« Un décret du 3 septembre permet-il de licencier les fonctionnaires hospitaliers ? »

Libération observe qu’« un décret relatif aux «mesures d’accompagnement en cas de suppression d’emploi dans la fonction publique hospitalière» a été publié au «Journal officiel» début septembre, provoquant l’indignation de certains syndicats, politiques et internautes », qui « se sont émus de la publication [de ce texte] qui ouvrirait la voie au licenciement des fonctionnaires hospitaliers ».
Le journal explique que « le décret en question, daté du 3 septembre, porte sur les «mesures d’accompagnement en cas de suppression d’emploi dans la fonction publique hospitalière». Il détaille des dispositifs d’accompagnement prévus pour les fonctionnaires dont l’emploi a été supprimé. Pour rappel, les fonctionnaires sont titulaires de leur grade et non de leur emploi. Ce dernier peut donc être supprimé, dans le cadre d’une restructuration par exemple ».
Libération poursuit : « Le décret détaille la mise en œuvre d’un suivi personnalisé pour définir le projet professionnel de l’agent, mais aussi des modalités d’accès prioritaire à la formation et au recrutement dans un établissement où un emploi est vacant (dans le même département, à défaut, la même région, selon la loi). Le fonctionnaire peut aussi être mis à disposition pour aller travailler dans le privé, à sa demande. En attendant de trouver un nouvel emploi, il conserve son traitement ».
Le quotidien remarque que « Bruno Ricque, responsable CGT, […] y voit la concrétisation d’un «projet vieux de 34 ans», car le décret vient préciser les modalités d’application de l’article 93 de la loi de 1986, texte fondateur de la fonction publique hospitalière. Jusqu’ici, cet article n’avait jamais pu être mis en œuvre faute de publication du décret ».
La sénatrice PC du Val-de-Marne Laurence Cohen observe : « La loi prévoyait que l’Etat fasse alors au fonctionnaire trois propositions de reclassement, et qu’en cas de refus, celui-ci puisse être licencié ou mis en disponibilité. Pendant plus de 30 ans, malgré plusieurs tentatives, les décrets d’application n’ont jamais été publiés, grâce à la mobilisation des organisations syndicales qui s’élevaient contre cette mesure allant à l’encontre de la garantie de l’emploi ».
Libération note qu’« à l’époque, le gouvernement de Laurent Fabius avait prévu la possibilité de licencier des fonctionnaires hospitaliers dont l’emploi était supprimé. On la retrouvait ainsi formulée dans la loi, à l’article 93 : «Le fonctionnaire reçoit de son établissement d’origine sa rémunération principale. Cette prise en charge cesse lorsque le fonctionnaire a reçu une nouvelle affectation ou a refusé le troisième poste proposé et, en tout état de cause, six mois après la suppression d’emploi. Le fonctionnaire est alors licencié.» ».
Le journal relève que « cette disposition du texte a été dès le départ fortement critiquée par certains syndicats repoussant sans cesse l’échéance. […] La CGT, tout comme Force ouvrière, est fermement opposée à la publication du décret, perçu comme une attaque au statut protecteur de fonctionnaire ».
Le quotidien explique que « côté CFDT, si on ne défend pas le texte de loi, le syndicat a toujours été favorable à la publication du décret, au nom de la protection des agents. […] En 2016, la section départementale des Hauts-de-Seine a déposé un recours auprès du Conseil d’Etat pour enjoindre le gouvernement à publier le décret. […] D’après l’avocate et docteur en droit public, Angélique Eyrignoux, la non-parution du décret portait effectivement préjudice aux agents ».
Elle déclarait en 2018 : « Le licenciement économique dans la fonction publique hospitalière est possible avec les textes en vigueur, sans véritable mesure de protection pour les agents. Le Conseil d’Etat a en effet, dès 1993, validé d’anciennes dispositions du code de la santé publique permettant le licenciement d’agents hospitaliers par mesure d’économie. Avec cette forme de licenciement économique, l’agent ne peut néanmoins se prévaloir ni d’un minimum de proposition de reclassement ni d’une priorité géographique ».
Libération indique que « la spécialiste a souligné les nouvelles garanties mises en places par le décret d’application. «Dans la fonction publique hospitalière, l’agent est employé par son établissement. Il n’existait pas de droit à la priorité pour être recruté ailleurs avant ce décret», explique-t-elle par exemple ».
« Surtout, le décret n’applique pas l’article 93 tel qu’il a été écrit en 1986, mais une version modifiée par la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, où la disposition prévoyant le licenciement au bout de trois refus a été supprimée », poursuit le quotidien. Angélique Eyrignoux déclare ainsi que « les textes sont plus protecteurs car le terme de licenciement ne figure plus ».
Bruno Ricque réagit toutefois : « C’est peut-être une rédaction plus soft, mais le décret permet une « mutation d’office » ». Angélique Eyrignoux remarque quant à elle que « si l’agent ne veut pas de l’offre, il y a mesure d’accompagnement, il peut y avoir démission, mais ce n’est pas le sens de la loi ».
De son côté, le ministère de la Santé « déplore qu’un dispositif plus protecteur pour les agents hospitaliers fasse l’objet d’un détournement et de contre-vérités. […] Le décret du 3 septembre 2020 applique certaines dispositions de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019. Parmi ses objectifs : mettre fin à la possibilité de licencier un fonctionnaire hospitalier lorsque son emploi est supprimé ».Date de publication : 24 septembre 2020