Les analyses pour les tests très onéreuses en France, deux fois plus qu’en Allemagne ou en Espagne ! – Faire du volume au lieu d’ une bonne stratégie, cherchez l’erreur !

Coronavirus : la note très salée des tests RT-PCR

Le remboursement des tests RT-PCR creuse massivement le déficit de la Sécurité sociale. En cause, la stratégie de dépistage systématique et la tarification de l’acte, qui prend en compte les investissements réalisés par les laboratoires. 

Par Thomas WiederSandrine Morel et Chloé Aeberhardt  Publié aujourd’hui à 04h00, mis à jour à 09h33

https://www.lemonde.fr/sante/article/2020/09/19/en-ile-de-france-20-des-lits-en-reanimation-sont-occupes-par-des-malades-du-covid-19_6052848_1651302.html

Un test de dépistage du Covid-19 est effectué sur un jeune homme, au CHU de Rennes, le 7 septembre.
Un test de dépistage du Covid-19 est effectué sur un jeune homme, au CHU de Rennes, le 7 septembre. DAMIEN MEYER / AFP

Les tests RT-PCR de dépistage du Covid-19 coûtent-ils trop cher à la Sécurité sociale ? Sur la seule semaine du 7 septembre, 1,2 million de tests ont été effectués en France. A raison de 73,59 euros par test remboursés aux laboratoires de biologie, la facture s’élève à plus de 88 millions d’euros par semaine pour l’Assurance-maladie. Une contribution massive au déficit de la « Sécu », qu’une synthèse de la commission des comptes révélée en juin évaluait, pour cette année, à la somme record de 52 milliards d’euros, dont 31 milliards pour la branche maladie…

« 73,59 euros le test, c’est le prix de la gratuité et de l’accessibilité pour tous », estime l’économiste spécialiste des systèmes de santé Carine Milcent. Depuis mi-juillet, les tests RT-PCR sont ouverts à tous, avec ou sans ordonnance, et les files d’attente s’allongent devant les laboratoires à mesure que l’épidémie regagne du terrain. Lors de sa conférence de presse du 17 septembre, le ministre de la santé, Olivier Véran, a bien amorcé un rétropédalage, défendant « une doctrine de priorisation des tests avec une liste de personnes prioritaires » (celles munies d’ordonnance, symptomatiques, ainsi que les soignants, les aides à domicile et les cas contacts).

Il n’empêche que, dans les faits, n’importe qui peut aller se faire tester quand il veut, sans dépenser un centime. En conséquence, les laboratoires sont engorgés, et les délais d’attente allongés au point de remettre en cause l’efficacité même des tests. « Le gouvernement fait du volume au détriment de la pertinence médicale, regrette le président du Syndicat national des jeunes biologistes médicaux, Lionel Barrand. Nous sommes en faveur d’une politique ciblée. »Lire aussi  Covid-19 : que sont les tests antigéniques, déployés cette semaine en Ile-de-France ?

Cibler

Cibler, c’est la stratégie choisie par l’Allemagne ou l’Espagne, où il faut remplir certains critères, comme la présence de symptômes ou le contact avec une personne infectée, pour pouvoir se faire tester gratuitement. Les asymptomatiques doivent payer de leur poche, à des prix souvent dissuasifs – environ 100 euros en Allemagne, entre 130 et 240 euros en Espagne. Résultat, les Espagnols sont deux fois moins nombreux à se faire tester que les Français.

