Commission d’enquête du sénat (Covid-19): Agnès Buzyn et Sibeth Ndiaye sous le feu des critiques

Commission d’enquête sur le Covid-19 : au Sénat, Agnès Buzyn et Sibeth Ndiaye sous le feu des critiques

Les auditions de l’ancienne ministre de la santé et de l’ancienne porte-parole du gouvernement ont été marquées par des tensions avec les élus. 

Par Chloé Hecketsweiler et Solenn de Royer  Publié aujourd’hui à 04h11, mis à jour à 09h13

https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/09/24/commission-d-enquete-sur-le-covid-19-au-senat-agnes-buzyn-et-sibeth-ndiaye-sous-le-feu-des-critiques_6053388_823448.html

Agnès Buzyn lors de son audition devant la commission d’enquête sur la crise du Covid-19 au Sénat à Paris, le 23 septembre.
Agnès Buzyn lors de son audition devant la commission d’enquête sur la crise du Covid-19 au Sénat à Paris, le 23 septembre. STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

C’est la voix grippée, et l’air fatigué, qu’Agnès Buzyn s’est présentée, mercredi 23 septembre, devant les sénateurs de la commission d’enquête sur la crise du Covid-19.

Après un premier round à l’Assemblée nationale, où elle a été auditionnée le 30 juin, l’ancienne ministre de la santé a défendu pendant plus de trois heures et demi son « bilan ». Face à des sénateurs décidés à obtenir des « réponses précises », elle est revenue sur les origines de la pénurie de masques, le calendrier de ses décisions, et le contexte d’incertitude dans lequel celles-ci ont été prises. « J’espère ainsi clore très solennellement devant la représentation nationale cette forme de procès en incompétence que je ressens », a-t-elle d’emblée annoncé aux parlementaires.Lire aussi  Comment fonctionne une commission d’enquête parlementaire, comme celle qui analysera la gestion de l’épidémie de Covid-19 ?

Dès les premières questions de la co-rapporteure Catherine Deroche (Les Républicains, LR, Maine-et-Loire) au sujet des données dont elle disposait pour affirmer – le 24 janvier – que le risque d’importation de cas depuis Wuhan (Chine) était « pratiquement nul », l’ex-ministre apparaît à cran. « La diffusion permanente de propos tronqués a grandement contribué aux menaces de mort dont j’ai fait l’objet sur les réseaux sociaux depuis six mois » sur fond d’antisémitisme, a-t-elle lâché, soulignant qu’elle avait bien précisé alors : « Cela peut évidemment évoluer dans les prochains jours. » « Je ne voudrais pas, parce que je vous pose des questions, être taxée d’antisémitisme, madame », a aussitôt rétorqué la sénatrice.

Agnès Buzyn a cependant admis que son affirmation reposait sur une modélisation qui s’est, depuis, révélée erronée. « J’apprendrai quelques jours plus tard (…) que cette étude n’a pas pris en compte les liens très particuliers de la France avec la ville de Wuhan (…) qui font que nous avons de nombreux vols directs entre Paris et Wuhan », a-t-elle détaillé, précisant que l’étude avait été corrigée par la suite.

Guidée par son « intuition »

Comme devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, l’ex-ministre de la santé, soucieuse de démontrer qu’elle avait très tôt anticipé, notamment guidée par son « intuition », s’est appliquée à retracer au jour le jour son action.

« On ne va pas aujourd’hui reprendre toute l’histoire de l’épidémie dans tous ses aspects sinon le [vice-] président [de la commission d’enquête] Savary va rester là jusqu’à demain matin », a insisté le co-rapporteur Bernard Jomier (apparenté PS, Paris) avant de recentrer l’audition sur les masques, avec une question centrale : pourquoi la France a-t-elle abordé l’épidémie avec seulement 100 millions de masques dans le stock stratégique au lieu du milliard recommandé par les experts ?Article réservé à nos abonnés Lire aussi  2017-2020 : comment la France a continué à détruire son stock de masques après le début de l’épidémie

Agnès Buzyn a assuré n’avoir découvert le problème que le 24 janvier, lorsque le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, lui a présenté un état des lieux. Elle a alors lancé de nouvelles commandes, mais « trop tard » pour échapper à la pénurie mondiale, la quarantaine qui avait été décrétée à Wuhan le 23 janvier ayant aussitôt paralysé les nombreuses usines de la région.

