituaient « un nouvel exemple du fait que la stratégie arménienne ne respecte pas la loi ». De son côté, la Russie s’est déclarée « préoccupée par la hausse du nombre de victimes au sein de la population civile ». Azerbaïdjanais et Arméniens, qui démentent systématiquement les succès militaires de l’adversaire, s’accusent mutuellement de viser des cibles civiles.

L’AZERBAÏDJAN EXIGE LE RETRAIT DES TROUPES ARMÉNIENNES

Le Haut-Karabakh, majoritairement peuplé d’Arméniens, a fait sécession de l’Azerbaïdjan à la chute de l’URSS, entraînant une guerre au début des années 1990 qui a fait 30 000 morts. Le front était quasiment gelé depuis, malgré des heurts réguliers.

Après les violents affrontements de samedi, le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, a réitéré son appel au retrait des forces arméniennes des « territoires occupés »« Nous allons reprendre nos territoires, c’est notre droit légitime et notre objectif historique », a-t-il déclaré lors d’un entretien donné à la chaîne de télévision Al-Jazira samedi. « Il faut que le conflit du Karabakh soit réglé maintenant », a-t-il insisté. Dimanche, il a fait du retrait des forces arméniennes du Haut-Karabakh sa « seule condition » pour un cessez-le-feu. Il a également demandé que le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, « s’excuse devant le peuple azerbaïdjanais »

Le premier ministre arménien a quant à lui déclaré, samedi, que l’Arménie faisait face « au moment peut-être le plus décisif de son histoire ». Pour le président du territoire séparatiste, Arayik Haroutiounian, la « dernière bataille » pour le Haut-Karabakh a commencé. Il a annoncé samedi qu’il rejoignait le front pour combattre avec ses troupes.

UN BILAN SANS DOUTE BIEN PLUS LOURD

Un immeuble d’habitation touché par des tirs d’artillerie lourde, à Stepanakert,  principale ville du Haut-Karabakh, le 3 octobre.
Un immeuble d’habitation touché par des tirs d’artillerie lourde, à Stepanakert,  principale ville du Haut-Karabakh, le 3 octobre. AFP

Comme les jours précédents, les deux camps revendiquent divers succès sur le champ de bataille. Dimanche, l’Azerbaïdjan a affirmé avoir grièvement blessé le président de la république autoproclamée, ce que le service de presse de ce dernier a démenti.

Le Haut-Karabakh a, lui, assuré avoir « amélioré ses positions, préparant le terrain pour des avancées », tandis que Bakou proclamait avoir conquis 14 villages et un massif montagneux qualifié de stratégique, le Mourovdag, depuis le début des combats le 27 septembre.

Erevan a également annoncé, samedi soir, que 51 autres soldats de l’armée du Haut-Karabakh avaient été tués, ce qui porte le bilan officiel des affrontements à près de 250 morts. Depuis le début des hostilités, des bilans très partiels communiqués font état de 247 morts : 209 soldats combattant pour le Haut-Karabakh, 14 civils arméniens et 24 civils azerbaïdjanais, Bakou ne communiquant pas ses pertes militaires. Mais le bilan pourrait être bien plus lourd, alors qu’Erevan assure que 3 000 soldats azerbaïdjanais sont morts, et que Bakou affirme que 2 300 militaires arméniens ont été tués.

MISE EN GARDE DE L’IRAN

Les deux camps ont largement ignoré les appels de la communauté internationale à faire taire les armes. Moscou, Washington et Paris, capitales des trois pays impliqués dans la médiation sur ce conflit sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ont aussi réclamé un cessez-le-feu, sans succès.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Haut-Karabakh : le dilemme de Vladimir Poutine dans le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

La Géorgie, autre pays du Caucase, a provisoirement suspendu le survol de son territoire pour les avions-cargos militaires de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan. Pays voisin des deux nations, l’Iran a par ailleurs mis en garde, samedi, contre toute « intrusion » sur son territoire, après que des tirs de mortier ont frappé des villages iraniens le long de la frontière.

Un autre sujet d’inquiétude est le déploiement de combattants pro-turcs venus de Syrie en soutien des troupes azerbaïdjanaises. La Turquie est un indéfectible allié de l’Azerbaïdjan et le président turc, Recep Tayyip Erdogan, n’a de cesse de rappeler que seul un départ des troupes arméniennes du Haut-Karabakh peut ramener la paix.

