Retard de diagnostic des cancers et la Covid-19


Covid-19 : la surmortalité par cancers lors de la 1ère vague estimée entre 2 et 5 %

(Communiqué)

https://toute-la.veille-acteurs-sante.fr/156868/covid-19-la-surmortalite-par-cancers-lors-de-la-1ere-vague-estimee-entre-2-et-5-communique/

Émis par : Gustave Roussy18/09/2020

Gustave Roussy a développé un modèle mathématique de simulation pour évaluer les impacts de la pandémie de Covid-19 sur l’organisation des soins de cancérologie et les conséquences en termes de pronostic liées au décalage et aux modifications des prises en charge pendant la période de confinement.

Les résultats de la simulation montrent notamment que l’inquiétude des patients quant à la contamination et leur venue plus tardive dans les centres de soins pour recevoir leurs traitements et les retards au diagnostic pourrait se traduire par une augmentation de la mortalité par cancer entre 2 et 5 % à 5 ans. Ce sur-risque pourrait augmenter en cas de deuxième vague et il sera important de tout mettre en œuvre pour maintenir le diagnostic et l’offre de soins en cancérologie.

Ces travaux, présentés au congrès virtuel de l’ESMO 2020 par Aurélie Bardet ont été réalisés par le Service de Biostatistique et d’Epidémiologie de Gustave Roussy et l’équipe Oncostat du CESP, U1018, Inserm, Université Paris-Saclay, labélisée par la Ligue contre le cancer.

Lors de la première vague, l’épidémie de Covid-19 a entraîné un bouleversement des soins pour les patients atteints de cancer : les stratégies thérapeutiques ont été adaptées, le plus souvent sur la base des recommandations des sociétés savantes, par les centres de soins, au niveau national et international, afin de limiter l’exposition des patients au risque de contamination, une partie des patients n’a pas réalisé ou retardé les examens de dépistage ou de diagnostic, certains ont interrompu ou décalé les traitements en cours pour leur cancer.

Voir les explications en vidéo.

Menée dans un premier temps à Gustave Roussy, l’étude pilote GROUVID, a estimé l’impact de tous ces changements sur le pronostic des patients par des méthodes statistiques de simulation. L’étude a utilisé des données hospitalières enregistrées en routine fournies par le service d’information médicale et le recensement, par entretiens auprès de cliniciens de Gustave Roussy, des modifications de prise en charge mises en place pendant la période de confinement et une analyse de la littérature internationale.

Les résultats montrent que ce sont les retards/décalages de venue des patients qui ont le plus fort impact. Ces retards pourraient se traduire par une augmentation a minima de 2 % des décès par cancer à 5 ans.

Le modèle de simulation a vocation à être étendu à d’autres centres, nationaux et européens, et il sera développé pour déterminer le décalage maximum à ne pas dépasser, dans chaque situation clinique, pour minimiser l’impact sur la survie des patients.

En cas de reprise de l’épidémie, il sera donc important de communiquer, auprès des tutelles, et auprès des patients ou des personnes devant réaliser un dépistage, sur l’importance de ne pas décaler leur prise en charge. Pour certains cancers à un stade avancé, un retard dans la prise en charge peut se traduire par un changement majeur de pronostic.

Contact :
Claire Parisel
Relations médias
Tél. 33 1 42 11 50 59

www.gustaveroussy.fr

Publié le 23/09/2020

Covid-19 et retard au dépistage du cancer colorectal, un autre dossier à charge

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https://www.jim.fr/medecin/actualites/medicale/e-docs/covid_19_et_retard_au_depistage_du_cancer_colorectal_un_autre_dossier_a_charge_184516/document_actu_med.phtml

La Covid-19 a eu un impact soudain et dramatique sur les soins de santé. En Italie, comme en France, depuis le début de la pandémie, les programmes de dépistage du cancer colorectal (CCR) ont été suspendus pour faire face à l’urgence de la situation et éviter une contamination intra-hospitalière. L’adoption du dépistage par recherche immunologique du sang dans les selles (FIT) réduit habituellement la mortalité par CCR grâce à la détection de tumeurs à un stade précoce. En France, une étude contrôlée randomisée en population générale montrait, en 2004, une réduction de 16 % de la mortalité par CCR après 11 ans de suivi. L’impact du coronavirus sur le retard de dépistage n’a pu être déterminé avec précision.