Pour l’ex-ministre, l’origine du problème est à chercher du côté de Santé publique France (SpF), chargée notamment des stocks stratégiques d’Etat. Elle a ainsi souligné que l’agence de sécurité sanitaire avait mis « dix-huit mois à auditer le stock » de masques après la saisine de la direction générale de la santé (DGS) d’avril 2017, puis qu’il s’était passé « neuf mois » entre la lettre de la DGS ordonnant la commande de 100 millions de masques en octobre 2018 et la commande effective, en juillet 2019.

Selon elle, la pénurie de masques est plus généralement le résultat d’une décennie de « défauts d’appréciation ». « Pourquoi la ministre que je suis ne sait pas ? Eh bien quand on arrive au pouvoir, on considère que les collègues ont travaillé », lance-t-elle. Le vice-président de la commission d’enquête, René-Paul Savary (LR, Marne), insiste : « Dans la chaîne, il y a quelqu’un qui n’a pas fait son travail ! »

« Nous avons dit ce que nous savions »

Plus tôt dans la journée, l’ancienne porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, a défendu devant la même commission la communication du gouvernement pendant la crise.

Un exécutif qui a « envoyé des signaux contradictoires ou flottants », ou semblé « s’adapter aux capacités [de masques et de tests, notamment] disponibles », a relevé M. Savary. L’ex-secrétaire d’Etat, qui avait à plusieurs reprises découragé les Français de porter un masque, s’est contentée de rappeler la position de l’Organisation mondiale de la santé qui, fin mars, n’établissait « pas de preuve de l’utilité du masque en population générale ».

Vantant la « transparence », Mme Ndiaye s’est défendue d’avoir eu une communication « autoritaire » et assuré qu’elle avait dit la « vérité » tout au long de la crise. Ce mot est revenu à plusieurs reprises dans la bouche des sénateurs, qui ont pointé les contradictions entre certaines déclarations des membres du gouvernement, notamment sur l’absence de pénurie des équipements de protection, et la réalité du terrain. « Dire la vérité sur ce qu’on sait ou pas en temps de crise est primordial, a insisté l’ex-secrétaire d’Etat, qui a quitté le gouvernement en juillet. C’est ce à quoi nous nous sommes attachésArticle réservé à nos abonnés Lire aussi  Coronavirus : l’impossible communication de crise d’Emmanuel Macron

– Etes-vous sûre ? a insisté le vice-président, en évoquant les masques.

– Bien sûr, a répondu Mme Ndiaye, nous avons dit ce que nous savions, et établi une doctrine d’emploi [avec une] priorité aux personnels des hôpitaux. A aucun moment on ne m’a demandé de mentir sur la situation des masques et à aucun moment je ne l’ai fait. »

Devant l’exaspération de certains sénateurs, qui lui ont reproché son absence d’« autocritique », l’ex-porte-parole a rappelé qu’elle avait fait 90 apparitions médiatiques en six mois et reconnu des « erreurs » et des « phrases maladroites, alambiquées ». Elle a concédé qu’« évidement, tout n’a pas été bien fait ». « A aucun moment vous ne pouvez avoir 20/20, ce n’est pas l’école, a-t-elle ironisé, il y a eu des choses moins bien réussies, et je l’ai reconnu. »

Sibeth Ndiaye laisse les sénateurs sur leur faim

Sur le fond, l’audition de Sibeth Ndiaye, qui ne s’est jamais laissé déstabiliser, a semblé laisser les sénateurs sur leur faim. « Mme Cohen capitule », a ainsi lancé René-Paul Savary, alors que la sénatrice communiste renonçait à poser une nouvelle question. « Il ne s’agit pas de capitulation mais de la limite de l’exercice, même sous serment », a soupiré l’élue du Val-de-Marne.

Interrogée ensuite par la sénatrice PS de Paris, Marie-Pierre de la Gontrie, sur des propos rapportés au début du quinquennat (« J’assume de mentir pour protéger le président »), Sibeth Ndiaye a dû s’expliquer une nouvelle fois devant les sénateurs, rappelant qu’elle avait en effet dissimulé aux journalistes une escapade de M. Macron pour une « partie de tennis privée ». « Ça n’a rien à voir avec une éventuelle décision de mentir sur des décisions que pourrait prendre le gouvernement », a-t-elle plaidé, assurant qu’au cours de la crise du coronavirus, elle avait « systématiquement relayé l’information » à sa disposition. « Les gens auraient voulu entendre qu’il n’y avait pas assez de masques pour la population et qu’il fallait les garder pour les soignants, ils auraient pu le comprendre », a insisté une sénatrice.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Commission d’enquête sur la gestion du Covid-19 : « Les défauts observés lors de la première vague perdurent »

« Aujourd’hui, je vois que le port du masque n’a plus aucun secret pour vous et je m’en réjouis », a glissé le sénateur (LR, Français de l’étranger) Damien Regnard, évoquant un propos polémique de la secrétaire d’Etat qui avait indiqué, le 20 mars sur BFM-TV, qu’elle ne savait pas utiliser un masque. « Je pourrais dire : je suis ministre, je mets un masque. Mais en fait, je ne sais pas l’utiliser », avait-elle déclaré. La boutade l’a fait sourire.