Bakou nie que des combattants venus de Syrie aient été déployés mais le sujet a été évoqué vendredi par le président russe, Vladimir Poutine, qui a exprimé sa « profonde préoccupation », sans citer nommément la Turquie. Le président français, Emmanuel Macron, a également affirmé que 300 combattants « djihadistes » avaient quitté la Syrie pour rejoindre l’Azerbaïdjan.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Le Haut-Karabakh, nouveau théâtre d’intervention des mercenaires syriens à la solde d’Ankara

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), 1 200 Syriens qui avaient combattu contre le régime de Bachar Al-Assad ont été envoyés par la Turquie pour se battre aux côtés des forces azerbaïdjanaises contre les séparatistes soutenus par Erevan. Au moins 64 d’entre eux auraient déjà été tués.Une tribune d’élus appelle la France à sortir de sa neutralité

173 maires, députés et sénateurs français appellent la France à prendre position face à « l’agression azerbaïdjanaise contre les Arméniens » au Nagorny Karabakh, région séparatiste que l’Azerbaïdjan cherche à reconquérir. Cette tribune, publiée dans le Journal du dimanche, dimanche 4 octobre, est notamment signée par la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, ainsi que les maires de Marseille (Michèle Rubirola), Nice (Christian Estrosi) ou l’ancien premier ministre Bernard Cazeneuve.

Le Monde avec AFP

HAUT-KARABAKH : LE CONFLIT SE PROPAGE HORS DE L’ENCLAVE

L’Arménie et l’Azerbaïdjan s’accusent mutuellement de bombarder des zones urbaines, en dehors même du territoire séparatiste disputé. Des missiles tactiques, des chars et des drones sont actuellement engagés dans les combats.

Par Marie Jégo et Isabelle Mandraud  Publié aujourd’hui à 09h47, mis à jour à 10h06

Sur cette photo diffusée par une agence d’information turque, des civils nettoient des débris dans une zone résidentielle de Ganja (Azerbaïdjan), près de la frontière avec l’Arménie, dimanche 4 octobre 2020.
Sur cette photo diffusée par une agence d’information turque, des civils nettoient des débris dans une zone résidentielle de Ganja (Azerbaïdjan), près de la frontière avec l’Arménie, dimanche 4 octobre 2020. DHA / AP

Vidéos contre vidéos, déclarations belliqueuses, accusations et démentis des deux côtés : le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour la possession du Haut-Karabakh, dans le Caucase du Sud, a franchi un nouveau palier, dimanche 4 octobre, avec des bombardements visant des zones urbaines.

Hikmet Hajiev, un conseiller du président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, a accusé l’Arménie d’avoir pilonné les villes de Ganja et Mingachevir avec des missiles. Ganja (335 000 habitants), deuxième ville d’Azerbaïdjan, est située à environ 100 kilomètres de Stepanakert, la capitale du Haut-Karabakh, tout comme Mingachevir. Sur son compte Twitter, le responsable azerbaïdjanais a diffusé une vidéo montrant des bâtiments endommagés, résultat, selon lui, « des attaques massives de missiles de l’Arménie contre des zones résidentielles densément peuplées » à Ganja et à Mingachevir, qui abrite un réservoir d’eau et une centrale électrique.

Results of Armenia’s massive missile attacks against dense residential areas in Ganja city. Azerbaijan retains its… https://t.co/9x5UEpzaIq— HikmetHajiyev (@Hikmet Hajiyev) 

L’attaque a tué un civil et a blessé des dizaines de personnes dans un quartier densément peuplé de Ganja, sans endommager la base aérienne qui était visée à l’origine, selon Bakou. Le ministre azéri de la défense, Zakir Hasanov, a accusé l’Arménie d’« élargir le théâtre du conflit ». Depuis la capitale arménienne, à Erevan, le ministère de la défense a nié avoir mené l’attaque sur Ganja. Mais dimanche, le chef de l’enclave séparatiste, Arayik Haroutiounian, a expliqué sur son compte Twitter avoir « ordonné des tirs de roquettes pour neutraliser des objectifs militaires » à Ganja, dont la base aérienne est soupçonnée par les Arméniens d’abriter des F-16 turcs.

CONSÉQUENCES IMPRÉVISIBLES

Stepanakert, la principale ville de l’enclave séparatiste, a été elle-même la cible de bombardements azerbaïdjanais, forçant ses habitants à se réfugier dans les sous-sols et les privant d’électricité dans la nuit de dimanche à lundi. Distante d’à peine 20 kilomètres, la ville de Chouchi a été également visée. Un obus est tombé sur un centre culturel où s’étaient réfugiés des habitants, dont des enfants, provoquant la mort de quatre personnes et faisant une dizaine de blessés selon les autorités.

Des deux côtés, des vidéos de propagande, se rejetant mutuellement la responsabilité des attaques, témoignent de la violence des bombardements. Gelée depuis des années, la guerre entre les forces azerbaïdjanaises et les séparatistes arméniens de cette enclave située en territoire azerbaïdjanais mais à la population majoritairement arménienne a repris avec une rare intensité depuis le conflit à grande échelle qui avait suivi l’effondrement de l’Union soviétique, en 1991. Des missiles tactiques, des chars et des drones sont actuellement engagés dans les combats.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Haut-Karabakh : le dilemme de Vladimir Poutine dans le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

Un conflit direct entre ces deux ex-républiques soviétiques du Caucase pourrait avoir des conséquences imprévisibles, plusieurs puissances étant en concurrence dans la région : la Russie, le traditionnel arbitre régional, la Turquie, alliée à l’Azerbaïdjan, ou encore l’Iran. Dimanche, un couvre-feu a été instauré à Bakou. « Je ne pense pas qu’Erevan est en danger, mais après tout, nous sommes en guerre », a déclaré un porte-parole du ministère arménien de la défense.

