Recherche: une hausse du budget mais un projet contesté

L’Assemblée vote largement en première lecture le projet de loi recherche

Le texte, qui arrivera au Sénat fin octobre, fixe la trajectoire budgétaire sur dix ans, avec la promesse d’une hausse du budget de la recherche de 30 % entre 2021 et 2030. 

Le Monde avec AFP  Publié aujourd’hui à 03h22, mis à jour à 03h35

https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/09/24/l-assemblee-vote-largement-en-premiere-lecture-le-projet-de-loi-recherche_6053387_3224.html

« C’est un vrai moment historique », a estimé la ministre de la recherche Frédérique Vidal. Après un examen sans encombre, les députés ont largement voté, dans la nuit de mercredi 23 à jeudi 24 septembre, le projet de loi sur la recherche française, avec lequel le gouvernement promet des « moyens massifs »pour les chercheurs.

Le texte, adopté en première lecture à 48 voix contre 20, fixe la trajectoire budgétaire sur dix ans, avec la promesse d’une hausse du budget de la recherche de 30 % entre 2021 et 2030, en passant de 15 à 20 milliards d’euros par an.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  « Le projet de loi de programmation sur la recherche n’est pas à la hauteur des vrais enjeux d’avenir »

Les députés auront bouclé l’examen du texte en trois petits jours, sans modification majeure, avant son arrivée au Sénat vers la fin octobre.

Les syndicats et collectifs universitaires, qui avaient envoyé plusieurs milliers de personnes dans la rue en mars, ont peiné cette fois à mobiliser, en pleine rentrée universitaire, rendue particulièrement délicate par le Covid-19. « On a l’impression que le sujet nous file un peu entre les doigts. On est complètement coincé par la rentrée », témoignait ainsi Noé Wagener – professeur de droit à l’Université Paris-Est Créteil – en espérant une remobilisation lors de l’examen au Sénat.

Une trajectoire trop longue, selon la gauche

Avec ce projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), le gouvernement promet d’ouvrir un « nouveau chapitre » pour la recherche française en injectant par étapes un total de « 25 milliards d’euros » sur dix ans, un calcul contesté par les opposants au texte.

A l’Assemblée, des députés de gauche comme de droite, et quelques voix dans la majorité, ont plaidé sans succès pour une trajectoire plus courte, de 7 ans.

La gauche et Les Républicains (LR) reprochent au gouvernement de faire peser l’essentiel de l’effort durant les quinquennats suivants, quand il ne sera plus là pour « garantir » les investissements.

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L’exécutif considère pour sa part que cette loi va permettre à la seule recherche publique d’atteindre 1 % du Produit intérieur brut (PIB) en 2030, niveau auquel le pays s’était engagé il y a 20 ans. Une part importante vise à revaloriser les carrières des chercheurs pour les rendre plus attractives. Et plus de 5 000 emplois de chercheurs seront créés.

Discorde autour des voies de recrutements parallèles

Au-delà de ce débat budgétaire, les syndicats contestent la philosophie du texte et sa mesure phare visant à distribuer les nouveaux financements principalement par appels à projets, en renflouant l’Agence nationale de la recherche (ANR) à hauteur d’un milliard d’euros. Selon eux, cela se fera au détriment des financements pérennes, dits « de base » et pousserait vers une recherche « compétitive et sélective ».Article réservé à nos abonnés Lire aussi  « La Loi de programmation pluriannuelle permettra à la France de rester  un phare de la recherche européenne »

Point majeur de crispation : la mise en place de voies de recrutements parallèles, perçue par les opposants au texte comme une attaque du statut de fonctionnaire. Le projet de loi prévoit des nouveaux « parcours de titularisation » à l’américaine (« tenure tracks »), pour accéder à une titularisation au bout de six ans maximum, ainsi que des « CDI de mission scientifique », censés remplacer les CDD à répétition, mais prenant fin avec le projet de recherche associé.