Les médecins de Bergame ont construit un modèle méta-analytique tenant compte des retards du dépistage par FIT pour estimer son effet sur le « staging » tumoral et la mortalité. Le nombre de cas de CCR attendus a été calculé en utilisant les données de la population italienne dépistée. Avec un délai de 0 à 3 mois, 74 % des CCR devraient être au stade I-II, tandis qu’avec un délai de 4 à 6 mois, l’augmentation des diagnostics aux stades précoces (I-II) est de 2 % avec une diminution concomitante paradoxale pour les stades avancés (III-IV) (p = 0,068). Par rapport au départ (0-3 mois), des retards modérés (7-12 mois) ou longs (> 12 mois) conduiraient à une augmentation significative du nombre de CCR avancés (respectivement de 26 % à 29 % et 33 % ; p = 0,008 et p < 0,001). Ainsi, l’augmentation significative du nombre total de décès est de + 12 % lors du passage d’un délai habituel de 0 à 3 mois à un retard > 12 mois avec une modification de la mortalité variable selon les stades.  

Davantage de CCR avancés en cas de coloscopie retardée de plus de 7 mois après FIT positif

Au Royaume-Uni, des données récentes ont mis en évidence les effets néfastes de la pandémie et du retard diagnostique chez les patients symptomatiques atteints de CCR. Le retard de dépistage peut-il avoir des effets aussi dramatiques que le diagnostic différé ? Dans des circonstances habituelles, seule une petite fraction des sujets positifs au FIT ont une coloscopie retardée (allant de 0,8 % à 6,2 %, après 6 mois). Flugelman et coll. ont examiné les données des 304 patients (17 % de leur cohorte) qui ont reporté le suivi au-delà d’un an après un test fécal positif : la principale raison (chez 90 % d’entre eux) était le manque d’observance des directives de suivi. Si un retard allant jusqu’à 4 à 6 mois ne réduit pas significativement la performance du dépistage dans cette étude de modélisation, un confinement soutenu pendant une période plus longue aurait un effet négatif sur le staging tumoral et le taux de mortalité. Il existerait ainsi un glissement progressif des cancers détectés par dépistage vers des stades avancés dans l’intervalle de retard de 7 à 12 mois. L’augmentation du nombre total de décès par CCR atteindrait alors plus de 10 % après 12 mois d’attente. Une telle augmentation des stades avancés et de la mortalité induirait une charge importante de morbidités, de coûts humains et économiques.

La principale limite de cette étude, basée sur des résultats méta-analytiques plutôt que sur des données directes, est le petit nombre d’études primaires incluses dans les deux méta-analyses portant notamment sur la séquence adénome/carcinome. Il faut également rappeler l’hétérogénéité des populations de patients, des méthodes de mesure du stade précoce (I et II) ou avancé (III et IV) et de la survie parmi les 18 articles sélectionnés. Bien que cette étude soit un exercice de modélisation, avec de nombreuses hypothèses, le message sous-jacent est assez clair : les retards dans le dépistage du CCR entraîneront un changement dans le diagnostic de cancer à un stade avancé et un risque accru de décès au-delà de 12 mois. Les données recueillies après la pandémie permettront ultérieurement de valider ou non ces estimations mathématiques.

Nécessité de « rattraper » les sujets testés positifs

Un sondage récent de l’Inca et de BVA, paru le 22 juin 2020, révèle que 76 % des Français feront plus attention à leur santé après la crise liée à la Covid-19, mais que 54 % d’entre eux s’estiment mal informés des autres pathologies occultées par la pandémie. En 2018 et 2019, 5 millions de personnes ont réalisé un test, soit 30,5 % de participation. Pour 2020, la relance du dépistage a été actée avec nécessité de rattraper les sujets testés positifs.

En conclusion, les retards dans le dépistage du CRC causés par le confinement dû au SARS-CoV-2 n’auraient pas d’impact significatif jusqu’à 6 mois. Les retards de dépistage au-delà de 6 et surtout de 12 mois augmenteraient considérablement les cas avancés de CCR et la mortalité.

Ces données soulignent la nécessité de réorganiser les efforts de dépistage de certaines maladies cancéreuses évoluant à bas bruit, en tenant compte d’une probable 2e vague émergente de SARS-CoV-2 ou en se projetant sur d’autres futures pandémies.

Dr Sylvain Beorchia

RÉFÉRENCE

Ricciardiello L, Ferrari C, Cameletti M et coll. : Impact of SARS-CoV-2 pandemic on colorectal cancer screening delay: effect on stage shift and increased mortality, Clinical Gastroenterology and Hepatology, 2020 ; publication avancée en ligne le 1er Septembre. doi: doi.org/10.1016/j.cgh.2020.09.008

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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