Après la Commission européenne, après le Conseil d’Etat, c’est au tour de la Cour des comptes de tancer la France pour les « résultats insuffisants » de ses politiques de lutte contre la pollution de l’air

Pollution de l’air : la Cour des comptes fustige les « résultats insuffisants » des politiques publiques

Le non-respect des normes européennes, au-delà des conséquences sanitaires, représente « des risques juridiques et financiers importants pour l’Etat », alertent les rapporteurs. 

Par Stéphane Mandard  Publié aujourd’hui à 01h17, mis à jour à 05h54

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Après la Commission européenne, après le Conseil d’Etat, c’est au tour de la Cour des comptes de tancer la France pour les « résultats insuffisants » de ses politiques de lutte contre la pollution de l’air. Dans un rapport publié mercredi 23 septembre, elle note que « les instruments réglementaires, budgétaires et fiscaux doivent être renforcés afin d’atténuer les risques sanitaires et environnementaux ».

Selon les modes de calcul, on estime que l’exposition aux particules fines et autre dioxyde d’azote (NO2) est responsable chaque année en France de 48 000 à 67 000 décès prématurés.Lire aussi  Pollution de l’air : l’Etat condamné à une astreinte de 10 millions d’euros par semestre pour son inaction

Si les émissions de polluants atmosphériques ont sensiblement diminué depuis le début des années 1990 et la mise en place des réglementations sectorielles (industrie, transport, agriculture, résidentiel), la réalisation des objectifs de réduction fixés par l’Union européenne (UE) à l’horizon 2030 est, elle, « très incertaine » pour trois des cinq polluants surveillés : les particules fines – les plus dangereuses car elles pénètrent profondément l’organisme –, les oxydes de soufre (d’origine industrielle) et l’ammoniac (il est issu principalement des épandages agricoles).

Une provision de 81 millions d’euros passée en 2019

Malgré la baisse tendancielle des émissions, les niveaux de polluants dans l’air demeurent « préoccupants » dans plusieurs zones du territoire : les concentrations en NO2 ou en particules fines dépassent les normes européennes dans une quinzaine de territoires et en particulier dans les grandes agglomérations. Une situation qui comporte « des risques juridiques et financiers importants pour l’Etat », alertent les rapporteurs.

En juillet, le Conseil d’Etat lui a infligé une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard dans l’exécution de la directive européenne sur la qualité de l’air. Déjà, en octobre 2019, c’est la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui avait condamné la France pour des dépassements systématiques et répétés des limites pour le dioxyde d’azote, gaz très toxique émis principalement par les véhicules diesels.Lire aussi  Pollution de l’air : la France condamnée par la justice européenne pour ne pas avoir protégé ses citoyens

Si la CJUE juge toujours insuffisantes les mesures prises par la France, elle pourrait prononcer une deuxième condamnation assortie cette fois d’une lourde amende. La Cour des comptes l’évalue à 100 millions d’euros la première année puis 90 millions d’euros par année de retard. A la lecture du rapport, on apprend d’ailleurs que le gouvernement a déjà budgété cette amende : une provision de 81 millions d’euros a été passée en 2019 au titre de ce contentieux. Il ne se fait guère d’illusion sur son issue.

Selon les projections du ministère de la transition écologique, pour au moins trois agglomérations (Paris, Lyon et Marseille), le retour dans les clous ne se fera pas avant 2025. Et d’ici-là, l’UE aura très certainement renforcé ses normes pour les aligner sur les valeurs limites (plus strictes) de l’Organisation mondiale de la santé.

Des prélèvements fiscaux sur les engrais azotés

Les plans nationaux de réduction des émissions de polluants atmosphérique « manquent d’ambition et de portage politique », estime la Cour des comptes qui relève que leur mise en œuvre est « très partielle », s’agissant notamment de la fiscalité sur les carburants ou les pratiques agricoles. « Les instruments réglementaires, budgétaires et fiscaux doivent être plus efficacement employés », selon les rapporteurs.

Les moyens budgétaires alloués à la lutte contre la pollution de l’air (392 millions d’euros en 2018) restent « modestes » au regard des dépenses fiscales à l’effet négatif sur la qualité de l’air (comme les taux réduits de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) dont le montant a dépassé 5 milliards d’euros en 2018.

La mise en œuvre du principe « pollueur-payeur » est également « loin d’être une réalité », relève l’institution qui déplore que le rééquilibrage de la fiscalité entre le gazole et l’essence ait été suspendu fin 2018.

Au total, la Cour des comptes formule une douzaine de recommandations. Intégrer dans le malus automobile des paramètres liés aux émissions de polluants atmosphérique dont le poids du véhicule ou renforcer les contrôles sur les installations industrielles classées.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Le gouvernement envisage une nouvelle taxe sur les voitures, cette fois en fonction du poids

Le rapport met particulièrement l’accent sur l’agriculture où « des mesures plus contraignantes doivent être mises en œuvre rapidement ». Il préconise ainsi « des prélèvements fiscaux sur les engrais azotés » à partir de 2025 afin de réduire les émissions d’ammoniac et l’interdiction les techniques d’épandage les plus émissives. La Cour des comptes propose aussi d’intégrer la qualité de l’air dans les critères de conditionnalité des aides de la politique agricole commune ou encore de prévoir, dès 2021, le financement d’un dispositif de surveillance pérenne des pesticides dans l’air.

Stéphane Mandard

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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