Sur ce dernier point, Frédérique Vidal a défendu mercredi un dispositif qui offrira de la « visibilité » aux chercheurs, notamment pour des « projets de plus de cinq ans ». Et « ce sont des CDI, ça fait aussi très souvent la différence » dans la vie quotidienne « pour obtenir un prêt », a-t-elle ajouté. « Le CDI de mission n’a de CDI que le nom », a répliqué la socialiste Sylvie Tolmont, plaidant pour la création de postes « statutaires ».Article réservé à nos

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Dans la journée, les députés ont par ailleurs voté pour limiter la durée d’un contrat de post-doctorat à quatre ans maximum – deux ans renouvelables une fois – afin de « mieux encadrer » ces CDD de jeunes chercheurs régulièrement contestés pour leur « précarité ».

L’Assemblée a, par ailleurs, voté un amendement pour assurer à partir de 2023 le paiement « mensuel » des vacataires alors qu’ils « subissent des retards très importants et récurrents dans le paiement » de leurs heures.

Le Monde avec AFP

« Le projet de loi de programmation sur la recherche n’est pas à la hauteur des vrais enjeux d’avenir »

L’adoption de ce texte débattu à l’Assemblée nationale en procédure accélérée fragiliserait encore un peu plus ce secteur essentiel, dénonce dans une tribune au « Monde » l’Assemblée des directions de laboratoires, constituée de plus de 800 équipes.

Par Collectif Publié le 22 septembre 2020 à 12h24 – Mis à jour le 22 septembre 2020 à 14h09

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/22/recherche-le-projet-de-loi-de-programmation-sur-la-recherche-n-est-pas-a-la-hauteur-des-vrais-enjeux-d-avenir_6053163_3232.html

Tribune. Le projet de loi de programmation de la recherche (LPR) suscite depuis des mois maints débats et autant d’oppositions fermes. A l’unisson des critiques formulées par une multitude d’instances représentatives, de collectifs, de syndicats et de laboratoires, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a également émis un avis sévèrement opposé aux orientations du projet, voté à une écrasante majorité tant par les professionnels du service public que par les représentants de la société civile et du monde de l’entreprise.

En pure perte : le texte soumis en procédure accélérée à l’Assemblée nationale n’a pas évolué sur le fond. Cette constance à balayer d’un revers de main des avis émanant de la réalité du terrain n’a d’égale que l’unanimité de l’insatisfaction vis-à-vis de ce texte. Il s’agit pourtant d’une question essentielle pour l’avenir de notre société et pour les connaissances qui pourront construire le monde de demain.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  L’information scientifique sous tutelle d’une agence de communication ?

En tant que directrices et directeurs de laboratoires, faisant de la recherche tout en étant responsables de sa bonne administration, nous sommes bien placés pour savoir comment se produisent les recherches à haute valeur scientifique et sociétale. Aujourd’hui, nous faisons le même constat que celui qui nous a conduits à créer l’Assemblée des directions de laboratoires (ADL), un collectif composé de 800 équipes de direction représentant des structures de recherche de toutes tailles et disciplines, réparties sur l’ensemble du territoire : ce projet de loi n’est pas à la hauteur des vrais enjeux d’avenir.

Une compétition exacerbée

Face aux défis et aux crises à affronter, notre société doit avoir la capacité de produire des connaissances nouvelles, ouvertes, diverses et non inféodées à une vision utilitariste. Outre une programmation budgétaire qui ne permettra pas de compenser plusieurs décennies de désinvestissement, ce projet repose sur une idéologie inadaptée qui obère toute possibilité de relever les grands défis à venir, de soutenir la vraie innovation et d’assurer la qualité de la production scientifique. Il bat en brèche la conception de la recherche comme bien commun et continuera d’ébranler l’équilibre pourtant indispensable à nos collectifs de travail.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  « La recherche va bénéficier de dotations plus pérennes »

Réorganiser la science selon un modèle exclusivement concurrentiel, accroissant le lot des incertitudes et les flots continus de demandes de financements et d’évaluations inadaptées et chronophages, est la voie la plus efficace pour réduire la valeur, l’originalité et l’intégrité de la recherche française. C’est au contraire en soutenant la cohésion au sein des équipes que la France continuera à produire une science à la hauteur des enjeux contemporains et à accroître son rayonnement international.

Ce projet de loi mise sur la compétition exacerbée des individus et des structures au détriment de l’émulation collective, alors qu’elle seule permet de développer une recherche constructive et attentive aux besoins de la société, attractive au niveau international et productrice de succès scientifiques.