L’armée azerbaïdjanaise a ouvert deux fronts, au nord et au sud du Haut-Karabakh. Elle a revendiqué, dimanche, la prise de la ville de Jebraïl, ainsi que de dix villages au sud de l’enclave, dans l’un des sept districts azerbaïdjanais conquis par les forces arméniennes séparatistes en 1993 et 1994, quand l’Azerbaïdjan a perdu 20 % de son territoire. Dimanche soir, un représentant du ministère arménien de la défense a nié la prise de plusieurs localités, dont Madhagir. Azerbaïdjanais et Arméniens démentent systématiquement les succès militaires annoncés par le camp ennemi.

ESCALADE VERBALE

Tour à tour, dimanche, le président azerbaïdjanais et le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, sont apparus dans plusieurs allocutions télévisées diffusées par des chaînes nationales et internationales. « Ils [les Arméniens] pensaient que nous accepterions l’occupation… Désormais, nous les chassons comme des chiens », a déclaré le premier. « Nous vivons peut-être le moment le plus décisif de notre histoire », a affirmé le second. Sur France24, M. Pachinian a de nouveau mis en cause la Turquie pour son soutien militaire à l’Azerbaïdjan, l’accusant de vouloir rétablir « l’Empire turc » et de poursuivre la politique du « génocide des Arméniens ».

De son côté, M. Aliev a exigé de M. Pachinian qu’il « présente ses excuses devant le peuple azerbaïdjanais » et « dise que le Haut-Karabakh, ce n’est pas l’Arménie ». De part et d’autre, les déclarations belliqueuses n’ont pas cessé, tandis qu’à Moscou, face à « la hausse du nombre des victimes au sein de la population civile », le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, exprimait sa « préoccupation » et réitérait son appel à « un cessez-le-feu au plus vite ».Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Dans la guerre sans fin du Haut-Karabakh

L’enclave du Haut-Karabakh est redevenue aujourd’hui le cœur d’un conflit qui avait provoqué, en 1992, la mort de 30 000 personnes et jeté sur les routes 1 million de réfugiés azerbaïdjanais. Un cessez-le-feu avait été négocié par Moscou, allié de l’Arménie, en 1994. Aidées militairement par l’armée russe, les forces arméniennes ont gagné la guerre à l’époque, remportant non seulement le Haut-Karabakh, mais aussi sept districts azerbaïdjanais situés autour de l’enclave, de façon à former une ceinture de sécurité.

L’Azerbaïdjan, qui s’est considérablement renforcé militairement ces dernières années grâce aux revenus du pétrole et du gaz, semble déterminé à reprendre ces districts. S’agissant des réfugiés et des personnes déplacées, le président Aliev leur a promis de pouvoir rentrer très bientôt dans les sept districts voués à la reconquête. Sur les réseaux sociaux azerbaïdjanais, des vidéos montraient une foule en liesse dimanche à Bakou, la capitale azérie.

« TERRE SACRÉE »

Pour le premier ministre arménien, il s’agit d’une « terre sacrée ». Erevan accuse la Turquie de s’impliquer sur le terrain aux côtés de l’Azerbaïdjan turcophone, son allié, en y dépêchant des combattants syriens. Ankara nie avoir envoyé des armes ou des combattants étrangers vers la zone de guerre, tout en se disant prêt à « aider l’Azerbaïdjan par tous les moyens », comme l’a souligné récemment le président turc, Recep Tayyip Erdogan.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Le Haut-Karabakh, nouveau théâtre d’intervention des mercenaires syriens à la solde d’Ankara

Environ 900 mercenaires syriens ont été acheminés vers l’Azerbaïdjan par des sociétés turques privées de sécurité, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme. D’autres sources parlent du double. Dimanche, le ministère turc des affaires étrangères a condamné l’attaque contre Ganja, accusant l’Arménie de crimes contre l’humanité. « L’Arménie est le plus grand obstacle à la paix et à la stabilité dans la région », a déclaré le ministère. De fait, la Turquie, membre de l’OTAN, conseille et forme depuis longtemps les officiers azerbaïdjanais. L’armée de Bakou jouit par ailleurs d’une indéniable supériorité, car elle dispose de drones de fabrication israélienne produits en Azerbaïdjan.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Haut-Karabakh : l’Arménie dénonce des ventes d’armes israéliennes à l’Azerbaïdjan

Marie Jégo(Istanbul, correspondante) et  Isabelle Mandraud

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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