Après avoir louvoyé avec République et Laïcité, Mélenchon a réaffirmé un discours républicain

Le recentrage républicain de Jean-Luc Mélenchon

Après avoir donné l’impression, ces derniers mois, de zigzaguer sur la République ou la laïcité, le fondateur de La France insoumise a réaffirmé un discours républicain, dans l’intention de préparer sa candidature à l’élection présidentielle de 2022. 

Par Abel Mestre  Publié le 28 septembre 2020 à 06h30 – Mis à jour le 28 septembre 2020 à 08h37

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/28/le-recentrage-republicain-de-jean-luc-melenchon_6053855_3232.html

Analyse. Jean-Luc Mélenchon aurait-il cédé à la tentation de se renier et abandonné ses idéaux républicains ? Ou, au contraire, a-t-il simplement évolué et modernisé son approche de la chose commune, la res publica ? Depuis plusieurs mois, le député La France insoumise (LFI) des Bouches-du-Rhône donne l’impression de zigzaguer sur des thématiques qui lui sont chères, comme la République ou la laïcité. D’abord, sa signature, en novembre 2019, de l’appel contre l’islamophobie a jeté le trouble chez ses partisans. Non pas que le combat ne vaille pas la peine d’être mené – tous les « insoumis » reconnaissent la réalité de l’islamophobie en France, même si certains rechignent à utiliser ce terme – mais parce que le texte condamnait les « lois liberticides » de 2004 et 2010 (sur les signes religieux à l’école et sur l’interdiction de la burqa), ce qui n’est pas la position officielle de LFI.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Comment l’islamophobie déchire la gauche française

Puis vint, plus récemment, la reprise du concept de « racisation » d’une partie de la population. « C’est le regard du raciste qui racise la personne, qui lui attribue par essence des comportements qui seraient liés à sa couleur de peau ou à sa religion. Ceux qui luttent contre la racisation ne se réclament pas des races, mais au contraire de la perspective générale d’un droit universel qui s’applique à toute personne humaine [pour ce qu’elle] fait, et pas [pour ce qu’elle] est », a ainsi analysé M. Mélenchon lors d’un colloque sur la sécurité, organisé par son mouvement, le 14 septembre. Des propos inédits dans la bouche de l’ancien sénateur socialiste et qui sont combattus par une partie des antiracistes français qui se réclament de « l’universalisme ». Pour ces derniers, le concept de racisation est mortifère car il réhabilite le concept de race, même s’il s’agit de « race sociale »et non plus de « race biologique ».

Les adversaires de M. Mélenchon – l’ancien premier ministre Manuel Valls en tête, mais aussi, de l’autre côté du spectre politique, le Rassemblement national – en ont profité pour dénoncer une supposée prise du pouvoir à LFI par des « indigénistes ». Même ses anciens amis de Charlie Hebdo ne l’épargnent pas dans leurs caricatures sur le sujet. Le parlementaire, lui, réplique en amalgamant le journal satirique à Valeurs actuelles, l’hebdomadaire de droite extrême qui a représenté la députée insoumise Danièle Obono en esclave. Comme souvent avec Jean-Luc Mélenchon, les débats se transforment en affrontements, les arguments en anathèmes.

Un discours manifeste

Ces accusations sont, en tout cas, graves aux yeux de M. Mélenchon. Lui, l’admirateur de la « grande révolution » de 1789, longtemps franc-maçon, qui veut s’inscrire dans les pas d’un François Mitterrand – il multiplie les références à l’ancien chef de l’Etat –, a toujours placé le combat républicain au cœur de son engagement. Il se devait donc de répondre. Il l’a fait lundi 21 septembre, jour anniversaire de la fondation de la Ire République en 1792, à l’occasion du lancement du nouveau think tank « insoumis », l’Institut La Boétie. Son message est clair : la République, c’est lui.

Pendant près de deux heures, Jean-Luc Mélenchon a tenu un discours qui était, en fait, un manifeste. Celui d’un politique attaché plus que tout à la République, son histoire, sa signification. Mais aussi celui d’un homme de gauche qui a évolué, a modifié sa vision du monde sans, le jure-t-il, en altérer l’essence. Opposant une conception dynamique de l’histoire à une autre qui serait figée, il a estimé que « l’universalisme ne peut pas rester un principe abstrait ». Il se concrétise, au contraire, dans « la créolisation du monde » chère au poète antillais Edouard Glissant, notion que M. Mélenchon explique longuement dans une tribune parue dans L’Obs.

Reprendre le concept de « créolisation » est une manière, pour lui, de dépasser les questions ethniques et l’assignation identitaire

Reprendre le concept de « créolisation » est une manière, pour le parlementaire, de dépasser les questions ethniques et l’assignation identitaire afin que la République redevienne un creuset où se mélangent et s’associent les citoyens aux origines et identités différentes. Et créer ainsi quelque chose de neuf, d’inédit. « Nous ne sommes pas une nation ethnique. On fait France de tout bois, en permanence », estime ce promoteur d’une VIe République.

Lors de son intervention, M. Mélenchon a aussi voulu éteindre les accusations de « communautarisme » et répondre, à sa manière, à l’exécutif, qui parle de « séparatisme »« La République n’est pas un régime neutre, a martelé Jean-Luc Mélenchon. Il faut qu’une seule communauté soit reconnue, la communauté légale. Aucune autre communauté ne peut se prévaloir de droits spécifiques. »

Une image écornée dans l’opinion

Cette profession de foi républicaine – plutôt un recentrage – est surtout une nécessité pour Jean-Luc Mélenchon. Son image a été durablement abîmée par les perquisitions mouvementées à son domicile et au siège de son mouvement, en octobre 2018. Au moment du procès qui a suivi, ses attaques contre les juges lui avaient valu une réponse cinglante du Syndicat de la magistrature (gauche) et avaient déconcerté certains de ses fidèles soutiens. Ces positions ont durablement marqué l’opinion. Selon la balise d’opinion réalisée par l’Ifop en septembre, le député « inquiète » 54 % des sondés (contre 38 % en 2017). Moins d’un quart (22 %) des personnes interrogées estiment que M. Mélenchon a la stature d’un président de la République (contre 46 % il y a trois ans). A un an et demi de l’échéance présidentielle, il y a urgence à agir.

Cette reconquête du discours républicain s’inscrit donc pour le fondateur de LFI dans un cadre plus large, celui de la préparation de sa troisième candidature pour la fonction suprême en 2022. Il aura 70 ans et cette campagne devrait être sa dernière pour l’Elysée. L’âge aidant, il entend incarner une République réconciliée, bien différente du « bruit et de la fureur » qui ont permis ses premiers succès.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Après l’échec aux municipales, La France insoumise mise déjà sur 2022

Abel Mestre

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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