Plus tard, dans l’après-midi, réagissant à une autre boutade, lancée cette fois à Agnès Buzyn par Catherine Deroche – qui assurait que si l’exécutif aurait peut-être du mal à trouver le prochain DGS, il n’aura aucun mal à trouver un nouveau ministre de la santé – l’ex-titulaire du poste s’est mise à pleurer.

Auditionnée par le Sénat, Agnès Buzyn dénonce un « procès en incompétence »   

Par Louise Claereboudt le 24-09-2020 

https://www.egora.fr/actus-pro/politique/61227-auditionnee-par-le-senat-agnes-buzyn-denonce-un-proces-en-incompetence#xtor=EPR-3-1%5BNews_En_Bref%5D-20200924-%5B_1%5D

La commission d’enquête sur la gestion de la crise sanitaire Covid du Sénat a entendu Agnès Buzyn, ancienne ministre des Solidarités et de la Santé, ce mercredi 23 septembre. Cette dernière a assuré qu’elle n’avait pas minimisé l’ampleur de l’épidémie de coronavirus et a dénoncé un “procès en incompétence”. 

Comme devant les députés le 1er juillet dernier, c’est dans un climat de tension qu’a été entendu, ce mercredi, Agnès Buzyn, ancienne ministre des Solidarités et de la Santé, qui a quitté ses fonctions le 15 février dernier, soit un mois avant l’annonce du confinement général par le président de la République. Les questions ont, sans surprise, porté sur les prémisses de l’épidémie de coronavirus et la gestion des stocks de masques.

Alors que la France connaît une résurgence du nombre de cas, la médecin a dans un premier temps été interpellée sur le manque de réactivité de l’Etat. Agnès Buzyn a balayé toute critique visant la préparation de l’appareil gouvernemental, déplorant qu” « aujourd’hui tout le monde sait ou croit savoir ce qu’il fallait faire ». “Je ne peux pas laisser dire que nous n’avons rien préparé, a-t-elle déclaré. Nous n’avons pas cessé d’agir.” Macron prend la défense de Buzyn : « Elle avait tout de suite vu le risque »

Agnès Buzyn s’est défendue d’avoir “minimisé” l’ampleur de la pandémie mondiale. Elle a en effet rappelé avoir alerté le président de la République et le Premier ministre le 11 janvier, alors que la Chine déplore son premier décès.

Par la suite, elle a expliqué avoir “décidé de [s]’exprimer devant les Français tous les jours à partir du 21 janvier”, date à laquelle elle est avertie par le directeur général de la Santé du risque d’une transmission interhumaine. “Je ne connais aucun ministre européen qui se soit exprimé aussi tôt. Ça prouve mon degré de vigilance », a-t-elle martelé vigoureusement.

“Des propos tronqués”

“Quelles étaient les données scientifiques sur lesquelles vous vous êtes appuyée pour déclarer le 24 janvier que le risque d’importation du virus était pratiquement nul et son risque de propagation très faible”, s’est cependant interrogée la rapporteure LR de la commission d’enquête, Catherine Deroche.

Dénonçant “des propos tronqués”, Agnès Buzyn a souhaité mettre fin “très solennellement devant la représentation nationale, à cette forme de procès en incompétence qu’[elle] ressen[t]”, précisant que “la diffusion permanente de propos tronqués a grandement contribué aux menaces de mort” dont elle a fait l’objet sur les réseaux sociaux ces derniers mois.

Elle a ainsi repris l’intégralité de ses propos du 24 janvier : “Le risque d’importation depuis Wuhan est modéré Il est maintenant pratiquement nul car la ville est isolée. Les risques de cas secondaires autour d’un cas importé sont très faibles. Et les risques de propagation du coronavirus sont très faibles. Cela peut évidemment évoluer dans les prochains jours, s’il apparaissait que plus de villes sont concernées en Chine ou plus de pays.” 

