Estimé il y a un an à 5,4 milliards d’euros, le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse, qui verse les cotisations retraite des chômeurs et le minimum vieillesse, est désormais évalué à 44,4 milliards d’euros pour 2020

Chute abyssale des comptes de la Sécurité sociale en pleine crise du Covid-19

Selon le projet de loi de finances présenté mardi, le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse atteindrait 44,4 milliards d’euros en 2020. 

Par François Béguin et Raphaëlle Besse Desmoulières  Publié aujourd’hui à 12h30, mis à jour à 12h41

https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/09/29/chute-abyssale-des-comptes-de-la-securite-sociale-en-pleine-crise-du-covid-19_6054049_823448.html

La chute est vertigineuse. Percutés de plein fouet par l’épidémie de Covid-19, les comptes de la Sécurité sociale dévissent. Estimé il y a un an à 5,4 milliards d’euros, le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse, qui verse les cotisations retraite des chômeurs et le minimum vieillesse, est désormais évalué à 44,4 milliards d’euros pour 2020 dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021, qui devait être présenté mardi 29 septembre. Même en 2010, deux ans après le début de la crise économique, l’ardoise ne se montait qu’à 28 milliards d’euros.

Cette dégradation sans précédent tient en premier lieu à la récession économique qui a entraîné une chute brutale des recettes dont les causes sont multiples : suppressions de postes dans les entreprises et diminution de la masse salariale – donc des contributions versées à la « Sécu », recours massif au chômage partiel, qui se traduit par le versement d’indemnités exemptées de cotisations sociales… Un léger rebond de l’activité post-confinement a cependant permis de contenir le déficit, estimé en juin à 52,2 milliards d’euros, mais la reprise de l’épidémie fait peser des incertitudes.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  La « dette sociale » du coronavirus doit-elle être financée par la Sécurité sociale ?

Sans surprise, la branche maladie – qui affiche un solde négatif de 29,8 milliards d’euros – est la plus touchée. Près de 15 milliards d’euros de dépenses exceptionnelles sont liées à la crise du Covid-19 en 2020. Il a notamment fallu acheter des masques chirurgicaux et FFP2 ainsi que d’autres matériels médicaux (4,6 milliards d’euros), rembourser intégralement les tests PCR réalisés dans les laboratoires (1,5 milliard d’euros) ou encore payer les primes et heures supplémentaires majorées des personnels hospitaliers (1,6 milliard d’euros). Des dépenses de crise conformes à la promesse faite par Emmanuel Macron le 12 mars de mobiliser « tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies. Quoi qu’il en coûte ».

« Nécessaire maîtrise de nos dépenses »

Alors que toutes les branches repassent dans le rouge, l’assurance vieillesse accuse, elle aussi, le coup. Son déficit est évalué à 7,8 milliards d’euros pour 2020. Si l’exécutif a pu envisager d’inscrire une mesure d’économies sur les retraites dans le PLFSS pour 2021 afin de rétablir les comptes, il n’a pas donné suite. Mais le sujet reste sur la table, d’autant que les prévisions du gouvernement font état d’une nouvelle détérioration en 2024 (− 9,3 milliards d’euros).

Pour 2021, le déficit de la Sécu, estimé à 27,1 milliards d’euros, serait en nette amélioration grâce à des recettes qui « connaîtraient un fort rebond sous l’effet de la reprise économique, soutenue par le plan de relance », peut-on lire dans le dossier de présentation du PLFSS. Le niveau de ce déficit resterait cependant extrêmement préoccupant, proche de celui de 2010. « On a mis dix ans pour s’approcher de l’équilibre, souligne Julien Damon, professeur à Sciences Po et spécialiste de la protection sociale. Il est probable que le chemin qui se profile soit compliqué et douloureux. »Lire aussi  Sécu : retour à l’équilibre après 18 ans de déficit

Les prévisions communiquées mardi annoncent la couleur : en 2024, la Sécu serait toujours fortement déficitaire (− 22,1 milliards d’euros). Après avoir quasiment atteint ces dernières années l’objectif d’un retour dans le vert, le gouvernement ne se risque même plus à annoncer une date pour y parvenir. Mais il affiche sa volonté de ne pas y renoncer. « Nous ne pourrons pas faire l’impasse d’une nécessaire maîtrise de nos dépenses », écrivent notamment les ministres Olivier Véran (santé) et Olivier Dussopt (comptes publics) dans le document de présentation du PLFSS.

Des décisions difficiles et impopulaires qui attendront : aucune mesure d’économies ou véritable taxe nouvelle n’est prévue pour 2021. « Ce n’est pas le moment de créer de la suspicion en annonçant des mesures sèches d’économies »,assure-t-on au ministère des solidarités et de la santé. « Pour la première fois, on ne voit pas très bien quel scénario de retour à l’équilibre pourra être envisagé,estime un bon connaisseur du dossier. Les traditionnels leviers sur lequel on peut agir ne sont pas utilisables et sans doute pour un certain temps. » Le Parlement a néanmoins acté cet été le transfert de 136 milliards d’euros de dette sociale à la CADES. Cette structure dédiée devait s’éteindre en 2024 mais sa durée de vie à été prolongée jusqu’en 2033 – soit un remboursement prolongé de neuf ans pour les Français.

Augmentations de salaires

Ce contexte de crise n’a pas empêché le gouvernement de sortir le carnet de chèques. Dernière annonce en date : l’allongement, en juillet 2021, du congé paternité à un mois pour un coût évalué entre 250 millions et 260 millions d’euros l’an prochain, puis autour de 500 millions d’euros en année pleine. Les dépenses engagées en juillet dans le cadre du Ségur de la santé constituent la mesure-phare du prochain budget de la Sécu. Près de 8 milliards d’euros permettront notamment des augmentations de salaires pour les personnels soignants du secteur public à hauteur de 183 euros net par mois à partir de mars.

Près de 4,3 milliards d’euros sont, par ailleurs, mis en réserve pour « tenir compte des besoins de financement de la crise sanitaire ». Sur cette somme, 1,5 milliard pourrait être consacré au financement de la vaccination de 35 millions de Français, « dès lors que les vaccins auront démontré leur sécurité et leur efficacité ».Deux milliards sont mis de côté pour assurer le remboursement des tests.

Autre nouveauté de ce PLFSS : l’apparition en 2021 d’une cinquième branche de la Sécu, consacrée à la perte d’autonomie, dont la création a été entérinée cet été par le Parlement. Un projet de loi « grand âge », promis par le gouvernement « dans les prochains mois », doit cependant encore venir en préciser les financements.Lire aussi  Grand âge : une nouvelle branche à la Sécurité sociale mais sans ressources nouvelles

François Béguin et  Raphaëlle Besse Desmoulières

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

Laisser un commentaire