Les inégalités d’émissions de CO2 aggravent le déréglement climatique (rapport d’Oxfam et du Stockholm Environment Institute).

Les « inégalités extrêmes » des émissions de CO2 nous mènent vers une catastrophe climatique

La frange la plus riche (1 %) émet deux fois plus de CO2 que la moitié la plus pauvre de l’humanité, selon un rapport d’Oxfam et du Stockholm Environment Institute. 

Par Audrey Garric  Publié le 21 septembre 2020 à 01h46 – Mis à jour le 21 septembre 2020 à 23h21

https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/09/21/les-inegalites-extremes-des-emissions-de-co2-nous-menent-vers-une-catastrophe-climatique_6052972_3244.html

Oxfam recommande d’appliquer une taxe carbone sur les produits de luxe (SUV, vols fréquents en classe affaires, jets privés).
Oxfam recommande d’appliquer une taxe carbone sur les produits de luxe (SUV, vols fréquents en classe affaires, jets privés). MICHAEL PROBST / AP

C’est un chiffre prompt à marquer les esprits : le 1 % le plus riche de la planète est responsable de deux fois plus d’émissions de CO2 que la moitié la plus pauvre de l’humanité.Alors que les effets dévastateurs du dérèglement climatique se font plus que jamais sentir – incendies en Californie, fonte de la banquise arctique, débâcle du Groenland, vagues de chaleur en Europe –, l’ONG Oxfam et le think tank Stockholm Environment Institute assurent, dans leur dernier rapport, publié lundi 21 septembre, que ce sont les « inégalités extrêmes » en matière d’émissions de CO2, à l’œuvre depuis plusieurs décennies, qui précipitent le monde vers une catastrophe climatique.

Ce rapport, qui actualise de précédentes données parues en 2015, se focalise sur les années 1990-2015, une période critique pendant laquelle les émissions annuelles de COont augmenté de 60 %. Les auteurs se sont intéressés aux émissions dues à la consommation de 117 Etats, c’est-à-dire, pour chaque pays, celles qu’il produit sur son territoire, mais aussi celles liées à ses importations de biens et de services, tout en excluant celles rattachées à ses exportations. Ils ont regardé comment se répartissaient les différentes catégories de revenus dans ces rejets.

Les résultats illustrent de manière éloquente l’enjeu de la justice climatique. Les 10 % les plus riches de la planète ont été à l’origine de 52 % des émissions de CO2cumulées. Au cours de ces vingt-cinq années, ces habitants ont ainsi consommé un tiers (31 %) du budget carbone mondial encore disponible – c’est-à-dire la quantité maximale de dioxyde de carbone pouvant être émise – pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C. A l’inverse, les 50 % les plus pauvres étaient responsables de seulement 7 % des émissions cumulées, soit 4 % du budget carbone disponible. L’empreinte carbone d’un habitant faisant partie du 1 % le plus riche est cent fois plus élevée que celle des 50 % les plus pauvres.

Source : Le Monde

En France aussi, des inégalités très marquées

« Ces chiffres permettent d’aller à l’encontre des idées reçues, et notamment celle selon laquelle l’envolée des émissions serait due uniquement à la Chine, à l’Inde et au développement des classes moyennes », analyse Armelle Le Comte, responsable des questions climatiques pour Oxfam France. De fait, le rapport montre que, si des millions de personnes sont sorties de la pauvreté dans des pays comme la Chine et l’Inde, avec une forte hausse de leurs revenus et de leurs rejets carbonés, les émissions des plus riches (avant tout des citoyens américains et européens) ont également continué de croître, dans les mêmes proportions.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Climat : « L’environnement est la nouvelle frontière des inégalités »

Les rejets des plus pauvres, eux, n’ont quasi pas évolué sur la période. De sorte qu’entre 1990 et 2015 la croissance des émissions est due pour moitié aux 10 % les plus riches et pour moitié aux 40 % de l’humanité qui correspondent aux classes moyennes.

Source : Le Monde

En France, les inégalités sont aussi très marquées : les 10 % les plus riches ont été responsables de plus d’un quart des émissions cumulées de CO2 sur la période 1990-2015, soit presque autant que la moitié la plus pauvre de la population. Et, en 2015, l’empreinte carbone moyenne du 1 % le plus riche était treize fois plus élevée que celle des 50 % les plus pauvres (50,7 tonnes de CO2 par an contre 3,9 tonnes de CO2).

En 2020, l’arrêt forcé des économies, lié à la pandémie de Covid-19, a entraîné une chute sans précédent des émissions de CO2. Toutefois, les scientifiques anticipent un rebond dès 2021, dans la mesure où ce décrochage n’est pas lié à des transformations socio-économiques structurelles. Dans ce cas, le budget carbone mondial visant à limiter le réchauffement à 1,5 °C sera complètement épuisé à l’horizon 2030.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  La crise sanitaire due au coronavirus a causé une baisse d’émissions de CO2 sans précédent

Autre preuve des inégalités : les 10 % les plus riches de la planète épuiseraient à eux seuls ce budget dès 2033, même si les émissions du reste de la population mondiale devenaient nulles dès demain.

« Le plan de relance français va à contre-courant »

« Cette injustice est ressentie le plus cruellement par les deux groupes qui contribuent le moins à la crise climatique : d’une part, les personnes les plus pauvres et les plus vulnérables », les plus affectées par les dérèglements climatiques, « et d’autre part les générations futures qui hériteront d’un budget carbone épuisé et d’un climat encore plus dévastateur », indique le rapport d’Oxfam et du Stockholm Environment Institute.

Une analyse produite par le site anglais Carbon Brief, en 2019, avait montré que les enfants nés aujourd’hui devront émettre entre trois et huit fois moins de CO2à l’échelle mondiale que leurs grands-parents pour contenir le réchauffement à 1,5 °C.Lire aussi  Combien de CO2 pourrez-vous émettre dans votre vie si le réchauffement est contenu à 1,5 °C ?

Oxfam appelle alors les gouvernements à profiter des plans de relance post-épidémie pour réduire autant les émissions que les inégalités. Elle recommande notamment d’appliquer une taxe carbone sur les produits de luxe (SUV, vols fréquents en classe affaires, jets privés), d’investir dans les transports publics et l’efficacité énergétique des logements ou encore d’interdire la publicité dans les lieux publics.

« Le plan de relance français va à contre-courant, en abaissant les impôts de production sans aucune contrepartie écologique et sociale. Cette baisse va donc profiter autant à des Biocoop qu’à des entreprises comme Total », prévient Mme Le Comte.

Audrey Garric

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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