L’ancienne ministre a également ajouté qu’elle avait exigé la première un conseil des ministres européens et a fait face au refus de 24 des 27 pays membres

.Chloroquine, Véran, « mascarade » des élections municipales… L’interview vérité d’Agnès Buzyn

Concernant les stocks des équipements de protection (masques, lits en réanimation, respirateurs), Agnès Buzyn n’a pas changé de version depuis son audition à l’Assemblée nationale. Se lançant dans une vaste chronologie de ses actions, elle a notamment assuré avoir lancé, dès le week-end du 25 janvier, une première commande d’un million de masques FFP2 pour compléter les stocks stratégiques d’Etat.

Elle s’est également défendue d’avoir été au fait de la péremption d’une importante partie du stock, puis elle a martelé de ne pas avoir “pris la décision de la destruction des masques jugés non conformes”, alors même que les stocks n’avaient pas encore été reconstitués.

Rappel:

Chloroquine, Véran, « mascarade » des élections municipales… L’interview vérité d’Agnès Buzyn   23 

Par A.M. le 28-05-2020 

https://www.egora.fr/actus-pro/personnalites/59408-chloroquine-veran-mascarade-des-elections-municipales-l-interview?nopaging=1

Plus de trois mois après la polémique déclenchée par ses propos sur le maintien du scrutin, Agnès Buzyn sort de son silence dans une longue interview accordée au Figaro.  

Le 17 mars dernier, au lendemain des résultats du premier tour des municipales qui la placent derrière Anne Hidalgo (PS) et Rachida Dati (LR), Agnès Buzyn, « effondrée », décroche son téléphone et accepte de se livrer à une journaliste du Monde « Depuis le début je ne pensais qu’à une seule chose : au coronavirus. On aurait dû tout arrêter, c’était une mascarade. » Des propos qui déclenchent une polémique sur la gestion de la crise par le Gouvernement. 

Aujourd’hui, l’ancienne ministre de la Santé, qui a décidé de maintenir sa candidature en vue du second tour, exprime ses regrets. « J’avais été trois ans ministre, j’avais mené une campagne tambour battant, j’étais sonnée comme tous les Français par l’annonce attendue d’un confinement. J’ai répondu à chaud », confie-t-elle au FigaroL’hématologue va jusqu’à s’excuser d’avoir qualifié le maintien du scrutin de « mascarade » : « Je m’excuse d’avoir utilisé ce mot. Je voyais que l’épidémie progressait, j’avais l’intime conviction que le second tour ne pourrait pas avoir lieu. Je voyais toutes les tractations commencer pour les fusions de listes et cela me semblait totalement déconnecté de la vie des Français et de ce que nous allions vivre. J’ai été choquée de ces tractations inappropriées, c’est pour cette raison que j’ai utilisé le terme de ‘mascarade’ », se justifie-t-elle. 

« Olivier Véran est un remarquable ministre  »

Agnès Buzyn explique avoir eu « l’intuition forte » dès janvier que l’épidémie gagnerait la France et que le scrutin ne serait pas maintenu, en tout cas le second tour. « La réalité a montré que je ne me suis pas trompée. On me reproche d’avoir eu…

les intuitions qui étaient les bonnes, de l’avoir dit peut-être trop tôt. Une semaine avant l’élection, les experts disaient encore que c’était une ‘grippette’ et que les politiques en faisaient trop. Mon intuition n’était pas du tout partagée par les scientifiques, en France ou à l’international. » L’épouse d’un médecin urgentiste mort du Covid-19 porte plainte contre Buzyn et Véran

La candidate LREM à la mairie de Paris juge « remarquable » la gestion de crise par le Gouvernement ainsi que l’action de son remplaçant au ministère, Olivier Veran, avec qui il lui arrive d’«  échanger ». « Je savais que je serais remplacée par Olivier Véran, qu’il serait immédiatement opérationnel. Je connais ses compétences. La gestion de la crise a montré qu’il est un remarquable ministre. »

Poursuivie en justice, comme plusieurs membres du Gouvernement, l’ancienne ministre se défend : « Parfois, on désigne un peu vite des responsables politiques comme des délinquants en sursis. Nous devons tirer des leçons de la crise : la commission d’enquête le permettra. Aujourd’hui, je sais que nous avons été extrêmement mobilisés, et probablement en avance sur un grand nombre de pays. »

Agnès Buzyn se prononce, enfin, sur la controverse autour de la chloroquine « Il est naturel d’espérer un médicament miracle quand on a peur. Je déplore le fait que ce débat ait dépassé la sphère scientifique. On n’évalue pas un médicament par une pétition. » Et de se ranger à l’avis des « grandes instances scientifiques »concernant ce médicament, « qui pourrait engendrer plus de complications que de bénéfices ». 

[avec LeFigaro.fr

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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