Pologne et Hongrie bloquent le plan de relance européen

La Pologne et la Hongrie bloquent le plan de relance européen

Cherchant à obtenir l’abandon des mesures liées à l’Etat de droit, les deux pays ont refusé d’engager le processus de ratification du compromis négocié de haute lutte dans l’Union, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier. 

Par Virginie Malingre  Publié le 26 septembre 2020 à 02h39 – Mis à jour le 26 septembre 2020 à 10h41

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Le premier ministre hongrois Viktor Orban, le 31 août à Bled, en Slovénie.
Le premier ministre hongrois Viktor Orban, le 31 août à Bled, en Slovénie. BORUT ZIVULOVIC / REUTERS

Le compte à rebours est enclenché. Et il laisse peu de temps aux Vingt-Sept pour faire en sorte que le plan de relance à 750 milliards d’euros sur lequel ils se sont entendus non sans mal le 21 juillet entre en vigueur au 1er janvier 2021.

Vendredi 25 septembre, la Pologne et la Hongrie ont pris en otage ce dispositif inédit d’aide aux pays les plus touchés par la pandémie, espérant ainsi faire valoir leurs refus d’une conditionnalité liée au respect de l’Etat de droit. A l’occasion d’une réunion entre les ambassadeurs des Vingt-Sept auprès de l’Union européenne (UE), les deux pays ont en effet refusé de valider une décision qui aurait formellement permis de lancer le processus (indispensable) de ratification par les parlements nationaux.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Après 90 heures de négociations, les Européens adoptent un plan de relance historique

Il ne s’agissait là que de donner un simple visa. Et, quand bien même Varsovie et Budapest auraient validé cette étape, rien ne les aurait empêchés, par la suite, de continuer à faire pression sur leurs partenaires européens puisqu’il suffit d’un veto de l’une des chambres législatives appelées à se prononcer – plus d’une vingtaine seront consultées – pour que tout l’édifice construit dans la douleur lors du sommet de juillet s’effondre.

Mais la Pologne et la Hongrie ont fait le choix de mettre leurs partenaires sous pression sans attendre. Leur message est clair : tant qu’ils n’en sauront pas plus sur le mécanisme qui doit conditionner le versement des aides au respect de l’Etat de droit, ils bloqueront toute avancée ; et si ce mécanisme ne leur convient pas, ils n’hésiteront pas à mettre en péril le plan de relance.

Jeu de poker menteur

A l’issue du sommet du 21 juillet, le Conseil européen avait évoqué la nécessité de mettre en place un tel dispositif mais sa formulation était suffisamment alambiquée pour ne pas provoquer de rupture avec Budapest et Varsovie. Dès le lendemain, d’ailleurs, le premier ministre hongrois, Viktor Orban, se félicitait que ses homologues ne soient pas parvenus à l’« éduquer ».

Pour le Parlement européen, qui doit se prononcer sur le budget communautaire de quelque 1 100 milliards d’euros (sur la période 2021-2027) que viendra abonder le plan de relance, la question de l’Etat de droit est cependant cruciale. Dans les négociations en cours avec les Etats membres, c’est d’ailleurs le point sur lequel un accord s’annonce le plus difficile.

Viktor Orban le sait et il avait prévenu, il y a déjà plusieurs semaines, qu’il serait intraitable sur le sujet. « Orban bluffe, il a besoin des fonds de cohésion de l’Europe, c’est un jeu de poker menteur », estime Valérie Hayer, eurodéputée (Renew, RE, La République en marche, LRM), qui fait partie de l’équipe de négociation.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Parcours d’obstacle en vue pour le plan de relance européen, à peine approuvé par les Vingt-Sept

Le premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, en revanche, avait jusqu’ici entretenu une certaine ambiguïté sur ses intentions. « La Pologne touche beaucoup d’argent avec le plan de relance [23 milliards d’euros de subventions ], on ne s’attendait pas à ce qu’elle suive Orban », commente un diplomate.

Dans ce contexte, vendredi, d’autres pays ont également refusé de s’engager plus avant dans le processus de ratification, histoire de montrer à la Pologne et à la Hongrie qu’ils ne se laisseront pas intimider et qu’ils sont décidés à ce qu’un mécanisme de conditionnalité au respect de l’Etat de droit digne de ce nom voie le jour.

A commencer par les « frugaux » (Pays-Bas, Danemark, Suède, Autriche) et leur allié finlandais, qui avaient bataillé ferme en juillet contre la philosophie même d’un plan de relance construit sur un endettement commun et le versement de subventions aux pays les plus affaiblis, Italie et Espagne en particulier. « Les frugaux savent que l’Etat de droit est un sujet important pour leur opinion et la ratification par leurs parlements n’est pas acquise », commente un diplomate. Au passage, ils ont rappelé qu’il n’était pas question que le budget européen soit augmenté pour satisfaire une autre demande du Parlement européen.

« Le temps presse »

Il y a donc urgence – « on a jusqu’à début octobre », juge un diplomate – à ce que les Etats membres et l’Assemblée législative se mettent d’accord. L’Allemagne, qui assure la présidence tournante du Conseil de l’UE, a tiré la sonnette d’alarme vendredi 25 septembre. Par voie de communiqué – une pratique dont il est peu coutumier –, son ambassadeur auprès de l’UE, Michael Clauss, a appelé les eurodéputés à intensifier le rythme des négociations, y compris pendant le week-end. « Le temps presse », a-t-il expliqué, « l’Europe doit tenir sa promesse d’aider au plus vite les régions et les peuples qui ont particulièrement souffert de la crise du coronavirus ».

« L’Europe doit tenir sa promesse d’aider au plus vite les régions et les peuples qui ont particulièrement souffert de la crise du coronavirus »

En ce qui concerne le mécanisme qui permettra de lier l’octroi de fonds au respect de l’Etat de droit, le Parlement européen souhaite qu’il soit le plus large possible et ne se contente pas de sanctionner « la fraude, la corruption et les conflits d’intérêts », comme l’a stipulé la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, dans son discours sur l’état de l’UE le 16 septembre. « Pour une bonne gestion de l’argent public, il faut une justice qui fonctionne, une administration non corrompue… Et donc le respect des valeurs européennes bien au-delà de la simple bonne gestion de l’argent public », lance Dacian Ciolos, président du groupe Renew au Parlement européen.

Là-dessus, les conservateurs du PPE, comme les sociaux-démocrates des S&D, les libéraux de Renew ou les Verts sont d’accord. « On peut abattre la démocratie sans détourner d’argent public », ironise Philippe Lamberts, président des Verts. Au-delà du champ d’application du mécanisme de conditionnalité au respect de l’Etat de droit, les eurodéputés militent également pour que, dans la pratique, il puisse être déclenché effectivement. Pour eux, une décision à la majorité qualifiée des Etats ne saurait suffire, car elle peut être bloquée.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Confusion sur le conditionnement des financements européens au respect de l’Etat de droit

« Quoi qu’ils en disent, les eurodéputés ne vont pas prendre la responsabilité de faire capoter le plan de relance alors que leur pays a besoin de cet argent », nuance un haut fonctionnaire. Certes, mais le Parlement européen – dont 60 % des élus n’appartiennent pas aux partis au pouvoir dans leur pays – a montré, ces derniers mois, qu’il pouvait être imprévisible.

Virginie Malingre(Bruxelles, bureau européen)

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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