Principe de l’indépendance

Une autre loi est possible. En ce qui concerne le volet budgétaire, l’enveloppe devrait être redéployée pour augmenter les « marches » des premières années, et en particulier celle de la première année, la seule sur laquelle l’actuelle majorité a la main. C’est dès à présent que la recherche a besoin de financements, des financements qui ne devraient pas abonder en priorité les budgets des « appels à projets », lesquels ont pour effet d’accroître les réponses opportunistes, de réduire la qualité des recherches et de produire du conformisme.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Universités : la loi de programmation pluriannuelle de la recherche de nouveau contestée

Alors que nous peinons à accompagner des stratégies scientifiques cohérentes au sein de nos laboratoires, le projet de LPR dans son état actuel achèvera de les vider de toute ambition scientifique de long terme. Il faut absolument des conditions stables pour assurer le patient et incertain travail de recherche, pour éviter que les laboratoires ne deviennent des outils dévolus à la recherche de financements.

Aussi, en application du principe de l’indépendance scientifique, la loi devrait rappeler formellement que tout laboratoire bénéficie d’un droit au financement de ses travaux exploratoires indépendamment des dispositifs d’appel à projets. La réaffirmation du principe de l’emploi permanent devrait orienter les articles de la loi sur l’attractivité des métiers scientifiques.

Défendre l’attractivité

Un plan ambitieux est indispensable afin de compenser la baisse du nombre de postes pérennes des dernières décennies, y compris pour les fonctions de soutien. Mais aucun recrutement ne devrait déroger aux codes de l’éducation et de la recherche. C’est pourquoi nous nous opposons notamment aux « contrats de missions scientifiques » – qualifiées artificieusement comme étant à durée indéterminée – et aux « chaires de professeurs juniors » envisagées.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Loi sur la recherche : universités et laboratoires dans la rue contre la précarité

Guidée par une conception erronée, selon laquelle l’excellence scientifique s’incarnerait dans quelques « génies », l’instauration de ces chaires vise à contourner les instances compétentes actuellement en place afin de recruter selon des priorités thématiques, dans l’air du temps, et dans des conditions incertaines en vue d’une hypothétique titularisation. Contrairement à ce qui est défendu par les promoteurs de la loi, cette nouvelle voie de recrutement n’améliorera pas l’attractivité de la recherche française, au contraire. Ce sont plutôt l’ouverture de postes permanents et une meilleure dotation des laboratoires en moyens stables qui sont gages d’attractivité.

Les transformations profondes de l’organisation de la recherche portées par ce projet de loi sont dangereuses. Sans une refonte de ses articles-clés, les conditions de travail dans les laboratoires, aujourd’hui déjà très dégradées, deviendraient intenables. Qui pourrait dans ces conditions s’engager à la direction de laboratoires placés au cœur d’un système qui grève l’efficacité du travail scientifique, enraye la recherche de temps long et amoindrit l’ambition collective ?

Premiers signataires : Marc Aymes, directeur du Centre d’études turques, ottomanes, balkaniques et centrasiatiques (CNRS, Collège de France, EHESS) ; Valérie Boussard, directrice du laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société (CNRS, ENS Paris-Saclay, universités Paris-I-Panthéon-Sorbonne, Evry, Paris-VIII et Paris-Nanterre) ; Christophe Douady, directeur du Laboratoire d’écologie des hydrosystèmes naturels et anthropisés (CNRS, ENTPE, Inrae, université Claude-Bernard Lyon-I) ; Gincarlo Faini, directeur du Centre de nanosciences et de nanotechnologies (CNRS, université Paris-Saclay) ; Marie-Aude Fouéré, directrice de l’Institut français de recherche en Afrique de Nairobi (CNRS, ministère de l’Europe et des affaires étrangères) ; Bénédicte Gastineau, directrice du Laboratoire population, environnement, développement (Aix-Marseille Université, IRD) ; Jean-Louis Halperin, directeur du Centre de théorie et d’analyse du droit (CNRS, ENS, université Paris-Nanterre) ; Thomas Lamarche, directeur du Laboratoire dynamiques sociales et recomposition des espaces (CNRS, universités Paris-I-Panthéon-Sorbonne, Vincennes-Saint-Denis, Paris-Nanterre et université de Paris) ; Hélène Mainet, directrice du laboratoire Territoires (AgroParisTec, Inrae, université Clermont-Auvergne, VetAgro Sup) ; Mathis Plapp, directeur du Laboratoire de physique de la matière condensée (CNRS, Ecole polytechnique).