« Les autorités sanitaires ont deux options, analyse Mme Milcent. Soit elles ne s’adressent qu’aux acteurs publics, et ont toute latitude pour fixer les prix. » C’est le cas en Espagne, où les malades et cas contacts se font tester dans des établissements publics, où l’acte est tarifé une quarantaine d’euros, en fonction des régions. « L’inconvénient de cette stratégie, c’est qu’elle ne garantit pas un bon accès au soin, car ces établissements sont moins nombreux que les laboratoires et ne sont pas équitablement distribués sur le territoire. » « L’autre option consiste à faire appel aux acteurs privés, ce qui permet de toucher l’ensemble de la population avec une grande proximité de l’offre. Mais dans ce cas-là, les autorités ne peuvent pas avoir le contrôle à 100 % sur les prix. »

En France, l’Assurance-maladie fixe les tarifs des actes avec les laboratoires lors d’une commission dédiée. « Mais il peut arriver, précise-t-on à l’Assurance-maladie, que pour des raisons de santé publique, ce soit le ministre qui publie directement un arrêté sans passer par la commission. » Ce qui a été le cas pour le test RT-PCR.

« Nous avons pu négocier différents postes de dépense inclus dans l’enveloppe globale de 73,59 euros, comme le tarif du prélèvement à 9,60 euros, précise Lionel Barrand. Mais le poste consacré à l’analyse, évalué à 54 euros, a été inscrit dans la nomenclature du jour au lendemain. » Ces 54 euros couvrent le travail du technicien et du biologiste, ainsi que l’équipement et le réactif achetés par les laboratoires. « Ce montant a été déterminé par analogie avec l’acte de détection de l’ARN du virus Zika [test et technique comparables], et afin que les laboratoires développent rapidement ces tests à un moment où ils n’étaient pas pratiqués en dehors des centres hospitaliers spécialisés », explique la direction de la sécurité sociale.

Le forfait est-il surévalué ?

En Allemagne, chaque test est remboursé 50,50 euros par l’Assurance-maladie, un forfait qui couvre le test lui-même, les frais du laboratoire, le matériel d’expédition et les frais de transport. Le forfait français de 73,59 euros serait-il surévalué ? « Non, il est juste, estime François Blanchecotte, président du Syndicat national des biologistes. L’Allemagne avait déjà des plates-formes de biologie moléculaire, pas nous. Nous avons dû investir dans l’achat de machines dédiées, qui coûtent entre 50 000 et 200 000 euros pièce, et dont nous ne nous resservirons peut-être jamais une fois l’épidémie terminée. »

Le laboratoire, en Indre-et-Loire, où travaille M. Blanchecotte, a investi 2,5 millions d’euros et embauché trente-deux personnes pour répondre à la demande. « Cette rumeur selon laquelle le Covid serait la poule aux œufs d’or pour les laboratoires me laisse dubitatif. » Même sentiment du côté du Syndicat des jeunes biologistes : « On commence à amortir nos machines, mais la majorité des labos ne fait pas encore de marge importante », assure Lionel Barrand, qui rappelle que les tests RT-PCR sont très coûteux en réactif et en ressources humaines car ils nécessitent beaucoup de manipulations.

Les laboratoires qui s’en sortiront le mieux seront sans doute les plus gros, qui passent des commandes importantes et réalisent des tests en série, sur des machines à forte capacité. « Le système est en train de péter, s’alarme M. Barrand. Effectuer moins de tests et délivrer des résultats plus rapidement serait la meilleure chose à faire du point de vue médical, comme du point de vue de la dépense publique. » Les tests salivaires, dont la Haute Autorité de santé a validé, vendredi 18 septembre, l’utilisation, seront, eux, ciblés pour les personnes symptomatiques, et remboursés sur la même base tarifaire que les tests naso-pharyngés. Lire aussi  Covid-19 : la Haute Autorité de santé valide l’utilisation des tests salivaires en cas de symptômes

Thomas Wieder(Berlin, correspondant),  Sandrine Morel(Madrid, correspondante) et  Chloé Aeberhardt

Commentaire Dr Jean SCHEFFER:

Le gouvernement fédéral en Allemagne a fait pression sur les laboratoires d’analyse et obtenu une réduction de 50% soit la moitié du coût en france. Olivier Véran questionné sur la 2 hier n’a pas répondu ! Il semble que le forfait pour le travail du technitien proposé par la CNAM de 54€ soit trop généreux.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

Laisser un commentaire