La liste de tous les membres de l’ADL est consultable ici : https ://adl.frama.site/blog/signataires

Collectif

La loi de programmation de la recherche jugée « insuffisante »

La ministre de la recherche, Frédérique Vidal, a présenté un projet de loi prévoyant d’abonder de 25 milliards d’euros sur dix ans la recherche publique, pas assez pour rattraper le retard français, selon de nombreux acteurs du secteur.

Par Hervé Morin Publié le 23 juillet 2020 à 01h35 – Mis à jour le 23 juillet 2020 à 10h48

https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/07/23/une-loi-sur-la-programmation-de-la-recherche-mal-accueillie_6047015_1650684.html

Frédérique Vidal, ministre l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, à Paris, le 22 juillet 2020.
Frédérique Vidal, ministre l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, à Paris, le 22 juillet 2020. POOL / REUTERS

Depuis 2000, la France a dévissé dans le classement des grandes nations scientifiques, passant du 5e au 8rang des contributeurs aux publications scientifiques. Par rapport à l’objectif fixé en 2002 de porter en 2010 l’effort de recherche de la nation à 3 % du PIB (1 % pour le public, 2 % pour le privé), le compteur reste bloqué à 2,2 %, dont près de 0,8 % pour le public. La France se situe là à la treizième place internationale – la Corée du Sud, championne mondiale, est à plus de 4 % du PIB. Frédérique Vidal, ministre l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, a présenté en conseil des ministres, mercredi 22 juillet, un projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) destiné à apporter des réponses à cette situation de décrochage et « tendre vers cet objectif des 3 % du PIB ».

« Jamais depuis la fin de la deuxième guerre mondiale un gouvernement n’a réalisé un tel investissement dans la recherche », a fait valoir Frédérique Vidal, lors d’un point presse à l’issue du conseil des ministres. Vingt-cinq milliards d’euros doivent être injectés par étapes sur les dix prochaines années : 400 millions en 2021, 800 millions en 2022, puis 1,2 milliard en 2023, détaille l’Agence France-Presse. Avec l’objectif, en 2030, d’un budget annuel de 20 milliards d’euros par an, soit 5 milliards de plus qu’actuellement.Article réservé

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Cette programmation permettra à l’Agence nationale de la recherche (ANR) « de se hisser au niveau des meilleurs standards internationaux », a indiqué la ministre. Créée en 2005, cette agence permet un pilotage de la recherche en lançant des appels à projets sur des thématiques ciblées. « Ses moyens annuels augmentés de 1 milliard d’euros d’ici à 2027 lui permettront de porter à 30 % le taux de succès des appels à projets, contre 17 % actuellement », a souligné Frédérique Vidal – un des griefs des chercheurs était précisément lié aux faibles chances d’obtenir des financements au terme d’un parcours du combattant administratif.

La LPPR prévoit aussi une revalorisation des salaires avec, par exemple, « plus de 1 000 euros supplémentaires pour les chargés de recherche en 2021 », et une augmentation « de 30 % de la rémunération des doctorants ». Une mesure assortie d’« une hausse de 20 % du nombre des thèses financées dans tous les champs disciplinaires ». Le salaire d’embauche des jeunes chercheurs passera à l’équivalent de deux smics, contre actuellement 1,6 pour le premier échelon. Au total, entre 2021 et 2027, près de 92 millions d’euros supplémentaires seront mobilisés chaque année dans ces revalorisations salariales. La future loi vise aussi à « redonner du temps aux chercheurs », a souligné la ministre, notamment à travers 5 000 créations d’emplois.

Le volet budgétaire est « une grande déception »

Une innovation du projet de loi est l’institution d’une nouvelle voie de recrutement pour les chercheurs et enseignants-chercheurs, inspirée des tenure tracks à l’américaine : des chaires de professeurs juniors qui bénéficieront d’un financement de 200 000 euros en moyenne « afin de conduire leurs recherches avant de pouvoir intégrer, à l’issue de leurs travaux, les corps des professeurs des universités ou des directeurs de recherche ».Article réservé à nos abonnés Lire aussi  « Un débat public au sujet de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche nous semble plus que jamais nécessaire »

Avant même son adoption par le conseil des ministres, avec en perspective sa discussion au Parlement à l’automne pour une entrée en vigueur début 2021, le projet de LPPR a fait l’objet de nombreuses critiques – notamment sur l’effet « trompe-l’œil » de l’annonce des 25 milliards d’euros d’investissement étalés sur dix ans, donc sans garantie de continuité lors des prochaines mandatures. Pour l’Académie des sciences, qui avait préconisé un supplément de 7 milliards du budget public en cinq ans pour atteindre l’objectif de 1 % du PIB pour la recherche publique, le compte n’y est pas.

Le 3 juillet, elle constatait dans un communiqué qu’« en dépit d’avancées et d’un effort financier public significatif, le volet budgétaire du projet de LPPR ne répond pas à cette ambition ». Même s’il voit d’un bon œil l’augmentation du budget de l’ANR, les revalorisations salariales, l’augmentation des CDI de mission et l’instauration des tenure tracks, le chimiste Marc Fontecave (Collège de France), qui a codirigé un groupe de travail de l’Académie sur la LPPR, constate « une grande déception » « 4,8 milliards de plus dans dix ans, cela conduit à environ 0,83 % du PIB, donc très loin de l’objectif. De plus, le démarrage est très faible dans les trois à quatre ans à venir. »

Revalorisation salariale insuffisante

Dans un avis adopté le 24 juin, après saisine du gouvernement, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) avait, lui aussi, critiqué une trajectoire budgétaire jugée « insuffisante », préconisant une hausse budgétaire de 6 milliards d’euros durant le quinquennat. Pour Sylviane Lejeune, représentante CGT cadres et techniciens, rapporteuse de cet avis, le gouvernement devrait infléchir son projet « et écouter davantage la communauté scientifique, notamment sur les questions posées par le financement par projets, au détriment du financement de base ». Le « mode projet » est en effet souvent vécu par le monde scientifique comme une restriction de son horizon de recherche, laissant moins de place à l’exploration pure susceptible d’ouvrir des perspectives inédites.

« Cette loi aurait été bonne pour l’an 2000. Mais pour atteindre 1 % du PIB en 2030, il faut non pas 25 milliards d’euros supplémentaires, mais 100 milliards », commente quant à lui l’embryologiste (CNRS) Patrick Lemaire, président de la Société française de biologie du développement. Il note que sur les 25 milliards avancés, seuls les 7 milliards fléchés vers l’ANR et les montants destinés aux revalorisations salariales sont clairement attribués. « Ma crainte est que les 14 milliards restants aillent principalement à l’innovation, pas à la recherche. » Il estime que le manque d’ambition concernant le plan d’emploi risque d’obérer l’objectif d’attractivité vers les métiers scientifiques. « Nos salaires sont inférieurs de 30 % à ceux des corps de même rang dans les autres ministères », assure-t-il. Il déplore une « loi technique, sans ambition politique », avec « la barre mise à fond sur le financement par projets ». Il espère que la discussion parlementaire permettra de modifier et préciser le projet.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Loi de programmation pluriannuelle de la recherche : « Il faut ouvrir le système français de recherche et d’innovation à la société »

Pour le spécialiste des coronavirus Bruno Canard (CNRS), la déception est aussi de mise. « C’est un bon point de revaloriser les carrières, note-t-il. Mais pour avoir échangé avec mes collègues exilés, même en doublant les salaires, sans reconstituer les effectifs de techniciens affiliés, sans capacité à investir dans le matériel, vous ne ferez pas revenir les premiers de cordée évoqués par le président Macron. » Depuis 2016, sa discipline « mendie » ainsi pour passer de trois à six cryomicroscopes au niveau national, pour 36 millions d’euros, un montant « dérisoire par rapport aux aides aux entreprises privées du secteur ». Or, « si la recherche académique s’assèche, en aval, la recherche privée ne pourra pas en bénéficier ». En infectiologie, pour la recherche de médicaments, de vaccins, rappelle-t-il, l’« unité de temps, c’est dix ans ». Pour lui, la LPPR se fonde sur « le vieux discours de l’excellence et de la compétition entre équipes. Ce serait mieux de penser solidarité, collaboration et partage ».Article réservé à nos abonnés Lire aussi  « Face aux coronavirus, énormément de temps a été perdu pour trouver des médicaments »

Hervé Morin

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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